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Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 1, 27 janvier 2022, n° 19/06084

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

LTE (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collière

Conseillers :

Mme Mimiague, Mme Ménegaire

TI Lille, du 18 oct. 2019, n° 19/000093

18 octobre 2019

Exposé du litige

Suivant bon de commande n° 3098 en date du 8 août 2016, M. Xavier R. et Mme Jenny B. épouse R. ont contracté avec la société AEC (devenue après changement de dénomination LTE), dans le cadre d'un démarchage à domicile, l'achat et l'installation d'un système aérovoltaïque pour un montant 25 900 euros, d'un chauffe-eau thermodynamique et de leds.

Suivant offre préalable acceptée le 8 août 2016, la société Cofidis exerçant sous l'enseigne « Sofemo financement » a consenti à M. R. et Mme B. un crédit affecté à la réalisation de ces installations, d'un montant de 25 900 euro remboursable en 144 mensualités, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 4,59 %.

Par actes d'huissier des 3 et 4 janvier 2019, les époux R. ont fait assigner la société LTE et la société Cofidis devant le tribunal d'instance de Lille aux fins de voir prononcer à titre principal la nullité des contrats de vente et de crédit affecté et à titre subsidiaire, leur résolution, de condamner la société Cofidis à leur restituer les sommes versées, de condamner la société LTE à procéder à la désinstallation du matériel et à la remise en état à ses frais, et de condamner les sociétés LTE et Cofidis à leur payer la somme de 2 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LTE n'a pas comparu devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire en date du 18 octobre 2019, le tribunal a :

- Prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 8 août 2016 entre M. R. et Mme B. et la société AEC suivant bon de commande numéro 3098.

- Constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cofidis et M. R. et Mme B. en date du 8 août 2016.

- Condamné la société Cofidis à restituer à M. R. et Mme B. l'ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du crédit affecté conclu le 8 août 2016.

- Ordonné à la société AEC de procéder à la désinstallation du matériel suivant bon de commande numéro 3098 du 8 août 2016 et à la remise en état de la toiture de M. R. et Mme B..

- Condamné la société AEC à payer à la société Cofidis la somme de 25 900 euros.

- Débouté M. R. et Mme B. du surplus de leurs demandes.

- Débouté la société Cofidis du surplus de ses demandes.

- Condamné in solidum les sociétés Cofidis et AEC à payer à M. R. et Mme B. la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société LTE a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement par déclaration reçue par le greffe de la cour le 15 novembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 juin 2021, elle demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Lille, et statuant à nouveau :

- Á titre principal : sur la validité des contrats :

- Vu l'article L. 111-1 du code de la consommation et les articles 1181 et suivants du Code civil.

- Dire et juger qu'elle a parfaitement rempli l'ensemble de ses obligations et notamment son obligation précontractuelle d'information.

- Dire et juger que le bon de commande du 8 août 2016 respecte l'ensemble des dispositions applicables aux opérations de démarchage.

- Dire et juger qu'elle n'a commis aucune manœuvre frauduleuse au préjudice de M. R. et Mme B..

- Dire et juger que M. R. et Mme B. ont en réalité commis une erreur sur la valeur, laquelle est insusceptible d'entraîner la nullité du contrat de vente du 8 août 2016.

- Dire et juger que M. R. et Mme B. ont couvert l'éventuelle nullité du bon commande du 13 septembre 2016 et ce faisant, en ont confirmé la validité.

- En conséquence, les débouter de l'ensemble de leurs demandes formulées à son encontre.

- Dire et juger que M. R. et Mme B. restent tenus d'exécuter l'ensemble des obligations par eux souscrites, notamment l'exécution du contrat de crédit du 8 août 2016.

- Á titre subsidiaire : sur la demande de résolution des contrats :

vu les articles 1227 et suivants du Code civil,

- Dire et juger qu'elle a parfaitement rempli l'ensemble de ses obligations, notamment l'obligation de délivrance conforme.

- En conséquence, débouter M. R. et Mme B. de l'ensemble de leurs demandes, dire et juger qu'ils restent tenus d'exécuter l'ensemble des obligations par eux souscrites, notamment l'exécution du contrat de crédit du 8 août 2016.

