CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 1 février 2022, n° 20/01378
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Maaf Assurances (SA)
Défendeur :
Mme XU
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Champeau-Renault
Conseillers :
M. Byk, M. Senel
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 16 juillet 2016, le véhicule Renault Megane immatriculé CF 830 SW, appartenant à Madame Jie Xu, assurée auprès de la société Maaf Assurances était déclaré volé par Madame Jie Xu alors qu'il était stationné [...]. Le 1er septembre 2016, la société Maaf Assurances versait à Madame Jie Xu la somme de 13 901,50 euros au titre de l'indemnisation du vol.
Le 21 septembre 2016, le véhicule précité était retrouvé au [...] (94).
La société Maaf Assurances diligentait une expertise qui concluait à l'absence d'effraction permettant la mise en route frauduleuse du véhicule. La société Maaf Assurances a, face au refus de Madame Jie Xu de reprendre son véhicule, revendu ledit véhicule et a demandé à Madame Jie Xu de lui restituer la différence, soit la somme de 7 742,50 euros.
Madame Jie Xu a indiqué qu'elle refusait de restituer la différence.
Par acte d'huissier de justice du 6 juin 2019, la société Maaf Assurances a fait assigner Madame Jie Xu devant le tribunal d'instance de Villejuif aux fins de lui verser la somme de 7 742,50 euros au titre du remboursement du solde de l'indemnité due, et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 novembre 2019, le tribunal a :
- débouté la société Maaf Assurances de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,
- condamné la société Maaf Assurances à payer à Madame Jie Xu la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Maaf Assurances aux entiers dépens.
Par déclaration électronique du 10 janvier 2020, enregistrée au greffe le 27 janvier 2021, la société Maaf Assurances a interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2021, l'appelant demande à la cour, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que les clauses figurant aux pages 18 et 40 des conditions générales du contrat d'assurance litigieux sont abusives et réputées non écrites,en ce qu'il a considéré que seule une effraction électronique du véhicule a permis le vol, en ce qu'il a débouté la société Maaf Assurances de ses demandes, en ce qu'il a condamné la société Maaf Assurances à payer à Madame Jie Xu la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a condamné la société Maaf Assurances aux entiers dépens,
Et statuant à nouveau :
- dire et juger que les conditions générales du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Maaf Assurances sont opposables à Madame Jie Xu,
- dire et juger que Madame Jie Xu ne rapporte pas la preuve de traces d'effraction du véhicule et des organes de direction sur le véhicule litigieux,
- dire et juger que les conditions de la garantie Vol du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Maaf Assurances ne sont pas réunies,
En conséquence,
-dire et juger que la garantie Vol ne trouve pas à s'appliquer,
En tout état de cause,
- dire et juger que Madame Jie Xu a indûment perçu la somme de 13 901,50 euros à titre d'indemnité pour le vol de son véhicule commis le 16 juillet 2019,
- dire et juger que le véhicule litigieux a été vendu par la société Maaf Assurances à la société SMAC pour un montant de 7 596 euros compte tenu du refus de Madame Jie Xu de récupérer le véhicule,
- condamner Madame Jie XU à régler à la société Maaf Assurances la somme de 7 742,50 euros se décomposant comme suit :
• 6 305,50 euros au titre l'indemnité indûment perçue pour le sinistre vol du 16 juillet 2019
• 1 437 euros au titre des frais d'expertise, de gardiennage et de remorquage
- debouter Madame Jie Xu de toutes ses prétentions, fins et moyens,
- condamner Madame Jie Xu à régler à la société Maaf Assurances la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de de procédure civile en cause d'appel,
- condamner Madame Jie Xu aux dépens.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 24 août 2021, l'intimée demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
A titre principal de,
- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement, et notamment en ce qu'il a :
• débouté la sociéte Maaf Assurances de ses demandes,
• dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
• condamné la société Maaf Assurances à verser à Madame Jie Xu la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
• condamné la sociéte Maaf Assurances aux entiers depens.
A titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement, et statuant à nouveau, de :
- déclarer les conditions générales du contrat d'assurance souscrit aupres de la société Maaf Asurances par Madame Jie Xu, inopposables à cette dernière,
Et en conséquence,
- débouter la société Maaf Assurances de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre infiniment subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement, et statuant à nouveau, de condamner la sociéte Maaf Assurances à restituer le véhicule de Madame Jie Xu sous astreinte de 250,00 € par jour à compter de la notification du jugement à intervenir,
En tout état de cause, de,
- condamner la sociéte Maaf Assurances à verser à Madame Jie Xu la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la sociéte Maaf Assurances aux entiers depens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
La clôture est intervenue le 20 septembre 2021.
Pour plus ample exposé des faits, procédure et moyens des parties, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le caractère abusif des clauses figurant aux pages 18 et 40 des conditions générales du contrat d'assurance :
Madame Jie Xu sollicite la confirmation du jugement invoquant le caractère abusif des clauses stipulées en page 18 et 40 des conditions générales aux termes desquelles le vol est défini et garanti comme suit : 'Le vol du véhicule, c'est à dire sa soustraction frauduleuse :
- commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné'.
