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Décisions

Cass. com., 26 avril 2017, n° 15-29.396

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

Me Bertrand, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Paris, du 30 oct. 2015

30 octobre 2015

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 octobre 2015), que M. [P] ayant demandé paiement d'une rémunération supplémentaire au titre de diverses inventions de mission réalisées au temps où il était salarié de la société Alstom transport (la société Alstom), celle-ci a contesté en justice l'avis rendu par la Commission nationale des inventions de salariés (la CNIS), que M. [P] avait saisie le 28 mars 2012 ;

Attendu que M. [P] fait grief à l'arrêt de dire irrecevable, comme prescrite, son action, au titre de l'invention ayant fait l'objet du brevet FR 2 788 739 alors, selon le moyen :

1°) qu'il résulte de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle que, en l'absence de toute stipulation dans les conventions collectives, les accords d'entreprise et le contrat de travail, relative aux conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une invention de mission, bénéficie d'une rémunération supplémentaire, le salarié doit bénéficier d'une telle rémunération dont il appartient à la CNIS ou aux tribunaux de fixer le montant sans que puisse lui être opposée la prescription ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite l'action de M. [P] en paiement de la rémunération supplémentaire qui lui était due par la société Alstom sans constater que, en l'absence de stipulations dans la convention collective ou un accord d'entreprise, cette société avait prévu dans le contrat de travail les conditions dans lesquelles M. [P] pouvait faire valoir son droit, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que la prescription de cinq ans à laquelle est soumise l'action en paiement de la rémunération supplémentaire due à l'inventeur salarié a pour point de départ la date à laquelle celui-ci a disposé des éléments nécessaires au calcul de sa rémunération ; que M. [P] ayant saisi le 28 mars 2012 la CNIS de sa demande de rémunération supplémentaire au titre du brevet FR 2 788 739 déposé le 27 janvier 1999 et délivré le 2 mars 2001, la cour d'appel ne pouvait se fonder, pour déclarer l'action prescrite, ni sur des mémorandums des 1er septembre, 3 novembre et 14 décembre 1998, antérieurs à la date de dépôt du brevet, ni sur un "mail en date du 23 avril 2007" que M. [P] aurait adressé au directeur de la propriété intellectuelle de la société Alstom, ni enfin sur une "information sollicitée en 2009 auprès du chef de projet du marché pour les TER", tous éléments se situant en dehors de la seule période pertinente, allant de la date de dépôt du brevet jusqu'au mois de mars 2007, sans statuer par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des articles 2277 ancien du code civil et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) que la prescription de cinq ans à laquelle est soumise l'action en paiement de la rémunération supplémentaire due à l'inventeur salarié a pour point de départ la date à laquelle celui-ci a disposé des éléments nécessaires au calcul de sa rémunération ; que pour décider que M. [P] disposait de tels éléments antérieurement au mois de mars 2007, la cour d'appel a retenu qu'il avait joué un rôle dans la définition des offres portant sur les rames de train dans lesquelles était compris l'objet de l'invention brevetée, qu'il avait été rendu destinataire du compte rendu de négociations commerciales avec le Maroc et la Hongrie, que la société Alstom avait publié dans un "point d'information presse" et dans un article du magazine "La Vie du Rail", des informations sur un contrat conclu avec la SNCF en ce qui concerne le nombre de rames et le prix des commandes et qu'il avait reçu deux primes exceptionnelles au titre de ce même brevet, ce qui démontrait qu'il connaissait l'utilisation de son invention ; qu'en statuant par de tels motifs, d'où il résultait uniquement que M. [P] avait connaissance de l'exploitation de son invention et qu'il pouvait former certaines conjectures sur sa valeur, mais qui étaient impropres à caractériser qu'il disposait, dès avant le mois de mars 2007, des éléments nécessaires au calcul de sa rémunération supplémentaire, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'il avait notamment connaissance de la méthode de calcul de sa rémunération supplémentaire et du chiffre d'affaires total, tous marchés confondus, retiré par la société Alstom de l'exploitation de l'invention, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 2277 ancien du code civil et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) que la prescription de cinq ans à laquelle est soumise l'action en paiement de la rémunération supplémentaire due à l'inventeur salarié a pour point de départ la date à laquelle celui-ci a disposé des éléments nécessaires au calcul de sa rémunération ; que pour décider que M. [P] disposait de tels éléments antérieurement au mois de mars 2007, la cour d'appel a retenu qu'il avait perçu le 14 juin 2000 une prime exceptionnelle pour le brevet 9900885 "Rame ferroviaire modulaire et convoi ferroviaire formé de telles rames" de 3 300 francs et le 16 avril 2003 une seconde prime de 1 507,50 euros au même titre et pour le même brevet, ce qui démontrait en tant que de besoin qu'il connaissait l'utilité de son invention ; qu'en statuant par de tels motifs fondés sur l'application de l'instruction technique n° 8 de la société Gecalsthom du 28 mai 1991 qui est un document unilatéral interne de l'employeur prévoyant le versement de ces deux primes, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que ces instructions, qui ne pouvaient valoir accord d'entreprise, étaient opposables à M. [P] faute de lui avoir été communiquées, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 2277 ancien du code civil et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

