CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 9 septembre 2016, n° 15/21319
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Orange (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Me Freneaux, Me Desrousseaux
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées
dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme F... C..., Présidente, et par Mme B... G..., Greffière, à laquelle la
minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Vu le recours formé le 6 novembre 2015 par les sociétés FREE et FREEBOX à l'encontre de la
décision de l'INPI du 2 septembre 2015 qui a accepté la requête en limitation de la partie française du
brevet européen EP 2 044 797, dont est titulaire la société ORANGE ,
Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens du recours déposé au greffe par les sociétés FREE et
FREEBOX les 7 décembre 2015 et 19 avril 2016 et en dernier lieu le 26 mai 2016,
Vu les mémoires en réponse de la société ORANGE déposés au greffe les 3 février 2016 et 19 mai
2016,
Vu les observations écrites du directeur général de L'INPI déposées au greffe le 12 février 2016,
Vu l'avis écrit du ministère public transmis à la cour et aux parties le 9 mai 2016 et ses observations
orales,
Vu l'audience du 9 juin 2016 ;
SUR CE,
Considérant que la société ORANGE, titulaire d'un brevet européen EP 2 044 797 déposé le 6 juillet
2007 et ayant pour titre basculement de sessions multimédia d'un terminal mobile vers un
équipement d'un réseau local, a fait assigner le 11 avril 2014 les sociétés FREE et FREEBOX devant
le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon des revendications 1 et 2 et 7 à15 de la partie
française dudit brevet ;
Que par jugement en date du 18 juin 2015, dont appel a été interjeté le 27 juillet 2015, le tribunal de
grande instance de Paris a prononcé la nullité de toutes les revendications du brevet EP 2 044 797
invoquées par la société ORANGE, et a déclaré cette dernière irrecevable à agir en contrefaçon ;
Que par décision du 2 septembre 2015, l'INPI a accepté la demande en limitation du brevet précité
formée par la société ORANGE le 26 août 2015 au visa des articles L613-24 et R 613-45 du code de
la propriété intellectuelle ; que le 6 novembre 2015, les sociétés FREE et FREEBOX ont formé un
recours à l'encontre de cette décision acceptant la limitation de la partie française du brevet, en
invoquant l'absence de clarté et de concision de la limitation qui, en l'absence de description
correspondante, ne constituerait pas une limitation ;
Qu'à l'occasion de cette procédure de recours, et selon mémoire du 7 décembre 2015, les sociétés
FREE et FREEBOX ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, procédure enregistrée
sous le n° RG 15/24934 et faisant l'objet d'un arrêt séparé rendu également ce jour ;
Que dans le cadre du présent recours fondé sur l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle,
les requérantes concluent à l'inconstitutionnalité des articles L. 613-24, L. 613-25 et L. 614-12 du
même code, tout en renvoyant sur ce point la cour à leur mémoire déposé à l'appui de la question
prioritaire de constitutionnalité, à l'inconventionnalité de ces dispositions eu égard au droit à un procès équitable garanti par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, en ce compris le principe d'égalité des armes et le principe du contradictoire, ainsi qu'à la non -conformité des revendications modifiées aux prescriptions des
articles L. 613-24, L. 613-25, L. 614-12, R. 613-45 et L. 612-6 du code de la propriété intellectuelle
soutenant sur ce point que la requête en limitation doit être rejetée par l'INPI, et annulée par la cour
dans le cas contraire, lorsque les revendications modifiées ne constituent pas une limitation par
rapport aux revendications du brevet ou lorsque les revendications modifiées ne sont pas conformes
aux dispositions de l'article L. 612-6 du code de la propriété intellectuelle ;qu' elles ajoutent que la
modification des revendications litigieuses ne constitue pas une limitation du brevet par rapport aux
revendications antérieures et/ou ne sont pas claires et/ou ne se fondent pas sur la description ;
Considérant que la société ORANGE conteste la recevabilité du recours en faisant valoir en
substance que les sociétés FREE et FREEBOX n'invoquent que des moyens de nullité de la partie du brevet litigieux et que les moyens d'inconstitutionnalité et d'inconventionnalité des dispositions ayant servi de fondement à la décision de l'INPI n'affectent pas la décision de limitation mais se rapportent exclusivement à la conformité de la procédure de l'action en nullité aux règles du procès équitable ;
Considérant ceci exposé, que les moyens développés par les requérantes tirés de la contrariété de la
procédure de limitation aux principes d'égalité des armes et du contradictoire garantis par l'article 6
de la CEDH, sont identiques à ceux exposés au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité
soulevée sur le fondement de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que,
outre le fait que l'INPI est un établissement public administratif qui ne peut être soumis à l'ensemble
des règles garantissant un procès équitable, il a été dit que cette question prioritaire de
constitutionnalité fait l'objet d'une procédure distincte, enregistrée sous le n° RG 15/24934, et l'objet
d'un arrêt séparé rendu également ce jour ; que les sociétés FREE et FREEBOX ne peuvent donc
demander à la cour de trancher une question dont elles demandent au préalable qu'elle soit examinée par le Conseil Constitutionnel ;
Considérant par ailleurs que les moyens développés par les sociétés FREE et FREEBOX au soutien
de leur recours en annulation de la décision du directeur général de l'INPI s'analysent en réalité en
des moyens de nullité du brevet qui leur est opposé dans le cadre de l'action en contrefaçon dirigée
contre elles ; que ces moyens, qui visent à remettre en cause la limitation elle-même, à savoir la
conformité aux textes applicables des revendications modifiées, relèvent de la compétence du juge
de la validité du brevet, au demeurant saisi en l'espèce, cette compétence s'étendant aux moyens tirés d'une prétendue extension ainsi qu'à ceux tirés d'un manque de clarté des revendications ou de leur absence de support dans la description ;
Que les sociétés requérantes, qui admettent dans leur mémoire que la question de savoir si la
modification d'une revendication produit un accroissement de l'étendue de la protection conféré par
le brevet relève de la compétence du juge de la validité du brevet, et qui n'expliquent pas comment
une modification de la portée d'une revendication pourrait ne résulter ni d'une extension ni d'une
limitation de la portée de la protection, ne peuvent sérieusement soutenir que cette question se
distingue de celle de savoir si les revendications modifiées constituent une limitation par rapport aux
revendications antérieures du brevet délivré, une telle distinction n'étant pas justifiée par les termes
de l'article L.613-25 du code de la propriété intellectuelle qui conduisent à l'annulation du brevet
dans tous les cas où la limitation a pour effet d'étendre la protection conférée par le brevet ;
Qu'il s'ensuit que les sociétés requérantes ne peuvent contester, dans le cadre du présent recours, le
contenu des revendications telles que limitées et le recours doit être déclaré irrecevable ;
Considérant qu'il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure
civile dans les termes ci-après définis.
PAR CES MOTIFS :
Déclare irrecevable le recours formé le 6 novembre 2015 par les sociétés FREE SAS et FREEBOX
SAS à l'encontre de la décision de l'INPI du 2 septembre 2015 qui a accepté la requête en limitation
de la partie française du brevet européen EP 2 044 797, dont est titulaire la société ORANGE.
Condamne les sociétés FREE SAS et FREEBOX SAS à payer à la société ORANGE la somme de
5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que le présent arrêt sera, par les soins du greffier, notifié par lettre recommandée avec avis de
réception, aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.