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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ., 21 octobre 2004, n° 2003/04575

LYON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Me Robert

Conseillers :

M. Somon, Mme Miret

Avoués :

SCP JUNILLON-WICKY, Me Lallement

T. com Lyon, du 17 juin 2004

17 juin 2004

EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lyon en date du 27 septembre 2001, par lequel cette juridiction, saisie par Henri Y... et Jean Z... d'une action en responsabilité dirigée d'une part contre Bruno X... et d'autre part contre la société MG2P tendant à l'allocation de divers dommages-intérêts à propos de l'exploitation de deux brevets portant sur un produit dit SANIBOX dont eux-mêmes sont détenteurs indivis avec Bruno X... :

- s'est déclarée incompétente au profit du tribunal de commerce de Lyon pour statuer sur l'action réparation des préjudices allégués résultant de faits imputés à Bruno X... jusqu'en septembre 1995,

- a sursis à statuer sur l'action en réparation et les demandes afférentes formées à l'encontre de la société MG2P jusqu'à décision définitive de la juridiction commerciale;

Vu le jugement du tribunal de commerce du Lyon 17 juin 2003 qui a essentiellement:

- jugé que Bruno X... ne s'était pas acquitté de son obligation contractuelle de reversement d'une partie des redevances encaissées par lui auprès de la société GV PACKAGING, titulaire d'une licence exclusive de fabrication et de vente des objets brevetés, à l'égard de Messieurs Y... et Z... durant la période du 2 octobre 1992 au 5 septembre 1995,

- condamné en conséquence Bruno X... à leur payer à titre de dommages-intérêts les sommes respectives de 13 855,24 et 3552,60 , outre une indemnité de procédure de 4000 , sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code Civil,

Vu l'appel interjeté par Bruno X... par déclaration remise au greffe le 16 juillet 2003 ;

Vu les dernières conclusions d'Henri Y... et de Jean Z..., en date du 22 juillet 2004, par lesquelles, sur le fondement des articles 1108 et 1134 et suivants du Code civil, ils demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Bruno X... à leur payer les sommes de 13 855,24 et 3552,60 au titre des redevances intégralement perçues à tort par lui,

- reconnaître Bruno X... responsable de leur entier préjudice, en raison de ses multiples fautes, et le condamner en conséquence à leur payer les sommes de:

231 356 et 57 839 au titre du préjudice résultant pour eux des investissements définitivement perdus, déterminés par les manoeuvres dolosive de Bruno X...

18 728,36 et 4802,14 au titre de la perte des redevances qui auraient dû être payées par la société MG2P depuis 1995 jusqu'en 2004,

- leur allouer la somme de 5 000 en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions récapitulatives du 27 juillet 2004 par lesquels Bruno X... requiert la réformation du jugement, la constatation de l'extinction des créances de redevances des consorts B... à l'encontre de la société GV PACKAGING, faute de déclaration à la liquidation judiciaire de celle-ci, et le rejet de toutes leurs prétentions à son égard, ainsi que leur condamnation au paiement des sommes respectives de 4533,18 et 1162,35 au titre de leur quote-part dans le règlement des annuités des brevets, ainsi que, solidairement, d'une somme de 10 000 par application de l'articles 700 du nouveau code de procédure civile ;

MOTIFS ET DÉCISION :

Attendu, sur les faits, que par un contrat daté du 1er octobre 1990, Bruno X... et Carnot SABY, alors copropriétaire des brevets déposés les 22 juin 1987 et 15 novembre 1988 par Bruno X..., portant sur des dispositifs monocoques concernant le démontage et le stockage étanche d'aiguilles médicales usagées et d'instruments médicaux et chirurgicaux ont concédé à la société GV PACKAGING une licence exclusive de fabrication et de vente des produits couverts par les brevets, pour une durée indéterminée, moyennant d'une part le versement d'un montant forfaitaire de un million de francs à la signature du contrat et d'autre part, à titre de redevances, une somme de 350 000 F payable chaque année à la date anniversaire du contrat ;

