CA Poitiers, 1re ch. civ., 25 janvier 2022, n° 20/00142
POITIERS
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Afibel (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monge
Conseillers :
M. Orsini, M. Maury
EXPOSÉ :
Monique A. épouse D. a reçu en novembre 2018 et février 2019 de la société Afibel, qui exerce son activité de vente à distance, des correspondances faisant état de l'organisation d'une loterie.
Estimant qu'elle était le bénéficiaire de la somme de 5.000 euros visée dans ces correspondances assorties de félicitations à son égard, Mme D. l'a réclamée en vain à la société Afibel, qu'elle a fait assigner, après vaine mise en demeure, par acte du 3 avril 2019 devant le tribunal d'instance de Poitiers pour l'entendre condamner à lui payer 5 000 euros outre 700 euros d'indemnité de procédure, fondant son action sur les articles L.120-1 et L.121-20 du code de la consommation proscrivant les pratiques commerciales déloyales, ainsi que sur l'ancien article 1382 du code civil en reprochant à la défenderesse d'avoir engagé sa responsabilité en lui annonçant le gain sans mettre clairement en évidence l'existence de l'aléa auquel il était subordonné.
La société Afibel a conclu au rejet de cette action en affirmant que l'existence d'un aléa était clairement compréhensible à première lecture des courriers litigieux.
Par jugement du 5 novembre 2019, le tribunal d'instance de Poitiers a débouté Mme D. de l'intégralité de ses demandes en la condamnant aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 600 euros, en retenant qu'elle n'avait pas été présentée comme ayant fermement et définitivement gagné le lot, et que la défenderesse ne s'était pas engagée à lui remettre les fonds mis en jeu, ajoutant qu'outre le fondement quasi-contractuel et non délictuel de la responsabilité susceptible d'être recherchée, la société Afibel n'avait pas commis de faute avérée.
Mme D. a relevé appel le 16 janvier 2020.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 7 septembre 2021 par madame D.
* le 7 mai 2020 par la SAS Afibel.
Monique A. épouse D. demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société Afibel à lui verser 5 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts 'de droit' à compter du 17 novembre 2018 ainsi que 1 000 euros d'indemnité de procédure.
Elle rappelle que l'article L.121-1 du code de la consommation interdit les pratiques commerciales déloyales, et que la jurisprudence exige en matière de loterie que l'existence de l'aléa affectant l'attribution du prix soit clairement mise en évidence à première lecture dès l'annonce du gain.
Elle soutient que la société Afibel l'a totalement inondée d'innombrables courriers la présentant au premier abord comme la gagnante de gains considérables, ce qui est déloyal vu son âge et sa santé fragile.
La SAS Afibel sollicite la confirmation du jugement et 2 500 euros d'indemnité de procédure.
Elle rappelle la législation et l'état de la jurisprudence sur les loteries.
Elle explique privilégier le pré-tirage au sort afin d'évacuer toute suspicion de favoriser les clients lui passant commande, et fait valoir que les documents qu'elle a adressés à Mme D. dans le cadre de la loterie gratuite sans obligation d'achat dénommée. La Combinaison de la Chance', dotée d'un chèque de 5 000 euros porté à 10 000 euros si le gagnant pré-tiré au sort avait participé dans les sept jours de la réception, mettait en évidence l'aléa présidant à l'opération, en utilisant le mode conditionnel et le terme peut-être, et en indiquant bien que le prix en jeu n'était attribué qu'à la double condition d'être en possession d'un code composé des initiales et du code postal, et d'autre part d'avoir été désignée gagnante par l'huissier. Elle soutient qu'il était ainsi évident que détenir la bonne combinaison ne suffisait donc pas à gagner, puisqu'il était clairement exprimé qu'il fallait aussi avoir été tirée au sort et que la société Afibel ne connaît pas le nom de la personne pré-tirée au sorte, ce qui exclut que ces courriers annoncent à quiconque qu'il est la personne gagnante. Elle précise que la gagnante s'est avérée être une dame Martine R.. Elle récuse toute croyance légitime de la part de Mme D. en faisant observer que celle-ci, avec son mari, assigne en justice différents organisateurs de loterie en se disant systématiquement gagnante ou abusée.