- Á titre infiniment subsidiaire : en cas d'anéantissement des contrats :

- Lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour quant aux demandes formulées par M. R. et Mme B. à l'égard de la société Cofidis.

- Débouter la société Cofidis de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre.

- Reconventionnellement :

- Condamner M. R. et Mme B. à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.

- Enjoindre à M. R. et Mme B. de justifier qu'ils ont dénoncé le contrat d'achat régularisé avec EDF et qu’ils ont bien remboursé à EDF les sommes perçues grâce à leur installation photovoltaïque, à savoir les gains perçus de la revente de leur production d'énergie et ce dans un délai maximal de 90 jours à compter de la date de la signification de la décision à intervenir.

- Enjoindre à M. R. et Mme B. de justifier qu'ils ont bien remboursé à l'Administration fiscale le montant de la TVA totale dont elle a bénéficié grâce à son installation photovoltaïque et ce dans un délai maximal de 90 jours à compter de la date de signification de la décision à intervenir.

- Dire qu'à défaut, elle sera autorisée à transmettre à EDF et à l'Administration fiscale une copie la décision à intervenir.

- Condamner M. R. et Mme B. à lui rembourser la somme de 48,72 euros correspondant au coût du raccordement.

- En tout état de cause :

- Condamner M. R. et Mme B. à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

- Condamner M. R. et Mme B. à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Les condamner aux entiers dépens incluant ceux de première instance dont distraction au profit de Maître Hélène C., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2020, M. R. et Mme B. demandent à la cour de :

- Juger infondé l'appel formé par la société LTE à l'encontre du jugement du tribunal d'instance de Lille du 18 octobre 2019.

- Débouter la société LTE de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

- Débouter la banque Cofidis de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions dirigées à leur encontre.

- Faire droit à leur demandes.

- Á titre principal :

- Confirmer le jugement du tribunal d'instance de Lille du 18 octobre 2019 en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat conclu entre M. R. et la société LTE le 8 août 2016.

- Confirmer le jugement du tribunal d'instance de Lille du 18 octobre 2019 en ce qu'il a prononcé l'annulation de plein droit du contrat de crédit conclu avec la banque Cofidis le 8 août 2016, annulation qui déchoit la banque Cofidis de son droit aux intérêts.

- Confirmer le jugement du tribunal d'instance de Lille du 18 octobre 2019 en ce qu'il a condamné la société LTE à déposer les matériels vendus au titre du bon commande annulé et à remettre leur habitation en son état antérieur à la conclusion dudit bon de commande.

- Á titre subsidiaire, si par impossible la cour ne confirmait pas à titre principal l'annulation des contrats en cause, elle ne pourra que statuant à nouveau et :

-  Prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque Cofidis.

- En tout état de cause,

- Confirmer le jugement du tribunal d'instance de Lille du 18 octobre 2019 en ce qu'il a jugé que la banque Cofidis a commis une faute dans le déblocage des fonds.

- Le confirmer également en ce qu'il a jugé que la faute de la banque Cofidis la prive de son droit à restitution du capital prêté.

- Le confirmer enfin en ce qu'il a condamné la banque Cofidis à leur restituer le montant des échéances du prêt payées par eux.

- Condamner solidairement la société LTE la banques Cofidis à leur payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre le paiement solidaire des entiers dépens.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 juin 2020, la société Cofidis demande à la cour de réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

- Dire et juger n'y avoir lieu à nullité des conventions pour quelque cause que ce soit.

En conséquence,

- Condamner solidairement M. R. et Mme B. à poursuivre l'exécution complète et entière du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d'amortissement.

- Á titre subsidiaire, si la cour confirmait la nullité :

- Condamner solidairement M. R. et Mme B. à lui rembourser le capital emprunté d'un montant de 25 900 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir déduction faite des échéances impayées.

- Á titre plus subsidiaire si la cour dispensait les emprunteurs de rembourser le capital :

- Condamner la société LTE à lui régler la somme de 35 779,68 euros.

