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Décisions

Cass. 3e civ., 17 novembre 2021, n° 20-20.731

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

SGB Construction (SARL)

Défendeur :

Spirit immobilier (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Piwnica et Molinié

Rapporteur :

M. Jacques

Paris, du 24 juin 2020

24 juin 2020

Déchéance partielle du pourvoi examinée d'office

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. La société SGB construction n'a pas signifié à la société Amplitude BTP, en liquidation judiciaire, le mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée dans le délai fixé à l'article 978 du code de procédure civile.

4. Il s'ensuit que la déchéance du pourvoi doit être constatée à l'égard de cette société.

Faits et procédure

5. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2020), la société Amplitude BTP, titulaire d'un marché de travaux conclu avec la société Spirit immobilier, maître de l'ouvrage, pour la construction de logements, a conclu le 26 juin 2013 deux contrats de sous-traitance avec la société SGB construction, le premier pour les travaux d'infrastructure du bâtiment et le second pour les travaux de superstructure et gros oeuvre. Est également intervenue à la construction la société BPCC, en qualité de maître d'oeuvre d'exécution.

6. Le sous-traitant a assigné en paiement des travaux le maître de l'ouvrage, l'entrepreneur principal, mis en liquidation judiciaire le 20 juillet 2015, ainsi que le maître d'oeuvre d'exécution.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société SGB construction fait grief à l'arrêt de dire que la faute délictuelle de la société Spirit immobilier n'est pas établie et de rejeter sa demande indemnitaire, alors « qu'il appartient au maître de l'ouvrage de veiller à l'efficacité des mesures qu'il met en oeuvre pour satisfaire aux obligations mises à sa charge par l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ; qu'en se contentant de relever, pour retenir qu'aucune faute de la société Spirit immobilier n'était établie à l'encontre de la société SGB construction, que la société Spirit immobilier avait, « par le biais de son maître d'oeuvre ou elle-même tenté d'obtenir de la société Amplitude BTP, entreprise principale, la justification d'une caution pour le paiement des prestations de la société SGB construction, sous-traitant » et que la « loi de 1975 précitée, enfin, ne met à la disposition du maître d'ouvrage aucun moyen de coercition pour faire respecter l'obligation d'acceptation et d'agrément des conditions de paiement du sous-traitant », cependant que la société Spirit immobilier devait veiller dès 2013 à l'efficacité des mesures mises en oeuvre, la cour d'appel a violé l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

9. En vertu du premier de ces textes, si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution.

10. Selon le second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

11. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il appartient au maître de l'ouvrage de veiller à l'efficacité des mesures qu'il met en oeuvre pour satisfaire aux obligations mises à sa charge et que, à défaut, il commet une faute qui engage sa responsabilité à l'égard du sous-traitant.

12. Pour rejeter la demande indemnitaire du sous-traitant à l'encontre du maître de l'ouvrage, l'arrêt, qui constate que la société SGB construction a été agréée sans délégation de paiement par la société Spirit immobilier pour le lot infrastructure, retient que le maître d'oeuvre d'exécution, agissant pour le compte du maître de l'ouvrage, a, dès le 16 septembre 2013, demandé à la société Amplitude BTP de lui transmettre dans les plus brefs délais la copie de la caution bancaire et que la société Spirit immobilier a elle-même, par lettres recommandées des 23 et 29 juin et 2 juillet 2015, mis en demeure l'entrepreneur principal de lui fournir une caution personnelle et solidaire pour le paiement de ses sous-traitants et que, faute de réponse, elle lui a notifié la résiliation du marché par lettre du 15 juillet 2015.

13. Il ajoute que, si les mises en demeure de 2015 peuvent apparaître tardives, la première demande avait été adressée par le maître d'oeuvre d'exécution pour le compte du maître de l'ouvrage dès le mois de septembre 2013 et que, au mois de juin et au début du mois de juillet 2015, la société Amplitude BTP n'avait pas encore été placée en liquidation judiciaire et apparaissait in bonis.

14. Il retient, enfin, que la loi du 31 décembre 1975 ne met à la disposition du maître de l'ouvrage aucun moyen de coercition pour faire respecter l'obligation d'acceptation et d'agrément des conditions de paiement du sous-traitant.

15. L'arrêt en déduit que, la société Spirit immobilier ayant ainsi tenté d'obtenir de l'entrepreneur principal la justification d'une caution, sa responsabilité ne peut être mise en cause.

16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que, bien que la société Amplitude BTP n'eût pas fourni la caution à la suite de la demande qui lui avait été adressée, la société Spirit immobilier n'avait pris, pendant près de deux ans, aucune mesure pour contraindre l'entrepreneur principal à respecter ses obligations, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant que dirigé contre la société Amplitude BTP ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la faute délictuelle de la société Spirit immobilier contre la société SGB construction n'est pas établie et rejette en conséquence toute demande indemnitaire présentée par la société SGB construction contre la société Spirit immobilier au titre des travaux d'infrastructures, l'arrêt rendu le 24 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.