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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 28 janvier 2022, n° 19/12306

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mafip (SARL)

Défendeur :

Spie ICS (SAS), SFR (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'Eleu de la Simone

T. com. Paris, du 6 mai 2019, n° J201900…

6 mai 2019

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 mai 2019 qui a :

- joint les instances enrôlées sous les numéros RG 2016033158 et 2017025123,

- dit que M. X avait un intérêt à agir,

- débouté la société Mafip et M. X de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la Société Française du Radiotéléphone (société SFR),

- débouté M. X de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts,

- dit suffisant le préavis alloué par la société Spie communications, devenue la société Spie ICS ("société Spie") à la société Mafip pour la rupture de leur relation commerciale,

- condamné la société Spie à payer à la société Mafip la somme de 110.880 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'inexécution du préavis de 5 mois,

- débouté la société Mafip de ses autres demandes liées à la brusque rupture,

- débouté la société Mafip de sa demande fondée sur la rupture anticipée du contrat,

- débouté la société Spie de sa demande de pénalité à l'encontre de la société Mafip,

- condamné la société Spie à payer à la société Mafip la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Mafip et M. X à payer chacun la somme de 3 000 euros à la société SFR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire sans caution,

- condamné par moitié les sociétés Mafip et Spie aux dépens ;

Vu l'appel du jugement interjeté le 17 juin 2019 par la société Mafip et M. X ;

Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 14 septembre 2021 pour la société Mafip et M. X aux fins d'entendre, en application des articles L. 442-6 du code de commerce, 1382, 1147 et 1166 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'Ordonnance du 10 février 2016 et article 331 du code de procédure civile :

- déclarer recevables et bien fondés la société Mafip et M. X en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- débouté les société Spie et SFR de l'ensemble de leurs demandes,

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Spie de sa demande reconventionnelle,

à titre principal,

- constater que la société Spie a résilié sans motif, unilatéralement et avant le terme contractuellement fixé, le contrat à durée déterminée conclu avec la société Mafip, et qu'elle a donc engagée sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Mafip,

- condamner la société Spie au paiement d'une somme de 1 231 775 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture avant terme du contrat,

à titre subsidiaire,

- constater que la société Spie a brutalement rompu les relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société Mafip,

- constater que la société SFR a brutalement rompu les relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société Spie, en ne respectant pas le préavis écrit qu'elle lui avait notifié, et qu'en conséquence, elle a engagé sa responsabilité à l'égard de la société Spie et de son sous-traitant la société Mafip,

- déclarer l'action oblique de la société Mafip et de M. X à l'encontre de la société SFR recevable et bien fondée,

- condamner in solidum la société SFR et la société Spie à payer à la société Mafip la somme de 668 323 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette rupture intervenue dans les conditions précitées,

en toute hypothèse,

- condamner in solidum les sociétés SFR et Spie à payer à M. X la somme de 100 000 euros en réparation de ses préjudices personnels et distincts, du fait de la rupture intervenue dans les conditions précitées,

- condamner in solidum la société SFR et la société Spie à payer la somme de 50 000 euros à la société Mafip et la somme de 20 000 euros à M. X au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société SFR et la société Spie aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 8 novembre 2021 pour la société Spie ICS afin d'entendre, en application des articles 1134 et 1147 (anciens) du code civil et L. 442-6 (ancien) du code de commerce :

sur les demandes de la société Mafip et de Monsieur X,

- dire que la société Spie n'est pas auteur d'une résiliation, a fortiori d'une résiliation fautive, du contrat cadre de référencement conclu le 24 juillet 2014 avec la société Mafip et de ses conditions particulières conclues le même jour,

- dire que la société Spie ICS n'a commis aucune rupture brutale de la relation commerciale établie qu'elle entretenait avec la société Mafip,

- dire que les demandes indemnitaires formulées par la société Mafip et M. X à l'égard de la société Spie ICS sont infondées,

- confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a débouté la société Mafip et Monsieur X de leur demande de condamnation de la société Spie au titre d'une prétendue résiliation unilatérale et fautive du contrat conclu entre elles le 24 juillet 2014,

