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Décisions

Cass. 3e civ., 7 juillet 2010, n° 09-12.055

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

Mme Nési

Avocat général :

M. Bruntz

Avocats :

Me Blanc, SCP Boré et Salve de Bruneton

Douai, du 12 janv. 2009

12 janvier 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 12 janvier 2009), que les époux X ont vendu aux époux Y un bien immobilier situé dans un lotissement ; que par jugement du 20 décembre 2001 confirmé par un arrêt du 28 février 2005, ils ont été évincés d'une partie de leur bien constituée d'un espace vert qui a été reconnue partie commune du lotissement ; qu'ils ont assigné leurs vendeurs en indemnisation de la perte du terrain et paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que les époux X font grief à l'arrêt d'accueillir la demande des époux Y, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a dénaturé par omission l'acte de vente du 1er février 1996 qui stipulait que l'acquéreur ne pourrait demander aucune indemnité, ni diminution de prix, non seulement " pour moindre mesure qui pourrait exister entre la contenance réelle et celle sus-indiquée " mais encore " pour quelque autre cause que ce soit " en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte notarié disposait que l'acquéreur s'obligeait à " prendre le bien vendu dans l'état où il se trouve actuellement, sans pouvoir demander aucune indemnité, ni diminution du prix ci-dessus fixé pour mitoyenneté, défaut d'alignement, vices de construction apparents ou cachés, vétusté des bâtiments, champignon, mauvais état du sol, ou du sous-sol, ou quelque autre cause que ce soit, ni pour moindre mesure qui pourrait exister entre la contenance réelle et celle sus-indiquée, cette différence excédât-elle un vingtième ", c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de la clause rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que cette clause de non-garantie de désignation et de contenance ne dispensait pas les vendeurs de garantir les acheteurs contre l'éviction de la chose vendue ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu que les époux Y font grief à l'arrêt attaqué de limiter à 38 430 euros l'indemnisation pour l'éviction de la parcelle, alors, selon le moyen, que l'acquéreur évincé est en droit de demander contre le vendeur la réparation de tous les dommages qu'il a subis du fait de l'éviction ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y demandaient, d'une part, la condamnation des vendeurs à leur restituer le prix de vente de la parcelle dont ils avaient été évincés, et d'autre part, la condamnation de ces derniers à les indemniser de leur préjudice né de la perte de jouissance du garage qu'ils n'avaient pas pu faire construire sur cette parcelle et de la dévalorisation que subit leur terrain du fait de l'absence de garage et d'espaces verts ; qu'en refusant d'indemniser ces postes de préjudice, la cour d'appel a violé les articles 1630, 1639, 1149 et 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, énoncé à bon droit qu'en application de l'article 1633 du code civil les vendeurs sont tenus d'indemniser leurs acquéreurs de la valeur du bien dont ils sont évincés à la date de la décision d'éviction, la cour d'appel, qui a constaté que les époux Y avaient subi une éviction sur 183 m2 à la suite de la décision de la cour d'appel de Douai du 28 février 2005 et qu'il ressortait d'une attestation de valeur établie par notaire et produite par ces derniers qu'en 2005, la valeur moyenne du mètre carré dans un secteur équivalent était d'environ 210 euros, en a exactement déduit que quels qu'aient pu être les projets des acquéreurs pour cette parcelle, l'indemnité devait être fixée à 38 430 euros ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi incident :

Vu les articles 1630, 1639 et 1151 du code civil ;

Attendu que pour limiter à 3 000 euros le préjudice des époux Y, l'arrêt retient que les époux X ne peuvent pas être tenus pour responsables de l'entier préjudice découlant des procédures judiciaires qui ont suivi la découverte des contestations liées à la superficie du bien vendu et qui ont conduit à l'éviction, celles-ci résultant de la position même des époux Y qui ont refusé de reconnaître l'erreur cadastrale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'acquéreur évincé a droit à la réparation de tout le préjudice causé par l'inexécution du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum les époux X à payer aux époux Y la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2006, l'arrêt rendu le 12 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.