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Décisions

ADLC, 2 février 2022, n° 22-D-04

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport sanitaire hospitalier intercommunal du Val d’Ariège et du Pays d’Olmes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Gilles Vaury, rapporteur, et l’intervention de Mme Laure Gauthier, rapporteure générale adjointe, par Mme Irène Luc, vice-présidente, présidente de séance, Mme Fabienne Siredey-Garnier et M. Henri Piffaut, vice-présidents.

ADLC n° 22-D-04

1 février 2022

L’Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 16 décembre 2019 sous le numéro 19/0096 F, par laquelle le ministre de l’Économie et des Finances a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport sanitaire hospitalier intercommunal du Val d’Ariège et du Pays d’Olmes ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment, le premier paragraphe de l’article 101 ;

Vu le livre IV du code de commerce et notamment son article L. 420-1 ;

Vu la décision de la rapporteure générale adjointe du 11 janvier 2021 disposant que l’affaire fera l’objet d’une décision de l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport ;

Vu les observations présentées par les sociétés SARL Ambulances Sannac et SARL Mafanel et le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, les représentants des  sociétés  SARL Ambulances Sannac et SARL Mafanel et le commissaire du Gouvernement, entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 10 juin 2021 ;

Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA PROCEDURE

1. La Brigade interrégionale d’enquête de concurrence (ci-après, « BIEC ») de Nouvelle-Aquitaine a, dans un rapport administratif d’enquête du 13 décembre 2017, constaté que plusieurs entreprises avaient constitué un groupement anticoncurrentiel pour répondre à des appels d’offres dans le secteur des marchés publics de transport sanitaire, passés par le centre hospitalier intercommunal du Val d’Ariège et le centre hospitalier du Pays d’Olmes.

2. Le 27 février 2018, ce rapport a été transmis par le ministre de l’économie au rapporteur général de l’Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité »), lequel a informé le ministre, par courrier du 3 mai 2018, qu’il n’entendait pas proposer à l’Autorité de se saisir d’office de cette affaire.

3. En application de l’article L. 464-9 du code de commerce, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (ci-après, « DGCCRF ») a engagé une procédure d’injonction et de transaction à l’encontre des sociétés concernées, à l’exception de la société Ambulances Cazal (ci-après, « Cazal »), mise hors de cause.

4. Les sociétés Ambulances Ollivier (ci-après, « Ollivier »), Ambulances Ensales (ci-après, « Ensales »), Ariège Ambulances et Haute Ariège Ambulances (ci-après, « Haute Ariège ») ont accepté ces mesures d’injonction et de transaction entre les mois de février et de septembre 20192.

5. La société Ambulances Sannac (ci-après, « Sannac ») s’est vu quant à elle notifier, par courrier du 17 juin 2019 de la BIEC de Nouvelle-Aquitaine3, les mesures d’injonction et de transaction décidées à son encontre. Au titre de la deuxième mesure, il était précisé « qu’en application de l’article (sic) L. 464-9 et R. 464-9-1 à R. 464-9-3 du code de commerce, une transaction d’un montant de 14 000 euros est proposée à [l’] entreprise ». Le bordereau de retour, joint à cette lettre4, qui proposait à la société de choisir entre l’acceptation et le refus des mesures d’injonction et de transaction en cochant la case correspondante, mentionnait, par suite d’une erreur matérielle, un montant transactionnel de 1 400 euros, au lieu des 14 000 euros figurant dans le courrier lui-même.

6. Le représentant de l’entreprise a accusé réception de la notification le 24 juin 2019, a déclaré accepter, par mention manuscrite portée sur ce bordereau de retour, « l’injonction et/ou la transaction d’un montant de 1 400 euros (mille quatre cents euros) »5, puis a versé ce montant par chèque au Trésor public6.

7. Par courrier du 15 juillet 20197, la BIEC de Nouvelle-Aquitaine a procédé à une nouvelle notification des mesures d’injonction et de transaction décidées à l’égard de Sannac, après avoir rectifié le bordereau de retour. Elle a précisé que « le bordereau de retour (…) mentionnait par erreur un montant transactionnel de 1 400 €, alors que je vous ai bien proposé dans le courrier d’injonction un montant de 14 000 € (quatorze mille euros) ».

8. Sannac n’ayant pas versé le complément de 12 600 euros requis, et ne s’étant pas acquittée de l’intégralité de la somme de 14 000 euros proposée par la BIEC de Nouvelle-Aquitaine au titre de la transaction, le ministre de l’économie a saisi l’Autorité, conformément à l’article R. 464-9-3 du code de commerce qui prévoit que « dans le cas où l'entreprise a refusé les mesures notifiées (…) ou encore n’a pas versé la somme prévue par la transaction, le ministre chargé de l’économie saisit l’Autorité de la concurrence » (soulignement ajouté).

9. La saisine a été enregistrée le 16 décembre 2019 sous le numéro 19/0096 F.

10. Par décision du 11 janvier 20218, prise en application des articles L. 463-3 et R. 463-12 du code de commerce, la rapporteure générale adjointe a décidé que l’affaire serait examinée par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport.

11. Une notification de griefs simplifiée a été envoyée aux sociétés Sannac et SARL Mafanel le 20 janvier 2021.

B. LE SECTEUR ET LES ENTREPRISES CONCERNEES

1. LE SECTEUR DU TRANSPORT SANITAIRE

a) L’activité de transport sanitaire

12. L’activité de transporteur sanitaire privé est réglementée par le code de la santé publique.

13. L’article L. 6312-1 du code de la santé publique définit le transport sanitaire comme « tout transport d’une personne malade, blessée ou parturiente, pour des raisons de soins ou de diagnostic, sur prescription médicale ou en cas d’urgence médicale, effectué à l’aide de moyens de transports terrestres, aériens ou maritimes, spécialement adaptés à cet effet ».

14. L’article L. 6312-2 du code de la santé publique précise que « toute personne effectuant un transport sanitaire doit avoir été préalablement agréée par le directeur général de l'agence régionale de santé ».

15. L’article R. 6312-8 du même code énumère les différentes catégories de véhicules dédiés au transport sanitaire :

« 1° Véhicules spécialement aménagés :

a) Catégorie A : ambulance de secours et de soins d’urgence « ASSU » ;

b) Catégorie B : voiture de secours aux asphyxiés et blessés « VSAB » ;

c) Catégorie C : ambulance ;

2° Autres véhicules affectés au transport sanitaire terrestre :

-     catégorie D : véhicule sanitaire léger ».

16. Il convient, notamment, de distinguer l’ambulance, qui permet de transporter des personnes en position allongée et le véhicule sanitaire léger (« VSL »), destiné au transport des personnes en position assise.

17. Il ressort des déclarations du gérant de Sannac, du 6 décembre 2016, que l’agence régionale de santé (« ARS ») attribue un quota de véhicules à chaque société, qui ne peut être majoré, sauf à racheter d’autres acteurs présents sur le marché9.

18. Selon le rapport d’enquête, les prestations de transport sanitaire, objet des marchés litigieux, concernaient des transports inter-hospitaliers de jour, programmés à l’avance, ne nécessitant pas de transports de nuit ni d’astreintes spécifiques ou de transports d’urgence, soit de malades, soit de prélèvements ou de transplants. Il s’agissait uniquement de déplacements en ambulance ou VSL à la charge de l’établissement, pour des soins de suites et de rééducation (« SSR ») ou pour des examens complémentaires en Centres Hospitaliers Universitaires (« CHU »). Ces prestations portaient, en général, sur de faibles distances.

b) La gestion de l’urgence sanitaire

19. Les entreprises de transport sanitaire sont amenées à participer au traitement de l’urgence médicale, organisée sur une base départementale.

20. Ainsi, l’article R. 6312-19 du code de la santé publique prévoit que les entreprises agréées pour les transports sanitaires « sont tenues de participer à la garde départementale en fonction de leurs moyens matériels et humains ».

21. Selon le rapport d’enquête, les transports de nuit (entre 20 heures et 8 heures) ou les dimanches et jours fériés, se situant dans des créneaux horaires d’activité inhabituels, nécessitent la mise en place d’un dispositif visant à assurer la continuité de la prise en charge des patients, appelé « garde départementale »10.

22. Aux termes de l’article R. 6312-20 du même code, « le territoire départemental fait l'objet d'une division en secteurs de garde. Cette division, qui sert de base à l'élaboration du tableau de garde, tient compte des délais d'intervention, du nombre d'habitants, des contraintes géographiques, de la localisation des établissements de santé et des secteurs de garde de permanence des soins prévus à l'article R. 6315-1 [du code de la santé publique] ».

23. Les Associations de Transporteurs Sanitaires d’Urgence (« ATSU ») sont impliquées dans la répartition de ces missions et participent à l’élaboration du tour de garde départemental. Conformément à l’article R. 6312-21 du code de la santé publique : « [a]près avis de l’association départementale de transports sanitaires d’urgence la plus représentative (…), le directeur général de l'agence régionale de santé arrête le tableau de garde établissant la liste des entreprises de garde de manière à assurer, dans chaque secteur de garde, la mise à disposition d’au moins un véhicule de catégorie A ou C disposant d’un équipage répondant aux exigences de la présente section [du code de la santé publique] ».

24. Par ailleurs, la circulaire DGS [Direction générale de la santé] n° 98-483 du 29 juillet 1998 précise que « [l]a coordination des transporteurs sanitaires s’effectue au sein d’une association de réponse à l’urgence constituée dans chaque département. Chaque entreprise de transports sanitaires adhère librement à l’association qui est ouverte à tous les transporteurs du département, quelle que soit la nature de l’entreprise ou son appartenance syndicale. (…) [Ceci] n’exclut pas, pour autant, l’appel par le SAMU à des transporteurs non adhérents à l’association ».

c) L’encadrement des tarifs

25. Les tarifs des prestations de transport sanitaire sont réglementés par le code de la santé publique. Aux termes de l’article L. 6312-3 de ce code, « la législation en vigueur sur les prix s’applique aux tarifs de transports sanitaires. Ceux-ci sont établis par arrêté des ministres chargés du budget, de la consommation, de l’économie et des finances et de la sécurité sociale. L’inobservation de ces tarifs peut entraîner le retrait de l’agrément ».

26. Une convention nationale des transporteurs sanitaires privés, conclue le 26 décembre 2002, organise les rapports entre les transporteurs et les organismes d’assurance maladie en application de l’article L. 322-5-4 du code de la sécurité sociale. Les tarifs applicables aux transports sanitaires remboursables des assurés sont fixés par avenant conventionnel.

27. Le régime des tarifs administrés ne s’applique pas aux transports sanitaires effectués pour le compte des hôpitaux publics qui font jouer la concurrence. Néanmoins, lors des consultations, les entreprises soumissionnaires rédigent leurs offres en proposant un pourcentage de remise par rapport aux tarifs règlementés, applicable de façon globale ou par type de prestations. Le prix ainsi appliqué résulte de la détermination de ce taux de remise.

2. LES CENTRES HOSPITALIERS DEMANDEURS DE PRESTATIONS DE TRANSPORT SANITAIRE DANS LE VAL D’ARIEGE ET LE PAYS D’OLMES

28. Le centre hospitalier intercommunal du Val d’Ariège (ci-après, « CHIVA »), principal hôpital du département de l’Ariège, est un établissement public de santé intercommunal qui disposait de 648 lits pour un budget d’exploitation de 95,8 millions d’euros en 201411. Ses services sont regroupés depuis 2000 à Saint-Jean-de-Verges au sein de l’aire urbaine de Foix.

29. Le centre hospitalier du Pays d’Olmes (ci-après, « CHPO ») comptait, en 2014, 242 lits pour un budget d’exploitation de 12,8 millions d’euros12 et est implanté à Lavelanet, à l’est du département de l’Ariège. Sa direction est commune avec celle du CHIVA.

30. Ces deux centres hospitaliers, distants de 30 km, ont des domaines d’activité complémentaires. La zone de couverture du CHIVA couvre, en outre, les secteurs des Haute et Basse Ariège, celle du CHPO étant limitée au Pays d’Olmes.

31. En juin 2016, les deux établissements ont intégré le Groupement Hospitalier de Territoire des Pyrénées Ariégeoises (ci-après, « CHTPA »), qui devait progressivement mutualiser les procédures d’achats des cinq centres hospitaliers du département de l’Ariège, soit le CHIVA, le CHPO, ainsi que les centres hospitaliers du Couserans, d’Ax et de Tarascon.

3. L’ENTREPRISE DE TRANSPORT SANITAIRE CONCERNEE

32. À l’époque des pratiques visées par l’enquête, les entreprises impliquées, visées par les mesures d’injonction et de transaction, étaient les sociétés Ollivier, Ensales, Ariège Ambulances, Haute-Ariège et Sannac. Compte tenu de la transaction conclue par chacune des sociétés Ollivier, Ensales, Ariège Ambulances et Haute-Ariège, seule l’entreprise Sannac est concernée par la présente décision.

33. Sannac est une société à responsabilité limitée, dont le siège social est situé à Pamiers, spécialisée dans le transport sanitaire. C’est une filiale de la SARL Mafanel, active également dans la vente de matériel médical et les pompes funèbres, par l’intermédiaire de filiales.

34. Sannac a réalisé un chiffre d’affaires de 3 063 110 euros en 201613.

35. Selon les déclarations du gérant, le parc de véhicules de transport sanitaire de la société était constitué, en décembre 2016, de 9 ambulances, 14 VSL et 5 taxis. À cette date, elle employait 48 salariés exclusivement « roulants » (titulaires du diplôme d’État d’ambulanciers ou ambulanciers auxiliaires)14.

C. LES PRATIQUES CONSTATEES

36. Seront successivement présentées l’évolution des candidatures aux appels d’offres organisés par le CHIVA et le CHPO vers une candidature unique regroupant tous les opérateurs (1), puis les caractéristiques de ce groupement (2).

1. L’EVOLUTION DES CANDIDATURES VERS UNE CANDIDATURE EN GROUPEMENT

37. L’évolution de l’attribution des marchés depuis 1988 met en évidence, dans un premier temps, une longue période d’exécution des marchés par une entreprise unique. Dans un deuxième temps, a commencé, à compter de 2008 pour les marchés organisés par le CHIVA, et 2013 pour le marché du CHPO, une phase de regroupement partiel des opérateurs (Ariège Ambulances, Cazal, Ensales, Haute Ariège, Ollivier et Sannac) proposant une candidature en groupement, et remportant les marchés face à l’entreprise titulaire historique du marché, grâce à des remises très attractives vis-à-vis de la collectivité publique. Enfin, à compter de 2015, une fois le titulaire historique évincé, celui-ci a été intégré au groupement, qui rassemble désormais la totalité des acteurs du marché et présente une candidature unique aux appels d’offres du CHIVA et du CHPO.

38. Seront successivement présentées les candidatures aux marchés organisés par le CHIVA (a) puis par le CHPO (b).

a) Les marchés de transport sanitaire organisés par le CHIVA

Les marchés du CHIVA lors de la période 1988-2015

39. De 1988 à 2008, l’entreprise Ariège Ambulances, qui détenait neuf ambulances et treize VSL, a assuré les prestations de transport sanitaire pour le compte de l’hôpital de Foix (devenu le CHIVA) en pratiquant une remise de 5 % sur le tarif règlementé15.

40. Entre 2008 et 2010, Ariège Ambulances a perdu le marché du CHIVA au profit d’un groupement de trois entreprises composé d’Ensales, Haute Ariège et Sannac, qui a alors consenti au centre hospitalier une remise de 35 % sur le tarif règlementé16.

41. S’agissant du marché 2011-201217, un groupement constitué de deux des trois membres du groupement sortant (Haute Ariège et Sannac), auxquels se sont ajoutées les entreprises Ariège Ambulances, Cazal et Ollivier, a candidaté en proposant un taux de remise de 5 %18. Le groupement ainsi formé n’a pas obtenu le marché, remporté par l’entreprise Ensales, qui avait maintenu un taux de remise de 35 %19. Les moyens de la société Ensales, qui consistaient en cinq ambulances, dont deux mobilisées quotidiennement pour le CHIVA, lui permettaient d’exécuter le marché de manière autonome. La valeur estimée du marché était fixée à 340 000 euros sur deux ans20.

42. En 2012, les sociétés Ariège Ambulances, Cazal, Haute Ariège, Ollivier et Sannac ont constitué un groupement d’intérêt économique (« GIE »), dénommé le G5, « en vue de faciliter et de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroitre les résultats de cette activité »21. Au-delà d’une mutualisation de moyens22, la constitution du G5 avait pour objectif, comme l’a précisé le dirigeant d’Ariège Ambulances lors d’une audition du 6 janvier 2016, « de se regrouper pour répondre aux appels d’offres »23.