- confirmer le jugement ce qu'il a débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la société Spie,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- débouter la société Mafip et M. X de l'ensemble de leurs demandes,

subsidiairement si un délai de préavis devait être accordé par la société Spie à la société Mafip au titre d'une rupture brutale de la relation commerciale établie,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Mafip et Monsieur X de leur demande de condamnation de la société Spie au titre d'une prétendue résiliation unilatérale et fautive du contrat conclu entre elles le 24 juillet 2014,

- confirmer le jugement rendu le 6 mai 2019 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la société Spie,

- confirmer e jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le préavis de 5 mois alloué par la société Spie à la société Mafip est suffisant et que la société Spie est redevable à l'égard de la société Mafip de la somme de 110 880 euros au titre de l'exécution de ce préavis,

sur la demande reconventionnelle,

- dire que la société Mafip a violé son obligation contractuelle, prévue à l'article 6.1 du contrat de référencement conclu le 24 juillet 2014 entre les sociétés Spie ICS et Mafip, de se comporter comme un partenaire loyal de la société Spie ICS, en proposant à la société SFR ses services,

- dire que la clause pénale prévue au dernier alinéa de l'article 6.1 du contrat de référencement conclu le 24 juillet 2014 entre les sociétés Spie et Mafip trouve pleinement applicable,

- infirmer en conséquence le jugement rendu le 6 mai 2019 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société Spie de sa demande reconventionnelle de versement, par la société Mafip, de la somme de - sur le fondement de l'article 6.1 du contrat de référencement conclu le 24 juillet 2014,

- condamner la société Mafip à verser à la société Spie la somme de 1.000.000 euros sur le fondement de l'article 6.1 du contrat de référencement conclu le 24 juillet 2014,

en tout état de cause,

- débouter la société Mafip et M. X de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner solidairement la société Mafip et M. D à verser la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil,

- condamner solidairement la société Mafip et M. X aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Y en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 13 décembre 2019 pour la Société Française du Radiotéléphone afin d'entendre, en application des articles 1382 ancien du code civil, 1199 et 1341-1 nouveau du code civil et L. 442-6-I, 5° ancien du code de commerce :

- dire que la société Mafip et M. X ne démontrent pas l'existence d'une faute imputable à SFR dans la rupture de son contrat avec Spie, la relation entre les sociétés SFR et Spie ne présentant pas un caractère établi au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,

- dire que la société Mafip et M. X sont irrecevables et mal fondés en leur demande visant à exercer l'action oblique à l'encontre de SFR,

- dire qu'en tout état de cause la société Mafip et M. X ne rapportent pas la preuve d'un préjudice imputable à SFR du fait de la prétendue rupture brutale de relations commerciales établies,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société Mafip et M. X de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner in solidum la société Mafip et M. X à verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Mafip et M. X aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR,

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions ainsi qu'au jugement.

1. Il sera succinctement rapporté que la société Mafip, dont M. D est le gérant, et qui a pour activité l'installation, la maintenance, la réparation ainsi que la fourniture de matériels informatiques dédiés aux réseaux et télécommunications, est entrée en relation commerciale à compter de juin 2009 avec la société Spie pour des prestations de maintenance en sous-traitance des prestations au nombre desquelles elle a elle-même été référencée par l'opérateur de télécommunications électroniques SFR.

2. La relation commerciale s'est poursuivie selon un premier "contrat-cadre de référencement de sous-traitance" du 1er octobre 2010 convenu pour trois ans et reconduit le 24 juillet 2014 pour la même durée.

3. Après avoir été rachetée par la société Numericable, filiale du groupe Altice, la société SFR a dénoncé à la société Spie le 30 janvier 2015 la mise en oeuvre de la clause de résiliation stipulée à leur contrat à l'échéance du 1er août 2015.

4. Par courriel du 26 février 2015 puis par lettre du 3 mars suivant, la société Spie a informé la société Mafip de ce que son contrat de référencement avec la société SFR avait fait l'objet d'une résiliation avec effet au 1er août 2015 et en raison "de la diminution significative des demandes d'intervention" de la société SFR, l'a invitée à "prendre des dispositions afin d'anticiper et de gérer au mieux cette phase de transition d'activité".

5. Alors que son chiffre d'affaire réalisé avec la société Spie représentait 83 % en 2014, la société Mafip a constaté la baisse de commandes continue à compter de décembre 2014 et n'a plus répondu aux commandes de la société Spie après avril 2015.