5°) qu'il appartient à l'employeur de prévoir dans le contrat individuel de travail les conditions dans lesquelles le salarié auteur de l'invention bénéficie d'une invention supplémentaire, et en tout cas, de lui faire connaître les éléments propres à lui permettre de calculer le montant de cette rémunération, faute de quoi la prescription ne peut trouver application ; que la cour d'appel, qui a énoncé que, hormis une confirmation d'une information sollicitée en 2009 auprès du chef de projet d'un marché, M. [P] n'avait jamais sollicité d'informations complémentaires sur l'exploitation du brevet concerné, a violé les articles 2277 ancien du code civil et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

6°) que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi soit de la convention ou de la force majeure ; que la cour d'appel a déclaré irrecevable l'action de M. [P] en retenant que celui-ci "n'a jamais sollicité d'informations complémentaires sur l'exploitation du brevet concerné" ; que M. [P] n'ayant quitté la société Alstom qu'en 2010 pour prendre sa retraite et cette société ne respectant toujours pas à cette date les dispositions de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel, qui n'a pas pris en compte le lien de subordination inhérent au contrat de travail empêchant dans les circonstances de l'espèce M. [P] de solliciter des éléments sur l'exploitation du brevet ou d'engager une action avant son départ de la société en raison du risque important de représailles à son encontre, M. [P] étant nécessairement conduit à faire valoir, dans le cadre de cette action, que la société Alstom ne respectait pas les dispositions d'ordre public de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, a privé sa décision de toute base légale au regard de ce texte et de l'article 2277 ancien du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que le moyen tiré du point de départ du délai de la prescription, qui n'a pas été invoqué devant les juges du fond, est nouveau et mélangé de fait ;

Attendu, en deuxième lieu, que les deuxième et cinquième branches du moyen s'attaquent à des motifs surabondants ;

Attendu, en troisième lieu, que le grief ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond quant à la suffisance des éléments dont M. [P] avait connaissance avant le mois de mars 2007 ;

Attendu, en quatrième lieu, que le moyen ne saurait faire grief à la cour d'appel, qui s'est bornée à constater les paiements dont elle fait état, de faire une application normative d'un document auquel elle ne s'est pas référée ;

Et attendu, enfin, que le grief pris d'une suspension de la prescription, est nouveau, et mélangé de fait, en ce qu'il implique l'examen des éléments propres à justifier d'une crainte de représailles en cas de réclamation du salarié au temps de son emploi ;

D'où il suit qu'irrecevable en ses première et sixième branches, et inopérant en ses deuxième et cinquième branches, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.