Cass. 1re civ., 18 mars 1986, n° 84-15.609
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Viennois
Avocat général :
M. Gulphe
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, Me Le Prado
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X a fait installer, en mars 1977, par la Société Moderne d'Electronique (S.M.E.) un système d'alarme par sirène pour protéger sa villa contre le vol ; que, dans l'après-midi du 12 juillet 1979, des cambrioleurs ont pénétré par effraction dans la villa et ont emporté une quantité importante d'objets de valeur ; qu'invoquant un vice caché de l'installation, M. X a assigné la S.M.E. en réparation de son préjudice ; que la Mutuelle Assurance des Instituteurs de France, qui avait versé à son assuré une indemnité de 173 233,74 F, est intervenue à l'instance pour obtenir remboursement de cette somme ;
Attendu que la S.M.E. reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir accueilli ces demandes aux motifs que le défaut de fonctionnement du système d'alarme résultait nécessairement d'un vice caché, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il appartient aux juges du fond de constater que le vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil a une cause antérieure ou concomitante à la vente et inhérente à la chose vendue ; qu'en se bornant à relever que l'appareil n'aurait pas fonctionné lors du vol et que ce défaut de fonctionnement aurait nécessairement résulté d'un vice caché, sans préciser en quoi la cause du vice aurait été inhérente au système d'alarme et si celle-ci était antérieure ou concomitante à la vente, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale ; alors, d'autre part, qu'ont été laissées sans réponse les conclusions faisant valoir que le système d'alarme avait été vérifié à plusieurs reprises, notamment en mai 1979, et fontionnait normalement et qu'ainsi la cause du vice ne pouvait être ni antérieure à la vente ni inhérente au système d'alarme ; et alors, de troisième part, qu'il appartient à l'acquéreur de rapporter la preuve de l'existence du vice caché et de l'imputabilité de ce vice à la chose ; qu'en décidant que le défaut de fonctionnement du système d'alarme résultait nécessairement d'un vice caché dont l'acquéreur aurait ainsi prouvé l'existence sans avoir, en outre, à en déterminer la nature, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve ;
Mais attendu qu'après avoir justement énoncé que le vice caché n'était en mesure de se révéler, en l'espèce, que lorsque se produiraient les circonstances dans lesquelles l'appareil était destiné à entrer en action, c'est-à-dire une introduction dans la villa, la Cour d'appel a relevé que des malfaiteurs avaient pénétré par effraction dans celle-ci et retenu que le S.M.E. avait remplacé l'installation après le vol, ce qu'elle n'aurait manifestement pas fait si son agent n'avait pas constaté le défaut de fonctionnement de celle-ci ; que les juges du second degré, qui n'étaient pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ont vu dans ces circonstances, sans inverser la charge de la preuve, des présomptions qui, dans l'exercice de leur pouvoir souverain, leur ont paru suffisantes pour établir l'existence d'un vice caché ; qu'ils ont ainsi légalement justifié leur décision ; d'où il suit qu'en aucune de ses trois premières branches le moyen n'est fondé ;
Et sur la quatrième branche du moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi qu'il a été dit, aux motifs que l'utilité d'un système d'alarme résidant exclusivement dans son effet de dissuasion, il ne saurait être prétendu qu'il n'est pas démontré que les voleurs n'auraient pas poursuivi leur action si l'alarme s'était déclanchée alors, selon le moyen, que la cause du dommage peut résider, selon les circonstances, soit dans le défaut de fonctionnement d'un système d'alarme, soit dans les agissements des voleurs ; qu'il appartient aux juges du fond de rechercher le rôle causal de chacun de ces événements et de préciser si l'attitude des voleurs et la gravité de leur faute n'étaient pas de nature à rompre le lien de causalité entre le vice de la chose et le dommage ; qu'en se bornant à considérer le rôle causal du défaut de fonctionnement du système d'alarme, sans rechercher si l'attitude des voleurs, leur détermination et la gravité de leur faute n'étaient pas des circonstances propres à interrompre ce lien de causalité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Mais attendu que, se fondant sur les constatations de l'enquête de police, la Cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de la cause, que les cambrioleurs, qui sont restés un long moment dans la villa au cours d'un après-midi du mois de juillet, n'auraient pas agi ainsi si la sirène d'alarme s'était déclenchée ; que, sans négliger de prendre en considération l'attitude des malfaiteurs, les juges du second degré ont, par ces motifs, caractérisé l'existence d'un lien de causalité directe entre le vice de la chose et le dommage et, par suite, légalement justifié leur décision ; d'où il suit que le grief énoncé en la quatrième branche n'est pas mieux fondé que les précédents ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.