- Á titre infiniment subsidiaire, condamner la société LTE à lui payer la somme de 25 900 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.

- En tout état de cause, condamner la société LTE à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de M. R. et Mme B., à quelque titre que ce soit.

- Condamner tout succombant à lui payer une indemnité d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner tout succombant aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par l'avocat soussigné par application de l'article 699 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'affaire été rendue le 21 octobre 2021. L'affaire a retenue à l'audience du 3 novembre 2021 et mise en délibéré au 27 janvier 2022.

Par courrier électronique en date du 4 janvier 2021, le conseil des époux R. a informé la cour du placement de la société LTE en liquidation judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny du 21 décembre 2021 et a demandé la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture.

MOTIFS

Sur la demande de réouverture des débats.

En vertu de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur. En vertu de l'article 371 du même code, en aucun cas l'instance, n'est interrompue si l'événement survient ou est notifié après l'ouverture des débats.

En l'espèce, la société LTE a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 21 décembre 2021, publié au Bodacc le 30 décembre 2021, soit postérieurement à l'ouverture des débats devant la cour qui se sont tenus le 3 novembre 2021.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'ordonner la réouverture des débats.

Sur la nullité du contrat principal de vente.

À titre liminaire, il y a lieu de préciser, le contrat ayant été conclu le 8 août 2016, qu'il sera fait application des dispositions du code de la consommation dans leur version issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Au visa des articles L. 221-5, L. 221-9 et L. 241-1 du code de la consommation, les époux R. soutiennent que le contrat de vente est nul au regard des dispositions d'ordre public du code de la consommation prévues à peine de nullité, en ce qu'il ne comporte pas les caractéristiques essentielles des matériels vendus, à savoir la marque et le modèle des panneaux et de l'onduleur, le type de panneaux monocristallins ou polycristallins, la puissance et le type de l'onduleur vendu, la désignation du poids et de la surface des panneaux, le prix unitaire des différents biens et prestations à la charge de la société LTE, l'absence de mention les empêchant de comparer les performances du matériel vendu avec d'autres matériels ainsi que de comparer leur prix avec ceux du marché. Ils ajoutent que les conditions de paiement sont insuffisamment renseignées, le coût du crédit n'étant pas stipulé, et que le délai de livraison n'est pas précisé.

La société LTE oppose qu'elle a précisé l'ensemble des caractéristiques essentielles du bien ou du service, et a transmis à l'acheteur le jour de la signature du contrat la fiche technique des panneaux photovoltaïques et une plaquette commerciale, que la mention sur le bon de commande du prix unitaire de chaque matériel n'est pas imposée par l'article L. 111-1 du code de la consommation, ajoutant que les ampoules Led étaient incluses dans l'installation et offertes, que les conditions de paiement sont précisées au bon de commande et que le délai de livraison est prévu par l'article IV des conditions générales de vente.

En vertu des articles L. 221-9 et L. 221-29 du code de la consommation, les contrats hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et doivent comporter à peine de nullité les informations prévues par les articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de la consommation relatives notamment à l'identité du démarcheur et ses coordonnées, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix du bien ou du service, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, la faculté de rétractation du consommateur prévue à l'article L. 221-18 du code de la consommation et les conditions d'exercice de cette faculté. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionnée au 2° de l'article L. 221-5.

En vertu de l'article L. 242-1du code de la consommation, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'espèce, le contrat de vente litigieux porte sur la fourniture et la pose d'un système aérovoltaïque comportant 12 modules d'une puissance unitaire de 250 Wc soit une puissance totale de 3 000 Kwc, un kit d'intégration, un kit aérovoltaïque, un coffret de protection, un disjoncteur, un parafoudre, un onduleur, la mise à terre des générateurs (norme NF 15-10), la société LTE s'engageant à accomplir toutes les démarches administratives jusqu'à l'obtention du contrat d'achat avec ERDF en cas de revente de production d'électricité (déclaration préalable à la Mairie, demande de raccordement auprès d'ERDF, obtention du contrat d'achat auprès d'ERDF, frais de raccordement auprès d'ERDF, obtention du consensuel.)

