Cass. com., 9 juillet 2013, n° 12-22.157
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Mandel
Avocat général :
M. Carre-Pierrat
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Hémery et Thomas-Raquin
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mai 2012), qu'il a été définitivement jugé que MM. X... et Y... étaient les coauteurs de l'invention ayant donné lieu au dépôt d'une demande de brevet français n° 91 14 590 ainsi qu'au dépôt de demandes de brevet européen et canadien ; que la société Sollac, aux droits de laquelle vient la société Arcelor Mittal France (la société), a exercé son droit d'attribution de cette invention qualifiée d'invention hors mission attribuable ; qu'une expertise a été ordonnée et que M. X... a sollicité la paiement d'une certaine somme au titre du juste prix ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 320 000 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 1 er avril 1993, alors, selon le moyen :
1°) que le juste prix est calculé en fonction des apports initiaux du salarié inventeur et de l'employeur, et en fonction de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention ; qu'en l'espèce, M. X... s'est vu reconnaître la qualité d'inventeur « de l'invention ayant donné lieu, le 29 novembre 1991, au dépôt d'une demande de brevet, enregistrée sous le numéro 9114590 (¿), au dépôt d'une demande de brevet européen (n° 0545766) en date du 20 novembre 1992 ainsi qu'à une demande de brevet canadien (n° 2083800), le 25 novembre 1992) ; que tel que le soulignait l'exposante, l'expert avait établi que la demande de brevet n° 9114590 mentionnant un taux de minerai de fer de 0 à 15 % devait se lire comme couvrant un mélange comprenant jusqu'à 15 % de ces substances sans qu'elles puissent être absentes, le texte des extensions étrangères ayant été précisés en ce sens, car un mélange ne comprenant pas ces éléments était connu et protégé antérieurement, et ne pouvait en conséquence être regardé comme une invention de M. X... devant donner lieu à l'attribution d'un juste prix ; qu'en jugeant cependant que l'invention devant faire l'objet du paiement d'un juste prix s'entendait d'un mélange ne comprenant pas nécessairement du minerai de fers et des scories, sans s'expliquer sur l'objet des demandes de brevet litigieuses au regard de ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) que le juste prix est calculé en fonction des apports initiaux du salarié inventeur et de l'employeur, et de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention ; qu'à ce titre, il convient de prendre en compte la brevetabilité des éléments apportés par le salarié ; qu'en l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que la validité du brevet mentionnant M. X... comme co-inventeur « est nécessairement liée à l'introduction de minerai de fer et de scories dans un mélange comprenant boues grasses, de la chaux et un liant » quand « l'apport de M. X... au regard de ce brevet est limité à la définition d'un mélange qui ne comprendrait que des boues grasses, de la chaux et un liant, mélange par ailleurs connu » , un tel mélange étant antérieurement protégé notamment par un brevet japonais JP A-54 006 214 ; que dès lors, tel que le soulignait l'exposante en cause d'appel , si le brevet français et les extensions à l'étranger n'avaient porté que sur « l'idée inventive » de M. X..., il est établi que les brevets n'auraient jamais été délivrés ; qu'en omettant de prendre en compte cette circonstance pour déterminer le montant du juste prix et retenir que l'apport initial de M. X... était important, au contraire de celui, selon elle limité, de la société Sollac, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;
3°) que le juste prix est évalué au jour où l'employeur exerce son droit d'attribution ; qu'en l'espèce, l'exposante a exercé son droit d'attribution dès novembre 1991, date à laquelle elle a déposé une demande de brevet ; qu'en déterminant le montant du juste prix au regard de l'exploitation et des conséquences de cette exploitation faite, postérieurement à l'attribution, par l'exposante d'un procédé qui aurait, selon la cour d'appel, correspondu à l'invention dont M. X... était co-inventeur, la cour d'appel a violé l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, en premier lieu, que le fait générateur du paiement du juste prix est la réalisation de l'invention ; que la cour d'appel qui a relevé qu'il était définitivement jugé que M. X... était coauteur de l'invention ayant fait l'objet de la demande de brevet du 29 novembre 1991, que cette invention avait été qualifiée à son égard d'invention hors mission attribuable et que le procédé industriel effectivement mis en oeuvre par la société était celui élaboré par M. X..., a pu statuer comme elle a fait, sans procéder à la recherche visée par les première et deuxième branches que ces constatations rendaient inopérante ;
Et attendu, en second lieu, que, si le juste prix doit être évalué au jour où l'employeur exerce son droit d'attribution, des éléments postérieurs à cette date peuvent être pris en compte pour confirmer l'appréciation des perspectives de développement de l'invention ; que l'arrêt relève par motifs propres et adoptés que la société Sollac qui était confrontée, au moment où elle a exercé son droit, à des contraintes de stockage des boues grasses de laminoir et de législation environnementale, cherchait une solution, que la perspective normalement espérée en novembre 1991, par la mise en oeuvre du procédé de M. X... était de traiter 40 000 tonnes de boues grasses issues des laminoirs par an mais qu'entre 1991 et 2006, 128 375 tonnes de boues grasses seulement ont été traitées par ce procédé et que les coûts générés par sa mise en oeuvre ont été très inférieurs à ceux des deux autres méthodes de recyclage des boues ; qu'en l'état de ces constatations, dont elle a déduit que les perspectives escomptées de l'invention étaient très intéressantes tant au plan économique qu'environnemental au moment où la société Sollac a exercé son droit à attribution, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le moyen, pris en sa quatrième branche, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.