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Décisions

Cass. com., 26 janvier 2022, n° 20-16.782

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Locam (SAS)

Défendeur :

Green Day (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Bellino

Avocat :

SCP Claire Leduc et Solange Vigand

T. com. Saint-Etienne, du 23 oct. 2018

23 octobre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 février 2020), la société Green Day, exerçant une activité de restauration et de sandwicherie, a conclu le 25 septembre 2017, pour les besoins de son activité, un contrat de location financière avec la société Locam, portant sur du matériel fourni par une société tierce, moyennant soixante loyers mensuels.

2. Après une mise en demeure du 16 juillet 2018 visant la clause résolutoire, la société Locam a assigné la société Green Day en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Locam fait grief à l'arrêt de dire que l'article 12 des conditions générales du contrat est réputé non écrit et, en conséquence, de dire que le contrat de location n'a pas été résilié et se poursuit jusqu'à son terme, de condamner la société Green Day à lui verser la seule somme de 4 284 euros TTC au titre des échéances échues impayées, majorée des intérêts au taux légal et de rejeter le surplus de ses demandes en paiement, alors « que si dans un contrat d'adhésion, toute clause qui créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite, cette disposition générale, introduite dans le droit commun par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ne peut trouver à s'appliquer que dans les matières où la prohibition des clauses génératrices d'un tel déséquilibre n'est pas déjà assurée et régie par des textes spéciaux ; qu'elle est donc inapplicable, en l'état des dispositions de l'article L 442-1, I, 2°, du code de commerce, aux contrats conclus entre commerçants ; qu'en la jugeant néanmoins applicable au contrat de location financière conclu entre les sociétés commerciales Locam et Green day, la cour d'appel a violé l'article 1171 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

5. Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l'intention du législateur était que l'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation.

6. L'article 1171 du code civil, interprété à la lumière de ces travaux, s'applique donc aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, lorsqu'ils ne relèvent pas de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, applicable en la cause, tels que les contrats de location financière conclus par les établissements de crédit et sociétés de financement, lesquels, pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du code monétaire au financier, ne sont pas soumis aux textes du code de commerce relatifs aux pratiques restrictives de concurrence (Com. 15 janv. 2020, n° 18-10.512).

7. Le moyen, pris en sa première branche, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La société Locam fait le même grief à l'arrêt, alors « que si, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite, un tel déséquilibre ne saurait s'inférer de la seule absence de réciprocité d'une clause résolutoire de plein droit, dès lors que son unilatéralité s'explique par l'objet même du contrat et la nature des obligations dont sont respectivement tenues les parties ; qu'en matière de location financière, et eu égard au caractère purement financier de son intervention, le loueur exécute instantanément l'intégralité des obligations mises à sa charge, en réglant immédiatement au fournisseur le prix des biens commandés par le locataire et en les mettant à la disposition de ce dernier, si bien que seul le locataire reste ensuite tenu, jusqu'au terme du contrat, d'obligations susceptibles d'être sanctionnées par une clause résolutoire ; qu'en prétendant néanmoins, s'agissant de la clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement des loyers inscrite à l'article 12.a des conditions générales du contrat de location financière, déduire un déséquilibre significatif de son seul défaut de réciprocité, la cour d'appel a violé l'article 1171 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

9. Aux termes de ce texte, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ; l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

10. Pour dire que l'article 12 des conditions générales du contrat est réputé non écrit, l'arrêt retient que la clause réserve à la seule société Locam la faculté de se prévaloir d'une résiliation de plein droit qu'aucune autre stipulation n'ouvre à la société Green Day.

11. En statuant ainsi, alors que le défaut de réciprocité de la clause résolutoire de plein droit pour inexécution du contrat prévue à l'article 12, a) des conditions générales se justifie par la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

12. La société Locam fait le même grief à l'arrêt, alors « que, dans le cas même où un déséquilibre significatif est caractérisé, seules sont réputées non écrites les clauses génératrices de ce déséquilibre et celles qui leur seraient, le cas échéant, indivisiblement liées, toutes les autres clauses demeurant intactes et pleinement efficaces ; que l'article 12 des conditions générales du contrat de location financière litigieux, tel qu'il est intégralement reproduit dans l'arrêt, se décompose en deux séries distinctes de clauses, l'article 12.a ne comprenant que de très classiques clauses résolutoires de plein droit destinées à sanctionner l'inexécution par le locataire de ses obligations, particulièrement celle de payer les loyers, cependant que sont réunies, sous l'article 12.b, diverses conditions résolutoires, dont l'application éventuelle est commandée, comme l'a relevé la cour d'appel, par des évènements extrinsèques à l'exécution même du contrat location en cause, comme ayant trait, notamment, à la vie sociale de la société locataire ou à l'exécution d'autres contrats ; que dès lors, à défaut de toute indivisibilité constatée entre ces deux séries de clauses, qui étaient distinctes tant par leur objet que par leur nature juridique, la cour d'appel ne pouvait retrancher de façon indifférenciée du contrat de location financière l'intégralité des stipulations figurant à l'article 12 de ses conditions générales, motifs pris d'un déséquilibre significatif qui s'inférerait des conditions résolutoires prévues à l'article 12.b, quand seule était ici mise en oeuvre la clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement des loyers prévue à l'article 12.a, ce en quoi elle a de nouveau violé l'article 1171 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

13. Pour dire que l'article 12 des conditions générales du contrat est réputé non écrit, l'arrêt retient encore que la clause permet à la société Locam, spécialement dans son paragraphe b), de résilier le contrat de plein droit pour des causes qui ne correspondent pas à des hypothèses de manquements contractuels de la société locataire, qu'elle autorise le bailleur à résilier de plein droit le contrat dans des hypothèses qui affectent la vie sociale de la société locataire cependant que celle-ci en tant que personne morale reste tenue de ses engagements financiers à l'égard de la société Locam et qu'elle permet également à celle-ci de résilier le contrat si le locataire a manqué à ses engagements envers d'autres sociétés du groupe Cofam, sans nécessité de vérifier que le locataire a manqué à ses obligations dans le contrat litigieux, quand ces possibilités ne sont pas laissées à la société Green Day.

14. En statuant ainsi, par des motifs pris du déséquilibre créé par la clause prévue à l'article 12, b) des conditions générales, pour réputer non écrite la clause résolutoire de plein droit pour inexécution du contrat par le locataire prévue à l'article 12, a), la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande en annulation de l'assignation introductive et du jugement, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.