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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 28 janvier 2022, n° 20/00312

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SNCAO-GA (Association)

Défendeur :

DLM Communication (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme L'Eleu de la Simone, Mme Primevert

TGI Paris, du 24 oct. 2019, n° 17/06355

24 octobre 2019

FAITS ET PROCEDURE

Le Syndicat National du Commerce de l'Antiquité, de l'Occasion et des Galeries d'Art moderne et contemporain (SNCAO-GA) est un syndicat professionnel qui a notamment pour objet la défense et la protection des intérêts tant moraux que matériels, collectifs, individuels et particuliers des professionnels de l'Antiquité et de l'Occasion, et des Galeries d'Art.

Le SNCAO-GA a confié à partir de 1979 à la société DLM Communication dont le gérant est M. X la communication et la publicité relatives à la manifestation de la Foire nationale à la brocante et aux jambons de Chatou ayant lieu deux fois par an. Le 21 novembre 2013, le syndicat SNCAO a notifié à la société DLM Communication la rupture de leurs relations.

Suivant exploit du 11 juillet 2014, la société DLM Communication a fait assigner le SNCAO-GA devant le tribunal de commerce de Paris pour demander réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de leurs relations commerciales.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er avril 2015, la société DLM Communication a été placée en redressement judiciaire, la SCP Y étant nommée mandataire judiciaire. Par jugement du 26 octobre 2016, un plan de continuation a été arrêté.

Par jugement contradictoire du 2 décembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a dit le SNCAO recevable et bien fondé en son exception d'incompétence, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris pour statuer sur l'ensemble des demandes, et a dit qu'à défaut de contredit dans les délais légaux, le dossier serait transmis à la juridiction susvisée dans les conditions prévues par l'article 97 du code de procédure civile, en condamnant la société DLM Communication assistée de la SCP Y ès qualités aux dépens.

Les sociétés Y et DLM Communication ont formé contredit contre ce jugement le 15 décembre 2016.

Suivant arrêt du 25 avril 2017, la cour d'appel de Paris a :

déclaré le contredit recevable mais mal fondé,

dit que le tribunal de grande instance de Paris est compétent,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société DLM Communication assistée de la SCP Y ès qualités aux frais du présent contredit.

Suivant exploit du 21 mars 2018, le SNCAO-GA a fait assigner en intervention forcée M. X, gérant de la société DLM Communication afin d'obtenir sa condamnation à le garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Par jugement du 24 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

déclaré brutale la rupture des relations contractuelles ayant lié la société DLM Communication et le Syndicat National du Commerce de l'Antiquité de l'Occasion et des Galeries d'Art (SNCAO-GA),

condamné le SNCAO-GA à payer à la société DLM Communication la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté le SNCAO-GA de l'ensemble de ses demandes, tant dirigées contre la société DLM que contre M. X,

condamné le SNCAO-GA aux dépens,

ordonné l'exécution provisoire.

L'association SNCAO-GA a formé appel du jugement par déclaration du 19 décembre 2019 enregistrée le 7 janvier 2020.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 15 septembre 2021, le SNCAO-GA demande à la cour, au visa des articles 16 du code de procédure civile, 1134, 1135, 1145 et 2004 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, L. 134-11 et L. 442-6 du code de commerce, d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu en date du 24 octobre 2019, dont appel, et statuant à nouveau :

de dire et juger l'action de la société DLM Communication et de la SCP Y mal fondée à l'encontre du SNCAO-GA,

de dire et juger que le SNCAO-GA n'était tenu à aucun préavis dans la mesure où DLM Communication avait transgressé les termes de leur accord en violant la clause d'exclusivité à laquelle elle s'était engagée de dire et juger que le motif de rupture était clairement circonscrit ;

de juger n'y avoir lieu d'imputer au SNCAO-GA une rupture brutale des relations contractuelles avec DLM Communication de débouter en conséquence la société DLM Communication, la SCP Y et M. X de l'ensemble de leurs demandes,

de condamner conjointement et solidairement la société DLM Communication, la SCP Y et M. X à payer au SNCAO-GA une somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

de condamner conjointement et solidairement la société DLM Communication, la SCP Y et M. X en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,

Subsidiairement toutefois, dans l'hypothèse purement d'école où il serait fait droit, même partiellement, à l'une quelconque des demandes de la société DLM et de la SCP Y,

de fixer dans un tel cas à la somme de 18.750 euros le montant des dommages et intérêts alloués à la société DLM en application des dispositions de l'article L. 134-11 du code de commerce ;

de condamner en même temps M. X à relever et garantir le SNCAO-GA de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre le SNCAO-GA et qui seraient alors nécessairement la conséquence d'un manquement au devoir de loyauté dont il était tenu à l'égard du SNCAO-GA, en raison de ses fonctions de direction exercées dans la société DLM Communication et à la nature même du mandat qui le liait au SNCAO-GA et à DLM Communication,