43. Pour 2013-201524, deux marchés distincts ont été lancés, l’un pour le CHIVA (lot n° 1) et le second pour le CHPO (lot n° 2)25. Le lot n° 1 du marché a été attribué au groupement à 5 composé des membres du G5 et représenté par Ariège Ambulances en tant que mandataire, ayant consenti à une remise de 42 %26. La société Ensales avait de son côté proposé un taux de remise de 37 %27. La valeur estimée du marché était de 340 000 euros sur deux ans. Les critères de notation pour l’obtention de ce marché étaient basés à 40 % sur le prix et à 60 % sur la valeur technique des offres proposées28.

44. S’agissant de la profitabilité de l’offre proposée par ce groupement à cinq, le représentant de l’entreprise Ollivier a précisé, dans une déclaration du 11 janvier 2017, qu’une « remise raisonnable de 15 %, (est un) taux qui nous permet de ne pas perdre de l’argent »29.

45. À cet égard, le directeur adjoint du CHIVA a souligné, lors d’une déclaration du 25 juin 2015, qu’il lui semblait que « cette offre très intéressante financièrement avait pour but d’évincer le titulaire sortant Ensales, qui du coup a perdu le marché »30.

46. En outre, le représentant d’Ariège Ambulances a confirmé, lors d’une audition du 11 janvier 2017, l’utilisation d’un fort taux de remise aux fins d’éviction d’Ensales : « en groupement, nous avons ensuite repris le marché avec une remise forte de 42 % pour reprendre le marché à Ensales en 2013 »31.

Les marchés du CHIVA lors de la période 2015-2018

La procédure infructueuse lancée en mai 2015

47. Le marché 2013-2015, passé avec le groupement à cinq (Ariège Ambulances, Cazal, Haute Ariège, Ollivier et Sannac et représenté par Ariège Ambulances, son mandataire), arrivant à échéance le 21 janvier 2015, a, dans un premier temps, été prolongé par trois avenants successifs jusqu’au 15 juin 201532. Les conditions du marché, et notamment la remise de 42 % sur le tarif réglementé, ont alors continué à être appliquées.

48. Une nouvelle procédure a été lancée en mai 201533 sous forme de deux marchés distincts, l’un pour le CHIVA et l’autre pour le CHPO. La valeur estimée du marché était fixée à 324 000 euros sur trois ans34. Les critères de notation pour l’obtention de ce marché étaient basés à 60 % sur le prix et à 40 % sur la valeur technique des offres proposées35.

49. Le CHIVA n’a réceptionné qu’une seule offre, émanant d’un groupement à six, composé de l’ensemble des cinq entreprises appartenant au groupement à 5 sortant, et qui incluait désormais Ensales, proposant un taux de remise de 5 %. Le CHIVA a déclaré la procédure infructueuse pour insuffisance de concurrence36, puis l’a relancée.

50. La déclaration de marché infructueux ayant retardé le choix d’un nouvel attributaire, le CHIVA a passé un quatrième avenant avec le groupement à cinq titulaires du marché 2013-2015, afin d’assurer la continuité du service de transport sanitaire. Cet avenant a prolongé le marché jusqu’au 15 septembre 2015. Le taux de remise de 42 %, consenti au titre du marché précédent et dans le cadre des trois premiers avenants, n’a pas été maintenu par le mandataire, qui l’a ramené à 5 % au stade de la proposition, puis à 15 % après négociation37.

51. S’agissant de la procédure lancée en mai 2015, le directeur adjoint du CHIVA a souligné, dans une audition du 25 juin 2015, que :

« [p]our cette procédure, nous n’avons reçu qu’une seule offre, ce qui nous a plutôt surpris. En effet, nous avons eu comme seul candidat un groupement ayant pour mandataire ARIEGE AMBULANCES et qui regroupe l’ensemble des ambulanciers d’Ariège, y compris l'entreprise ENSALES qui jusque-là répondait seul. Ce groupement nous fait une offre financière de -5% sur le tarif réglementé. Ce tarif nous a également beaucoup surpris »38.

La procédure lancée en juillet 2015

52. Une seconde consultation a été lancée en juillet 201539. La valeur estimée du marché était fixée à 324 000 euros sur trois ans40. Les critères de notation pour l’obtention de ce marché étaient basés à 60 % sur le prix et à 40 % sur la valeur technique des offres proposées41.

53. À la suite de discussions avec les entreprises membres du groupement à six42, les cahiers des charges ont été partiellement modifiés par le CHIVA43. Ainsi :

* les pénalités de retard en cas de dépassement de plus de 30 minutes étaient maintenues, mais il était précisé que celles-ci « ne seront appliquées que si cela est nécessaire à la bonne exécution du marché » ;

* le CHIVA précisait les horaires d’intervention courants (entre 7h et 19h) ainsi que l’horaire limite d’envoi des demandes de transport (18h), sauf exceptions et urgences ;

* le CHIVA s’engageait à sensibiliser son personnel pour faciliter les formalités de préparation du patient et éviter le temps d’attente ;

* le CHIVA autorisait pour certains trajets le passage par l’autoroute, auparavant uniquement possible pour les urgences44.

54. En outre, le nombre de transports prévus pour ce marché a diminué. À cet égard, en réponse à une demande d’information des enquêteurs du 23 juillet 2015, Mme E…, en charge de la cellule des marchés du CHIVA, a indiqué que :

« pour le marché à venir, le nombre de transport prévisionnel est en baisse, pour quatre raisons :

* Les re convocations de patients du CHPO seront, non plus à la charge du CHIVA, mais à la charge du CHPO (remise au CHPO moins importante que le CHIVA)

* Les re convocations de patients de Chalabre seront, non plus à la charge du CHIVA, mais à la charge de l’assurance maladie (paiement sans remise)

* Les sorties de patients du CHIVA pour une admission en HAD seront, non plus à la charge du CHIVA, mais à la charge de l’assurance maladie (paiement sans remise)

* Les transferts définitifs de patients du CHIVA vers le SSR Pamiers et inversement seront, non plus à la charge du CHIVA, mais à la charge de l'assurance maladie (paiement sans remise) »45.

55. Dans un courriel du 27 juillet 2015, la responsable de la cellule marché du CHIVA a encore précisé que : « des transports précédemment pris en charge avec remises sur le tarif réglementé par le CHIVA et le CHPO sur la base des prestations de transports inter- hospitaliers intégrées aux marchés de ces hôpitaux sont désormais pris en charge par l’assurance maladie au plein tarif de la sécurité sociale [sans remise] », réduisant le volume de transports pris en charge par le marché à tarif décoté : le transfert de charges intervenu entre les centres hospitaliers et la sécurité sociale « a pour double effet de diminuer le nombre de transports pris en charge par le marché, donc de diminuer les éventuelles charges de planning évoquées par les ambulanciers, tout en améliorant la rentabilité des transports effectués »46.

56. Cette consultation a généré une réponse unique émanant du groupement, qui proposait un taux de remise de 15 %. Le CHIVA a notamment fait valoir, lors de sa négociation tarifaire avec le groupement47, la baisse du nombre de transports relevant du marché et l’échelonnement des horaires de sorties des patients, afin de répondre à une demande des ambulanciers, sans toutefois réussir à faire évoluer le taux de remise de 15 %, le groupement invoquant encore « la conjoncture actuelle et la règlementation stricte du travail (qui) ne nous permet pas de proposer une meilleure offre »48. Le CHIVA a alors dû accepter cette offre.

b) Les marchés de transport sanitaire organisés par le CHPO

Les marchés du CHPO lors de la période 1970-2015

57. Du début des années 1970 jusqu’en 2013, la société Ollivier a assuré, seule, les prestations de transport sanitaire pour le compte de l’Hôpital de Lavelanet, devenu CHPO, moyennant une remise qui a progressivement diminué, passant de 45 % sur la période 1970-2003 à 15 % à partir de 2004, en raison de l’évolution de la longueur des transports effectués49.

58. Pour la période 2011-2012, à compter de l’appel d’offres de 2011, Ollivier, toujours seule à candidater, a obtenu le marché avec un taux de remise réduit à 8 %. À cet égard, le représentant d’Ollivier a fait observer, dans une déclaration du 11 janvier 2017, qu’« à partir de 2011 les conditions de transport ont changé, les transports longue distance ont augmenté ce qui réduisait leur rentabilité, surtout si le retour était réalisé à vide » 50.

59. Pour la période 2013-2015, le marché correspondant au lot n° 251, évoqué ci-dessus au paragraphe 43, concernant l’appel d’offres pour les transports des patients ayant une consultation au CHIVA, depuis le CHPO ou le centre de convalescence de Chalabre, a fait l’objet d’une candidature en groupement constitué des entreprises Ariège Ambulances, Cazal, Haute Ariège, Ollivier et Sannac. Ce groupement a remporté le lot, sur la base d’une proposition de remise de 35 %, portée à 42 %, après négociations52. La valeur estimée du marché était de 30 000 euros sur deux ans53. Les critères de notation pour l’obtention de ce marché étaient basés à 40 % sur le prix et à 60 % sur la valeur technique des offres proposées54.

Les marchés du CHPO lors de la période 2015-201855

60. En 2015, le groupement à six, représenté par Ollivier, a seul soumissionné à l’appel d’offres organisé par le CHPO56 et s’est vu attribuer le marché avec un taux de remise de 8 %57. La valeur estimée du marché était fixée à 200 000 euros sur trois ans58. Les critères de notation pour l’obtention de ce marché étaient basés à 60 % sur le prix et à 40 % sur la valeur technique des offres proposées59.

61. Le représentant d’Ollivier a souligné, dans une déclaration du 11 janvier 2017, s’agissant de la présence de son concurrent Ensales dans le groupement soumissionnaire, qu’« en 2015 comme il [Ensales] a rejoint le groupement j’ai pu maintenir le taux de 8 % »60.

2. LES CARACTERISTIQUES DU GROUPEMENT

62. Seront successivement examinés ci-après la constitution, les membres, les moyens et les offres de ce groupement à six entreprises, seul candidat aux appels d’offres à compter de 2015.

a) La constitution du groupement réunissant six entreprises

63. Entre 2015 et 2018, les membres du G5 d’une part, et Ensales d’autre part, se sont regroupés pour répondre aux appels d’offres organisés par le CHIVA et le CHPO. Le groupement, ainsi formé entre la totalité des entreprises du secteur du transport sanitaire susceptibles de répondre aux appels d’offres litigieux, était représenté par les entreprises historiquement titulaires des marchés, soit Ariège Ambulances pour les marchés du CHIVA et Ollivier pour les marchés du CHPO.

64. Sur un plan formel, comme l’a précisé le dirigeant d’Ariège Ambulances dans une audition du 6 décembre 201661, « le groupement qui répond aux appels d’offres du CHIVA est un groupement solidaire dont nous sommes le mandataire. (…) Il n’y a pas eu de convention de groupement formalisée, ni d’accords écrits, ni de rencontres spécifiques pour organiser le groupement ».

65. Le 11 janvier 2017, le dirigeant d’Ollivier a en revanche fait état des discussions préalables à la constitution du groupement : « Nous nous sommes réunis environ en septembre 2012 à VERNIOLE au siège du G5 entre membres du groupement G5 (…) c’est moi qui suis allé voir M.Y… dans son entreprise pour qu’il se rapproche de nous dans le groupement G5 et lui proposer de répondre ensemble aux marchés des hôpitaux »62 (soulignement ajouté).

66. Le dirigeant d’Ensales a, par ailleurs, confirmé avoir été approché par ses concurrents, concernant le taux de remise qu’il pratiquait lorsqu’il était titulaire du marché en 2011-2012 :

« C’est en discutant avec des collègues au sein du CODAMUPS [Comité Départemental de l’Aide Médicale Urgente, de la Permanence des Soins et des Transports Sanitaires] ou à l’occasion de mes réunions au sein de la commission formation de la chambre nationale des services d’ambulances à Paris où je suis administrateur que mes collègues m’ont dit qu’un taux de 35 % était suicidaire, et que je mettais mon entreprise en danger, ce qui m’a fait réfléchir »63.

67. S’agissant de l’intérêt à participer au groupement, le représentant d’Ariège Ambulances a souligné, lors d’une audition du 11 janvier 2017, que « l’intérêt de remporter le marché des transports interhospitaliers n’est pas tant sa rentabilité, même si il apporte du chiffre d'affaires, que de gagner des clients qui ne sont pas des clients habituels d’un ambulancier et de les fidéliser pour les transports privés lesquels sont plus rémunérateurs »64.

68. De même, le dirigeant d’Ensales a précisé, dans une audition du 10 janvier 2017, avoir rejoint le groupement dans le but de conserver son activité privée : « Je sais qu’à ces occasions j’en ai parlé avec SANMIGUEL, FOURNIE, OLLIVIER et SANNAC. Si aucun en particulier n’a essayé de me convaincre d’entrer dans le groupement SANMIGUEL tous, à part CAZAL, m’ont proposé d’adhérer au même groupement qu’eux. A la réflexion pour calmer les esprits j’ai accepté (…). En résumé, j’ai pris le marché de l’hôpital du CHIVA pour développer mon entreprise en me faisant connaître et gagner des clients mais économiquement le marché du CHIVA n’a pas été intéressant (…). Au final je ne participe au groupement que pour conserver mes clients que mes concurrents me prenaient » 65. Il fait ici référence à la clientèle privée induite par le marché public hospitalier qu’il avait perdue en 2013, ce marché ayant été remporté par le groupement à cinq intégrant les membres du G5.

69. S’agissant du marché du CHPO, lors d’une audition du 6 décembre 2016, la responsable comptable d’Ensales a déclaré que : « [p]our l’autre marché [CHPO], le mode d’organisation est le même, avec OLLIVIER comme mandataire du groupement. Là encore, il nous a été proposé de participer en sous-traitance au groupement constitué pour ce marché »66.

70. Cet élément a été confirmé par le gérant d’Ensales lors une audition du 10 janvier 2017 :

« Je n’ai jamais répondu seul aux appels d'offres du CHPO ni aux lots dédiés au CHPO dans les marchés organisés par le CHIVA, sauf sur le dernier en raison de mon adhésion au groupement ayant OLLIVIER pour mandataire, mais je n’assure pas de transports, car ma zone géographique couvre le fuxéen [territoire de la ville de Foix] »67.

71. Pendant cette période, les deux centres hospitaliers du CHIVA et du CHPO n’ont reçu, chacun, qu’une seule offre pour ces marchés :

* s’agissant du CHIVA, le groupement, représenté par Ariège Ambulances, a été l’unique candidat aux deux procédures organisées en mai 2015 en proposant une remise de 5 %, puis 15 %. À la suite de la déclaration de marché infructueux et de la modification du cahier des charges par le CHIVA, le groupement a également été le seul à présenter une offre avec une remise de 15 % ;

* s’agissant du CHPO, le groupement, représenté par Ollivier, a été le seul soumissionnaire, et a proposé une remise de 8 %.

b) La relation de concurrence entre les membres du groupement

72. Les entreprises membres du groupement étaient les seules en mesure de présenter des candidatures concurrentes aux marchés litigieux.

L’existence d’une concurrence entre les membres du groupement

73. Les éléments du rapport d’enquête révèlent l’existence d’une relation de concurrence entre les membres du groupement, sur certaines zones géographiques de recoupement. Département de montagne, l’Ariège est soumise à des contraintes géographiques fortes, limitant les communications entre vallées. Ces contraintes ont conduit à délimiter, conformément aux dispositions mentionnées ci-avant aux paragraphes 19 à 24, des zones géographiques fixées par arrêté préfectoral et correspondant à des secteurs de garde dont l’ATSU est chargée d’organiser les permanences. Ces secteurs, au nombre de quatre (Basse Ariège, Haute Ariège, Couserans et Pays d’Olmes), délimitent des zones géographiques sur lesquelles les entreprises de transports sanitaires peuvent assurer une prestation dans le respect des mesures de sécurité nécessaires au transport d’un malade68.

74. Si ces secteurs délimités en tenant compte des contraintes de délai d’intervention de garde ne coïncident pas totalement avec les périmètres géographiques de réponse aux appels d’offres hospitaliers, ils permettent toutefois de recenser les entreprises susceptibles de répondre aux appels d’offres du CHIVA et du CHPO.

