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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 9 septembre 2021, n° 20/00539

VERSAILLES

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Stanwick NV (Sté)

Défendeur :

DXC Technology France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Muller, M. Nut

T. com. Nanterre, du 18 déc. 2019

18 décembre 2019

EXPOSE DU LITIGE

La société Stanwick NV - exerçant sous la dénomination BCF Conseil - (ci-après la société Stanwick) est une société de conseil en management qui propose un processus d'obtention de gains de performance et de compétitivité aux entreprises, par le biais de plusieurs formations tendant à l'obtention d'une certification 'Six Sigma'.

En 2016, la société DXC a sollicité la société Stanwick afin qu'elle lui présente une offre de formations. Les parties ont toutefois décidé que la société Stanwick interviendrait en qualité de sous-traitante de la société Do It Performance.

Au cours des mois de juin à août 2017, la société Stanwick a réalisé des formations au sein des locaux de la société DXC. Elle a ensuite émis des factures à l'attention de la société Do It Performance, précisant 'Formation LSS Yellow Green Black pour DXC' pour un montant global de 37.243,04 '.

Le règlement desdites factures n'a jamais été effectué entre les mains de Stanwick et la société Do It Performance a entretemps fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire en date du 30 août 2017. Une déclaration de créances a été effectuée par la société Stanwick entre les mains du liquidateur, les opérations de liquidation étant toujours en cours.

La société Stanwick a ensuite adressé une lettre de mise en demeure, tant à la société Do It Performance qu'à la société DXC, aux fins de paiement de la somme de 37 243,04 '. La société DXC a prétendu avoir réglé ladite somme auprès des services de la société Fafiec (Organisme de prise en charge du Compte Personnel de Formation pour les salariés).

Par acte du 26 décembre 2017, la société Stanwick a assigné la société DXC devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamner à lui régler la somme de 37.243,04 euros au titre des factures, augmentée des intérêts au taux contractuel, outre 160 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de frais de recouvrement, ainsi que 60.458 euros au titre de la perte de marge brute résultant de la perte de chance de conclure de nouveaux contrats en raison de l'organisation « calamiteuse » de la société DXC, et 10.000 euros au titre de résistance abusive.

Par jugement du 18 décembre 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a:

- Dit les demandes de la société Stanwick recevables ;

- Débouté la société Stanwick de sa demande en paiement de la somme de 37.243,04 euros et des frais forfaitaires de recouvrement ;

- Débouté la société Stanwick de sa demande à titre subsidiaire et de ses autres demandes ;

- Débouté la société DXC de l'ensemble de ses demandes ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- Condamné la société Stanwick aux dépens

Par déclaration du 27 janvier 2020, la société Stanwick a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 17 mars 2021, la société Stanwick demande à la cour de :

In limine litis,

- Dire et juger que la société Stanwick sous le nom commercial BCF Conseil, dispose de la personnalité juridique et de la capacité à agir dans le cadre de la présente instance,

En conséquence,

- Confirmer le jugement du 18 décembre 2019 sur la recevabilité de l'action de la société Stanwick,

A titre principal,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Stanwick au titre de l'action directe,

En conséquence,

- Condamner la société DXC à régler à la société Stanwick sous le nom commercial BCF Conseil les sommes de :

- 37.243,04 euros au principal, sauf à parfaire, au titre des factures, augmentés des intérêts au taux contractuel de 1% par mois de retard à compter du 4 décembre 2017 avec anatocisme,

- 240 euros au titre de l'indemnité forfaitaire des frais de recouvrement, augmentés des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir avec anatocisme,

A titre subsidiaire,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Stanwick au titre de la responsabilité délictuelle de la société DXC,

- Condamner la société DXC à régler à la société Stanwick sous le nom commercial BCF Conseil, les sommes de :

- 37.243,04 euros au principal, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts correspondant au montant des factures, augmentés des intérêts au taux contractuel de 1% par mois de retard à compter du 4 décembre 2017 jusqu'au jour du paiement, et anatocisme dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,

- 240 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant de l'indemnité forfaitaire des frais de recouvrement, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et anatocisme dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,

En tout état de cause,

- Condamner la société DXC à régler à la société Stanwick BCF Conseil, la somme de 60.548 euros, sauf à parfaire, au titre de la perte de marge brute résultant de la perte de chance de conclure de nouveaux contrats en raison de l'organisation calamiteuse de la société DXC, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et anatocisme dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamner la société DXC à régler à la société Stanwick BCF Conseil, la somme de 10.000 euros, sauf à parfaire, au titre de résistance abusive, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et anatocisme dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamner la société DXC à régler à la société Stanwick ' BCF Conseil, la somme de 5.000 euros, sauf à parfaire, au titre des frais irrépétibles,

- S'entendre condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de M. Katell L., avocat au barreau de Versailles.