6. Imputant à faute à la sociétés Spie la rupture brutale de la relation commerciale établie depuis 2009, la société Macip l'a assignée d'abord devant le tribunal de commerce de Nanterre, puis en suite de son désistement pour incompétence, devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l'article L. 442-6, I 5° du code de commerce avant d'assigner, avec son gérant, la société SFR en dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I 5° du code de commerce et 1382, 1147 et 1166 du code civil dans leur version en vigueur au moment du litige.

I. Sur la résiliation fautive du contrat-cadre.

7. Pour entendre, d'une part, confirmer le jugement en ce qu'il a écarté sa responsabilité dans la résiliation du contrat-cadre, et que la société Mafip lui impute à nouveau à faute en cause d'appel et à titre principal, et pour voir, d'autre part, infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Spie à payer la clause pénale stipulée au contrat-cadre, la société Spie conteste, en premier lieu, avoir dénoncé la résiliation du contrat avant l'expiration du terme convenu soutenant que son intention de résilier ne se déduit pas de la lettre du 3 mars 2015 par laquelle elle a annoncé à la société Mafip la fin du contrat avec la société SFR, relevant par ailleurs que la rupture de son contrat avec la société SFR justifiait à elle seule la mise en oeuvre de la clause de résiliation stipulée à l'article 7.14.1 du contrat-cadre passé avec la société Macip selon laquelle chaque contrat d'application, sur simple notification de Spie prendra fin immédiatement et de plein droit dans les cas suivants : (...) en cas de résiliation ou d'expiration, pour quelque cause que ce soit, de tout ou partie du Marché Principal sur lequel porte ledit Contrat d'application, à la date de cette résiliation ou expiration.

8. En deuxième lieu, la société Spie relève qu'aucun volume de commandes n'était convenu au contrat de sous-traitance, la résiliation ne pouvant être déduite de la baisse de commandes contrainte par la décision de la société SFR.

9. En troisième lieu, la société Spie conclut que la société Mafip avait accès au marché du raccordement à la fibre en forte croissance, sensible au prix et substituable, et dont l'accès ne lui était pas interdit par le contrat-cadre qui prohibait seulement la concurrence de la société Mafip aux seuls clients de la société Spie ainsi que cela résulte de l'article 6.1 relatif à la 'charte de déontologie' stipulant l'engagement de la sous-traitante de ' démarcher, travailler, proposer au Client/prospect de SPIE pour lequel SPIE l'aura sollicité ses propres produits ou services.

10. Enfin, la société Spie reproche à la société Macip sa déloyauté et son manquement délibéré à compter d'avril 2015 d'exécuter les commandes de prestations passées les 31 mars, 21 et 29 avril et 28 mai 2015 ainsi que le démarchage de la société SFR à laquelle elle s'est livrée en la saisissant par courriel du 24 mars 2015 d'une demande de sous-traitance en violation de l'article 6.1 du contrat-cadre cité au paragraphe 8 de l'arrêt.

11. Au demeurant, en droit, il suit de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa version contemporaine du contrat-cadre, que les conventions stipulées à durée déterminée doivent s'exécuter jusqu'à leur terme.

12. En fait, et en premier lieu, non seulement le texte précité de l'article 6.1 du contrat-cadre dont la société Spie se prévaut est suivi de l'interdiction de la société Mafip d'offrir "des produits ou services concurrent à ceux de SPIE dans les pays ou SPIE Communications possède un établissement, pendant la durée des présente et deux ans après l'expiration du CCR, pour quelle que cause que ce soit sans l'accord préalable et écrit de SPIE", mais cette interdiction est encore plus explicitement prescrite par l'article 9 des conditions particulières du contrat-cadre stipulant une clause d'exclusivité selon laquelle le sous-traitant s'engage à ne pas effectuer directement ou indirectement des prestations similaires à celles objet des commandes du Contrat, pour le compte de concurrents de SPIE ou de ses filiales ou des filiales directes ou indirectes de SPIE par l'intermédiaire des personnes qui auront été affectées à l'exécution des Prestations. En outre, pendant toute la durée de chaque Contrat d'Exécution et pendant (1) an après leur expiration, le sous-traitant s'engage à ne pas utiliser l'expérience et les supports développés par SPIE pour le compte de concurrents de SPIE.