75. Dans la zone de couverture du CHIVA, qui comprend les secteurs des Haute et Basse Ariège, et dans celle du CHPO, limitée au Pays d’Olmes, le rapport d’enquête a mis en évidence que « la totalité des entreprises se situant sur les axes de circulation permettant d’assurer les prestations de transports pour le compte des hôpitaux CHIVA et CHPO ont répondu à leurs appels d’offres : soit du nord au sud Sannac (Mazéres-Palmiers), Ariège Ambulances (Foix-Pamiers), Ensales (Saint Paul de Jarrat), Haute Ariège (Tarascon), à l’est Cazal (plus excentrée à Mirepoix) et Ollivier à Lavelanet, siège du CHPO »69 (soulignement ajouté).

76. Lors d’une audition du 6 décembre 2016, la société Haute Ariège a ainsi confirmé : « nos concurrents sont les entreprises avec lesquelles nous répondons en groupement » 70.

L’absence de concurrence des ambulanciers non-membres du groupement

77. Il ressort de l’enquête qu’aucun autre ambulancier, extérieur au groupement, n’était en mesure de le concurrencer. En effet, selon le rapport d’enquête, dans le cadre des transports interhospitaliers, dès lors que « seuls les kilomètres en charge sont facturables »71, les centres hospitaliers ne doivent pas être éloignés de la base des transporteurs. Le seuil d’éloignement assurant la rentabilité de la course étant de 28 km72, il favorise la candidature des seuls transporteurs situés à proximité du centre hospitalier.

78. À la suite de la candidature du groupement, dans une déclaration du 6 décembre 2016, le gérant d’Ariège Ambulances a ainsi souligné que : « [s]ur notre zone principale, la RN20, je considère qu’Ariège Ambulances n’a plus de concurrents. En effet, même si chacun travaille pour sa propre entreprise, aujourd’hui nous sommes confrères »73.

79. En conséquence, les solutions alternatives au groupement que le centre hospitalier du CHIVA a tenté de mettre en place pour lui faire concurrence, lors de la procédure déclarée infructueuse en mai 2015, n’ont pu aboutir, ni au bénéfice de transporteurs basés dans les départements limitrophes, ni de ceux situés en Ariège, mais plus éloignés du CHIVA et du CHPO que les membres du groupement.

80. Par ailleurs, le directeur du CHIVA a précisé avoir « contacté l’ARS [Agence Régionale de santé] pour savoir si certains ambulanciers de départements limitrophes pouvaient éventuellement installer des établissements secondaires pour relancer la concurrence, mais l’ARS nous a signifié que le département est au maximum de places disponibles pour les ambulances et qu’ils ne souhaitent donc pas en ouvrir de nouvelles »74.

81. De même, le recours aux ambulanciers de Saint-Girons (Ariège) semblait, selon la direction de l’hôpital, « difficile pour eux [les ambulanciers] car la majorité des besoins concerne de faibles distances »75.

82. Cette constatation est confirmée par la SARL Ambu 09, située dans l’Ariège, mais extérieure au groupement, et qui n’exerçait pas dans la zone géographique du CHIVA et du CHPO. Lors d’une audition du 1er mars 2017, elle a déclaré à cet égard que :

« [j]e ne suis pas intéressé par les appels d’offres lancés par le CHIVA/CHPO basé à Foix (55 kms et 60 minutes) et Lavelanet. Ces centres hospitaliers sont géographiquement trop éloignés de notre base, sachant que seuls les kilomètres « en charge » sont facturables »76.

c) Les moyens du groupement

83. Les moyens dont disposait le groupement pour répondre aux appels d’offres organisés par le CHIVA et le CHPO à partir de 2015 semblent surdimensionnés par rapport aux moyens mobilisés par les titulaires successifs de ces marchés. D’une part, ces marchés avaient précédemment été exécutés par des entreprises seules et, d’autre part, l’exécution du marché remporté par le groupement en 2015 est loin d’avoir mobilisé les moyens de tous ses membres, aucune mutualisation de ceux-ci n’ayant par ailleurs été constatée.

Les moyens précédemment déployés par les entreprises indépendantes

84. Des entreprises seules (Ariège Ambulances ou Ensales pour le marché du CHIVA, et Ollivier pour le marché du CHPO) ont exécuté de manière autonome les marchés précédents, du même type, en ne recourant qu’à des moyens propres et sans les mobiliser totalement.

85. Il ressort de l’audition du représentant d’Ariège Ambulances du 11 janvier 2017 qu’entre 1998 à 2008, lorsqu’Ariège Ambulances effectuait les marchés du CHIVA de façon autonome, les moyens suivants étaient affectés à la réalisation du marché :

« A l’époque je devais avoir environ 3 ambulances et 6 VSL, je consacrais aux transports inter hospitaliers 2 ambulances soit quatre salariés et ce marché générait environ 60 % de mon chiffre d’affaires » (soulignement ajouté)77.

86. De même, lors d’une audition du 10 janvier 2017, le représentant d’Ensales, attributaire du marché au cours de la période 2011-2012, a déclaré avoir alloué les ressources suivantes à la réalisation du marché :

« Pendant cette période, sur nos 5 ambulances nous avons quotidiennement mobilisé en moyenne deux ambulances et deux équipages car chaque véhicule pouvait faire deux transports par jour. Nous pouvions plus rarement utiliser 3 à 4 ambulances » (soulignement ajouté)78.

87. S’agissant du marché du CHPO, lors d’une audition du 11 janvier 2017, le représentant d’Ollivier a précisé les conditions d’évolution de son intervention sur ce marché :

« Historiquement (…) les transports ne portaient que sur de petites distances ce qui permettait de les amortir (…) De 2004 à 2009 après négociation avec le directeur de l’hôpital j’ai ramené le montant de la remise à 15 %. Puis lors de l’appel d’offres de 2011 j’ai répondu seul avec une remise de 8 %. Il n’y avait pas d’autres entreprises intéressées compte tenu de nos zones géographiques respectives. (…) » (soulignements ajoutés)79.

Les moyens réunis par le groupement

L’addition des moyens

88. Les moyens du groupement (ci-dessous en gras), tant en termes de véhicules que de personnel, apparaissent très supérieurs aux moyens employés par les entreprises historiquement titulaires du marché.

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89. On observe qu’en 2015, quatre des cinq membres du G5, à l’exception de Cazal, disposaient d’un parc de véhicules et  d’une  main  d’œuvre  du  même ordre  de  grandeur  (de 20 à 25 véhicules ; entre 40 et 50 salariés), tandis qu’Ensales ne détenait alors que 12 véhicules et 30 salariés.

90. La différence de moyens entre les entreprises individuelles et le groupement ayant répondu aux appels d’offres organisés par le CHIVA et le CHPO en 2015 peut être quantifiée par le ratio des moyens en véhicules du groupement, rapporté aux moyens dont disposait l’entreprise ayant exécuté seule le marché (Ariège Ambulances et Ensales pour le CHIVA et Ollivier pour le CHPO).

91. Pour le marché du CHIVA, s’agissant des véhicules de transport sanitaire, le ratio est de 4,5 pour Ariège Ambulances et de 8,4 pour Ensales. S’agissant du personnel disponible, le ratio est de 4,7 pour Ariège Ambulances de 7,1 pour Ensales.

92. Pour le marché CHPO, s’agissant des véhicules de transport sanitaire, le ratio entre les moyens d’Ollivier et ceux du groupement à six est de 5,3. S’agissant du personnel disponible, le ratio est de 5,2.

La mobilisation effective des moyens lors de l’exécution des marchés organisés par le CHIVA et le CHPO en 2015

93. Il ressort du rapport d’enquête que l’exécution des marchés du CHIVA et du CHPO n’a mobilisé qu’une partie des membres du groupement.

94. S’agissant du marché du CHIVA, Ariège Ambulances a progressivement reçu l’appui des autres membres dans le cadre d’une rotation hebdomadaire, lors de l’exécution du marché attribué en juin 2015. Lors d’une audition du 6 décembre 2016, son représentant a ainsi précisé que :

« l’organisation interne du groupement est de la sorte : nous sommes 5 membres du groupement dont Ariège Ambulances est le mandataire. Nous sommes 3 à avoir mis en place un tour de rôle à la semaine pour le marché du CHIVA. Ponctuellement les autres peuvent néanmoins intervenir (Ollivier, Haute Ariège et Cazal), notamment pour l’HAD. Les 3 entreprises qui sont dans le tour de rôle sont Sannac, Ariège Ambulances et Ensales (…). Au départ le tour de rôle ne concernait que Sannac et nous, les autres étant là pour pallier les problèmes » (soulignements ajoutés)82.

95. Lors d’une audition du 11 janvier 2017, le représentant d’Ariège Ambulances a, en outre, souligné que : « par le passé, en pratique, c’était le mandataire, c’est-à-dire nous (Ariège Ambulances) qui assurions à titre principal les demandes de transports et nous avions recours assez marginalement aux autres membres du groupement en dépannage »83 (soulignements ajoutés).

96. Par ailleurs, lors d’une audition du 10 janvier 2017, le représentant d’Ensales a confirmé qu’au début de l’exécution du marché emporté par le groupement en juin 2015, il n’avait quasiment pas été sollicité, celle-ci reposant sur Ariège Ambulances et sur Sannac :

« [d]epuis le début du dernier marché en septembre 2015, je n’avais aucune ou quasiment aucune demande de transport de l’hôpital transitant par le mandataire du marché c’est-à- dire Ariège ambulances. En pratique cela voulait dire que le groupement c’est à dire en fait ARIEGE et SANNAC qui assuraient un tour de rôle hebdomadaire prenaient tous les transports y compris ceux de mes patients habituels, hors transports inter hospitaliers » (soulignement ajouté)84.

97. Chaque société d’ambulance membre du groupement facturait mensuellement l’hôpital sur la base des demandes de transport effectuées par les infirmiers. Les demandes et la facturation étaient transmises pour centralisation au mandataire Ariège Ambulances qui les adressait à l’hôpital pour règlement sur le compte bancaire du mandataire. Un virement était ensuite effectué par le mandataire à chaque membre du groupement85.

98. Ainsi, il résulte de l’état annuel de facturation du CHIVA86 qu’Ariège Ambulances concentrait 84,7 % (en 2015) et 97,9 % (en 2016) des interventions, contre 4,4 % pour Ollivier (2015) et 1,5 % pour Ensales (2016).

99. S’agissant du marché du CHPO, son exécution reposait sur la seule entreprise Ollivier, nonobstant l’offre en groupement, ainsi que l’a relevé le représentant d’Ariège Ambulances lors d’une audition du 6 décembre 2016 :

« En ce qui concerne le CHPO, nous avons participé à l’appel d’offres en tant que membre du groupement mais nous ne faisons pas de trajet pour cet établissement mais nous sommes là pour pallier la défaillance éventuelle des Ambulances Ollivier qui assurent la plupart des trajets pour cet établissement »87 (soulignements ajoutés).

100. Lors d’une audition du 11 janvier 2017, le représentant de la société Ollivier a confirmé que

« sur CHPO c’est l’entreprise OLLIVIER qui assure majoritairement les transports avec accessoirement le concours des membres du groupement (…). Quand OLLIVIER ne peut réaliser le transport il fait appel aux autres membres du groupement pour sous-traiter la prestation »88 (soulignement ajouté).

101. L’état annuel de facturation produit par le CHPO89 montre qu’Ollivier effectuait 94 % des interventions en 2015 et 95,7 % en 2016, contre des interventions nulles ou quasi nulles pour Sannac, Haute Ariège et Ariège Ambulances.

d) L’objet du groupement

102. S’agissant de la raison d’être du groupement, le représentant de la société Haute Ariège a souligné lors d’une audition du 6 décembre 2016 que :

« Concernant les marchés du CHIVA et du CHPO, toutes les entreprises [membres du G5] auraient pu répondre seules mais elles se seraient mises en danger économiquement et juridiquement. En effet, se consacrer à la réalisation du marché des hôpitaux empêche de développer l’activité commerciale (demandes individuelles) qui est beaucoup plus rémunératrice. Le fait de répondre en groupement permet de répartir les cartes dans le cadre du marché et de développer l’activité commerciale de chaque membre du groupement. Objectivement, chacun de nous a intérêt à répondre en groupement. L’intérêt pour les entreprises de transports sanitaires du département de l’Ariège serait de ne pas répondre aux appels d'offres. En effet, les hôpitaux seraient obligés de faire appel à nous qui pourrions facturer les prix que nous voudrions »90 (soulignements ajoutés).

103. Lors d’une audition du 10 janvier 2017, le représentant d’Ensales a ainsi affirmé « qu’il n’est plus possible d’assurer la prestation seul »91.

104. De la même manière, le représentant de Sannac a déclaré le 8 mars 2017 que « pour le prochain marché je sais que je ne peux répondre seul, je n’aurais pas assez de véhicules. Si je réponds, je pense que ce sera avec ENSALES »92. Il précise qu’il n’aurait pas assez de véhicules pour répondre seul « car ce sont des courses où le personnel doit attendre le patient le temps de la consultation ».

105. Lors d’une audition du 11 janvier 2017, le représentant d’Ariège Ambulances a quant à lui opéré une distinction entre la période antérieure et la période récente, caractérisée par le marché de 2015, pour lequel une candidature seule n’était pas envisageable :

« Par le passé en pratique c’était le mandataire, c’est-à-dire nous qui assurions à titre principal les demandes de transports et nous avions recours assez marginalement aux autres membres du groupement en dépannage, mais les choses ont changé maintenant aucune entreprise ne peut seule assurer le marché, il y a trop de demandes urgentes qui désorganisent les plannings et comme nous sommes à flux tendu en personnel nous ne pouvons plus faire autant d’heures supplémentaires. Nous avons besoin de mutualiser les transports et pour le marché du CHIVA Sannac et moi sommes très justes, c’est très dur de tenir les engagements, c’est la raison pour laquelle c’est nous qui avons insisté pour qu’Ensales participe effectivement aux transports en assurant une semaine de permanence et nous soulage dans un tour de rôle hebdomadaire » (soulignement ajouté)93.

106. De même, lors d’une audition du 11 janvier 2017, le représentant d’Ollivier a indiqué, s’agissant du marché du CHPO :

« A partir de 2011 les conditions de transport ont changé, les transports longue distance ont augmenté ce qui réduisait leur rentabilité, surtout si le retour est réalisé à vide. Notamment d’après les études réalisées par le syndicat à moins de 28 km le transport en VSL n’est pas rentable, c’est la raison pour laquelle à partir de 2012 j’ai proposé une remise de 8 % afin de rééquilibrer les comptes.

Pour le marché de 2013 le CHIVA a organisé un appel d’offres en deux lots l’un pour le CHIVA et l’autre pour le CHPO, c’est une des raisons qui nous ont amenées à répondre en groupement, comme je ne savais pas si ENSALES qui avait remporté le marché précèdent du CHIVA avec une remise de 35 % allait répondre sur le CHPO et le prendre au même taux j’étais prêt à augmenter le taux de remise à 42%. Mais cela n’a pas été le cas et j’ai maintenu le taux de remise de 8 % » (soulignement ajouté)94.

107. À propos de l’entreprise Cazal, le rapport d’enquête précise que « ses moyens matériels et humains limités à 4 ambulances et 10 employés ainsi que son positionnement géographique excentré, ne lui permettent pas de répondre seule aux besoins des établissements hospitaliers » 95.

108. Enfin, lors d’une audition du 6 décembre 2016, Sannac a affirmé, s’agissant du marché du CHIVA, que :

« Sur le marché du CHIVA, je n’aurai pas la possibilité de répondre seul car ce serait trop lourd en matière de courses. Je n’aurai pas assez de véhicules. Ce sont des courses où mon personnel doit attendre le patient le temps de la consultation.

A ma connaissance, le marché total représente entre 20 000 et 25 000 euros de courses par mois. Mon chiffre d'affaires mensuel est de 2 000 à 5 000 euros mensuel pour les courses du marché interhospitalier. Je ne pourrai pas faire cinq fois plus »96.

e) Les taux de remises proposés par le groupement

109. Le tableau ci-dessous retrace les titulaires des marchés attribués par le CHIVA entre 2008 et 2018 et par le CHPO entre 2011 et 2015, ainsi que l’évolution des taux de remise proposés par les candidats successifs aux appels d’offres.

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110. Il ressort du tableau ci-dessus que les membres des groupements successifs candidats aux marchés du CHIVA et du CHPO ont, dans un premier temps, proposé des remises plus attractives que celles des titulaires historiques des marchés, ce qui leur a permis de les remporter. Dans un second temps, après avoir intégré la totalité des entreprises susceptibles de répondre à ces marchés, ils ont proposé des remises moins importantes.