L'ordonnance de clôture est en date du 11 octobre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Madame D. produit des copies partielles de divers documents relevant de loteries différentes pour lesquelles la société Afibel lui a écrit, mais elle n'a constamment formé de demande et articulé d'explications en première instance comme en cause d'appel qu'au titre de celle dénommée 'La Combinaison de la Chance' évoquant un gain de 5 000 euros.
S'agissant de cette loterie, le premier juge a pertinemment retenu en des considérations et analyses que la cour adopte, qu'il ressortait des productions-soit les documents versés aux débats par Mme D. mais aussi ceux, complets quant à eux, produits par la société Afibel- que l'intéressée n'y a jamais été présentée de façon affirmative comme la gagnante effective du lot mis en jeu.
Dans ces correspondances, l'annonce d'un gain était, en effet, constamment formulée au conditionnel ('si vous avez été désignée gagnante, nous pourrions alors déclarer Félicitations Mme D. vous êtes la seule et unique gagnante... ; conformément au règlement, si vous êtes en possession d'une combinaison composée de vos initiales et de votre code postal et que vous avez été désignée gagnante alors nous pourrions déclarer Félicitations Mme D....vous avez gagné 5 000 euros!...), clairement assortie de conditions à remplir, parmi lesquelles celle d'avoir été tirée au sort lors du pré-tirage, et en référence systématique aux conditions exposées dans le règlement du concours dont tout participant devait certifier avoir pris connaissance et qui énonce en termes compréhensibles que le gagnant est celui qui remplit cette double condition, de sorte que l'aléa était ainsi mis en évidence à première lecture.
Bien que ces autres loteries ne soient pas spécialement invoquées par l'appelante, et que la somme qu'elle réclame ne corresponde pas à celle qui y était visée, il sera en tant que de besoin ajouté que, s'agissant de la loterie tirage spécial 500 000 euros à partager, il ressort des productions que l'annonce qu'elle était 'gagnante et donc bénéficiaire d'une somme d'argent libellée en euros que Mme D. a reçues de la société Afibel, correspondait à un gain réel pour elle à ce jeu, en l'occurrence de 3 euros, qu'Afibel lui a effectivement proposé de recevoir par chèque à moins qu'elle ne préfère y voir substituer un chèque réduction de 10 euros (cf pièce n°13 de l'intimée), et qu'elle ne prétend pas ne pas avoir reçu sous l'une ou l'autre de ces formes.
Le gain annoncé a donc été réel, et conforme au règlement visé dans ces correspondances, auquel celles-ci renvoyaient en l'invitant à s'y reporter.
Le caractère emphatique des courriers ayant précédé l'annonce de ce gain, rapporté à la grande modestie de son montant advenu, n'en fait pas pour autant un procédé déloyal ou trompeur, alors que le gain qui avait été constamment indiqué était un 'chèque' ou un 'virement' sans autre précision ni indication d'un ordre de grandeur de la somme, systématiquement présentée comme une partie de la somme à partager entre 'les gagnants', et que la tonalité hyperbolique des formules employées relève manifestement et notoirement du registre habituel de langage employé dans de telles loteries publicitaires, dont Mme D. est très familière.
Quant au Grand Tirage Un séjour en Méditerranée ou un Chèque de 2 730 euros, madame D. n'articule pas de demande ni d'argumentaire de ce chef ; elle ne fournit pas d'explications sur son gain, ni n'indique qu'elle n'aurait rien reçu.
Le jugement, qui a dit que la société Afibel n'avait commis aucune faute et qui a débouté Mme D. de ses prétentions, sera donc confirmé.
Mme D. succombe devant la cour et supportera les dépens d'appel.
Elle versera une indemnité de procédure à l'intimée.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
CONFIRME le jugement déféré
ajoutant :
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires
CONDAMNE Monique A. épouse D. aux dépens d'appel
LA CONDAMNE à verser 1.000 euros à la SAS Afibel application de l'article 700 du code de procédure civile.