13. Et alors au surplus que la violation de cette clause est assortie par l'article 6.1 du contrat-cadre d'une clause pénale autorisant la société Spie à résilier immédiatement le contrat sous une astreinte de un million d'euros, il en résulte, que la société Mafip était dépendante du marché passé avec la société Spie ainsi que l'évolution de la part de son chiffre d'affaires réalisé avec elle le traduit, passé de 36 % en 2010 à 83 % en 2013, 74 % en 2014.

14. En deuxième lieu, à la suite de la dénonciation de la perte du marché par la société SFR le mars 2015, puis de la tentative de négociation de commandes de substitution entre les parties, la société Spie a déclaré à M. X dans un courriel du 10 mars 2015 que comme évoqué lors de nos précédentes communications, je vous confirme l'effondrement du volume sur les activités qui vous sont confiées. Cette chute du volume entrant continue en mars, et s'inscrit dans la nouvelle politique de notre client, le groupe Numericable SFR. Aucun élément nous permet aujourd'hui de prévoir une reprise dans les mois à venir. Par ailleurs, nous ne sommes pas en mesure de vous proposer d'autres activités pour compenser l'arrêt de nos prestations, ce malgré nos tentatives et divers échanges sur le sujet, ce dont il se déduit l'intention explicite et unilatérale de la société Spie de résilier dès le début du mois de mars 2015 le contrat avant le terme qui courait jusqu'au 24 juillet 2017.

15. Et tandis, en troisième lieu, qu'en raison de la dépendance économique de la société Macip telle qu'elle relevée aux paragraphes 1 et 13 ci-dessus, il ne se déduit pas des trois commandes qu'elle n'a pas accepté d'honorer et du démarchage de la société SFR qu'elle a entrepris après la résiliation du contrat, la preuve d'un manquement grave de nature à diminuer dans sa nature et sa portée, la faute de la résiliation du contrat à l'initiative de la société Spie.

16. En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la rupture du contrat-cadre sur le fondement contractuel et sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Spie de sa demande d'application de la clause pénale.

II. Sur la réparation du préjudice.

17. En liminaire, la cour relève que si la société Macip peut se prévaloir de la rupture brutale de la relation commerciale établie avec la société Spie depuis octobre 2010, l'origine et la sanction de cette rupture régies par l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans version applicable au litige, ne sont pas de nature à se cumuler ou à se substituer à celles de la résiliation fautive du contrat telle que celle-ci est retenue ci-dessus ainsi qu'aux principes de la réparation des dommages qui en sont résultés pour la société Macip et que régissent les articles 1149 et 1150 du code civil, dans leur version contemporaine du contrat-cadre.

18. En conséquence, l'appréciation n'est pas limitée à celle du préavis prescrit par l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce retenu par les premiers juges, mais d'après ce qui était prévisible par les contractants au moment de la conclusion de leur contrat-cadre ainsi que des suites immédiates et directes de son inexécution.

19. Sur la base des productions de la société Macip, de ses documents comptables et de l'expertise privée qu'elle a confiée au cabinet d'expertise comptable A. & Associés, ainsi qu'enfin en raison de la dépendance caractérisée de la société Macip du marché que la société Spie a résilié, la cour retiendra, en premier lieu, l'indemnisation du coût des procédures de licenciement économique des salariés affectés à l'exécution du contrat-cadre et que la société Macip a dû engager le 20 avril 2015 et qui sont directement liées à la résiliation du contrat, de sorte qu'il convient d'y faire droit pour la somme de 65 124,80 euros que les premiers juges ont rejetée.

20. En deuxième lieu en ce qui concerne l'appréciation de la perte d'exploitation, la cour retiendra, d'abord, la marge brute mensuelle sur coûts variables justifiée par le cabinet A. & Associés établie sur la base des trois exercices ayant précédé la résiliation du contrat-cadre pour la somme moyenne mensuelle de 42.029 euros, la reprise de provision pour charges sociales enregistrées en 2014, et exposées en 2012, n'étant pas de nature à altérer le calcul et la valeur de la marge brute déduite des produits d'exploitation de la société Macip.