111. S’agissant du marché du CHIVA, l’intégration au groupement de l’ancien titulaire, préalablement évincé, est combinée avec une stratégie tarifaire de revalorisation du prix des prestations, illustrée par le dirigeant d’Ariège Ambulances à propos d’Ensales, dans son audition du 11 janvier 2017 : « en groupement, nous avons ensuite repris le marché (2013-2015) avec une remise forte de 42 % pour reprendre le marché à Ensales en 2013. Mais nous ne pouvions tenir cette remise. Le groupement a pratiqué cette remise de 42 % mais cette remise ne pouvait perdurer (…). Pour le marché suivant couvrant la période 2015 à 2018, j’ai dit aux autres membres du groupement que nous devions faire entrer Ensales dans le groupement parce que l’on ne pouvait pas continuer à pratiquer des prix aussi faibles qui nous faisaient perdre de l’argent et j’ai demandé à M. X…, qui est plus souple, de proposer à M. Y… de rejoindre notre groupement. Y… s’est laissé convaincre et a participé à nos réunions en 2015, ici dans ces locaux et à Verniolle où se situe le siège du GIE G5 dont je suis le président actuel »99 (soulignements ajoutés).

112. Concernant le taux des 42 % appliqué par le groupement à cinq lors de l’appel d’offres organisé par le CHIVA en 2013, le directeur adjoint du CHIVA a souligné, dans une audition du 25 juin 2015, que « cette offre très intéressante financièrement avait pour but d'évincer le titulaire sortant ENSALES, qui du coup a perdu ce marché »100.

113. Les conditions de détermination collective du taux de remise de 5 % initialement proposé pour le marché du CHIVA de 2015 ont également été précisées par le dirigeant d’Ariège Ambulances qui a déclaré le 11 janvier 2017 que :

« [p]our le marché de 2015 au sein des réunions du groupement réunissant les 5 membres et Ensales nous avons déterminé notre taux de soumission en discutant entre nous, nous avions des avis très différents Sannac ne voulait faire aucun rabais, Fournié (Haute Ariège) a proposé 5 % en rappelant que c’était ce que je pratiquais avant, Ollivier disait qu’on pouvait monter à 10 %. Finalement nous avons fait une première proposition à 5 %, en sachant qu’on allait négocier »101.

114. Le dirigeant d’Ensales a précisé, dans une audition du 10 janvier 2017, les conditions qui l’ont conduit, avec les membres du groupement, à réduire la remise tarifaire à l’occasion de l’appel d’offres du CHIVA de 2015 :

« Concernant l’appel d’offres organisé par le CHIVA en 2015, je n’ai participé à aucune réunion organisée au siège du G5 à Verniolle. Par contre ce n’est pas impossible qu’on ait discuté de cet appel d’offres au siège d’Ariège Ambulances à une autre occasion, relative aux discussions de l’article 66 (…) Je leur ai dit qu’ils pouvaient faire le taux de remise qu’ils voulaient, je m’en fichais à condition que ce ne soit pas -40%, parce que ça n’était pas rentable. A un moment au cours des discussions comme ça j’ai proposé de faire -10%, alors que d’autres voulaient faire d’avantage (sic) que le tarif préfectoral, jusqu’à plus

+30%, mais je leur ai dit qu’il fallait rester raisonnables pour que tout le monde s’y retrouve et qu’il fallait aussi que l’hôpital s’y retrouve. Finalement je ne sais pas comment la première proposition de 5% a été faite, ni qui l’a décidée » (soulignement ajouté)102.

115. La présentation des faits par le dirigeant de l’entreprise Ollivier, lors d’une audition du  11 janvier 2017, démontre la volonté commune des membres du groupement, en intégrant Ensales, d’assécher la concurrence pour augmenter les tarifs, par réduction du niveau de la remise : « En 2013, M. Z… et moi voulions proposer de contacter M. Y… mais les autres (B…, A…, D… et C…) étaient contre, comme nous prenons les décisions à l’unanimité c’est la raison pour laquelle nous avons proposé une remise de 42% sur le CHIVA pour qu’Y… comprenne (…). Nous nous sommes réunis environ en septembre 2012 à VERNIOLE au siège du G5 entre membres du groupement G5 c’est-à-dire M. Z…, M. A…, Mme. B…, M. C…, M. D…, et moi-même pour déterminer ce taux de 42%, M. D… disait qu’il fallait monter jusqu’à 60% de remise, M. C… qu’il fallait faire aucune remise, et moi moins de 40% de l’ordre de 15 à 20% ; au final nous avons proposé 37% et finalement Z… et moi avons rencontré le directeur de l’hôpital et nous avons proposé 42%. Puis en 2015 comme il a rejoint le groupement, j’ai pu maintenir le taux de – 8 % (pour le CHPO). En 2016, c’est moi qui suis allé voir M. Y… dans son entreprise pour qu’il se rapproche de nous dans le groupement G5 et lui proposer de répondre ensemble aux marchés des hôpitaux, il fallait être raisonnable et revenir à des réalités sinon nous allions nous planter. Le but était clairement de faire baisser la remise qui était beaucoup trop importante et qui mettait en danger nos entreprises, je lui ai proposé de faire une remise raisonnable de 15 %, taux qui nous permet de ne pas perdre de l’argent. En participant au groupement il nous permettait de mutualiser les transports non-rentables notamment de limiter les retours à vide » 103 (soulignements ajoutés).

116. La mise en œuvre de cette évolution a également été décrite par le représentant de Haute Ariège lors d’une audition du 6 décembre 2016 : « Dans le cadre du GIE, nous étions 5 entreprises sur les 6 du secteur soit les 3 filles actuelles de la holding Ollivier et les sociétés Sannac et Cazal. A l’occasion de l’appel d’offres du CHIVA en 2015, nous avons proposé à ENSALES de faire une offre commune conformément au cahier des charges. Avant de faire cette proposition à Ensales nous ne savions pas s’il allait soumissionner. A partir du moment où Ensales a décidé de nous rejoindre, nous avons fait une offre proposant une remise au CHIVA, de 5%. Après négociation, le groupement a accepté de faire une remise de 15 % »104 (soulignement ajouté).

D. RAPPEL DU GRIEF NOTIFIE

117. Le 18 janvier 2021, le grief suivant a été notifié :

« il est fait grief à la société AMBULANCES SANNAC (RCS 330 974 947), en tant qu’auteure des pratiques, et à la société MAFANEL (RCS 812 078 947), en tant que société-mère de la société SANNAC, d’avoir, pour les marchés publics de transport sanitaire 2015 du CHIVA et du CHPO, fait des offres à travers un groupement non justifié tant sur le plan technique qu’économique et d’une taille très supérieure à ce que la bonne exécution des marchés requérait.

Cette pratique a eu pour objet d’assécher la concurrence et de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence au détriment des deux collectivités publiques, le CHIVA et le CHPO.

Elle s’est déroulée à compter du 11 mai 2015 et a produit des effets jusqu’au   15 septembre 2018, date d’échéance des marchés.

Cette pratique concertée est prohibée par l'article L. 420-1 du code de commerce ».

II. Discussion

118. Seront successivement examinés la procédure (A), l’applicabilité du droit de l’Union (B), le marché pertinent (C), le bien-fondé des griefs notifiés (D), l’imputabilité (E), et les sanctions (F).

A. SUR LA PROCEDURE

1. SUR L’ISSUE DE LA PROCEDURE DE TRANSACTION PREVUE PAR L’ARTICLE

L. 464-9 DU CODE DE COMMERCE

119. La société Sannac allègue que, dans la mesure où elle s’est acquittée des 1 400 euros figurant sur le bordereau de retour joint à la proposition de transaction de la DGCCRF, l’action devant l’Autorité serait éteinte pour les mêmes faits.

120. Aux termes de l’article L. 464-9 du code de commerce, « Le ministre chargé de l’économie peut enjoindre aux entreprises de mettre un terme aux pratiques visées aux articles

L. 420-1 à L. 420-2-2 et L. 420-5 (…). Le ministre chargé de l'économie peut également, dans les mêmes conditions, leur proposer de transiger (…). L’exécution dans les délais impartis des obligations résultant de l'injonction et de l'acceptation de la transaction éteint toute action devant l'Autorité de la concurrence pour les mêmes faits » (soulignements ajoutés).

121. Il résulte des constatations exposées aux paragraphes 5 et suivants que la société Sannac a répondu à la proposition de transaction de l’administration à hauteur de 14 000 euros, en déclarant accepter de transiger pour 1 400 euros, somme mentionnée par erreur sur le bordereau de retour, qu’elle a payée au Trésor public.

122. Malgré la réception du courrier du 15 juillet 2019, dans lequel l’administration a demandé à Sannac de se conformer à sa proposition de transaction, en payant le solde encore dû, soit 12 600 euros, à peine de saisir l’Autorité des pratiques litigieuses105, Sannac a refusé de s’en acquitter, par courrier du 24 juillet 2019106, se prévalant de l’erreur matérielle figurant sur le bordereau de retour.

123. Dès lors, Sannac n’ayant pas accepté la transaction proposée par le ministre et n’ayant pas exécuté les obligations en résultant, l’action contre celle-ci n’est pas éteinte.

124. Ce moyen de procédure sera donc écarté.

2. SUR LA DUREE DE LA PROCEDURE

125. Sannac soutient que la procédure diligentée en l’espèce encourt la nullité, eu égard à sa durée excessive, non justifiée par la complexité de l’affaire. À l’appui de ce moyen, Sannac observe qu’environ cinq années se sont écoulées entre les premières auditions conduites par les services de la DGCCRF et la notification du grief. L’écoulement de cette durée aurait empêché Sannac d’organiser utilement sa défense.

126. Selon l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable ».

127. Selon une jurisprudence européenne107 et nationale108 constante, le caractère raisonnable de la durée de la procédure s’apprécie in concreto, « (...) notamment au regard de l’ampleur et de la complexité de l’affaire, de son contexte et du comportement des parties au cours de la procédure »109, ainsi qu’en fonction « du comportement des autorités compétentes »110.

128. Par ailleurs, « la sanction qui s’attache à la violation par l’Autorité de l’obligation de se prononcer dans un délai raisonnable n’est pas l’annulation de la procédure mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai subi, sous réserve, toutefois, que le délai écoulé durant la phase d’instruction, en ce compris la phase non contradictoire, devant l’Autorité n’ait pas causé à chacune des entreprises, formulant un grief à cet égard, une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à son droit de se défendre »111.

129. En l’espèce, l’enquête ouverte par la BIEC le 26 avril 2016 a conduit à analyser les pratiques de six entreprises, concernant plusieurs appels d’offres, étalés sur huit années, entre 2010 et 2018. Elle s’est terminée par la rédaction d’un rapport le 13 décembre 2017, après la réunion de nombreux éléments de preuve. Au regard de ces éléments, ce délai n’est pas manifestement excessif.

130. Après le refus du rapporteur général de proposer une saisine de l’Autorité le 3 mai 2018 et l’échec de la procédure de transaction devant la DGCCRF, le 24 juillet 2019, dû à Sannac, le ministre de l’Économie a saisi l’Autorité le 16 décembre 2019, et le rapporteur chargé d’instruire l’affaire a envoyé sa notification de griefs le 18 janvier 2021.

131. La période écoulée entre la transmission du rapport d’enquête par la DGCCRF aux services de l’Autorité et la notification de griefs, d’une durée de treize mois seulement, n’est pas manifestement excessive, tant au regard des spécificités de l’affaire en cause que des délais moyens d’instruction de l’Autorité.

132. En tout état de cause, Sannac n’avance aucun élément susceptible de démontrer en quoi la durée de la procédure lui aurait causé une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à son droit de se défendre, au sens de la jurisprudence précitée.

133. Le moyen tiré de la violation du délai raisonnable doit, par conséquent, être écarté.

3. SUR LA CONDUITE DE L’INSTRUCTION

a) En ce qui concerne l’impartialité de l’instruction

134. Selon Sannac, l’instruction aurait été conduite exclusivement à charge, le rapporteur n’ayant pas repris, dans la notification de griefs, ses observations sur l’interprétation de ses déclarations.

135. Cependant, il ressort d’une jurisprudence constante que, dès lors que les entreprises mises en cause ont pu exercer toutes les prérogatives qui leur sont reconnues dans le cadre de la procédure contradictoire, « il ne peut être reproché aux rapporteurs d'avoir retenu les éléments « à charge » des entreprises et écarté les éléments que celles-ci invoquaient à leur décharge, dès lors qu'ils ont pour fonction d'instruire et de décrire dans la notification de griefs, puis dans le rapport, ce qui à leurs yeux doit conduire à la qualification et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, l'Autorité ayant en charge d'examiner le bien- fondé des éléments ainsi retenus. À ce titre, seule la déloyauté dans l'interprétation ou la présentation des pièces, ou encore dans la façon d'interroger les personnes en cause ou les tiers, peut conduire à constater une atteinte aux droits de la défense des parties »112.

136. De même, dans un arrêt du 11 juillet 2019, Janssen-Cilag, la cour d’appel de Paris a relevé que : « [l]es rapporteurs, qui, à l’issue de l’instruction contradictoire, se sont forgés (sic) une opinion sur la réalité des pratiques et leur caractère anticoncurrentiel, ont pour mission de présenter leur analyse de la façon la plus claire possible, afin de permettre aux parties de répondre aux arguments qui vont leur être opposés devant le Collège. Il est dès lors légitime que les rapporteurs visent les seules pièces, ou passages de pièces, qui leur paraissent utiles soit pour appuyer leur démonstration sur ces pièces, soit pour exposer en quoi celles-ci ne contredisent pas l’analyse retenue. Une telle façon de faire ne saurait donc caractériser un défaut d’impartialité de leur part, étant rappelé que les parties, quant à elles, ont tout loisir d’exploiter l’ensemble des pièces du dossier, y compris celles non visées, ou non visées de façon exhaustive, par les rapporteurs »113.

137. Ainsi, contrairement à ce que soutient Sannac, le rapporteur pouvait valablement viser les seules pièces utiles à sa démonstration, sans violer son devoir d’impartialité.

138. Sannac a, par ailleurs, eu accès à l’ensemble des pièces du dossier, a été en mesure de produire toutes pièces utiles et de développer tous les arguments qu’elle estimait utiles à sa défense.

139. L’argument selon lequel les services d’instruction auraient porté atteinte au principe d’impartialité doit dès lors être écarté.

b) En ce qui concerne le déroulement des auditions

140. Sannac allègue, d’une part, qu’elle aurait dû être informée de la possibilité d’exercer son droit à ne pas s’auto-incriminer et, en conséquence, de ne pas formuler de déclarations lors de ses auditions. Elle soutient, d’autre part, que les procès-verbaux de ses auditions lors de l’enquête sont « parcellaires » en ce qu’ils ne détaillent pas les questions « orientées » des enquêteurs, suggérant ainsi à tort que ses réponses constitueraient des « déclarations spontanées ».

141. En premier lieu, il suffit de rappeler que la cour d’appel de Paris a jugé, dans un arrêt du 28 juin 2017, Charles Faraud, que « la notification du droit de garder le silence n'avait pas à être effectuée. Au stade de l'enquête préparatoire, où aucune accusation n'est formulée, il est constant que les personnes librement auditionnées avaient tout à fait le choix de ne pas répondre ou de le faire de façon évasive ou bien d'indiquer, comme elles l'ont fait, qu'elles n'avaient aucune connaissance de faits décrits »114 (soulignement ajouté).

142. Dès lors, en l’espèce, l’argument de Sannac doit être écarté.

143. En deuxième lieu, il ressort de la jurisprudence nationale et de la pratique décisionnelle de l’Autorité que les procès-verbaux recueillant des déclarations n’ont pas à être rédigés sous la forme de questions et de réponses pour être valables115. À cet égard, dans un arrêt du 19 juin 2007, la cour d’appel de Paris a souligné qu’« aucun texte n’impose la transcription des questions posées à l'occasion de l'établissement des procès-verbaux prévus par [les] articles L. 450-2 et L 450-3 du code de commerce »116.

144. En l’espèce, il ne saurait, par conséquent, être reproché aux enquêteurs de ne pas avoir retranscrit les questions posées. Par ailleurs, la société Sannac ne prétend pas avoir été trompée sur l’objet de l’enquête et ne démontre pas que les questions posées l’aient conduite à s’auto incriminer.

145. Il résulte de ce qui précède qu’aucune irrégularité dans le déroulement des auditions n’est caractérisée.

B. SUR L’APPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION

146. L’article 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, « TFUE ») prohibe les accords ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la concurrence et qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres.