Qu'après que Bruno X... ait récupéré l'intégralité des droits sur les brevets en cause, il a cédé aux consorts Y... Z..., par convention sous seing privé du 2 octobre 1992,une quote-part indivise de ses droits de propriété et de jouissance sur les brevets et sur la marque SANICONTAINER, déposée le 21 septembre 1990, dans la proportion de 39 % pour Henri Y... et de 10 % pour Jean Z... ; que l'article 2 du contrat stipule que les cessionnaires sont subrogés, pour la quote-part cédée, dans tous les droits du cédant sur les brevets et marques, de sorte qu'à compter de la signature du contrat, ils en aient la copropriété et jouissance correspondant au pourcentage cédé, et puissent en disposer ou l'exploiter à leur gré; qu'il y est également prévu que les cessionnaires acquitteront à compter de la signature du contrat leur quote-part des annuités des brevets; que selon l'article 3 du contrat, toutes les décisions concernant l'exploitation industrielle et commerciale de la copropriété des brevets et marques devront être prises d'un commun accord entre les parties et qu'aucun acte d'administration ne pourra être accompli par l'une d'elles sans l'accord préalable écrit de l'autre; que le même article précise que les parties se partageront dans les proportions sus-indiquées les recettes et les dépenses afférentes à l'exploitation desdits brevets et marque; que la cession a été consentie à Henri Y... pour un prix de 693 810 F TVA incluse et à Jean Z... pour un prix de 177 900 F, l'ensemble payé comptant ;

Que le même contrat fait mention de la concession exclusive de fabrication et de vente des produits couverts par les brevets, consentie le 1er octobre 1990 à la société GV PACKAGING ; que toutefois ne s'y trouve pas reprise la clause figurant pas dans l'acte dénommée Réitération de protocole signé le 17 juillet 1992 entre Bruno X... et les époux Y... portant sur la cession par Bruno X... d'une quote-part des brevets et de 39 % du capital social de la société GV PACKAGING, selon laquelle le cessionnaire, c'est-à-dire les époux Y... s'engageaient à consentir à cette société un avenant à la concession de licence exclusive ramenant à 250 000 F par an les redevances dues par elle, à compter du 1 août 1992 ;

Attendu qu'il est constant que jusqu'à la dénonciation faite par les parties le 5 septembre 1995 de la convention de concession de licence à la société GV PACKAGING, puis à la mise en liquidation judiciaire de celle-ci le 20 septembre 1995, Bruno X... a seul perçu des redevances de cette société au titre de l'exploitation des brevets, pour un montant non discuté de 368 588,93 F;

Que Bruno X... indique que ces sommes doivent s'imputer sur sa créance personnelle à l'encontre de la société GV PACKAGING, résultant d'une part du caractère seulement partiel du versement initial convenu (700 000 F au lieu de un million de francs) et d'autre part des échéances annuelles de redevances des 1er octobre 1991 et 1er octobre 1992, l'ensemble représentant un million de francs ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 2 octobre 1992, c'est-à-dire celle de la cession des quote-parts des brevets et marque, la société GV PACKAGING restait redevable pour ce montant à l'égard de Bruno X... ; que celui-ci relève à bon droit que les redevances ayant été stipulées payables chaque année à la date anniversaire du contrat de licence, c'est-à-dire au 1er octobre, l'échéance du 1er octobre 1992 devait lui revenir en totalité, les consorts Y... Z... ne pouvant ainsi bénéficier du paiement des redevances qu'au 1er octobre 1993 pour la première fois ;

Attendu que le contrat de cession de brevets d'invention du 2 octobre 1992 ne comporte aucune information relative aux arriérés dus par la société GV PACKAGING; que Bruno X... n' établit ni même n'allègue avoir porté à la connaissance des consorts Y... Z... cette situation très particulière, selon laquelle la licenciée n'entreprendrait le règlement des redevances à leur profit qu'après avoir dû lui régler la somme d'un million lui revenant exclusivement au même titre ;

Que les intimés caractérisent donc un défaut d'information et de loyauté de la part de Bruno X... qui aurait dû les aviser du caractère en réalité différé de la jouissance des droits attachés aux brevets cédés, ce qui ne résultait pas de la seule lecture, même attentive, du contrat de 2 octobre 1992 ; qu'à supposer que les consorts Y... Z... aient alors pu prendre connaissance des comptes de l'exercice de la société GV PACKAGING clôturé le 30 septembre 1991, et qu'ils aient pu y découvrir que l'entreprise avait seulement réglé 700  000 F au titre du premier versement prévu par le contrat de licence de brevets d'invention, il était légitime pour eux de considérer que la situation avait été régularisée en faveur de Bruno X... et qu'à partir, pour la première fois du 1er octobre 1993, ils pourraient obtenir les revenus de leur investissement, si du moins les produits brevetés rencontraient le succès commercial attendu, ce qui a été le cas ;

