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Décisions

Cass. com., 6 mai 1991, n° 89-15.125

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defontaine

Rapporteur :

M. Bézard

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

M. Choucroy, SCP Riché et Thomas-Raquin

Versailles, du 2 févr. 1989

2 février 1989

Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches :

Attendu que, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 2 février 1989), les sociétés pour l'équipement de véhicules (SEV), Equipements électriques moteurs, Ducellier, Valéo et Valéo distribution, invoquant diverses marques, ont demandé la condamnation de la société Cipelle pour suppression de signes distinctifs, usage irrégulier de marques et contrefaçon de marques ;

Attendu que la société Cipelle fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande en ses deux premiers objets, alors que, selon le pourvoi, d'une part, l'article 1er de la loi du 24 juin 1928 subordonne son application à la constatation de l'intention frauduleuse ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué ne pouvait, sans violer ce texte, en faire application, sans constater l'intention frauduleuse ; alors, d'autre part, que la faute suppose la violation d'une règle ou norme obligatoire ; que le déconditionnement d'un produit acheté par une entreprise à un grossiste pour le revendre adapté à un autre, sous un emballage nouveau, tandis qu'il n'est constaté ni suppression de l'identification de la marque, ni usage illicite de celle-ci, ni confusion possible, ne constitue que l'usage normal par l'acquéreur de son droit sur l'objet acquis et ne caractérise pas une faute ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, en outre, qu'une sanction ou condamnation ne peut être prononcée sans que soit constatée l'existence d'un préjudice résultant d'une atteinte à un intérêt légitime ; que l'arrêt attaqué, qui se borne à déclarer que les associations de l'objet vendu et d'un objet complémentaire " peuvent être contraires aux voeux et aux intérêts de celui qui a mis en vente le produit initial ", sans préciser ni quels seraient les intérêts lésés, ni en quoi ils seraient effectivement lésés, et confirme l'expertise ordonnée pour rechercher quelles seraient les conséquences préjudiciables du comportement jugé irrégulier sur l'activité économique des demanderesses, n'a pas caractérisé l'existence d'une telle atteinte et a encore entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, que la Cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, déduire la violation délibérée, et par conséquent volontaire, du code de bonne conduite en certaines hypothèses de la seule constatation que, dans d'autres hypothèses, cette règle avait parfaitement été observée et que la formule " pour " était perceptible sur certains emballages ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué a violé les articles 455 du nouveau Code de procédure civile et 422-2° du Code pénal ;

Mais attendu, en premier lieu, que la loi du 24 juin 1928 sanctionne toute personne qui aurait frauduleusement supprimé, masqué, altéré ou modifié de façon quelconque les noms, signatures, monogrammes, lettres, chiffres, numéros de série, emblèmes, signes de toute nature apposés sur les marchandises et servant à les identifier ; que l'arrêt ayant retenu que la société Cipelle faisait couramment disparaître le " blister " pour le remplacer par un conditionnement nouveau et une présentation personnalisée dans le but évident de le commercialiser sous cette forme particulière, d'où il en découlait une suppression inévitable d'emblème et une modification de sigle, il en résulte que la société Cipelle a procédé volontairement à la suppression, à l'altération et à la modification des signes d'identification des matériels ; que, par ce motif de pur droit, substitué à celui de la cour d'appel, la décision déférée se trouve justifiée du chef critiqué par la première branche du premier moyen ;

Attendu, en second lieu, que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a retenu que, pour certains produits, la reproduction de la marque sans la moindre précision laissait subsister une confusion sur leur origine, et qu'en conséquence, la société Cipelle ne pouvait bénéficier de l'exception prévue par l'article 27 de la loi du 31 décembre 1964 en faveur des fabricants d'accessoires ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'un comportement fautif de la société Cipelle, a caractérisé l'atteinte portée aux intérêts légitimes des sociétés demanderesses en retenant que cette société avait désolidarisé le produit de sa présentation conçue pour valoriser la marque vis-à-vis du client et qu'elle avait ainsi fait un usage irrégulier de cette marque ;

Que les moyens ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi