CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 janvier 2022, n° 19/18769
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Carrefour Voyages (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Depelley, Mme Lignières
FAITS ET PROCEDURE
M. X a fondé la société Letchimy SARL constituée le 3 juillet 2008, qui exerce l'activité d'agent de voyages sous sa propre enseigne au Lamentin en Martinique. Il en a été le gérant jusqu'au 27 octobre 2015.
A compter du 12 décembre 2012, un contrat d'affiliation a été conclu entre la société Letchimy et la société Carrefour Voyages, laquelle exploite un réseau d'agences de voyages exerçant sous son enseigne.
En exécution de l'article 3 du contrat d'affiliation, la société Carrefour Voyages était mandatée pour payer au nom et pour le compte de la société Letchimy, après validation par cette dernière, et donc avancer le règlement des factures fournisseurs, la société Letchimy devant ensuite les lui rembourser.
Courant 2015, la société Letchimy a connu des difficultés financières et M. X, par l'intermédiaire de son conseil, a sollicité auprès de la société Voyages Carrefour le 7 avril 2015 des délais de paiement sur 12 mois pour régler la dette de la société correspondant à des appels de fonds règlements fournisseurs.
Par acte sous seing privé du 10 juillet 2015, la société Letchimy a signé une reconnaissance de dette à la société Carrefour Voyages à hauteur de 155.173,15 euros qui devait être payée en 4 échéances.
Le même jour, le contrat d'affiliation liant les sociétés Carrefour Voyages et Letchimy a été résilié.
Par acte sous seing privé du même jour, M. X, gérant de la société Letchimy, a conclu un contrat de cautionnement solidaire au bénéfice de la société Carrefour Voyages à hauteur de 205.000 euros.
La société Letchimy n'a pas été mesure de verser les sommes dues conformément à la reconnaissance de dette, après mise en demeure infructueuse du 3 novembre 2015. La société Carrefour Voyages s'est alors retournée vers la caution solidaire.
C'est dans ces conditions que par acte d'huissier de justice du 4 mars 2016, la société Carrefour Voyages a assigné M. X, en qualité de caution solidaire, devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France en paiement.
Par jugement du 29 mars 2018, ce tribunal :
- Condamne Monsieur Jean Marie T. à payer à la SAS CARREFOUR VOYAGES la somme de 155.173,15 avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2016 ;
- Rejette les demandes de dommages et intérêts et de délais de paiement formées par Monsieur T. ;
- Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire ;
- Dit n'y avoir lieu à l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamne Monsieur T. aux dépens ;
- Ordonne l'exécution provisoire.
M. X a interjeté appel de cette décision devant la cour d'appel de Fort-de-France, sollicitant ainsi de cette dernière qu'elle statue en application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, lequel ressort de la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris en application des dispositions de l'article D 442-3 du même code.
La société Carrefour Voyages a alors soulevé un incident, invoquant l'irrecevabilité de l'appel et subsidiairement des demandes de M. X devant la cour d'appel de Fort-de-France.
Dans un premier temps, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Fort-de-France a rejeté cette demande par ordonnance en date du 21 mars 2019. Toutefois et sur requête en déféré par la société Carrefour Voyages, la cour d'appel de Fort-de-France a, par arrêt en date du 20 septembre 2019 déclaré irrecevable l'appel interjeté par M. X à l'encontre du jugement rendu le 29 mars 2018 par le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France et dit que la juridiction compétente pour statuer sur cet appel est la cour d'appel de Paris. M. X a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par déclaration du 07 octobre 2019, M. X a interjeté appel devant la cour d'appel de Paris.
Vu les dernières conclusions de Monsieur T. déposées et notifiées le 5 février 2020, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :
- Déclarer recevable l'appel de Monsieur T. ;
- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- Débouter la société Carrefour Voyages toutes ses demandes ;
Statuant à nouveau,
- Dire et juger nul l'acte de cautionnement pour vice du consentement de Monsieur T. ;
- Dire et juger manifestement disproportionné le cautionnement de 205.000 € souscrit par Monsieur T. au regard de ses biens et revenus ;
- Dire, en conséquence, que la société Carrefour Voyages ne pourra prétendre au paiement par Monsieur T. des sommes réclamées ;
- Prononcer la nullité du contrat de franchise et du protocole de résiliation et en conséquence, notamment pour défaut de cause, la nullité de l'engagement de cautionnement qui en constitue l'accessoire ;
- Dire et juger, en tout état de cause, que le contrat de franchise méconnais les exigences de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce et condamner en conséquence, la société Carrefour Voyages, à payer à Monsieur T. la somme de 155.174,05 € en réparation du préjudice subi représentant le montant de la dette issue de l'application des clauses du contrat de franchise contraires à l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;
- Constater le manquement de la société Carrefour Voyages à son obligation de bonne foi à l'égard de Monsieur T. et la condamner en conséquence à lui payer la somme de 205.000 € à titre de dommages et intérêts ;
- Ordonner la compensation entre la créance de dommages et intérêts de Monsieur T. et les éventuelles condamnations pouvant être prononcées à son encontre au bénéfice de la société Carrefour Voyages ;
- Dire et juger incertaine, en son principe et son montant, la créance de la société Carrefour Voyages ;
- Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour d'appel l'estimerait nécessaire, ordonner une mesure d'expertise judiciaire, pour chiffrer le montant du préjudice résultant des manquements de la société Carrefour Voyages à ses obligations contractuelles ;
- Condamner la société Carrefour Voyages à payer à Monsieur T. la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Carrefour Voyages aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de la société Carrefour Voyages déposées et notifiées le 29 juillet 2020, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :
Vu les faits exposés et les pièces produites.
Vu les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation applicable à l'époque des faits.
Vu les dispositions des articles L. 1109, 1110 et 1112 anciens du code civil.
Vu les dispositions de l'article L. 1165 ancien du code civil.
Vu les dispositions de l'article L. 1315 ancien du code civil.
Vu celles de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce.
Vu les dispositions des articles L. 2288 et suivants du code civil.
- Débouter Monsieur T. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Constater, dire et juger que l'acte de cautionnement signé par Monsieur T. en date du 10 juillet 2015 est parfaitement valable, Monsieur T. ne justifiant d'aucun vice du consentement ;
- Constater la parfaite opposabilité de l'acte de caution à Monsieur T., ce dernier ne justifiant d'aucune disproportion manifeste de son engagement par rapport à ses revenus et ses biens ;
- Dire et juger irrecevables et mal fondées les demandes de nullité formées par Monsieur T. au titre des contrats d'affiliation et du protocole de résiliation du 10 juillet 2015 ;
- Dire et juger qu'en aucun cas, les arrêts d'assemblée plénière des 06 octobre 2006 et 13 janvier 2020 ne permettent d'obtenir la nullité du contrat d'affiliation et du protocole de résiliation du 10 juillet 2015 aux lieu et place de la société Letchimy ;
- Dire et juger de la même manière que les arrêts d'assemblée plénière des 06 octobre 2006 et 13 janvier 2020 ne permettent pas d'obtenir la condamnation de la société Carrefour Voyages sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce ;
- Constater, dire et juger que Monsieur T. ne démontre l'existence d'aucune faute de la société Carrefour Voyages de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'arrêt ci-dessus comme des dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce ;
- Constater, dire et juger que Monsieur T. n'apporte aucune justification de ce que la société Carrefour Voyages aurait agi de mauvaise foi à son égard ;
- Constater, dire et juger au surplus que Monsieur T. n'apporte aucune justification du montant des dommages et intérêts sollicités.
Par voie de conséquence,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Fort de France en date du 29 mars 2018 et notamment en ce qu'il a ainsi condamné Monsieur T. à payer à la société Carrefour Voyages la somme de 155 173.15 €, outre les intérêts au taux l’égal à compter du 04 mars 2016, date de l'assignation.
Y ajoutant,
- Condamner Monsieur T. à payer à la société Carrefour Voyages la somme de 10 000 € au titre de l'article L. 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée en date du 2 novembre 2021.
SUR CE, LA COUR,
Sur la nullité de l'acte de cautionnement
- Les vices du consentement.
Selon l'appelant, son engagement de caution est entaché de vices du consentement en ce que :
- Il a été souscrit sous la contrainte psychologique alors que M. X était harcelé par la société Carrefour Voyages à un moment où une autre société qu'il gérait, Pass’Travel sous franchise de Carrefour Voyages, était privée d'activité.
- De plus, la société Carrefour Voyages, en lui a laissé accroire que la situation pouvait encore être sauvée, alors que la société Letchimy était notoirement insolvable, et que l'acte stipulait la résiliation du contrat d'affiliation.
L’intimée ne réplique qu’aucune des conditions de la violence n'est remplie en l'espèce et que concernant le dol, contrairement à ce qu'indique M. X, c'est ce dernier qui a convaincu la société Carrefour Voyages du fait qu'il pourrait rembourser sa dette.
Sur ce ;
Vu les articles anciens L. 1109, 1110 du code civil dans leur version applicable aux faits de l'espèce,
- La violence.
Il est établi que l'exploitation d'une situation de dépendance économique faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne peuvent vicier de violence le consentement de l'acte juridique.
En l'espèce, s'il est vrai que la société Letchimy connaissait de graves difficultés financières et était créancière de sommes importantes envers son franchiseur à la date où le cautionnement a été signé, il n'est pourtant pas démontré que la société Carrefour Voyages a exercé une contrainte psychologique et économique sur M. X pour l'amener à signer son engagement en tant que caution solidaire à titre personnel.
Au contraire, il ressort du courrier produit au dossier par l'intimée que c'est M. X qui, par l'intermédiaire de son conseil, a pris attache avec la société Carrefour Voyages en juin 2015 pour proposer de régler la dette de la société Letchimy due à cette époque grâce à la vente de biens. (Pièce 13 de Carrefour Voyages).
- Le dol.
L'appelant invoque l'existence d'un dol viciant son consentement lors de la signature de l'acte litigieux sans pour autant caractériser les manœuvres dolosives dont la société Carrefour Voyages aurait usé à son encontre afin qu'il signe ledit acte.
Il en résulte qu'aucun vice du consentement affectant l'acte de cautionnement litigieux n'est caractérisé.
- Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement.
M. X, en se fondant sur l'article L. 341-4 du code de la consommation, soutient que la disproportion de l'engagement de la caution doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'engagements de caution (Cass. Com. 22 mai 2013, n° 11-24812). Il relève qu'outre l'engagement litigieux à hauteur de 205.000 euros, le même jour, la société Carrefour Voyages lui a fait souscrire un engagement de cautionnement personnel et solidaire de 684.000 euros en garantie de la reconnaissance de dette de la société Pass’Travel et qu'à cette date, M. X était déjà engagé comme caution pour un montant total de 446.800 euros, auprès de la banque Bred.
L'appelant ajoute qu'à cette époque, la situation de la société Pass’Travel était gravement obérée et qu'aucune fiche de renseignements, aucun document justificatif de ses revenus et patrimoine n'a été demandé par la société Carrefour Voyages.
L'intimée réplique qu'avant la signature de son engagement de caution, M. X faisait état lui-même d'une évaluation de ses biens à hauteur d'un montant total de 1 371 000 euros auprès de la banque Bred et qu'il était gérant ou avait des intérêts dans plusieurs autres sociétés autres que les sociétés Letchimy ou Pass’Travel.
Sur ce ;
Aux termes de l'article ancien 341-4 du code de la consommation issu de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 applicable aux faits de l'espèce, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
Il appartient à la caution qui invoque le caractère disproportionné de son engagement, d'apporter la preuve de telles circonstances, elle doit démontrer que cette disproportion a été manifeste au moment de son engagement et lorsqu'elle a été appelée.
En l'espèce, M. X produit pour justifier de sa situation financière ses avis d'impôts 2014 et 2015 sur les revenus de 2013 et 2014 (pièce 12 de l'appelant), ce qui ne permet pas de connaître ses revenus en 2015 date de la signature de l'engagement de caution litigieux. Il convient en outre de prendre en compte l'entier patrimoine de la caution pour examiner sa solvabilité, or, il n'est pas contesté que M. X a informé la banque BRED en août 2014 de la valeur de son patrimoine immobilier : « l'ensemble de mes biens expertisés (expertise remise à la Bred) s'élevant à 1.371.000 euros » (courriel du 9 août 2014 de M. X adressé à la BRED), information qui a été transférée par la société Pass’Travel à la société Carrefour Voyages en juin 2015 (pièce 15 de Carrefour Voyages), la BRED étant la banque chargée des courants financiers liés à la relation d'affaires entre l'affiliant et l'affilié.