147. Aux termes du premier paragraphe des lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, devenus les articles 101 et 102 du TFUE, « les articles 81 et 82 du traité s’appliquent aux accords horizontaux (…) qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres »117.

148. Se fondant sur la jurisprudence constante de l’Union et à la lumière des lignes directrices relatives à l’affectation du commerce118, l’Autorité considère que trois éléments cumulatifs doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres : l’existence d’échanges entre États membres portant sur les produits ou les services en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges, et le caractère sensible de cette possible affectation.

149. En ce qui concerne le caractère sensible de cette affectation, les lignes directrices de la Commission indiquent que cette notion vise à limiter l’applicabilité du droit de l’Union aux accords et pratiques qui sont susceptibles d’avoir des effets « d’une certaine ampleur »119. En vertu de ce même texte et de la jurisprudence de la Cour de cassation, « [l]’appréciation du caractère sensible dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l’accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause », ainsi que de la part du marché national en volume à laquelle l’accès est interdit120.

150. Les lignes directrices précisent que « si un accord interdit l’accès à un marché régional, le volume de ventes affecté doit être significatif par rapport au volume de ventes global des produits en cause à l’intérieur de l’État membre en cause pour que le commerce soit affecté de manière sensible »121.

151. Enfin, il est indiqué que « les accords de nature locale ne sont pas, en eux-mêmes, susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres, même si le marché local se trouve dans une région frontalière. En revanche, si la part du marché national à laquelle l’accès est interdit est importante, le commerce est susceptible d’être affecté, même si le marché en cause ne se trouve pas dans une région frontalière »122.

152. En l’espèce, les pratiques mises en œuvre par les membres du groupement, et en particulier par Sannac, sont des pratiques locales, circonscrites au département de l’Ariège et concernent un volume faible de ventes par rapport au volume de ventes à l’échelle nationale.

153. Il en résulte que les pratiques constatées doivent être examinées au regard du seul droit national applicable et, en particulier, de l’article L. 420-1 du code de commerce.

C. SUR LE MARCHE PERTINENT

154. Il résulte d’une pratique décisionnelle de l’Autorité et d’une jurisprudence constantes que lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes ou des pratiques concertées, comme c’est le cas en l’espèce, « il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d’abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre »123.

155. Selon une pratique décisionnelle également constante de l’Autorité, si chaque marché passé sur appel d’offres, qu’il s’agisse d’un marché public ou d’une délégation de service public, constitue un marché pertinent124, l’entente organisée à un échelon plus vaste que chacun des marchés considérés et produisant des effets sur ces marchés, en ce qu’elle conduit les entreprises qui y sont présentes à s’en répartir illicitement les parts, peut être sanctionnée en application des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce125.

156. Au cas d’espèce, les éléments de preuve relevés supra sont relatifs à des réponses en groupement aux appels d’offres lancés par le CHIVA et le CHPO en 2015. Le marché concerné est donc celui des marchés de transport sanitaire hospitalier lancés par le CHIVA et le CHPO en 2015, selon une procédure d’appel d’offres.

D. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF NOTIFIE

1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

a) Sur l’accord de volontés

157. L’article L. 420-1 du code de commerce prohibe les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites entre les entreprises lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.

158. L’existence d’un accord est établie dès lors que les entreprises ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée126.

159. En matière de marchés publics, selon la pratique décisionnelle constante de l’Autorité, il est établi que des entreprises ont conclu une entente anticoncurrentielle dès lors que la preuve est rapportée, soit qu’elles sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu’elles ont échangé des informations antérieurement au dépôt des offres127, soit encore qu’elles sont convenues de se partager les marchés ou de faire obstacle à la libre fixation du prix sous couvert de groupements injustifiés.

160. La preuve des accords et pratiques concertées peut résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d’instruction, qui peuvent être tirés d’un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant128. Les juridictions nationales ont confirmé la valeur probatoire d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants129.

161. S’agissant des pratiques de constitution d’un groupement non justifiée, la cour d’appel de Paris a jugé, dans un arrêt du 21 décembre 2017, Royer Holding SAS e.a., que la décision commune de répondre en groupement, qui caractérise l’accord de volontés, ne résulte pas nécessairement d’un écrit : « une entente est constituée lorsque les parties ont librement manifesté une volonté commune de se comporter d’une manière déterminée sur un marché. Cette volonté commune s’exprime, notamment, par la participation des parties à un accord de volontés, lequel n’a pas besoin d’être écrit ni de respecter un formalisme particulier »130.

162. Par ailleurs, s’agissant des groupements, l’Autorité a rappelé que « selon une jurisprudence constante, les pratiques mises en œuvre par des groupements sont présumées constituer des accords entre leurs membres (voir par exemple, arrêt de la Cour de cassation, 16 mai 2000, n° 98-12612, Ordre national des pharmaciens) »131.

163. Enfin, dans une décision n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, l’Autorité a relevé que l’accord de volontés pouvait être caractérisé en ce que « [c]haque membre du groupement a également accepté d’être représenté par le même mandataire vis-à-vis des autorités du Conseil général. Ces entreprises ont ainsi donné leur accord pour que le mandataire organise la répartition des lots en provoquant des réunions de préparation aux appels d’offres »132.

b) Sur la restriction de concurrence

164. Une entente relève de l’interdiction énoncée à l’article L. 420-1 du code de commerce si elle a « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur133.

La licéité de principe des réponses en groupement

165. Le Conseil, puis l’Autorité de la concurrence, ont rappelé que la constitution, par des entreprises indépendantes et concurrentes, de groupements en vue de répondre à un appel d’offres, n’est pas illicite en soi134. De tels groupements peuvent avoir un effet « pro-concurrentiel » s’ils permettent à des entreprises ainsi regroupées de concourir, alors qu’elles n’auraient pas été capables de le faire isolément, ou de concourir sur la base d’une offre plus compétitive ou de meilleure qualité.

Le caractère anticoncurrentiel de certaines réponses en groupement

166. À l’inverse, selon une jurisprudence et une pratique décisionnelle constantes, la constitution d’un tel groupement peut avoir un caractère anticoncurrentiel s’il provoque une diminution artificielle du nombre des entreprises candidates, ou dissimule une entente anticoncurrentielle de prix ou de répartition des marchés.

167. Ainsi que l’a souligné la cour d’appel de Paris dans l’arrêt précité du 21 décembre 2017, Royer Holding SAS e. a., « si (…) la constitution d’un groupement momentané d’entreprises en vue de répondre à un appel d’offres n’est pas en soi anticoncurrentielle, elle le devient si le groupement est formé dans le but de restreindre le jeu de la concurrence et qu’il est sans justification sur le plan économique ou technique »135 (soulignement ajouté).

La circonstance de suppression de toute concurrence

168. Par ailleurs, ainsi que l’a rappelé le Conseil dans une décision n° 01-D-16 relative à des pratiques relevées à l’occasion de la construction du tramway de Grenoble, « le fait de constituer, en vue d’élaborer une offre avant toute sollicitation de la part de l’autorité concédante, un groupement réunissant la totalité ou la très grande majorité des offreurs potentiellement actifs sur le marché, pourrait être constitutif d’une entente anticoncurrentielle, s’il était établi que la constitution de ce groupement avait mis l’autorité concédante dans l’impossibilité de solliciter des propositions alternatives » (soulignement ajouté).

L’absence de justification économique ou technique

169. L’absence de justification économique ou technique est notamment caractérisée lorsque de précédents marchés, au périmètre similaire, ont été attribués à des entreprises isolées et exécutés par elles136 ou lorsque la constitution du groupement s’est révélée de pure façade et n’a pas entraîné de mise en commun de moyens par ses membres, lors de l’exécution du marché137. La pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence, puis de l’Autorité en fournit plusieurs illustrations.

170. C’est ainsi que, dans sa décision n° 04-D-50 du 3 novembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre lors d’appels d’offres organisés par le Syndicat Intercommunal d’Assainissement de la Vallée des Lacs, le Conseil de la concurrence a pu considérer que l’offre présentée en groupement ne comportait aucune justification économique ou technique sérieuse, dans la mesure où les deux sociétés mises en cause avaient la même envergure et la même spécialisation et que chaque marché avait une dimension compatible avec la taille de chacune des entreprises138.

171. Dans la décision n° 95-D-56 du 12 septembre 1995 relative à des pratiques mises en œuvre par des entreprises de transport sanitaire lors de la passation d’un marché avec le centre hospitalier de Tourcoing, le Conseil a, en outre, ajouté « que les entreprises en cause, en admettant même que chacune n'ait pas pu répondre individuellement à la totalité de la demande du centre hospitalier, ne démontrent pas que l'offre commune regroupant l'ensemble des ambulances du secteur était nécessaire à la bonne exécution du marché ; que ce regroupement a été recherché avec toutes les entreprises susceptibles de satisfaire les demandes du centre hospitalier dans ce secteur, comme en atteste le fait que les six entreprises titulaires du marché aient proposé à l'entreprise [DBR] d'adhérer à leur groupement (…) ; qu'en outre, les sept entreprises en cause ont assorti leur offre d'une condition leur assurant l'exclusivité des transports sanitaires secondaires, condition que le centre hospitalier a dû accepter, dès lors qu'aucune autre entreprise ne pouvait répondre à l'ensemble des besoins du centre hospitalier de Tourcoing faisant l'objet de l'appel d'offres, soit pour insuffisance de moyens (…), soit parce que n'intervenant pas dans ce secteur ». Le Conseil a dès lors considéré « que l'offre formulée dans ces conditions par les sept entreprises d'ambulances en cause avait pour objet et a eu pour effet de limiter le jeu de la concurrence sur le marché des transports sanitaires secondaires du centre hospitalier de Tourcoing ; qu'elle est, par suite, prohibée par les dispositions de l'article [L. 420-1 du code de commerce] »139.

172. Dans la décision n° 95-D-53 du 5 septembre 1995 relative à des pratiques mises en œuvre par des entreprises de transport sanitaire lors de la passation de marchés avec le centre hospitalier de Millau, le Conseil a considéré que « pour répondre aux appels d'offres lancés pour les années 1991, 1992 et 1993 par le centre hospitalier de Millau pour l'exécution des transports secondaires de l'établissement, les représentants des entreprises [AG, GA et AO], précédemment titulaires du marché avec l'entreprise [B], se sont concertés avant la remise des plis ; qu'alors même qu'au moins les deux dernières d'entre elles disposaient des moyens matériels et humains leur permettant de répondre individuellement à l'appel d'offres, ces trois entreprises ont présenté une offre commune, prévoyant d'assurer le service sur la base d'un tour de rôle et fixant le montant du rabais à consentir au centre hospitalier ; qu'à l'occasion des marchés lancés en 1990 et 1991 les membres de ce groupement ont 'contacté' l'entreprise [B] afin que cette dernière participe aux offres communes présentées ; qu'en 1993, les membres du groupement ont 'recontacté' l'entreprise [B] afin qu'elle revoie ou retire son offre ». Le Conseil a considéré « qu'il est constant que le marché des transports sanitaires secondaires du centre hospitalier de Millau, d'un montant d'environ 250 000 F, pouvait être exécuté par chacune de ces entreprises, à l'exception de l'entreprise [AG] ; que le directeur du centre hospitalier a, par ailleurs (…) confié à trois reprises l'exécution de ce marché à l'entreprise [B], d'importance comparable à celle des entreprises incriminées ; qu'il n'est, par ailleurs, pas contesté que les entreprises [GA, AG et AO] ont à plusieurs reprises tenté de ramener l'entreprise [B] dans la concertation qu'elles avaient mise en œuvre ; qu'une soumission groupée de la part de l'ensemble des entreprises du secteur aurait permis, en effet, de limiter les rabais consentis au centre hospitalier ; qu'un tel comportement, alors même que la participation de l'entreprise [B] n'était pas nécessaire à la bonne exécution du marché, avait un objet anticoncurrentiel ; qu'au surplus cette concertation, qui a eu lieu sur un marché sur lequel le nombre d'offreurs était déjà limité, a eu pour effet de restreindre encore le nombre de propositions qu'a pu recueillir le centre hospitalier en réponse à l'appel d'offres »140. En définitive, le Conseil de la concurrence a considéré que « la présentation d'offres groupées dans de telles conditions constitue une entente de prix ayant eu pour objet et pouvant avoir eu pour effet de fausser le jeu de la concurrence dans des conditions contraires aux dispositions [de l’article L. 420-1 du code de commerce] ».

L’impact sur la concurrence

173. L’impact de ces regroupements injustifiés sur la concurrence résulte de la raréfaction des offres concurrentes, ainsi que l’a rappelé le Conseil dans sa décision n° 08-D-22 du 9 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre par des géomètres-experts dans le cadre de marchés publics du département du Haut-Rhin, relevant que « l’atteinte au jeu de la concurrence résultant de la constitution d’un groupement non justifié par des raisons légitimes (...) réside dans le fait que cette constitution réduit artificiellement ou empêche les offres concurrentes, en particulier lorsque l’accord empêche les membres du groupement

« artificiel » de présenter une offre individuelle ou dans le cadre d’un groupement

« légitime ». (...) Ainsi, un groupement est qualifié d’entente anticoncurrentielle s’il a pour objet ou pour effet d’empêcher une concurrence potentielle, à l’intérieur même ou à l’extérieur du groupement »141.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

a) Sur l’accord de volontés

174. À l’initiative des sociétés membres du G5, un groupement informel de six opérateurs, comprenant les membres du G5 et la société Ensales, a répondu aux appels d’offres organisés en 2015 par le CHIVA et le CHPO.

175. Il ressort des déclarations citées aux paragraphes 64 à 70 et 111 à 116 que de nombreux échanges ont eu lieu entre les sociétés Ariège Ambulances, Cazal, Haute Ariège, Ollivier et Sannac, membres du groupement G5, et Ensales. Ces échanges avaient pour but, d’une part, de constituer un nouveau groupement comprenant la totalité des entreprises concurrentes susceptibles de répondre aux appels d’offres litigieux et, pour ce faire, de convaincre Ensales de rejoindre les membres du G5 et, d’autre part, de déterminer les modalités de fonctionnement et la stratégie financière de ce groupement.

176. Il a, en outre, été constaté que les sociétés Ariège Ambulances, Cazal, Ensales, Haute Ariège, Ollivier et Sannac se sont accordées pour se rassembler au sein du groupement et être représentées par les sociétés Ariège Ambulance et Ollivier, titulaires historiques des marchés concernés, en tant que mandataires, puis pour candidater ensemble et présenter une offre unique aux appels d’offres organisés en 2015 par le CHIVA et le CHPO.

177. Les offres reçues par le CHIVA et le CHPO lors des appels d’offres organisés en mai et en juillet 2015, telles que détaillées aux paragraphes 47 à 56, démontrent que les échanges préalables entre les membres du groupement se sont matérialisés par la candidature unique de ce groupement, respectivement représenté par Ariège Ambulances et Ollivier, aux appels d’offres du CHIVA et du CHPO en 2015.

178. Il ressort de ce qui précède que l’accord de volontés entre Ariège Ambulances, Cazal, Ensales, Haute Ariège, Ollivier et Sannac pour candidater en groupement et présenter une offre unique déterminée en commun aux appels d’offres organisés par le CHIVA et le CHPO en 2015 est caractérisé. Ce point n’est d’ailleurs pas contesté.

b) Sur l’objet anticoncurrentiel

179. En premier lieu, Sannac reproche aux services d’instruction d’avoir fondé leur démonstration sur la seule absence de justification technique ou économique à la constitution du groupement, laquelle ne permettrait pas, à elle seule, de considérer ce groupement comme restrictif de concurrence.

180. En deuxième lieu, Sannac fait grief aux services d’instruction de s’être focalisés sur la seule évolution des remises pratiquées par les groupements successifs pour répondre aux appels d’offres du CHIVA et du CHPO.

181. En troisième lieu, Sannac fait valoir que les groupements constitués pour répondre aux appels d’offres organisés par le CHPO et le CHIVA en 2015 n’étaient pas restrictifs de concurrence, dès lors que leur formation poursuivait un objectif de mutualisation des moyens, rendue nécessaire par la faible rentabilité des marchés litigieux et par de nouvelles contraintes économiques et sociales.

182. En quatrième lieu, Sannac prétend que la constitution du groupement aurait été encouragée par le CHIVA, à travers sa politique de réduction des coûts. Les opérateurs ne pouvaient proposer, seuls et dans des conditions économiquement rentables, les remises toujours plus importantes sollicitées par le CHIVA.