En toute hypothèse de condamner M. X en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant ordonnance en date du 17 septembre 2020, le conseiller chargé de la mise en état a, au visa de l'article 909 du code de procédure civile, prononcé l'irrecevabilité des conclusions déposées par l'intimé le 2 septembre 2020, celui-ci n'ayant pas conclu dans le délai imparti. M. X en sa qualité de gérant de la société DLM Communication, la société DLM Communication et Maître Z de la SCP Y mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la société DLM ont saisi la cour d'une requête aux fins de déféré à l'encontre de cette ordonnance d'irrecevabilité. Suivant arrêt du 29 janvier 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance rendue le 17 septembre 2020 par le magistrat de la mise en état et déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 2 septembre 2020 par les intimés. Par conséquent, les conclusions transmises postérieurement par le réseau privé virtuel des avocats par la SCP Y ès qualités de mandataire judiciaire de la société DLM Communication, la société DLM Communication et M. X le 11 septembre 2021 sont irrecevables.

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 18 novembre 2021.

SUR CE, LA COUR,

Sur la note en délibéré.

Aux termes de l'article 445 du code de procédure civile : « Après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444. ».

Le SNCAO-GA a transmis par le réseau privé virtuel des avocats le 22 novembre 2021 une note en délibéré à destination de la cour.

Non sollicitée par la cour ni autorisée, la note en délibéré sera écartée des débats.

Sur la nullité du jugement

La cour relève que le SNCAO-GA invoque la nullité du jugement de première instance en page 5 de ses conclusions, dans ses motifs, sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile, mais ne reprend pas cette demande dans son dispositif.

Or, aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile : « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. ».

La cour n'est donc pas saisie de cette prétention.

Sur la rupture des relations contractuelles.

Les intimés ont invoqué en première instance l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, dans sa version en vigueur au moment de la rupture :

« I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers:

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas ; ».

Ils faisaient alors valoir qu'aucun préavis ne leur avait été délivré et qu'aucune inexécution contractuelle d'un degré de gravité suffisant ne justifiait la rupture. Les intimés soutenaient que la rupture brutale de la relation contractuelle ininterrompue participait d'une faute civile et que l'ensemble des prétextes invoqués pour justifier a posteriori cette rupture était inopérant.

Le SNCAO-GA invoque la signature d'un protocole d'accord le 20 mai 2007 et reproche à M. X d'avoir effectué des prestations d'agent de communication pour deux autres foires de brocante et d'antiquités se déroulant à la même période que la Foire de Chatou, la brocante du Parc des Princes les 10 et 11 octobre 2009 et un salon d'antiquités dans les Jardins du Trocadéro du 12 au 21 mars 2010. Il évoque également un salon d'antiquités [...] se tenant au 14 au 22 septembre 2013.

Les parties en cause étant liées par un mandat, contrat de nature civile, les dispositions applicables ne sont pas issues du code de commerce. Mais les intimés visant l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce sur la rupture brutale des relations commerciales établies, c'est l'article 1382 ancien du code civil, relatif à la responsabilité délictuelle de droit commun, qui est applicable.

Le protocole signé entre le SNCAO d'une part, représenté par son Président M. W, et M. X, agent de communication du SNCAO d'autre part est ainsi libellé :

« il a été convenu ce qui suit :

M. X est chargé de la communication et de la publicité de la Foire Nationale à la Brocante et aux Jambons organisée chaque année au Printemps (du deuxième week-end au troisième week-end de mars compris) et en Automne (du dernier week-end de septembre au premier week-end d'octobre compris) par le SNCAO sur l'Ile des Impressionnistes à Chatou 78400.

M. X s'engage à n'intervenir en aucune façon en qualité d'agent de publicité ou de communication pour toute foire de brocante ou salon d'antiquité ayant lieu en région Ile de France pendant lesdites manifestations de Chatou ou se terminant moins de huit jours avant la date d'ouverture de chacune des deux Foires Nationales à la Brocante et aux Jambons de Chatou.

Le SNCAO se réserve le droit d'interrompre, sans préavis, la fonction de Chargé de Mission Chatou de l'intéressé, s'il juge que les termes du protocole ont été transgressés. ».