Il est également démontré que M. X est le gérant de plusieurs sociétés et a des intérêts dans de nombreuses sociétés (pièces 20 et 21 de Carrefour Voyages et du rapport de l'expert judiciaire désigné dans la procédure collective de la société Pass’Travel en pièce 22 : pages 81 à 87 du rapport).
Au vu de ces éléments, l'appelant échoue à démontrer le caractère disproportionné de son engagement.
- L'exception tirée de la nullité et de la non-conformité aux règles de la concurrence des contrats dit d'affiliation et du protocole de résiliation et des fautes commises par le franchiseur.
L'appelant soutient qu'il est en droit de soulever l'exception de nullité ou tout au moins la non-conformité aux règles d'ordre public de la concurrence du contrat dit d'affiliation conclu entre les sociétés Letchimy et Carrefour Voyages en ce que :
- Le contrat dit d'affiliation est en réalité un contrat de franchise et qu'il n’y a pas de preuve de la remise à la société Letchimy, lors de la signature du contrat, d'un manuel ou une bible du savoir-faire ;
- Et que les clauses 2.1 et 3.2 du contrat dit d'affiliation seraient constitutives d'un déséquilibre significatif au bénéfice de la société Carrefour Voyages.
L'intimée réplique que la caution n'est pas recevable à invoquer tout moyen de nullité que le débiteur principal aurait pu opposer au créancier, selon l'arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation du 8 juin 2007, seule la société Letchimy était recevable à les soulever.
Elle ajoute que la société Letchimy est seule « partenaire commercial » et seule recevable à invoquer le déséquilibre significatif lié à deux clauses insérées dans le contrat de franchise et que cette pratique anticoncurrentielle n'est pas sanctionnée par une nullité sauf si c'est le Ministre de l'économie qui le demande. Enfin, elle nie l'existence d'un déséquilibre économique significatif liée aux clauses litigieuses du contrat d'affiliation.
L'appelant répond qu'il ne s'agit pas d'une exception personnelle mais d'une exception inhérente à la dette.
Sur ce ;
Du caractère accessoire du cautionnement il résulte nécessairement que l'extinction de l'obligation garantie emporte extinction du cautionnement.
Depuis la réforme du droit des sûretés entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021), l'article 2298 nouveau du code civil dispose que « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur ».
Mais en l'espèce, l'acte de cautionnement ayant été conclu antérieurement au 1er janvier 2022, soit le 10 juillet 2015, il convient d'appliquer l'article ancien 2313 du code civil selon lequel « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions au débiteur principal, qui sont inhérentes à la dette; mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur ». Il a été admis en application dudit article que les exceptions liées à la personne du débiteur étaient par exemple un vice du consentement ou une nullité relative tirée du défaut de cause d'un contrat.
Ainsi la remise en cause de la validité du contrat dit d'affiliation pour défaut de cause du fait que la société Carrefour Voyages ne prouverait pas avoir transmis un savoir- faire à la société Letchimy constituant une exception personnelle du débiteur principal, M. X en sa qualité de caution doit être déclaré irrecevable à soulever cette exception et il n'est donc pas nécessaire d'examiner la question de la requalification du contrat d'affiliation en contrat de franchise.
En revanche, la remise en cause de la validité de deux clauses du contrat d'affiliation qui constitueraient un déséquilibre significatif prévu par l'article L. 442-6 2° du code de commerce au profit de l'affiliant n'est pas une exception personnelle du débiteur principal, mais une exception liée à la dette causée par le contrat d'affiliation liant la société Carrefour Voyages à son débiteur principal, la société Letchimy.