Le bon de commande n'est pas conforme aux dispositions d'ordre public de code de la consommation relatives aux démarchages à domicile, prescrites à peine de nullité, en ce que l'ensemble des caractéristiques essentielles des biens offerts n'est pas précisé. En effet, s'il comporte la marque du chauffe-eau thermodynamique (Thalos), il ne comporte pas le modèle ni la marque des modules composant le système alvéaolaire et de ses accessoires, alors qu'il s'agit de caractéristiques essentielles des biens offerts à la vente, permettant au consommateur profane de se renseigner sur les dits produits et les comparer avec d'autres produits sur le marché. La documentation produite par la société LTE, à supposer même qu'elle ait été remise aux acheteurs, ne saurait pallier l'absence de mention au bon de commande prévue à peine de nullité.

De plus, si le bon de commande précise le prix global du système aérovoltaïque, il ne comporte pas le prix correspondant au chauffeau thermodynamique, présenté sur le bon de commande distinctement du système aérovoltaïque, ni d'ailleurs ne fait référence au prix du matériel vendu et de la main d'oeuvre, alors qu'une rubrique « tarif du matériel HT et TTC - tarif main d'oeuvre HT et TTC » est prévue à cet effet.

Enfin, si l'article IV des conditions générales de vente prévoit « La livraison s'entend par la remise du matériel et son installation au domicile de l'acheteur à l'exclusion des travaux de raccordement au réseau public d'électricité, ou aux réseaux exploités par les entreprises locales (E.L.D) ; Le délai de livraison figurant au recto du présent contrat est donné à titre indicatif et ne peut dépasser 200 jours à compter de la prise d'effet du contrat... », le délai de livraison n'est en l'espèce pas indiqué au recto de contrat.

Le bon de commande en date du 8 août 2016 est donc irrégulier au regard des dispositions du code de la consommation ce qui entraîne sa nullité sans que le consommateur ait à démontrer le caractère déterminant pour son consentement des informations manquantes, s'agissant d'une nullité d'ordre public.

Sur la confirmation de la nullité alléguée.

Sur le fondement de l'article 1182 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les sociétés LTE et Cofidis font valoir que les époux R. ont confirmé la nullité invoquée dans la mesure où n'ayant pas usé de leur faculté de rétractation, ils ont exécuté le contrat en réceptionnant sans réserve l'installation, en demandant le versement des fonds à la société Cofidis, en remboursant les échéances du crédit, et en signant un contrat d'énergie avec la société ERDF, alors que le bon de commande mentionnait l'ensemble des articles du code de la consommation relatifs au démarchage à domicile, et qu'il leur suffisait de procéder à une simple comparaison entre le recto et le verso du bon de commande pour constater les prétendues carences de celui-ci.

Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l'article 1338 du code civil dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat que la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer.

La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit, dès lors que la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, être caractérisée par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.

Il ressort tout d'abord de l'examen du bon de commande versé aux débats par les époux R. que sont mentionnées au verso les dispositions des articles L. 121-17, L. 121-18, L. 121-18-1, L. 121-18-2, L. 121-19-2, L. 121-21, L. 121-21-2, L. 121-21-5 du code de la consommation antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, alors qu'elles n'étaient plus applicables à la date de conclusion du contrat, la reproduction de ces articles figurant, en outre, parmi de longues conditions générales écrites en petits caractères.

Le rappel de ces dispositions ne donc sauraient suffire à établir que l'acquéreur a agi en toute connaissance de cause et renoncé à invoquer les vices de forme du contrat de vente alors que, pour que la confirmation soit valable, il faut que son auteur ait pris conscience de la cause de nullité qui affecte l'acte et que la connaissance certaine de ce vice ne peut résulter, pour un consommateur profane, du seul rappel des dispositions du code de la consommation, au demeurant erronées en l'espèce, relatives aux mentions du bon de commande prévues à peine de nullité.