Le SNCAO verse aux débats :

un prospectus sur la « grande brocante de l'automne sous les arcades du parc des princes » samedi 10 et dimanche 11 octobre 2009, comportant les mentions suivantes : service de presse A et X restent à votre disposition pour des photos ou toutes autres informations complémentaires Tél : [...]. Email : [...] », et « Communiqué : DLM Communication »,

un prospectus sur le « salon antiquités & arts contemporains Paris XVIe » du 12 au 21 mars 2010, comportant les mêmes mentions que le précédent sur Mme A et M. X et « Communiqué : DLM Communication »,

un prospectus sur « Le 1er salon des antiquaires et galeristes » [...] du 14 au 22 septembre 2013 mentionnant « Relations presse : DLM Communication - X [...] - [...] ».

Le 21 novembre 2013, le SNCAO-GA a adressé à M. X DLM Communication » une lettre recommandée avec accusé de réception ainsi rédigée :

« Cher Daniel,

Suite à la réunion du Conseil d'Administration du 19 novembre courant, j'ai le regret de t'informer qu'il a été décidé de retenir un autre attaché de presse, à compter de ce jour, pour assurer la communication et la publicité des deux Foires aux Antiquités et à la Brocante de Chatou qui se tiendront pendant l'année 2014.

Restant à ta disposition pour t'exposer les raisons qui ont conduit les membres du Conseil à souscrire à cette décision, je te prie de croire, Cher Daniel, en l'expression de mes sentiments les meilleurs. ».

Il est manifeste que la lettre recommandée du 21 novembre 2013 contient une résiliation sans préavis et sans motif.

La résiliation unilatérale d'un contrat à durée indéterminée peut être effectuée sans motif, pourvu qu'un délai de préavis raisonnable soit respecté.

Pour être suffisant, le préavis doit prendre en compte le temps nécessaire pour le cocontractant de se réorganiser, la durée de la relation contractuelle, la nature et l'importance financière de la relation. Il appartient aussi au juge du fond en l'absence de toute prévision d'apprécier si un préavis était néanmoins nécessaire.

La durée non contestée des relations entre les parties, débutées en 1979, est de 34 années. Il ne peut être considéré que la résiliation a eu lieu pour un motif précis tiré de la violation de la clause d'exclusivité figurant dans le protocole signé en 2007 puisque la lettre du 21 novembre 2013 ne contient aucun motif. Aucune mise en demeure n'a été adressée à la société DLM ni un quelconque reproche émis à son encontre avant l'envoi de la lettre de résiliation d'ailleurs taisante sur ce point. Ce n'est qu'ultérieurement et uniquement dans les conclusions transmises en cours d'instance que la violation de la clause d'exclusivité a été avancée comme cause de la résiliation.

Compte-tenu de la longévité des relations contractuelles ininterrompues entre les parties, de l'absence totale de critique sur le travail effectué pendant toutes ces années, et de la part importante du contrat conclu avec le SNCAO-GA dans le chiffre d'affaires de la société DLM Communication, c'est à bon droit que la juridiction de première instance a retenu un préavis raisonnable d'une durée de deux ans. Si l'appelante se prévaut des dispositions de l'article L. 134-11 du code de commerce pour voir limiter la durée du préavis à trois mois, ce texte relatif au contrat d'agence commerciale n'est pas applicable en la cause s'agissant d'un mandat, contrat par nature civil. Le montant des dommages-intérêts dus pour brusque rupture évalué à 150.000 euros par les premiers juges correspond au préjudice subi par les intimés privés d'un préavis raisonnable leur permettant de trouver d'autres sources de revenus.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné le SNCAO-GA à payer à la société DLM Communication la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts.

L'appel en garantie du SNCAO-GA à l'encontre de M. X en raison d'un manquement au devoir de loyauté auquel il était tenu ne peut davantage prospérer, ce dernier ayant signé le protocole contenant la clause d'exclusivité en tant que gérant de la société DLM Communication dont il est d'ailleurs le seul représentant. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Le SNCAO-GA succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, il sera aussi condamné aux dépens et débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

DIT que la note en délibéré transmise le 22 novembre 2021 par le SNCAO-GA par le réseau privé virtuel des avocats, non autorisée, est écartée des débats ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées et y ajoutant,

CONDAMNE le Syndicat National du Commerce de l'Antiquité, de l'Occasion et des Galeries d'Art moderne et contemporain (SNCAO-GA) aux dépens ;

DEBOUTE le Syndicat National du Commerce de l'Antiquité, de l'Occasion et des Galeries d'Art moderne et contemporain (SNCAO-GA) de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.