M. X est donc recevable à soulever cette dernière exception.
Sur le déséquilibre significatif invoqué :
La première clause litigieuse du contrat d'affiliation (2-1) concerne les « conditions liées à l'opération de vente des produits et prestations de services fournies par Carrefour » et indique qu'une série de fournisseurs sont référencés par Carrefour, ce qui permet à l'affiliant d'obtenir des taux de commission compétitifs ; la seconde clause litigieuse du contrat de franchise (3-2) intitulée « responsabilité à l'égard des fournisseurs référencés-mandat de paiement » régit les modalités de paiement des factures fournisseurs. M. X prétend que par ces deux clauses, d'une part, il est imposé à l'affilié les taux de commissions des fournisseurs de l'affiliant et d'autre part, il est permis à la société Carrefour Voyages de régler les factures émises par lesdits fournisseurs, au nom et pour le compte de l'affilié, sans pouvoir ni les vérifier ni les contester, apparaissent manifestement contraires aux règles de la concurrence.
Sur ce ;
Selon l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
La caractérisation de la pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce suppose d'une part, d'établir une tentative de soumission ou une soumission du partenaire commercial à une clause et d'autre part, de démontrer que cette clause est constitutive de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Tout d'abord, l'élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l'absence de négociation effective.
Il ne peut être inféré du seul contenu des clauses, la caractérisation de la soumission ou tentative de soumission exigée par le législateur. Or l'appelant, qui qualifie les deux clauses litigieuses du contrat de franchise de déséquilibre significatif, n'apporte aucun élément de contexte sur les conditions de sa négociation ni ne justifie avoir tenté en sa qualité de gérant de la société Letchimy de faire supprimer les clauses critiquées.
Il succombe donc à la charge de la preuve qui lui incombe et sa demande tendant à voir annuler les clauses 2.1 et 3.2 insérées au contrat d'affiliation dont l'acte de cautionnement litigieux est l'accessoire. Ce moyen de défense soutenu par M. X pour voir annuler le cautionnement ne sera pas retenu.
- Le caractère incertain de la créance.
L'appelant prétend enfin en se référant aux dispositions de l'article 1315 ancien du code civil que la société Carrefour Voyages ne justifie ni de l'existence ni du montant de la créance réclamée, par la seule preuve des factures émises par elle-même.
Cependant, la créance est suffisamment justifiée par la reconnaissance de dette signée par M. X en sa qualité de gérant de la société Letchimy, par l'extrait de compte client produit au débat et les factures correspondantes (pièces 5 et 6 de Carrefour Voyages), il n'est en outre justifié d'aucun règlement de cette dette liée à des impayés contractés dans le cadre de l'exécution du contrat d'affiliation alors que M. X avait par divers courriers en 2014 et 2015 sollicité des délais de paiement pour s'en acquitter.
Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné M. X en paiement à hauteur de son engagement comme caution solidaire.
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts de M. X pour manquement de la société Carrefour Voyages à son obligation de bonne foi
Au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, l'appelant prétend que la société Carrefour Voyages a fait preuve de mauvaise foi et de déloyauté envers M. X en exigeant de ce dernier qu'il s'endette à titre personnel à son égard en lui faisant souscrire un engagement de cautionnement personnel alors qu'elle connaissait la situation irrémédiablement compromise dans le but de s'octroyer des garanties.
Il prétend en outre que la société Carrefour Voyages doit lui verser des dommages et intérêts équivalents à la somme réclamée pour avoir recueilli son cautionnement alors qu'elle savait que la situation de la société Letchimy était irrémédiablement compromise depuis 2015.
L'intimée demande confirmation du jugement du tribunal de commerce.
Sur ce ;
Il apparaît au vu de ce qui a déjà été jugé supra et notamment le fait que M. X a voulu convaincre courant 2015 la société Carrefour Voyages qu'il avait les moyens de relever sa société et de régler sa dette sur plusieurs mois, que les parties se sont rapprochées pour négocier un accord amiable, qu'aucun élément au dossier ne démontre une attitude fautive de la société Carrefour Voyages tendant à engager la responsabilité de cette dernière à l'égard de la caution, à l'instar de ce qu'ont jugé à bon droit les juges de première instance pour débouter M. X de sa demande en dommages et intérêts envers la société Carrefour Voyages.
Sur les frais et dépens
Le jugement sera confirmé sur les frais et dépens de première instance.
M. X succombant en appel, les dépens d'appel seront mis à sa charge et il est équitable qu'il participe aux frais irrépétibles engagés par l'intimée à hauteur de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
CONDAMNE M. X aux dépens d'appel.
CONDAMNE M. X à payer à la société CARREFOUR VOYAGES la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.
REJETTE toute autre demande.