183. En dernier lieu, Sannac avance que les services d’instruction n’ont pas démontré les effets des pratiques en cause.

184. En l’espèce, à titre liminaire, il convient de souligner que, contrairement à ce qui est avancé par Sannac, la qualification du groupement à six comme entente anticoncurrentielle repose sur un faisceau d’indices, comprenant non seulement l’absence de justification économique ou technique du groupement, mais aussi la nature et l’objet du groupement litigieux.

L’absence de justification économique ou technique du groupement

185. Ce défaut de justification résulte d’un surdimensionnement du groupement au regard de la taille ou des conditions d’exécution des marchés litigieux, auquel la société Sannac n’a apporté aucune justification satisfaisante.

Le caractère surdimensionné du groupement au regard de la taille des marchés concernés

186. Le groupement formé pour répondre aux appels d’offres organisés par le CHIVA et le CHPO en 2015, qui rassemblait les sociétés Ariège Ambulances, Ensales, Cazal, Haute Ariège, Ollivier et Sannac, présentait un caractère surdimensionné par rapport à la taille de ces marchés.

187. En premier lieu, il résulte des constatations des paragraphes 84 à 87, que ces marchés ont été exécutés par des entreprises seules (Ariège Ambulances ou Ensales pour le marché du CHIVA, et Ollivier pour le marché du CHPO), en ne recourant qu’à des moyens propres. Il a été également souligné qu’aucune de ces sociétés ne consacrait tous ses moyens à l’exécution des marchés.

188. En deuxième lieu, selon les constatations des paragraphes 88 à 92, le groupement rassemblait, tant en termes de véhicules que de personnel, des moyens totalement disproportionnés par rapport à ceux de ces titulaires historiques des marchés.

189. S’agissant du marché du CHIVA, le groupement disposait en 2015 d’un nombre de véhicules entre 4,5 et 8,4 fois plus important que ceux d’Ariège Ambulances et d’Ensales, titulaires historiques des marchés, et d’un personnel disponible entre 4 et 7 fois plus nombreux.

190. S’agissant du marché du CHPO, le groupement rassemblait, en 2015, 5,3 fois plus de véhicules et 5,2 fois plus de personnel disponible que ceux de l’entreprise Ollivier, titulaire historique du marché.

191. Enfin, aucune évolution dans les marchés de transport sanitaire lancés en 2015 par les deux hôpitaux ne justifiait de mobiliser davantage de moyens que lorsque ceux-ci étaient exécutés par des entreprises seules. Il ressort au contraire des éléments de l’enquête, s’agissant du marché de CHIVA, que le montant annuel des marchés a décru depuis 2011 : 170 000 euros pour les appels d’offres lancés en 2011 et en 2013, 108 000 euros pour les appels d’offres de mai et juillet 2015.

192. Il résulte de ce qui précède que la taille des marchés concernés ne justifiait pas la constitution du groupement formé par les sociétés Ariège Ambulances, Ensales, Cazal, Haute Ariège, Ollivier et Sannac.

Le caractère surdimensionné du groupement au regard des conditions d’exécution des marchés

193. Il ressort de l’instruction que, nonobstant la candidature du groupement aux marchés du CHIVA et du CHPO, ces marchés n’ont pas été exécutés par l’ensemble de ses membres, ainsi que cela est précisé aux paragraphes 93 et suivants ci-avant. Au contraire, le marché du CHIVA a été exécuté par Ariège Ambulances, seule, à 85 % en 2015 et à 98 % en 2016, tandis que la société Ollivier a réalisé respectivement 94 % et 96 % des prestations de transport du CHPO.

194. Dès lors, contrairement à ce qu’elle allègue, la société Sannac ne démontre à aucun moment que la constitution du groupement aurait entraîné une mutualisation des moyens, ou la mise en place de synergies entre ses membres, au stade de l’exécution des marchés.

L’absence de justification économique ou technique à la constitution du groupement

195. Pour justifier ce groupement, la société Sannac invoque l’impossibilité de répondre seule aux marchés litigieux, leur faible rentabilité et des contraintes économiques et sociales.

196. S’agissant des appels d’offres du CHIVA, Sannac expose que le groupement à six était justifié par l’incapacité matérielle pour les entreprises de réaliser seules ces marchés.

197. Mais si certains des membres du groupement ont déclaré ne pas être en mesure de réaliser seuls le marché du CHIVA, en terme de moyens matériels, tels Ensales, Ariège Ambulance, Cazal et Sannac (voir respectivement les paragraphes 103, 105, 107 et 108), d’autres ont souligné, comme Haute Ariège (paragraphe 102), la faible rentabilité de ces marchés. En toute hypothèse, ainsi que le Conseil l’a souligné dans sa décision n° 95-D-56 du 12 septembre 1995 relative à des pratiques mises en œuvre par des entreprises de transport sanitaire lors de la passation d’un marché avec le centre hospitalier de Tourcoing142, l’impossibilité pour une entreprise seule de réaliser individuellement un marché ne permet pas de justifier la constitution d’un groupement réunissant la totalité des entreprises susceptibles de répondre, manifestement disproportionné par rapport à la taille du marché. Cette impossibilité ne saurait donc en l’espèce justifier qu’un regroupement à deux ou trois, et non à six, comme en l’espèce.

198. L’argument selon lequel seul un groupement serait susceptible de compenser la faible rentabilité des prestations et de répartir les risques et les pertes des marchés ne saurait davantage justifier le regroupement, en son sein, de toutes les entreprises susceptibles de répondre aux marchés. Au demeurant, l’Autorité observe, d’une part, qu’aucune mutualisation n’a été constatée dans l’exécution des marchés et, d’autre part, que la rentabilité des prestations de transport sanitaire a été améliorée par le CHIVA en 2015. En effet, ainsi qu’il est rappelé aux paragraphes 53 à 55, le CHIVA a modifié le cahier des charges, lors des négociations avec les membres du groupement en juillet 2015. Les modifications apportées permettaient de faciliter l’organisation des transports ambulanciers et de transférer la prise en charge d’une partie des prestations à l’assurance maladie, de nature à entraîner une diminution des coûts liés à la réalisation du marché du CHIVA143.

199. Par ailleurs, pour apprécier la rentabilité effective des prestations, il convient de tenir compte du chiffre d’affaires correspondant aux transports sanitaires privés générés par les transports hospitaliers, qui s’avèrent nettement plus rémunérateurs. Dans ce contexte, la faible rentabilité des prestations de transport sanitaire des marchés hospitaliers est compensée par la rentabilité supérieure de ces prestations hors marchés. À cet égard, il ressort des déclarations des parties, mentionnées aux paragraphes 67 et 68, que leur participation au groupement poursuivait l’objectif de conserver ou remporter une clientèle privée plus rémunératrice. Le gérant d’Ariège Ambulances a, par exemple, indiqué lors d’une audition du 11 janvier 2017 que « L’intérêt de remporter le marché des transports inter hospitaliers n’est pas tant sa rentabilité, même si il apporte du chiffre d’affaires, que de gagner des clients qui ne sont pas des clients habituels d’un ambulancier et de les fidéliser pour les transports privés lesquels sont plus rémunérateurs »144.

200. Enfin, si Sannac soutient que la candidature en groupement était justifiée par une charge de travail accrue, compte tenu de l’urgence des demandes, dans un contexte de diminution du temps de travail et d’augmentation des normes de sécurité, et par l’augmentation du coût des matières premières, elle n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de ses assertions.

La nature et l’objet du groupement litigieux

201. Par ailleurs, ce groupement présentait un caractère anticoncurrentiel en raison de sa dimension, de nature à assécher complètement la concurrence, et de ses objectifs véritables, révélés par sa genèse et par les déclarations concordantes de ses membres.

202. Depuis 2015, le groupement momentané d’entreprises constitué entre les membres du G5, auxquels s’est jointe l’entreprise Ensales, englobait tous les ambulanciers susceptibles de candidater aux marchés de transport sanitaire du CHIVA et du CHPO. En l’absence de concurrence possible par d’autres entreprises, extérieures au groupement, ainsi qu’il est exposé aux paragraphes 77 à 82, la constitution de ce groupement a mis les hôpitaux dans l’impossibilité de solliciter des propositions alternatives et de faire jouer la concurrence, ce qui est l’objet même de la passation de marchés publics.

203. Dans ces conditions, la réponse de ce groupement aux appels d’offres en 2015 a achevé le processus d’assèchement de la concurrence sur les marchés publics de transport sanitaire inter hospitalier du CHIVA et du CHPO, amorcé en 2008 pour le CHIVA et en 2013 pour le CHPO. Il convient de préciser que cet assèchement a été opéré progressivement, lors de précédents appels d’offres, dans le cadre de groupements de plus petite dimension réduits à certains des membres du groupement constitué en 2015.

204. Il ressort des déclarations convergentes de plusieurs membres du groupement, que la réponse en groupement à six, intégrant Ensales, visait avant tout à supprimer le reliquat de concurrence et à s’entendre sur les prix proposés aux hôpitaux.

205. L’examen du dossier révèle en effet que le groupement à cinq incluant les entreprises Ariège Ambulances, Cazal, Haute Ariège, Ollivier et Sannac a, dans un premier temps, appliqué des remises significatives de 42 % lors des appels d’offres organisés par le CHIVA et le CHPO en 2013. Cette offre lui a permis de les remporter et d’évincer Ensales, alors titulaire du marché du CHIVA, qui appliquait une remise de 35 % depuis 2011. L’Autorité souligne à cet égard que le taux de 35 % avait été qualifié de « suicidaire » par les membres du G5 (paragraphe 66), Ensales évaluant pour sa part le niveau de remise non rentable à 40 % (paragraphe 114).

206. Dans un second temps, la constitution du groupement à six, intégrant désormais Ensales, a permis de rassembler la totalité des concurrents présents sur le secteur et susceptibles de répondre auxdits appels d’offres, et de proposer une offre unique en réponse aux appels d’offres organisés par le CHIVA et le CHPO en 2015 (voir les paragraphes 109 et suivants). Les remises sont tombées à 15 % pour l’appel d’offres du CHIVA et à 8 % pour celui du CHPO.

207. La stratégie sous-tendant les pratiques évoquées ci-dessus est clairement présentée par les dirigeants des entreprises membres du groupement, lors de leurs auditions, mentionnées aux paragraphes 111 à 116. À cet égard, le dirigeant d’Ariège Ambulance a notamment relevé le 11 janvier 2017 : « en groupement, nous avons ensuite repris le marché (2013-2015) avec une remise forte de 42 % pour reprendre le marché à Ensales en 2013. Mais nous ne pouvions tenir cette remise. Le groupement a pratiqué cette remise de 42 % mais cette remise ne pouvait perdurer (…). Pour le marché suivant couvrant la période 2015 à 2018, j’ai dit aux autres membres du groupement que nous devions faire entrer Ensales dans le groupement parce que l’on ne pouvait pas continuer à pratiquer des prix aussi faibles qui nous faisaient perdre de l’argent et j’ai demandé à M. X…, qui est plus souple, de proposer à M. Y… de rejoindre notre groupement. Y… s’est laissé convaincre et a participé à nos réunions en 2015, ici dans ces locaux et à Verniolle où se situe le siège du GIE G5 dont je suis le président actuel »145 (soulignements ajoutés).

208. S’agissant du choix de la remise à appliquer pour l’appel d’offres organisé par le CHIVA en 2015, le dirigeant d’Ensales a déclaré le 10 janvier 2017 : « Concernant l’appel d’offres organisé par le CHIVA en 2015, je n’ai participé à aucune réunion organisée au siège du G5 à Verniolle. Par contre ce n’est pas impossible qu’on ait discuté de cet appel d’offres au siège d’Ariège Ambulances à une autre occasion, relative aux discussions de l’article 66 (…) Je leur ai dit qu’ils pouvaient faire le taux de remise qu’ils voulaient, je m’en fichais à condition que ce ne soit pas -40%, parce que ça n’était pas rentable. A un moment au cours des discussions comme ça j’ai proposé de faire -10%, alors que d’autres voulaient faire d’avantage (sic) que le tarif préfectoral, jusqu’à plus +30%, mais je leur ai dit qu’il fallait rester raisonnables pour que tout le monde s’y retrouve et qu’il fallait aussi que l’hôpital s’y retrouve. Finalement je ne sais pas comment la première proposition de 5% a été faite, ni qui l’a décidée » (soulignement ajouté)146.

209. Il résulte de ce qui précède que l’offre proposée par le groupement était déconnectée des conditions de marché. Contrairement à ce qui est allégué par Sannac, l’objectif poursuivi par la formation du groupement n’était pas la constitution d’une offre concurrentielle en réponse aux appels d’offres du CHIVA et du CHPO, mais l’assèchement de la concurrence sur le marché en incitant l’entreprise Ensales, unique concurrent restant sur le marché, à rejoindre le groupement afin de s’accorder sur les taux de remise, et par conséquent, les prix de l’offre.

210. Cette constatation ne saurait être remise en cause par la circonstance que le CHIVA a, en 2015, modifié la pondération des critères d’attribution de ses offres, en privilégiant le critère prix. En effet, il ressort des développements ci-dessus que l’offre proposée par le groupement lors des appels d’offres de 2015 poursuivait un objectif de rehaussement et non de baisse des prix.

211. Il ne saurait davantage être reproché aux hôpitaux d’avoir cherché à obtenir des remises importantes, ce qui est l’objet même de la procédure d’appel d’offres. Aucune des décisions prises par le CHIVA ou le CHPO ne peut ici légitimer le recours au groupement.

212. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause, qui ont débuté le 11 mai 2015 (date de dépôt de l’offre du groupement à l’appel d’offres du CHIVA)147 et se sont achevées le 15 septembre 2018 (date de fin d’exécution des marchés)148, ont un objet anticoncurrentiel et sont prohibées par l’article L. 420-1 du code de commerce, sans qu’il soit nécessaire d’en rechercher les effets, ceux-ci résultant en l’espèce du verrouillage total de la concurrence et de l’élévation concertée des prix.

E. SUR L’IMPUTABILITE DES PRATIQUES

1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

213. Il résulte d’une jurisprudence constante que l’article L. 420-1 du code de commerce vise les infractions commises par des entreprises, comprises comme désignant des entités exerçant une activité économique. Le juge de l’Union a précisé que la notion d’entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales149.

214. En droit interne comme en droit de l’Union, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à sa société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques150. Ces solutions jurisprudentielles sont fondées sur le fait qu’en l’absence d’autonomie de la société filiale par rapport à la société mère, ces deux sociétés font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens du droit de la concurrence.

215. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d’un comportement infractionnel, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ce cas de figure, l’Autorité de concurrence sera en mesure de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché151. Par ailleurs, et comme l’a relevé la cour d’appel de Paris, « cette règle de fond s’impose aux juridictions et autorités de concurrence nationales, lorsqu’elles appliquent le droit européen de la concurrence, l’Autorité de la concurrence appliquant cette présomption, même lorsqu’elle applique exclusivement le droit national de la concurrence, pour des raisons de cohérence juridique, depuis ses décisions 11-D-02 et 11-D-13 »152.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

216. En l’espèce, Sannac est détenue à 100 % par la société Mafanel. En application des principes rappelés ci-dessus, la société Mafanel est dès lors présumée exercer sur Sannac une influence déterminante. En l’absence d’éléments de nature à renverser cette présomption, il convient donc d’imputer les pratiques en cause à Sannac en tant qu’auteure de l’infraction et à la société Mafanel en tant que société mère de la société Sannac.

F. SUR LES SANCTIONS

217. Seront successivement abordés :

* les principes relatifs à la détermination des sanctions (1) ;

* la détermination du montant de base (2) ;

* la prise en compte des circonstances propres aux entreprises concernées (3) ;

* le montant intermédiaire de sanction (4) ;

* les ajustements finaux (5).

1. SUR LES PRINCIPES RELATIFS A LA DETERMINATION DES SANCTIONS

218. Aux termes du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par l’article L. 420-1 du code de commerce.

219. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce « [l]e montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».

220. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce prévoyait, dans sa version en vigueur au moment de la notification des griefs153, que « [l]es sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».

221. L’Autorité apprécie, en général, les critères légaux rappelés ci-avant selon les modalités décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après, « communiqué sanctions »), « sauf à ce qu’elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d’intérêt général la conduisant à s’en écarter dans un cas donné » (paragraphe 7 du communiqué sanctions)154.

