CA Douai, 2e ch. sect. 2, 28 mars 2013, n° 12/02676
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Saint Amand Brico Services (Sté)
Défendeur :
Beaugrand, Rome, Weldom (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mme Valay-Briere, Mme Barbot
Avocats :
Me Delbar, Me Loeuille, Me Petiaux-d'Haene, Me Bondroit, Me Chateau
La SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Valenciennes à compter du 18 janvier 2008 pour l'exploitation d'une activité de négoce de produits de bricolage, décoration, jardins, services et mise en oeuvre s'y rapportant.
Pour ce faire, elle a adhéré à la société SAPEC, centrale d'achats, et signé une convention d'enseigne avec la société DOMAXEL ACHATS & SERVICES devenue WELDOM.
Selon jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 8 novembre 2010, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES, Maître BONDROIT étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance et Maître LOEUILLE ès qualités de mandataire judiciaire.
Un litige étant né entre les sociétés SAINT AMAND BRICO SERVICES et WELDOM sur l'origine des difficultés financières de la première et l'éventuelle responsabilité de la seconde, les sociétés WELDOM et SAPEC, d'une part, la SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES assisté de Maître BONDROIT, ès qualités, ainsi que Messieurs Alexis BEAUGRAND et Vincent ROME, d'autre part, ont convenu, par acte sous seing privé en date du 7 février 2011, d'une transaction destinée à y mettre un terme.
Après conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire par décision du 14 février 2011, un plan de cession totale de la SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES au profit de la SAS AMANDIS a été arrêté le 28 mars 2011 par le tribunal de commerce de Valenciennes et sa liquidation judiciaire prononcée par la même juridiction le 3 octobre 2011.
Sur la requête de Maître BONDROIT, ès qualités, aux fins d'homologation, le juge-commissaire désigné dans la procédure collective a autorisé la transaction susvisée par ordonnance en date du 18 mai 2011.
Le 26 mai 2011, le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valenciennes a formé opposition à cette ordonnance et sollicité sa réformation aux motifs premièrement, d'une violation des dispositions de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile en ce que le juge-commissaire n'a pas répondu à l'ensemble des moyens soulevés par le Ministère Public, deuxièmement, d'une violation des dispositions des articles L. 622-7 II et L. 631-14 du code de commerce en ce que l'acte non autorisé est nul et ne pouvait être autorisé a posteriori par le juge-commissaire, troisièmement, de ce que la requête a été déposée par Maître BONDROIT, ès qualités, seul alors qu'il ne disposait que d'une mission d'assistance, quatrièmement, de l'absence de contreparties réelles et cinquièmement, de ce que la transaction prive le mandataire judiciaire d'une action dans l'intérêt des créanciers qu'il représente.
Selon jugement réputé contradictoire du 24 avril 2012, le tribunal de commerce de Valenciennes a :
- refusé de mettre Maître BONDROIT, ès qualités, hors de la cause ;
- débouté le Ministère Public de ses demandes tirées du non respect des dispositions des articles 455 alinéa 1er du code de procédure civile, L. 627-7 et L. 631-14 du code de commerce ;
- débouté le Ministère Public de ses demandes ;
- confirmé l'ordonnance rendue le 18 mai 2011 ;
- dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe en date du 2 mai 2012, Maître LOEUILLE, ès qualités de liquidateur de la SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES, a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 13 novembre 2012, il demande à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de déclarer recevable et bien fondée l'opposition formée par Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valenciennes à l'encontre de l'ordonnance rendue le 18 mai 2011, de mettre à néant cette ordonnance, de dire n'y avoir lieu à autoriser cette transaction, de condamner solidairement les sociétés WELDOM, SAPEC, ainsi que Messieurs BEAUGRAND et ROME à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, enfin de les condamner sous la même solidarité aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.
Il fait valoir que Maître BONDROIT, ès qualités, doit être maintenu dans la cause dès lors qu'autorisé par ordonnance à transiger il doit mener la transaction à son terme. Il précise qu'il n'a pas été consulté sur cette transaction signée le 7 février 2011 alors qu'aucun plan de sauvegarde ou de redressement ne pouvait intervenir et soutient, pour l'essentiel, que cette transaction, qui n'est ni conforme à l'intérêt collectif des créanciers ni équilibrée faute de réelles concessions réciproques, ne présente d'intérêt que pour les cautions.
Dans ses conclusions en date du 26 septembre 2012, Maître BONDROIT, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES, demande à la Cour in liminelitis de constater que le tribunal de commerce de Valenciennes a mis fin à sa mission et par conséquent de le mettre hors de cause, subsidiairement de confirmer le jugement, en conséquence, de débouter Maître LOEUILLE, ès qualités, de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il expose que les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ont été respectées par le juge-commissaire qui a parfaitement motivé sa décision ; que celles de l'article L. 622-7 du code de commerce l'ont été également dès lors que la validité de l'accord était soumise à la condition de son autorisation par le juge-commissaire ; qu'en soumettant seul au juge-commissaire une requête pour solliciter l'autorisation de transiger, il n'a pas outrepassé ses pouvoirs ; que la transaction, qui a pour objet d'éviter aux sociétés SAPEC et WELDOM les aléas et incertitudes d'une action en responsabilité dirigée à leur encontre, est causée et renferme en elle-même des concessions réciproques du fait de l'abandon de leur créance et de leur renonciation à mettre en oeuvre la clause de réserve de propriété dont elles bénéficient sur les marchandises existant en stock au jour de l'ouverture de la procédure collective ; que les discussions menées avec la société WELDOM ont permis une minoration du passif, la réalisation d'une cession et l'économie de licenciements ce qui a bénéficié aux créanciers.