Que Bruno X... s'est rendu coupable à leur égard d'une réticence dolosive et qu'il est donc tenu d'en réparer les conséquences dommageables ;

Qu'à cet égard contrairement à ce qu'il soutient, le défaut de déclaration des créances des consorts Y... Z... dans la liquidation judiciaire de la société GV PACKAGING est sans incidence sur leur droit à réparation contre lui ; qu'en effet le préjudice subi par les intimés emprunte sa mesure non au montant des sommes dues par la société GV PACKAGING au titre des redevances lors de son placement en liquidation judiciaire, mais à celui des sommes effectivement réglées par cette société, postérieurement au 2 octobre 1992, et appréhendées directement par Bruno X..., dont le versement a empêché la société GV PACKAGING d'amorcer l'exécution à leur profit du contrat de licence ; Qu'il est donc possible d'allouer aux consorts Y... Z... à titre de dommages-intérêts, la quote-part leur revenant sur les versements obtenus par Bruno X..., mais dans la limite de leur réclamation actuelles formée de ce chef, c'est-à-dire 13 855,24 pour Henri Y... et 3552,60 pour Jean Z...;

Attendu que la réclamation indemnitaire nouvelle formée par les intimés au titre de ce qu'ils qualifient d'investissements définitivement perdus ne peut en revanche être accueillie :

- d'une part faute de preuve d'un préjudice quant à l'acquisition des brevets dont ils admettent eux-mêmes le réel intérêt, et dont ils restent titulaires, ce qui leur permettra de poursuivre toutes actions utiles pour les défendre ou en tirer profit, notamment à l'encontre de la société MG2P devant le tribunal de grande instance, - d'autre part faute pour eux d'établir un lien de causalité entre la réticence dolosive imputable à Bruno X... et la déconfiture de la société GV PACKAGING ,étant observé cet égard qu'ils n'invoquent pas en cause d'appel la défaillance de Bruno X... en tant que gérant de cette SARL ;

Attendu que la réclamation formulée par les intimés au titre de la perte des redevances qui auraient dû être payées par la société MG2P ne peut davantage être admise dès lors que le préjudice invoqué présente en l'état un caractère purement éventuel puisqu'il n'a pas encore été statué par le tribunal de grande instance sur les prétentions des consorts Y... Z... à l'égard de cette société ; que ces seulement dans l'hypothèse où il serait admis que l'entreprise MG2P détient du chef de Bruno X... le droit d'exploiter les brevets en cause que les consorts Y... Z... pourraient rechercher la responsabilité de l'appelant ;

Que le surplus les prétentions des intimés sera donc rejeté.,

Attendu, sur la demande reconventionnelle de Bruno X..., dont la recevabilité en cause d'appel n'est pas contestée, que celui-ci justifie avoir réglé divers frais et droits pour la conservation des

brevets, à hauteur de 11 623,56 ; que cette dépense mise à la charge des titulaires de droits sur les brevets, à proportion de leurs parts respectives, par l'article 2 du contrat du 2 octobre 1992 doit donc être assumée par les consorts Y... Z... à raison respectivement de 39 % et 10 % ; que la demande reconventionnelle sera donc accueillie sur ce point ;

Attendu que Bruno X... qui, pour l'essentiel, succombe toutefois en son appel supportera les dépens; qu'une indemnité de procédure complémentaire de 2500 sera mise à sa charge ;

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement du 17 juin 2003 en ce qu'il a condamné Bruno X... à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 13 855,24 à Henri Y... et celle de 3552,60 à Jean Z... ainsi qu'une somme de 4000 en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Y... ajoutant, condamne Henri Y... à payer à Bruno X... la somme de 4533,18 et Jean Z... à payer à Bruno X... à la somme de 1162,35 avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Condamne en outre Bruno X... à payer aux consorts Y... Z... une indemnité de procédure complémentaire de 2500 ;

Rejette le surplus des demandes.