2. SUR LA DETERMINATION DU MONTANT DE BASE DES SANCTIONS

222. Seront successivement abordés :

* la méthode de détermination des sanctions choisie (a) ;

* la gravité des pratiques (b) ;

* le dommage à l’économie (c) ;

* la proportion du chiffre d’affaires retenue (d).

a) Sur la méthode utilisée pour la détermination du montant de base

223. Si l’Autorité se réfère en principe à la valeur des ventes des produits ou services en lien avec l’infraction, pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie, cette méthode peut être adaptée « dans les cas de pratiques anticoncurrentielles portant sur un ou plusieurs appels d’offres ponctuels et ne relevant pas d’une infraction complexe et continue. En effet, la valeur des ventes ne constitue pas un indicateur approprié de l’ampleur économique de ces pratiques, qui revêtent un caractère instantané, et du poids relatif de chaque entreprise ou organisme qui y prend part, en particulier lorsque leur implication consiste à réaliser des offres de couverture ou à s’abstenir de soumissionner » (point 66 du communiqué sanctions).

224. Dans ce dernier cas, l’Autorité considère que « [l]e montant de base de la sanction pécuniaire résultera alors de l’application d’un coefficient, déterminé en fonction de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie, au chiffre d’affaires total réalisé en France par l’organisme ou par l’entreprise en cause, ou par le groupe auquel l’entreprise appartient, en principe pendant l’exercice comptable complet au cours duquel a eu lieu l’infraction ou du dernier exercice comptable complet s’il en existe plusieurs. Ce coefficient tiendra compte du fait que ces pratiques, qui visent à tromper les maîtres d’ouvrage sur l’effectivité même de la procédure d’appel d’offres, se rangent par leur nature même parmi les infractions les plus graves aux règles de concurrence et sont parmi les plus difficiles à détecter en raison de leur caractère secret »155.

225. L’Autorité a appliqué cette méthode de détermination de la sanction pécuniaire dans plusieurs décisions156 et, notamment, dans la décision n° 18-D-19 du 24 septembre 2018 relative aux pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux d’éclairage public en Ardèche relative à des pratiques de constitution d’un groupement non justifié en réponse à des appels d’offres157.

226. En l’espèce, s’agissant des pratiques de constitution d’un groupement non justifié mises en œuvre à six à l’occasion des appels d’offres organisés par le CHIVA et le CHPO en 2015, le montant de base de la sanction pécuniaire résultera de l’application d’un coefficient, déterminé en fonction de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie, au montant du chiffre d’affaires total réalisé en France par l’entreprise Sannac pendant le dernier exercice comptable complet au cours duquel a eu lieu l’infraction, soit, pour l’année 2018, 3 260 134 euros.

b) Sur la gravité des pratiques

227. Conformément au point 26 du communiqué sanctions, pour apprécier la gravité des faits, l’Autorité tient notamment compte des éléments suivants, en fonction de leur pertinence :

* la nature de l’infraction ou des infractions en cause et des faits retenus pour la ou les caractériser ainsi que la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés ;

* la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause ;

* la nature des personnes susceptibles d’être affectées ;

* et les caractéristiques objectives de l’infraction ou des infractions.

228. S’agissant, en premier lieu, de la nature de l’infraction en cause, il y a lieu de rappeler que les ententes entre entreprises concurrentes sur un même marché commises à l’occasion d’appels d’offres sont parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles. Dans un arrêt du 28 mars 2013, la cour d’appel de Paris a ainsi jugé qu’« il ne peut être sérieusement contesté que de telles pratiques sont particulièrement graves par nature, puisqu’elles

limitent l’intensité de la pression concurrentielle à laquelle auraient été soumises les entreprises, si elles s’étaient déterminées de manière indépendante, le fondement même des appels à la concurrence résidant dans le secret dont s’entourent les entreprises intéressées pour élaborer leurs offres, chacune d’entre elles devant se trouver dans l’ignorance de la qualité de ses compétiteurs, de leurs capacités financières à proposer la meilleure prestation ou fourniture possible au prix le plus bas »158.

229. En effet, l’objet même de l’appel d’offres sur un marché public est d’assurer une mise en concurrence pleine et entière des entreprises susceptibles d’y répondre au profit de la personne publique. Dès lors, la mise en échec du déroulement normal des procédures d’appel d’offres, en empêchant la fixation des prix par le libre jeu du marché et en trompant la personne publique sur la réalité et l’étendue de la concurrence qui s’exerce entre les entreprises soumissionnaires, perturbe le secteur où a lieu une telle pratique et porte une atteinte grave à l’ordre public économique.

230. De plus, il y a lieu de tenir compte du fait que la bonne exécution du marché ne nécessitait pas un regroupement de l’ensemble des entreprises du secteur et que l’adhésion à l’entente a permis aux membres du groupement de s’assurer de la maîtrise de la fixation du taux de remise sur la base du tarif administré, qui constitue un des paramètres essentiels de la concurrence sur ce marché. L’infraction en cause visait donc, par sa nature même, à manipuler un paramètre essentiel de concurrence sur les marchés visés, au lieu de le laisser à la libre appréciation de chacune des entreprises, dans le cadre d’une détermination autonome de leur politique commerciale et de leur comportement sur le marché. Elle a contribué à limiter l’intensité de la pression concurrentielle à laquelle auraient été soumises les entreprises si elles s’étaient déterminées de manière indépendante.

231. S’agissant, en deuxième lieu, de la nature des activités, du secteur concerné et de la nature des personnes susceptibles d’être affectées, les pratiques mises en œuvre au détriment des collectivités publiques dans l’accomplissement de leur mission d’intérêt général présentent un caractère de gravité supplémentaire. À cet égard, dans sa décision n° 09-D-03 du 21 janvier 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales, le Conseil a relevé que « [l]’entente a porté préjudice à des collectivités publiques et, de jurisprudence constante, la tromperie de l’acheteur public porte une atteinte grave à l’ordre public économique »159.

232. En outre, ainsi que rappelé récemment, « plus spécifiquement, l’Autorité considère, de façon constante, que les pratiques intervenant ‘dans le secteur de la santé, dans lequel la concurrence est déjà réduite en raison de l’existence d’une réglementation destinée à assurer le meilleur service pour la population tout en préservant les équilibres budgétaires du système d’assurance maladie’ sont, de manière générale, particulièrement graves »160.

233. S’agissant en troisième lieu des caractéristiques objectives de l’infraction, dans le cas d’un marché instantané, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier l’impact de la pratique, la durée complète d’exécution du marché161.

234. Enfin, l’Autorité relève que les pratiques ont été mises en œuvre par des entreprises d’envergure locale privilégiées par leur proximité du lieu d’exécution des prestations, mais également les seules à pouvoir exécuter le marché dans des conditions de rentabilité suffisantes et ainsi, à pouvoir répondre aux appels d’offres litigieux (voir les paragraphes 73 et suivants ci-avant).

c) Sur le dommage à l’économie

235. Il est de jurisprudence constante que l’importance du dommage causé à l’économie s’apprécie de façon globale pour les pratiques en cause, c’est-à-dire au regard de l’action cumulée de tous les participants, sans qu’il soit besoin d’identifier la part imputable à chacun d’entre eux pris séparément162. Ce critère légal ne se confond pas avec le préjudice qu’ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s’apprécie en fonction de la perturbation générale que ces pratiques sont de nature à engendrer pour l’économie163.

236. L’Autorité, qui n’est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l’économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l’économie engendrée par les pratiques en cause164. L’existence du dommage à l’économie ne se présume donc pas165 mais s’apprécie de manière objective et globale en prenant en compte l’ensemble des éléments pertinents de l’espèce.

237. En se fondant sur une jurisprudence établie, l’Autorité tient notamment compte, pour apprécier l’incidence économique de la pratique en cause, de l’ampleur de l’infraction telle que caractérisée entre autres par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des parties sur le secteur concerné, de sa durée, des conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur concerné166. Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre167.

238. Si l’importance du dommage à l’économie ne peut être atténuée par la dimension locale du marché en cause, le montant du marché concerné peut être pris en considération pour mesurer l’ampleur des pratiques168. Dans le cas d’ententes portant sur des marchés d’appels d’offres, le montant des marchés affectés constitue en effet un des éléments d’appréciation de l’importance du dommage causé à l’économie169, même si le dommage peut prendre en compte d’autres paramètres.

239. L’Autorité tient également compte de la mise en œuvre effective ou non des pratiques retenues, de leur durée, de la taille et de la position des entreprises concernées sur le secteur170.

240. Enfin, l’Autorité prend généralement en considération la valeur d’exemple que ce type de comportement peut constituer pour d’autres marchés publics171.

241. En l’espèce, concernant l’ampleur des pratiques, la valeur estimée des marchés affectés représente une somme de 524 000 euros, ceux-ci étant passés pour une durée de plus de trois ans.

242. S’agissant des caractéristiques économiques du secteur, il convient d’observer que le secteur permettait la mise en concurrence de plusieurs entreprises ou, à tout le moins, groupements d’entreprises. Cependant, du fait des pratiques mises en œuvre, la concurrence s’est trouvée éteinte sur le marché puisque les entreprises extérieures au groupement n’étaient pas en mesure de répondre aux appels d’offres du CHIVA et du CHPO.

243. S’agissant enfin des effets, les pratiques ont entraîné l’application de taux de remises inférieurs à ceux qui auraient pu être proposés en l’absence d’entente. Ainsi, le taux de remise octroyé lors de l’appel d’offres du CHIVA pendant lequel le groupement a été mis en œuvre a d’abord été de 5 % puis de 15 % alors que, lors des appels d’offres passés pour les périodes 2008-2010, 2011-2012 et 2013-2015, le taux de remise consenti était compris entre 35 % et 42 %. Il convient en outre de souligner que cet appel d’offres était susceptible d’être plus rentable que les précédents en raison du transfert de charges entre le CHIVA et la sécurité sociale (voir paragraphes 53 et suivants ci-avant). S’agissant des appels d’offres du CHPO, le taux de remise obtenu lors de la mise en œuvre du groupement litigieux était de 8 % alors que lors de précédents appels d’offres, le taux de remise a pu atteindre 42 % (voir le paragraphe 109 ci-avant).

244. Si Sannac soutient que les taux de remises appliqués dans le cadre des marchés litigieux étaient similaires à ceux habituellement observés pour ce type de prestations dans d’autres hôpitaux, elle n’apporte aucun élément de nature à étayer ces affirmations. La portée de telles comparaisons, entre des appels d’offres susceptibles d’impliquer des transports aux caractéristiques différentes, serait, en tout état, de cause incertaine.

245. En revanche, il ressort de plusieurs déclarations versées au dossier, qui ne sont contredites par aucun autre élément, que les taux de remise de l’ordre de 40 % immédiatement antérieurs à la mise en œuvre de la pratique n’étaient pas nécessairement soutenables à moyen terme, en raison des pertes qu’ils pouvaient générer et du contexte concurrentiel dans lequel ils s’inséraient. De fait, les taux de remise avant l’entrée sur le marché de l’entreprise Ensales étaient très inférieurs à ceux constatés après cette entrée. En particulier, la remise de 8 % appliquée au marché du CHPO était moins importante que la remise de 42 % mise en place lors de l’appel d’offres organisé en 2013 mais restait au niveau des remises appliquées avant 2013 pour ce marché (voir les paragraphes 111 et suivants ci-avant).

246. Ainsi, il n’est pas certain qu’en l’absence des pratiques, des taux de remise aussi élevés que ceux constatés immédiatement avant la mise en œuvre des pratiques auraient continué de s’appliquer à moyen terme. Mais, comme l’indiquent les déclarations du dirigeant d’Ariège Ambulances172 et du représentant de la société Ollivier173, le groupement a bien eu pour effet d’accroître significativement les prix pour les appels d’offres organisés en 2015 par rapport à la période immédiatement antérieure.

247. Le dommage à l’économie causé par la pratique est en outre aggravé par la circonstance que le CHIVA, à la suite de la déclaration de marché infructueux en juin 2015, a dû relancer la procédure d’appel et procéder par voie d’avenants au précédent marché, pour assurer la continuité du service de transport sanitaire jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau marché. Cette reconduction temporaire a eu un effet défavorable pour la collectivité publique, en raison de la réduction de la remise de 42 % à 15 %174 (voir le paragraphe 50 ci-avant).

248. S’agissant enfin de l’incidence de l’entente sur l’économie en général, il convient de relever que ce type de pratique constitue un mauvais exemple pour les soumissionnaires à d’autres marchés publics.

d) Conclusion sur la proportion du chiffre d’affaires retenue au titre de la gravité et du dommage à l’économie

249. Compte tenu de l’appréciation qu’elle a faite ci-dessus de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie dans le secteur concerné, l’Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction, une proportion de 1 % du chiffre d’affaires total réalisé en France par la société Sannac sur l’exercice 2018, soit un montant de base de la sanction de 32 600 euros.

3. SUR L’INDIVIDUALISATION DE LA SANCTION

250. L’Autorité s’est engagée à adapter les montants de base retenus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu’il s’agisse d’organismes ou d’entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges.

251. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d’espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de la mise en œuvre des infractions en cause, ainsi que d’autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu’à la baisse.

252. En l’espèce, aucun élément du dossier ne permet de considérer qu’il existerait des circonstances atténuantes ou aggravantes liées au comportement de Sannac.

253. Sannac fait état de la circonstance que la valeur des marchés en cause représente une part limitée de son activité, sans pour autant estimer celle-ci.

254. En toute hypothèse, la faible part de l’activité dans le chiffre d’affaires de la société mise en cause ne fait pas partie des circonstances atténuantes prises en compte par l’Autorité aux termes du point 45 du communiqué sanctions.

255. Il n’y a donc pas lieu en l’espèce de tenir compte de cette circonstance, ni d’aucune circonstance atténuante ou aggravante.

4. CONCLUSION SUR LE MONTANT DE LA SANCTION

256. Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’imposer une sanction pécuniaire de 32 600 euros à la société Sannac.

5. SUR LES AJUSTEMENTS FINAUX

257. Jusqu’à son abrogation par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, l’article L. 464-5 du code de commerce prévoyait que lorsque l’Autorité statue selon la procédure simplifiée prévue à l’article L. 463-3 précité, « […] la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs de pratiques prohibées »175.

258. Au cas d’espèce, dans la mesure où la notification des griefs a été adoptée postérieurement à cette abrogation, seul s’applique l’article L. 463-3 du code de commerce, à l’exclusion de l’article L. 464-5.

259. Conformément au I de l’article L. 464-2 du code de commerce, lorsque le contrevenant est une entreprise, le montant maximum de la sanction pécuniaire est de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante.

260. En l’espèce, la sanction pécuniaire de 32 600 euros est inférieure au plafond légal, soit 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes consolidé le plus élevé connu réalisé par le mis en cause.

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que la SARL Ambulances Sannac (RCS n° 330 994 971) en tant qu’auteure et la SARL Mafanel (RCS n° 812 078 947) en tant que société mère ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce.

Article 2 : Il est infligé, au titre des pratiques visées à l’article 1, une sanction pécuniaire de 32 600 euros, à la SARL Ambulances Sannac (RCS n° 330 994 971) en tant qu’auteure et à la SARL Mafanel (RCS n° 812 078 947) en tant que société mère, solidairement.

2 Cote 2655.

3 Cotes 2035 à 2037.

4 Cote 2037.

5 Cote 2037.

6 Cote 2038.

7 Cotes 2038 et 2039.

8 Cote 2649.

9 Cote 1556. 

10 Cote 12.

11 Cote 268.

12 Cote 268. 

13 Cote 2509.

14 Cotes 1555 et 1556.

15 Cotes 321 à 324.

16 Cotes 321 à 324.

17 Dates d’exécution du marché : du 21 janvier 2011 au 20 janvier 2013.

18 Cote 70.

19 Cotes 70 à 78.

20 Cote 70.

21 Cote 1565.

22 Cotes 1565 et 1566.

23 Cote 644. En décembre 2014, Sannac a quitté le G5 (cote 1553). La société Cazal a également quitté le G5 en 2016 (cote 1556). Trois des cinq sociétés constitutives du G5 (Ollivier, Ariège Ambulances et Haute Ariège) ont, quant à elles, intégré la Holding Ollivier créée le 23 septembre 2016, qui les détient à 100 % (cotes 1537 à 1547).

24 Dates d’exécution du marché : du 21 janvier 2013 au 21 janvier 2015.

25 Cotes 80 et 81, 83 à 94 et 115 à 120.

26 Cotes 83 à 94 et 115 à 120.

27 Cotes 112 à 120.

28 Cote 93.

29 Cote 1468.

30 Cote 65.

31 Cote 644.

32 Cotes 169, 171 et 173.

33 Cotes 138 à 140. Date d’exécution du marché : du 15 juin 2015 jusqu’au 14 juin 2018 ; avis du 17 avril 2015 avec dépôt des offres pour le 5 mai 2015 repoussé au 15 mai 2015 (cote 150) ; date de réception de l’offre du groupement : 11 mai 2015 (cote 164).

