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Décisions

Cass. com., 5 février 1991

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defontaine

Rapporteur :

M. Bézard

Avocat général :

M. Curti,

Avocat :

SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin

Aix-en-Provence, du 22 juin 1988

22 juin 1988

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 juin 988), que la société Sterling Wintrop (société Sterling) produit et commercialise sous le nom de Phagogène des désinfectants liquides ainsi qu'un appareil diffusant ces produits dans l'air ambiant sous forme d'aérosols, le tout constituant un procédé de désinfection par voie aérienne soumis à agrément administratif et utilisé principalement par les établissements sanitaires ; que la société RDN Burl (société RDN) a composé et mis en vente, après avoir obtenu l'agrément administratif, des désinfectants analogues utilisables dans certains appareils, dont ceux de la société Sterling, qu'elle désigne dans un tableau figurant dans ses documents commerciaux où sont également indiqués, au regard de ses propres désinfectants, les produits de ses concurrents utilisables avec les mêmes appareils ; que la société Sterling, estimant que le comportement de la société RDN constituait un usage abusif de sa dénomination et une concurrence déloyale, l'a assignée en dommages-intérêts ;

Attendu que la société Sterling reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande fondée sur l'usage illicite de sa dénomination au motif que le désinfectant était dissociable de l'appareil destiné à le diffuser et n'en constituait qu'un accessoire, et que, dans le domaine médical et pharmaceutique, le caractère commercial de la référence à une marque est quasiment absorbé par la nécessité impérieuse de l'information, alors que, selon le pourvoi, d'une part, les produits conçus, fabriqués et commercialisés par les laboratoires Phagogène destinés à la désinfection dite terminale ne peuvent être qualifiés d'accessoires au sens de l'article 422-2° du Code pénal ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte ; alors que, d'autre part, le fait que les éléments composant un procédé tendant à la réalisation d'un aérosol sont parfaitement dissociables, à savoir : un produit et un appareil, ne permet pas d'affirmer a priori comme le fait la cour d'appel que le produit est un accessoire au sens de l'article 422 2° in fine du Code pénal ; qu'en décidant le contraire sur le fondement d'une telle affirmation, la cour d'appel a violé le texte précité, ensemble l'article 1382 du Code civil ; alors qu'en outre la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard desdits textes en ne s'expliquant pas sur ce qui singularisait le litige dont elle était saisie, à savoir que le produit litigieux ne peut être un accessoire au regard de la loi, étant observé que "ce n'est pas le produit qui sert au fonctionnement de l'appareil mais l'appareil qui permet d'utiliser le produit", si bien que lorsqu'un nouveau produit est mis au point, c'est l'appareil qui doit être modifié et qui doit ainsi être adapté aux caractéristiques du produit, en sorte que celuici ne peut en aucun cas être qualifié d'accessoire au sens de l'article 422-2° in fine du Code pénal ; alors que, par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la cour d'appel, l'accessoire au sens de l'article 422-2° du Code pénal n'est pas nécessairement ce qui "accompagne", "ajoute", mais c'est en tout cas et impérativement ce qui est secondaire ; qu'en ayant une autre acception de la notion, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article 422-2° in fine du Code pénal par refus d'application de l'article 1382 du Code civil alors que, de surcroît, en ne se prononçant pas sur des faits entrés dans le débat établissant que le produit était essentiel, primordial, et l'appareil de moindre importance, l'arrêt a derechef violés les textes cités à la précédente branche du moyen ; et alors qu'enfin, l'information de l'utilisateur du produit, fût-il à caractère médical ou pharmaceutique, ne peut en aucun cas constituer un fait justificatif s'agissant de l'usage d'une dénomination appartenant à autrui sans l'autorisation de son titulaire ; qu'en jugeant différemment, la cour d'appel a édicté un nouveau fait justificatif et, partant, a violé l'article 422-2° du Code pénal et l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir analysé le procédé de réalisation de l'aérosol désinfectant, c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a estimé que le produit était un accessoire de l'appareil ; qu'elle a pu en déduire, abstraction faite des motifs surabondants tirés de la loi pénale que la société RDN, en apportant aux utilisateurs une information particulièrement nécessaire dans ce domaine relatif à la santé, n'avait commis aucune faute en désignant, le type de diffuseur pour lequel son désinfectant était conçu ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Sterling reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande fondée sur le caractère déloyal de la concurrence par publicité comparative, au motif que la comparaison par simple juxtaposition de produits équivalents n'est pas illicite et qu'aucune indication n'était donnée sur les prix des produits cités, alors que, selon le pourvoi, d'une part, la publicité comparative est en elle-même, sauf circonstances très particulières, constitutive de concurrence déloyale ; qu'il est constant que la société RDN a adressé le 12 septembre 1985 aux responsables des services économiques de divers établissements hospitaliers une circulaire qui comporte un tableau de concordance qui présente les produits RDN et les produits concurrents, et notamment les produits Phagogènes dénommés R 406 Terminal et NP 30 Ter comme équivalents ; qu'une telle pratique, qui permet de rattacher indûment un produit ignoré du public d'un autre connu et apprécié de celui-ci, constitue un acte de concurrence déloyale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1382 du code civil ; et alors que, d'autre part, le fait pour une société d'affirmer par le canal d'une circulaire largement diffusée que "ses faibles coûts de structure .. permettent de proposer des prix très compétitifs par rapport à ceux pratiqués par les sociétés multinationales implantées sur le marché français", ce qui donne l'occasion, toujours selon ladite circulaire, "de réduire considérablement les dépenses liées au poste désinfection", constituent des faits de concurrence déloyale au sens de l'article 1382 du code civil ; qu'en décidant le contraire sur le fondement des motifs précités, la cour d'appel a violé ledit article par refus d'application ; alors qu'en outre, si la publicité comparative de prix est dans certains cas licite, c'est à la condition que la comparaison porte sur des produits rigoureusement identiques, c'est-à-dire de même marque, même conditionnement, poids, taille, couleur, et que ces produits soient vendus dans les mêmes conditions par des concurrents avec l'indication des prix ; qu'en l'espèce, la cour d'appel admet elle-même que la publicité portait sur des produits non identiques, non couverts par la même marque et n'émanant pas d'un même fabricant, étant observé que la circulaire était sans ambiguïté sur le moindre coût des produits RDN et donc sur les substantielles économies susceptibles d'être réalisées si les utilisateurs du produit s'adressaient au rédacteur de la circulaire ; qu'il y a là des faits de concurrence déloyale ; qu'en jugeant différemment, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; et alors qu'enfin la structure d'un marché, ensemble la qualité de la clientèle, ne peuvent en aucun cas justifier le recours à une forme de publicité comparative en elle-même illicite et en elle-même génératrice d'un préjudice ; qu'en croyant pouvoir faire état de la circonstance que les clients potentiels sont des professionnels et que dans la plupart des cas ils ont recours à la procédure d'appel d'offres pour décider qu'il ne pouvait y avoir de concurrence déloyale par l'envoi de la circulaire litigieuse, la cour d'appel a encore violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que l'indication des produits concurrents analogues destinés aux mêmes appareils participait de l'information nécessaire des utilisateurs sur les conditions d'emploi du produit, l'arrêt a constaté que la société RDN ne donnait dans ses documents commerciaux aucune précision sur les prix pratiqués par ses concurrents, se bornant à affirmer en termes généraux le caractère compétitif de ses propres prix "par rapport à ceux pratiqués par les sociétés multinationales implantées sur le marché français" ; la cour d'appel a pu décider que la société RDN n'avait commis aucune faute constitutive de concurrence déloyale ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;