Par dernières conclusions notifiées le 19 février 2021, la société DXC demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit recevable l'assignation introduite par la société Stanwick  BCF Conseil à l'encontre de la société DXC,

En conséquence,

- Déclarer que la société Stanwick  BCF Conseil ne dispose pas de la capacité à agir et déclarer nulle l'assignation délivrée dans le cadre de la présente instance,

- Débouter en conséquence la société Stanwick  BCF Conseil de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre principal,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Stanwick  BCF Conseil ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un contrat de sous-traitance conforme aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975 ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Stanwick de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société DXC,

En conséquence,

- Déclarer mal fondée l'action directe intentée sur le fondement de la loi du 31 décembre 1975;

- Débouter la société Stanwick BCF Conseil de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la prétendue créance de la société la société Stanwick n'est pas certaine ;

En conséquence,

- Débouter la société Stanwick de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre très subsidiaire

- Déclarer que l'entrepreneur principal, la société Do It Performance, a été réglée des sessions de formations intervenues de sorte que l'action directe intentée par la société Stanwick n'a pas d'assiette;

- En tout état de cause

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les conditions de la mise en jeu de la responsabilité délictuelle de la société DXC n'étaient pas réunies;

- Déclarer que la société DXC n'a pas commis de résistance abusive ;

- Débouter en conséquence la société Stanwick de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions;

- Condamner la société Stanwick au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, en faveur de la société DXC, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de M. Franck L., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 avril 2021.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur la validité de l'assignation et la recevabilité de l'action de la société Stanwick

Il résulte de l'article 117 du code de procédure civile que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : le défaut de capacité d'ester en justice (...).

Sur ce fondement, la société DXC reprend en appel le moyen qu'elle avait soulevé devant les premiers juges, mais que ces derniers ont écarté, tenant à l'irrecevabilité de l'action exercée par la société Stanwick pour défaut de capacité à agir, en ce que l'acte introductif d'instance mentionne que cette société exerce sous le nom commercial BCF Conseil, la dénomination 'Stanwick NV -BCF Conseil' étant reprise au dispositif des conclusions, affirmant ainsi que la combinaison des mentions correspond à une partie inexistante, ce qui constitue une irrégularité de fond, justifiant le prononcé de la nullité de l'assignation.

L'assignation introductive d'instance a été délivrée par la « société Stanwick NV, sous le nom commercial BCF Conseil ». Dans le dispositif de cette assignation, il est demandé la condamnation de la société DXC à régler diverses sommes à la société « Stanwick NV - BCF Conseil ».

Il apparaît ainsi clairement que l'instance a été introduite par une société Stanwick NV exerçant sous le nom commercial BCF Conseil, dont il n'est pas contesté qu'elle dispose bien de la capacité d'ester en justice. Le seul fait que, dans le dispositif de l'assignation, les demandes soient formulées au nom d'une société dont la dénomination comporte à la fois son identité sociale et son nom commercial accolé, à savoir « société Stanwick NV - BCF Conseil » ne retire pas à cette dernière sa capacité à agir en justice, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Stanwick et rejeté l'exception de nullité de l'assignation.

2 - sur la demande en paiement formée par la société Stanwick

La société Stanwick sollicite paiement de la somme de 37.243,04 euros au titre de diverses factures, à titre principal sur le fondement de l'action directe du sous-traitant, et à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité délictuelle de la société DXC.

sur la demande principale en paiement formée par la société Stanwick sur le fondement de l'action directe du sous-traitant

La société Stanwick soutient que les conditions de son action directe contre la société DXC sont parfaitement remplies, en ce que celle-ci l'a tacitement acceptée comme sous-traitant ainsi que cela ressort des nombreux échanges avec elle, ajoutant que ses conditions de paiement ont également été agréées dès lors qu'elle travaillait antérieurement en direct avec la société DXC et que les conditions de paiement étaient identiques.

La société DXC soutient au contraire que les deux conditions de l'action directe de la société Stanwick ne sont pas réunies, en ce qu'il n'est justifié, ni de son acceptation, ni surtout de l'agrément de ses conditions de paiement.

Il résulte de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 applicable à la sous-traitance que l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.

Il résulte de l'article 12 de la même loi que le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage.