34 Cote 165.

35 Cote 166.

36 Cote 167.

37 Cotes 20 et 175.

38 Cote 65.

39 Cotes 179 à 186 et 242 ; avis du 25 juin 2015 avec dépôt des offres pour le 15 juillet 2015 ; Durée du marché : du 16 septembre 2015 au 15 septembre 2018 (cote 215).

40 Cote 215.

41 Cote 216.

42 Cotes 566 et 567.

43 Des modifications ont ainsi été faites concernant l’application de pénalités de retard, la sensibilisation des personnels du CHIVA (administratifs et soignants) à la réduction des délais d’attente des ambulanciers ou encore la révision des distances kilométriques pour Toulouse, tenant compte de l’autorisation d’emprunter l’autoroute (cote 20).

44 Cotes 192, 195 et 261 et 262.

45 Cotes 201 et 202.

46 Cote 24.

47 Cotes 215 et 216.

48 Cote 212.

49 Cotes 1467 et 1468.

50 Cotes 1467 et 1468.

51 Cotes 80 et 81.

52 Cotes 82, 93 à 94, 114 et 126 à 132.

53 Cote 94.

54 Cote 93.

55 Cotes 138 à 197.

56 Cotes 240 à 243 ; avis du 26 juin 2015 avec date limite de dépôt des offres au 15 juillet 2015 (cote 242) ; offre déposée par le groupement le 13 juillet 2015 (cote 244).

57 Cotes 231 à 238.

58 Cote 242.

59 Cote 243.

60 Cote 1468.

61 Cote 645.

62 Cote 1468.

63 Cote 561.

64 Cotes 430 et 431.

65 Cotes 561 et 652.

66 Cote 508.

67 Cotes 560 et 561.

68 Cotes 293 à 319.

69 Cote 17.

70 Cote 1763.

71 Cote 39.

72 Cote 33.

73 Cote 645.

74 Cote 65.

75 Cote 65.

76 Cote 2024.

77 Cote 430.

78 Cote 561.

79 Cote 1467.

80 Cote 501 (Ariège Ambulances), cote 640 (Ensales), cote 1549 (Ollivier), cote 1756 (Sannac), cote 2667 (Haute-Ariège) et cote 2017 (Cazal).

81 Cote 640.

82 Cotes 644 et 645.

83 Cote 431.

84 Cote 561.

85 Cote 1557.

86 Cote 249.

87 Cote 645.

88 Cotes 701 et 1468.

89 Cote 250.

90 Cotes 1762 et 1763.

91 Cote 562.

92 Cote 1753.

93 Cote 431.

94 Cotes 33, 1467 et 1468

95 Cote 38.

96 Cotes 1555 à 1558.

97 Il s’agit du soumissionnaire dans le cadre du premier marché du CHIVA déclaré infructueux.

98 Transports sanitaires autres que ceux du lot n° 2.

99 Cote 431.

100 Cotes 64 à 66.

101 Cote 431.

102 Cote 568.

103 Cote 1468.

104 Cote 1761.

105 Cotes 2038 et 2039.

106 Cotes 2040 et 2041.

107 Arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij NV (LVM) e.a. / Commission, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, EU:C:2002:582, points 187 et 192 ; du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals ApS et Alpharma LLC / Commission, T-471/13, EU:T:2016:460, point 354 ; du 27 juin 2012, Bolloré / Commission, T-372/10, EU:T:2012:325, point 104 ; du 9 septembre 1999, UPS Europe SA / Commission, T-175/99, EU:T:2002:78, point 38 et du 22 octobre 1997, SCK et FNK / Commission, T-213/95 et T-18/96, EU:T:1997:157, point 57.

108 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 6 mai 2021, Société Transports-Transit-Déménagements, n° 20/07505, paragraphe 27 ; de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, n° 13/13058, paragraphe 109 et du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, n° 10/23945, p. 18.

109 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2020, Brenntag, n° 13/13058, paragraphe 109.

110 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, n° 10/23945, p. 18.

111 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 6 mai 2021, Société Transports-Transit-Déménagements, n° 20/07505, paragraphe 28, et du 3 décembre 2020, Brenntag, n° 13/13058, paragraphe 109 ; voir également l’arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2010, Beauté prestige international, n° 09-72.031.

112 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 17 mai 2018, Umicore, n° 2016/16621, p. 18 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, La Banque Postale e.a., n° 2015/17638, p. 31-32.

113 Arrêt de la cour d’appel de Paris 11 juillet 2019, Janssen-Cilag, n° 18/01945, paragraphe 118.

114 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 juin 2017, Charles Faraud, n° 15/21316.

115 Voir par exemple l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 novembre 2003, SAS Prefall, n° 2003/05395,

p. 8 ; décision n° 05-D-66 du 5 décembre 2005 relative à la saisine de la SARL AVANTAGE à l’encontre de pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d’électronique grand public, paragraphe 193 confirmée par les arrêts de la cour d’appel de Paris du 19 juin 2007, Philips France, n° 2006/00628, p. 7 et du 29 avril 2009, Philips France, n° 2008/11907, p. 8, non remis en cause sur ce point par les arrêts de la Cour de cassation du 7 janvier 2011, Sony France, n° 09-14. 667 et de la cour d’appel de Paris du 16 février 2012, Philips France, n° 2011/00951.

116 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 juin 2007, Philips France, n° 2006/00628, p. 7.

117 Communication de la Commission, Lignes directrices du 27 avril 2004 relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du Traité, Journal officiel n° C 101 du 27/04/2004 p. 0081 – 0096 (ci-après, les « Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce »).

118 Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce.

119 Voir le point 44 des lignes directrices relatives à l’affectation du commerce.

120 Voir les points 44 et 90 des lignes directrices relatives à l’affectation du commerce. Voir également sur ce point, arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Chevron Products Company, Total Outre-mer, Total Réunion, Esso SAF, n° V 13-16.745, R 13-16.764, S 13-16.765, Y 13-16.955, p. 13.

121 Voir le point 90 des lignes directrices relatives à l’affectation du commerce.

122 Voir le point 91 des lignes directrices relatives à l’affectation du commerce.

123 Voir notamment décisions n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28 et n° 12-D-02 du 12 janvier 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme, paragraphe 65. Voir également, en ce sens, décision n° 16-D-20 du 29 septembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations réalisées par les agences de mannequins, paragraphe 214.

124 Décisions n° 10-D-10 du 10 mars 2010 relative à des pratiques relevées à l’occasion d’un appel d’offres du conseil général des Alpes-Maritimes pour des travaux paysagers d’aménagement d’un carrefour routier, paragraphe 29 et n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, paragraphe 90, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, Royer Holding SAS e.a. n° 16-06962.

125 Arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2004, DTP Terrassement, n° 03-11.430.

126 Voir notamment, arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, C-49/92, ECLI:EU:C:1999:356, point 40 ; voir également les décisions n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, paragraphe 358 et n° 21-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 566.

127 Décisions n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, paragraphe 82 ; n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, paragraphe 95 et n° 21-D-05 du 4 mars 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine, paragraphe 52.

128 Arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a. / Commission, C-204/00, EU:C:2004:6, points 55 à 57 ; voir également l’arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France, n° 09-11853 et les décisions n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, paragraphe 360 et n° 21-D-09 du 24 mars 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de sandwichs sous marque de distributeur, paragraphe 151.

129 Arrêts de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France, n° 09-11853 et de la cour d’appel de Paris du 16 septembre 2010, Raffali & Cie, n° 09/24813, p. 7.

130 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 21 décembre 2017, Royer Holding SAS e.a., n° 16/06962, p. 8-9 ; voir également les décisions n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, paragraphe 95 et n° 18-D-19 du 24 septembre 2018 relative aux pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux d’éclairage public en Ardèche, paragraphe 60.

131 Décision n° 19-D-21 du 28 octobre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport routier de marchandises, paragraphe 89.

132 Décision n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, paragraphes 98-99.

133 Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C-228/18, EU:C:2020:265, point 33 et arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2013, Kontiki, n° 12/01227, p. 5.

134 Décision n° 09-D-03 du 21 janvier 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales, paragraphe 105 et arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 janvier 2010, Société d’exploitation de l’entreprise Ponsaty e.a., n° 2009/02679, p. 7.

135 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, Royer Holding SAS e.a., n° 16/06962, p. 9, confirmant la décision n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin.

136 Décision n° 08-D-22 du 9 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre par des géomètres-experts dans le cadre de marchés publics du département du Haut-Rhin, paragraphes 112 à 113.

137 Décisions n° 08-D-22 du 9 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre par des géomètres-experts dans le cadre de marchés publics du département du Haut-Rhin, paragraphe 116 et n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, paragraphes 128 à 130.

138 Décision n° 04-D-50 du 3 novembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre lors d’appels d’offres organisés par le Syndicat Intercommunal d’Assainissement de la Vallée des Lacs, paragraphes 32 à 36.

140 Décision n° 95-D-53 du 5 septembre 1995 relative à des pratiques mises en œuvre par des entreprises de transport sanitaire lors de la passation de marchés avec le centre hospitalier de Millau.

141 Décision n° 08-D-22 du 9 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre par des géomètres-experts dans le cadre de marchés publics du département du Haut-Rhin, paragraphe 109.

142 Décision n° 95-D-56 du 12 septembre 1995 relative à des pratiques mises en œuvre par des entreprises de transport sanitaire lors de la passation d’un marché avec le centre hospitalier de Tourcoing, mentionnée supra.

143 Cotes 215 et 216.

144 Cote 431.

145 Cote 431.

146 Cote 568.

147 Cote 164.

148 Cote 215.

149 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 14 décembre 2006, Confederacion Espanola de Empresarios de Estaciones de Servicio, C-217/05, EU:C:2006:784, point 40 et de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p.18.

150 Voir notamment les arrêts de la Cour de Justice 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a. c./Commission, C-90/09 P, EU:C:2011:21, point 37 et de de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 18-19.

151 Voir notamment l’arrêt de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a / Commission, C-97/08 P, EU:C:2009:536, points 60 à 61.

152 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 mai 2016, société Mobilitas, n° 2014/25803, p. 6, confirmé par l’arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2017, société Mobilitas, n° 16-19120.

153 Le 3° du XVIII de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 a modifié le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce (JORF n° 0121 du 27 mai 2021, texte n° 11). Cette modification n’est toutefois pas applicable en l’espèce. En effet, le deuxième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance a précisé que ces modifications « ne sont applicables qu’aux procédures pour lesquelles des griefs sont notifiées, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, après l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ».

154 Le 30 juillet 2021, l’Autorité, tenue de prendre en compte les modifications législatives apportées par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 et de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021 a adopté un nouveau communiqué relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, lequel abroge et remplace le communiqué du 16 mai 2011. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, les modifications du 3° du I de l’article L. 464-2 n’étant pas applicables en l’espèce, il y a lieu de faire application du communiqué du 16 mai 2011.

155 Communiqué du 16 mai 2011 relatif à la détermination du montant des sanctions pécuniaires, point 67.

156 Décisions n° 11-D-13 du 5 octobre 2011 relative à des pratiques relevées dans les secteurs des travaux d’électrification et d’installation électrique dans les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Auvergne et limitrophes, paragraphe 406, confirmée par les arrêts de la cour d’appel de Paris du 28 mars 2013, Allez et Cie e. a., n° 2011/20125, p. 34-35 et du 21 janvier 2016, Inéo Réseaux Sud-Ouest S.N.C e.a., n° 2014/22811, p. 11-12 et par l’arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2017, Spie Sud-Ouest e.a., n° 16-12.907, p. 7 ; n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, paragraphes 147-151 ; n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, paragraphes 169-175, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, Royer Holding SAS e. a., n° 16/06962 ; n° 16-D-28 du 6 décembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assistance foncière de l’établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes, paragraphes 152-154, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 octobre 2017, Caisse des dépôts et consignations e. a., n° 2017/01658, p. 16-17.

157 Décision n° 18-D-19 du 24 septembre 2018 relative aux pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux d’éclairage public en Ardèche, paragraphe 112.

158 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 mars 2013, société Allez et Cie e.a. n° 2011/20125, p. 32.

159 Décision n° 09-D-03 du 21 janvier 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales, paragraphe 115.

160 Décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), paragraphe 1133 ; voir également décision n° 06-D-36 du 6 décembre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre par la société civile de moyens Imagerie Médicale du Nivolet, paragraphe 177 ; n° 10-D-25 du 28 juillet 2010 relative à des pratiques concernant l’accès au scanner et à l’IRM situés au centre hospitalier d’Arcachon, paragraphe 141 ; n° 13-D-11 du 14 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur pharmaceutique, paragraphe 641 ; n° 13-D-21 du 18 décembre 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché français de la buprénorphine haut dosage commercialisée en ville, paragraphe 533 et n° 20-D-17 du 12 novembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire, paragraphe 829.

161 Voir notamment, décision n° 11-D-13 du 5 octobre 2011 relative à des pratiques relevées dans les secteurs des travaux d’électrification et d’installation électrique dans les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Auvergne et limitrophes, paragraphe 370 ; n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, paragraphe 157 ; n° 16-D-02 du 27 janvier 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, paragraphe 182 et n° 18-D-19 du 24 septembre 2018 relative aux pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux d’éclairage public en Ardèche, paragraphe 118.

162 Arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e.a., n° 02-11754 et du 21 octobre 2014, Spie Sud-Ouest e.a, n° 13-16602, et de la cour d’appel de Paris du 17 septembre 2008, Coopérative agricole l’Ardéchoise, n° 2007/10371, p. 6. Voir notamment pour une application par l’Autorité : décision n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, paragraphe 162 et n° 21-D-05 du 4 mars 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine, paragraphe 134.

163 Voir, par exemple, arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, n° 2007/18040, p. 4.

164 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, n° 2010/12049, p. 5, confirmé sur pourvoi par l’arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, Orange France, n° 11-22.144, et l’arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., n° 2012/23945, p. 89.

165 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France e.a., n° 09-12984, n° 09-13163 et n° 09-65940.

166 Voir, par exemple, les arrêts de la cour d’appel du 30 juin 2011, Orange France n° 2010/12049, p. 5 et du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord, n° 2011/03298, p. 70.

167 Voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13910.

168 Voir l’arrêt de la Cour de cassation du 21 octobre 2014, Spie Sud-Ouest e.a, n° 13-1660.

169 Voir par exemple la décision n° 09-D-03 du 21 janvier 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales, paragraphe 119.

170 Voir, notamment, les décisions n° 08-D-15 du 2 juillet 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de rénovation de chaufferies en Saône-et-Loire, paragraphe 119 et n° 09-D-10 du 27 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent, paragraphe 197 et l’arrêt de la cour d’appel de Paris, société Allez et Cie e.a. précité, p. 33.

171 Décision n° 16-D-02 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, paragraphe 193.

172 Comme indiqué supra, le dirigeant d’Ariège Ambulance a expliqué, lors d’une audition du 11 janvier 2017 : « en groupement, nous avons ensuite repris le marché (2013-2015) avec une remise forte de 42 % pour reprendre le marché à Ensales en 2013. Mais nous ne pouvions tenir cette remise. Le groupement a pratiqué cette remise de 42 % mais cette remise ne pouvait perdurer (…). Pour le marché suivant couvrant la période 2015 à 2018, j’ai dit aux autres membres du groupement que nous devions faire entrer Ensales dans le groupement parce que l’on ne pouvait pas continuer à pratiquer des prix aussi faibles qui nous faisaient perdre de l’argent ». Pendant cette même audition, ce dirigeant a aussi indiqué : « le but était clairement de faire baisser la remise qui était beaucoup trop importante et qui mettait en danger nos entreprises, je lui ai proposé de faire une remise raisonnable de 15 %, taux qui nous permet de ne pas perdre de l’argent » (cote 322).

173 Ce représentant a en effet indiqué, dans une déclaration en date du 11 janvier 2017, s’agissant de la présence de son concurrent Ensales dans le groupement soumissionnaire, qu’« en 2015 comme il [Ensales] a rejoint le groupement j’ai pu maintenir le taux de 8% » (cote 1468).

174 Cote 175.

175 Cet article a, en effet, été abrogé par le 8° du III de l’article 37 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (JORF n° 0293 du 4 décembre 2020, texte n° 2).