21. En suite, la résiliation unilatérale du contrat-cadre de prestations à exécution successive a pour effet de rendre caduque les engagements à venir, de sorte que la perte d'exploitation ne peut représenter la contrepartie arithmétique de la perte de marge jusqu'au terme convenu du contrat, rapportée à la moyenne de celle réalisée les trois années précédant la résiliation comme le prétend la société Macip. Alors qu'il est constant que le contrat-cadre a été conclu pour une durée de trois ans et interrompu vingt-sept mois avant son terme, et qu'il ne stipulait par ailleurs aucun engagement sur les volumes de commandes, l'appréciation de la perte d'exploitation représente une perte de chance de poursuivre l'activité que la cour est en mesure de fixer à la somme de 570 000 euros.

22. En troisième lieu, s'agissant de la perte nette des investissements de la société Macip que le cabinet A. & Associés a déterminée après pondération de leur obsolescence et déduction du produit de revente d'une partie d'entre-eux, l'affirmation des premiers juges pour la rejeter au motif que ces investissements portent sur des véhicules courants, des câbles ou des logiciels qui n'ont rien de spécifique est inopérante, alors que cette perte est directement liée à la résiliation fautive du contrat et sur les pertes de l'entreprise, en sorte qu'il convient de faire droit à la demande pour la somme de 178 448 euros.

24. En conséquence, la société Spie payera à la société Macip la somme de 813 572,80 euros de dommages et intérêts.

III. Sur le préjudice moral de M. X

26. Il est manifeste que les circonstances dans lesquelles la société Spie a résilié le contrat-cadre de la société Mafip et les conséquences sociales et économiques que sa décision a entraînée ont affecté M. X dans la conduite de son entreprise, de sorte que la cour la condamnera à payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice moral.

IV. Sur la mise en cause de la société SFR.

27. Pour entendre infirmer le jugement qui a écarté la responsabilité de la société SFR qu'elle recherche, au principal, sur le fondement du délit civil des articles L. 442-6, I, 5°, du code de commerce et 1382 du code civil, dans leur version applicable au moment du litige, la société Macip soutient, d'une part, que les sociétés SFR et Macip étaient en relation commerciale depuis 2006, et oppose, d'autre part, la connaissance que la société SFR avait, dès l'origine, du contrat de sous-traitance passé avec la société Spie, alors que les salariés de la société Mafip devaient se conformer et rendre compte des exigences de la société SFR pour l'exécution des prestations sous-traitées auprès de son service pour le déploiement et maintenance SFR Business Team' ainsi que cela est expressément visé au contrat- cadre.

28. Subsidiairement, la société Macip conclut à la solidarité de la société SFR sur le fondement de l'action oblique issue de l'article 1166 du code civil, dans sa version applicable au moment du litige, en suite du refus que la société Spie lui a opposé le 17 février 2017 de mettre en cause la société SFR pour garantir l'indemnisation des préjudices liés à la rupture de leur contrat.

29. Toutefois, il suit des termes du contrat que la société SFR a passé le 23 décembre 2013 avec la société Spie qu'il était précédé d'un appel d'offres, de sorte qu'il se déduit la présomption suffisante que les deux sociétés n'étaient pas tenues par une relation commerciale suivie, stable et habituelle, et alors d'une part, que la société SFR a dûment dénoncé à la société Spie en janvier 2015 un préavis raisonnable de six mois pour interrompre la commande de ses prestations, et d'autre part ainsi que cela est retenu ci-dessus, que la rupture du contrat de sous traitance passé entre la société Macip et la société Spie est imputée à cette dernière au mois de mars 2015, il convient de confirmer le jugement qui a écarté ces chefs de solidarité.

V. Sur les dépens et les frais irrépétibles et les dépens.

30. La société Spie succombant à l'action, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et, et statuant de ces chefs en cause d'appel, la société Spie supportera à nouveau les dépens et sera condamnée à verser la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement en toutes ses dispositions déférées, sauf en ce qu'il a rejeté la responsabilité de la Société Française du Radiotéléphone et statué sur les dépens et les frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le contrat-cadre résilié aux torts de la société Spie ICS ;

Condamne la société Spie ICS à payer à la société Macip la somme de 813 572,80 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice ;

Condamne la société Spie ICS à payer à M. X la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice moral ;

Condamne la société Spie ICS aux dépens ;

Condamne la société Spie ICS à payer à la société Orange la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.