La clause figurant en page 40 stipule que 'Si votre véhicule est retrouvé après le paiement de l'indemnité sans effraction des organes de direction, la garantie Vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l'indemnité déjà versée et récupérer le véhicule retrouvé'
Madame Jie Xu fait essentiellement valoir que la combinaison des clauses en pages 40 et 18 est abusive en ce qu'elle limite les moyens de preuve aux traces d'effraction des organes de direction et limite de ce fait l'étendue de la garantie Vol et sa définition, ce qui est contraire à l'ancien article R132-2 du code de la consommation.
La société Maaf Assurances sollicite l'infirmation du jugement se prévalant de la validité de ces clauses. Elle fait essentiellement valoir que conditionner l'obtention de la garantie à la preuve d'une effraction des organes de direction lui permet de vérifier que le vol est réel ou n'est pas dû à une négligence de l'assuré.
SUR CE,
Le contrat d'assurance ayant été conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, il convient d'appliquer les articles du code civil dans leur ancienne version.
Vu l'article 1315 ancien du code civil Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Vu l'article R. 132-2 ancien du code de la consommation qui dispose que Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 132-1, sauf au professionnel
À rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (...)
9° Limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur
Au cas particulier, les clauses figurant aux pages 18 et 40 des conditions générales du contrat d'assurance sont ainsi rédigées :
Le vol du véhicule, c'est à dire sa soustraction frauduleuse :
- commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné.
Si votre véhicule est retrouvé après le paiement de l'indemnité sans effraction des organes de direction, la garantie Vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l'indemnité déjà versée et récupérer le véhicule retrouvé.
En l'espèce, Madame Jie Xu a souscrit un contrat d'assurance multirisque auto auprès de la société Maaf Assurances à effet au 11 juin 2012.
Ce contrat prévoyait une garantie Vol en cas d'effraction des organes de direction.
Cependant, le véhicule a été retrouvé, sans effraction des organes de direction.
Il en résulte que la garantie Vol ne s'applique pas sans effraction, que le vol du véhicule doit être prouvé par l'effraction des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné, et que l'effraction électronique, quant à elle, n'est pas mentionnée.
Ainsi, par sa définition de l'effraction, l'assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu'en application de l'article 1315, devenu 1353 du code civil, cette preuve est libre. Outre leur caractère restrictif, ces modes de preuve ne correspondent plus à la réalité des moyens de piratages électroniques actuels mis en oeuvre pour démarrer la majeure partie des véhicules sans jamais devoir les forcer et qui ne permettent de constater aucune trace d'effraction, y compris par un expert automobile, vidant ainsi la garantie de sa substance.
Il s'agit donc d'une clause abusive en ce qu'elle limite indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur. Dans la mesure où l'assureur ne saurait promettre à l'assuré de garantir le vol tout en limitant l'application de la garantie à des hypothèses d'exécution matérielle de l'infraction trop précises, devenues totalement marginales ou dont la preuve est impossible à rapporter, elle créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et doit être réputée non écrite. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la preuve de l'effraction électronique
La société Maaf Assurances invoque l'absence d'effraction électronique. A l'appui de ses dires, elle fait valoir que si les nouvelles techniques de vol peuvent effectivement permettre aux voleurs de ne laisser aucune trace d'effraction sur la direction, l'intervention sur le système électronique pour mettre en route le véhicule laisse nécessairement des traces. Or, l'expert mandaté par la société Maaf Assurances indique que le système anti-vol n'a pas été neutralisé.
Madame Jie Xu soutient que les techniques d'effraction constatées aujourd'hui par les experts sont dans la majeure parties des cas, des effractions électroniques et que s'il n'y a pas de preuve d'effraction des organes de direction sur son véhicule retrouvé, c'est qu'elle a été victime d'une d'une effraction électronique.
En l'espèce, la société Maaf Assurances se contente de produire aux débats le rapport d'expertise du cabinet J.B. EXPERTISES SAS du 31 octobre 2016 qui présente un tableau très succinct répondant simplement par NON aux questions relatives à l'effraction, sans donner aucune explication sur les opérations effectuées pour parvenir à cette réponse.
Par conséquent, la réalité du vol du véhicule de Madame Jie Xu, dont la bonne foi est présumée, et qui n'est pas sérieusement contestée par l'assureur, est suffisamment établie par les pièces produites aux débats.
Dès lors, la garantie de l'assurance est due justifiant le versement de l'indemnisation par l'assureur et le jugement sera en conséquence confirmé.
Sur les autres demandes.
Compte tenu de l'issue du litige, le jugement sera confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.
La société Maaf Assurances, qui succombe, sera condamnée à payer à Madame Jie Xu, une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera également condamnée aux entiers dépens d'appel.
Les arrêts de la cour d'appel étant exécutoires, il n'y a pas lieu d'assortir la décision de l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamne la société Maaf Assurances à verser à Madame Jie Xu la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Maaf Assurances aux entiers dépens.