Il est constant que l'action directe du sous-traitant ne peut être mise en oeuvre qu'à condition pour ce dernier de justifier, de manière cumulative, d'une part qu'il a été accepté par le maître d'ouvrage, d'autre part que ce dernier a agréé ses conditions de paiement. La simple connaissance par le maître de l'ouvrage de l'existence d'un sous-traitant ne suffit pas à caractériser son acceptation ni l'agrément des conditions de paiement du sous-traité. Cette acceptation et l'agrément ne peuvent résulter que d'actes manifestant sans équivoque l'accord du maître de l'ouvrage.

Les courriels produits aux débats permettent d'établir que les premiers échanges, à compter de mai 2016, ont eu lieu entre la société DXC et la société Stanwick, cette dernière ayant fait diverses offres de formation directement à la société DXC. Le 30 août 2016, la société Stanwick a transmis son offre (concernant la société DXC) à la société Do It, cette dernière devenant finalement l'entreprise principale et la société Stanwick prenant alors la qualité de sous-traitant. Il n'en reste pas moins que la société DXC a continué de communiquer directement avec la société Stanwick, notamment pour l'organisation des formations (courriels des 30 et 31 mai 2017), l'envoi d'un descriptif de formation et pour faire le point sur les formations (courriels du 20 juillet 2017). Dans son courriel du 31 mai 2017, la société DXC demandait même à la société Stanwick de 'mettre Do It dans la boucle', ce qui démontre que la relation principale était celle entre les sociétés DXC et Stanwick, la société Do It n'ayant en réalité qu'un rôle accessoire, bien qu'elle soit l'entreprise principale. En adressant directement à la société Stanwick divers courriels ayant pour objet l'organisation des formations et sollicitant des documents s'y rapportant, la société DXC a manifesté sans équivoque son accord pour accepter cette société en qualité de sous-traitant.

Cette acceptation du sous-traitant est toutefois insuffisante pour justifier la mise en oeuvre d'une action directe, celle-ci nécessitant également l'agrément des conditions de paiement du sous-traitant.

Sur ce point, la société Stanwick affirme que cet agrément résulterait des relations contractuelles antérieures qu'elle avait avec la société DXC. Force est toutefois de constater, comme l'a fait le premier juge, que la seule offre de formation produite aux débats (entre Stanwick et DXC), dont on ignore si elle a été effectivement réalisée, est insuffisante à démontrer l'existence de relations contractuelles antérieures, étant observé que la société Stanwick ne produit aucun devis ou facture qu'elle aurait adressés à la société DXC pour des prestations antérieures à juin 2017.

La société Stanwick ne peut dès lors soutenir que ses conditions de paiement étaient connues de la société DXC, étant observé qu'une éventuelle connaissance des conditions de paiement antérieures ne pourrait, en tout état de cause, être assimilée à un véritable agrément des conditions de paiement des prestations réalisées ultérieurement en 2017. La cour observe à ce titre qu'il n'est justifié, ni même allégué, d'aucun accord de la société DXC quant aux conditions de paiement de ces dernières prestations.

Faute pour la société Stanwick de justifier d'un agrément de ses conditions de paiement, son action directe contre la société DXC ne peut aboutir. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette action.

3 - sur la demande subsidiaire fondée sur la responsabilité délictuelle de la société DXC

Il résulte de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 que :

Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :

- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ;

- si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution. (...)

Les dispositions du deuxième alinéa s'appliquent également au contrat de sous-traitance industrielle lorsque le maître de l'ouvrage connaît son existence (...). Les dispositions du troisième alinéa s'appliquent également au contrat de sous-traitance industrielle.

En l'espèce, la société Stanway recherche, à titre subsidiaire, et sur le seul fondement de l'article précité, la responsabilité de la société DXC pour s'être volontairement abstenue de faire régulariser la situation du sous-traitant.

La société DXC soutient que l'article 14-1 précité n'est applicable que pour les contrats de travaux publics et bâtiment, de sorte que la demande de la société Stanwick doit être rejetée.

L'article 14-1 précité dispose clairement qu'il n'est applicable que pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics, le 2ème alinéa étant également applicable au contrat de sous-traitance industrielle. Le contrat litigieux ne portant ni sur des travaux de bâtiment ou travaux publics, ni sur une sous-traitance industrielle, l'article 14-1 lui est inapplicable.

La demande subsidiaire formée par la société Stanwick sur le fondement de la responsabilité délictuelle sera donc rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef. Il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire pour résistance abusive au paiement.

4 - Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société Stanwick qui succombe sera condamnée aux dépens exposés en appel.

Il est équitable d'allouer à la société DXC une indemnité de procédure de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 18 décembre 2019,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Stanwick NV à payer à la société DXC Technology la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Stanwick NV aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.