Ni l'écoulement du délai de rétractation, ni l'absence de protestation lors de la livraison et de la pose des matériels commandés, ni la signature par le consommateur de l'attestation de fin de travaux, ni le versement des fonds par la société de crédit à la société LTE, ni l'acceptation des démarches de raccordement, ni la signature du contrat d'énergie, ni le paiement des échéances du crédit, ne sauraient constituer à cet égard des circonstances de nature à caractériser une telle connaissance et une telle intention de la part de l'acquéreur et ne peuvent donc couvrir la nullité relative encourue.

Il en résulte que faute pour les époux R. d'avoir eu connaissance des vices affectant le bon de commande, aucun de leurs agissements postérieurs ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité.

En conséquence, aucune confirmation de la nullité ne saurait être caractérisée et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat principal de vente.

L'annulation du contrat de vente entraîne de plein droit la remise des parties dans leur état antérieur, et donc pour la société LTE l'obligation de restituer le prix de vente aux époux R..

S'agissant d'une conséquence légale de l'annulation, le juge peut ordonner la restitution sans avoir besoin de solliciter les observations des parties.

Il y a lieu également de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné à la société LTE de procéder à la désinstallation du matériel vendu et à la remise en état de la toiture des époux.

Sur l'annulation du crédit accessoire.

En application du principe de l'interdépendance des contrats constatée par l'article L. 312-55 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 applicable à l'espèce, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu et lui-même judiciairement résolu ou annulé. Cette disposition n'est applicable que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur, ce qui le bien le cas en l'espèce.

Sur les conséquences de l'annulation du contrat accessoire de crédit.

Les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, l'annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de vente qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été été versé directement au vendeur par le prêteur, sauf si l'emprunteur établi l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.

Le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut-être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

En l'espèce, le prêteur qui a versé les fonds au vendeur sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal alors que les irrégularités du bon de commande précédemment retenues étaient manifestes - vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat principal était affecté de nullité - a commis une faute.

Par ailleurs, il résulte des éléments de la cause que la société Cofidis a débloqué les fonds sur la base d'une « attestation de livraison et d'installation - demande de financement » en date du 5 septembre 2016 aux termes de laquelle M. R. confirmait « avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises et constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectuées à ce titre ont été pleinement réalisés », et « d'une attestation de fin de travaux » de même date, par laquelle il déclarait « que les travaux de pose de panneaux aérovoltaïques ont bien été réalisés, en bonne et due forme en date du 5 septembre 2016 », ces documents ne faisant aucune référence aux autres prestations promises, à savoir les démarches administratives jusqu'à l'obtention du contrat d'achat avec ERDF. De plus, l'attestation de fin de travaux ne faisait aucunement référence à la livraison et la pose du chauffe-eau thermodynamique.

L'attestation de livraison et d'installation - demande de financement n'était pas suffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération qui comprenait outre la livraison et la pose des panneaux, leur raccordement au réseau ERDF auquel la société LTE s'était engagée, et ainsi permettre au prêteur de se convaincre de l'exécution complète du contrat principal, ce d'autant plus qu'elle était accompagnée de l'attestation de fin de travaux de même date laquelle attestait seulement des travaux de pose des panneaux aérovoltaïques, et non de la pose du chauffe-eau, ni du raccordement de l'installation.

Ces documents ne pouvaient manifestement pas rendre compte de ce que les travaux commandés étaient terminés alors que l'ensemble de ces attestations ont été émises le 5 septembre 2016, soit seulement 27 jours après la signature du bon de commande, ce délai étant à l'évidence trop court pour assurer la finalisation totale de l'installation, étant par ailleurs précisé que la simple demande de raccordement n'a été déposée auprès de la société Enedis que le 4 octobre 2016, et que la mise en service de l'installation est en date du 30 mars 2017.

En s'abstenant de s'assurer que le contrat était entièrement exécuté, la société Cofidis a manifestement commis une faute.