Aux termes de leurs écritures déposées le 29 novembre 2012, les sociétés WELDOM et SAPEC concluent, sous réserve de la recevabilité de l'appel, au rejet des demandes de Maître LOEUILLE, ès qualités, à la confirmation du jugement et à la condamnation de Maître LOEUILLE, ès qualités, à payer à la société WELDOM la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles font valoir au préalable que la présence de Maître BONDROIT, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES, à la procédure est nécessaire puisqu'il est le signataire de la transaction et qu'il a présenté la requête au juge-commissaire. Elles considèrent que la véritable raison de l'opposition de Maître LOEUILLE à la transaction n'est pas l'absence de concessions réciproques mais l'insuffisance des concessions de la société WELDOM. Elles précisent que la volonté du liquidateur est de faire payer à la société WELDOM non pas le dommage résultant de ses fautes éventuelles mais le passif résiduel de la SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES. Elles ajoutent qu'il n'est pas de la responsabilité du mandataire judiciaire mais de celle de l'administrateur judiciaire d'apprécier si la transaction est ou non favorable aux intérêts de la SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES par application des articles L. 621-4 et L. 632-4 du code de commerce.
Selon exploits d'huissier de justice en date du 30 juillet 2012 et 8 août 2012, Maître LOEUILLE, ès qualités, a fait signifier sa déclaration d'appel à l'étude pour Monsieur Alexis BEAUGRAND et conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile pour Monsieur Vincent ROME, lesquels n'ont pas constitué avocat.
En application de l'article 425 du code de procédure civile, le dossier a été communiqué au Ministère Public, lequel a conclu le 21 janvier 2013 l'infirmation de la décision entreprise 'pour les motifs développés par le Parquet de Valenciennes.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens et prétentions, selon ce qu'autorise l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE
Par jugement du 3 octobre 2011, le tribunal de commerce de Valenciennes a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES et mis fin à la mission de Maître BONDROIT en qualité d'administrateur judiciaire.
Toutefois, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que ce dernier n'ayant pas déposé au greffe son compte rendu de fin de mission conformément aux dispositions des articles R626-39 et R642-11 du code de commerce, il n'y avait pas lieu de le mettre hors de cause.
Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.
Aux termes de l'article L. 622-7 II du code de commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire par l'effet de l'article L. 631-14 du même code, le juge-commissaire peut au cours de la période d'observation autoriser le débiteur à transiger.
Il est constant que le protocole transactionnel a été signé le 7 février 2011 et qu'une requête aux fins d'homologation a été présentée au juge-commissaire, par Maître BONDROIT, ès qualités, le 14 mars suivant soit après conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire.
Outre que la requête a été présentée par l'administrateur judiciaire seul, alors qu'en procédure de redressement judiciaire elle aurait du l'être, par application de l'article L. 631-14 du code de commerce, conjointement par celui-ci et la SARL SAINT AMAND BRICO SERVICES au regard de la mission d'assistance et non de représentation confiée à Maître BONDROIT, il doit être relevé, conformément aux observations de Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valenciennes reprises en cause d'appel par Monsieur le Procureur Général, et contrairement à ce qui a été retenu à tort par les premiers juges, qu'en l'espèce la formalité de l'autorisation préalable du juge-commissaire, condition de validité de l'opération, n'a pas été respectée.
Ce faisant la transaction était nulle et le juge-commissaire, saisi aux fins d'homologation et non d'autorisation, ne pouvait pas régulariser la situation et autoriser a posteriori la transaction litigieuse.
Il convient par ce seul motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens surabondants, d'infirmer le jugement et de débouter Maître BONDROIT, ès qualités, de ses demandes.
Les sociétés WELDOM et SAPEC qui succombent seront condamnées aux dépens et déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Maître LOEUILLE, ès qualités, les frais exposés par lui en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après débats publics, par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a maintenu Maître BONDROIT, ès qualités, en la cause ;
Statuant à nouveau pour le surplus,
Déboute Maître BONDROIT, ès qualités, de sa demande d'homologation de l'accord transactionnel en date du 7 février 2011 ;
Condamne in solidum les sociétés WELDOM et SAPEC à payer à Maître LOEUILLE ès qualités la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société WELDOM et Maître BONDROIT, ès qualités, de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés WELDOM et SAPEC aux dépens qui pourront être recouvrés directement pour ceux d'appel par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avocats, conformément à l'article 699 code de procédure civile.