Les emprunteurs se bornent à affirmer que la société Cofidis ne peut prétendre au remboursement du capital prêté et que le déblocage des fonds fautif constitue un préjudice entièrement consommé. Cependant, ils ne contestent pas que l'installation aérovoltaïque litigieuse et le chauffe-eau sont fonctionnels depuis leur mise en service, que l'installation produit de l'énergie et qu'ils pourront la conserver selon toute probabilité si sa restitution n'est pas exigée et ainsi bénéficier de la production d'électricité générée qui leur procure un revenu.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que la banque fait valoir qu'en l'absence de préjudice subi par les emprunteurs en lien avec sa faute dans la libération des fonds, ils doivent lui rembourser le capital prêté.

Le jugement déféré sera par conséquent infirmé en ce qu'il a privé la société Cofidis de sa créance en restitution, et l'a déboutée de sa demande en remboursement du capital prêté à l'égard des époux R..

Statuant à nouveau de ce chef, la cour condamnera solidairement M. R. et Mme B. à payer à la société Cofidis la somme de 25 900 euros correspondant au montant du capital prêté, sous déduction de l'ensemble des sommes payées par eux au titre du crédit, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt. D

Sur la demande de remboursement de la société LTE à l'encontre des époux R.

La société LTE demande le remboursement de la somme de la somme de 48,72 euros correspondant au coût du raccordement qu'elle dit avoir réglé aux lieu et place des acheteurs. Cependant, il résulte de l'examen du bon de commande que les frais de raccordement ERDF étaient pris en charge par le vendeur, le coût de cette prestation contractuelle étant incluse dans le prix global d'installation de la centrale aérovoltaïque. Dès lors, la demande de remboursement sera rejetée.

Sur les autres demandes de la société LTE à l'encontre des époux R.

La société LTE demande à être garantie par les époux R. de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, et qu'il leur soit enjoint de justifier qu'ils ont dénoncé le contrat d'achat régularisé avec ERDF et lui ont remboursé les sommes perçues grâce à leur installation et de justifier qu’ils ont remboursé à l'Administration fiscale le montant de la TVA.

En vertu de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La société LTE ne développe aucun moyen à l'appui de ces demandes, qui seront par conséquent rejetées.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société LTE à l'encontre des époux R.

En application de l'article 1240 du code civil et de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice du droit d'agir en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, une malveillance manifeste ou une légèreté blâmable.

La société LTE ne rapporte pas la preuve que les époux R., dont l'action prospère, auraient fait dégénérer leur droit d'agir en justice en abus, et elle sera en conséquence déboutée de sa dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires,

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Parties perdantes, les société LTE et Cofidis seront condamnées in solidum aux dépens d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, et à payer à M. R. et Mme B. la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles seront déboutées de leur demande respective formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Rejette la demande de réouverture des débats et de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Prononcé la nullité du contrat de vente conclue le 8 août 2016 entre M. Xavier R. et Mme Jenny B. épouse R. et la société LTE suivant bon de commande numéro 3098.

- Constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cofidis et M. Xavier R. et Mme Jenny B. épouse R. en date du 8 août 2016.

- Ordonné à la société AEC de procéder à la désinstallation du matériel suivant bon de commande numéro 3098 du 8 août 2016 et à la remise en état de la toiture de M. Xavier R. et Mme Jenny B. épouse R..

- Condamné in solidum les sociétés Cofidis et AEC à payer à M. Xavier R. et Mme Jenny B. épouse R. la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Ordonne à la société LTE de régler à M. Xavier R. et Mme Jenny B. épouse R. la somme de 25 900 euros en restitution du prix de vente de l'installation photovoltaïque ;

- Condamne solidairement M. Xavier R. et Mme Jenny B. épouse R. à payer à la société Cofidis la somme de 25 900 euros en restitution du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté du 8 août 2016 sous déduction de l'ensemble des sommes payées par eux au titre du crédit, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

- Déboute la société LTE de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M. Xavier R. et Mme Jenny B. épouse R. ;

- Condamne in solidum les société LTE et Cofidis à payer à M. Xavier R. et Mme Jenny B. épouse R. la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute les sociétés LTE et Cofidis de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne in solidum aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,

G. Przedlacki S. Collière

Décision(s) antérieure(s)

• Tribunal d'Instance Lille 18 octobre 2019 19/000093.