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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 22 juillet 2021, n° 18/01524

CAEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Carrefour Hypermarchés (SAS)

Défendeur :

Caen Distribution (SAS) , OPTI-MIX (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Delahaye

Conseillers :

Mme Gouarin, Mme Viaud

T. com de Cean, du 18 avr. 2018, n° 2015…

18 avril 2018

La société Carrefour Hypermarchés exploite un hypermarché à enseigne Carrefour situé à Hérouville Saint Clair.

La société Caen Distribution exploite un hypermarché à enseigne Leclerc situé à Caen ;

La société Carrefour a fait réaliser par la société Opti Mix un relevé de prix au sein de l'hypermarché Leclerc de Caen et de Ifs aux fins d'établir une publicité comparative. Cette publicité a été publié dans le journal Ouest France du 30 janvier 2015.

Par lettre du 9 février 2015, le conseil de la société Ifs Distribution (Leclerc Ifs) a sollicité de la société Carrefour, au visa de l'article L. 121-12 du code de la consommation, les justificatifs des relevés. Ces documents lui ont été communiqués par lettre du 12 février suivant ;

Estimant cette publicité inexacte et considérant ainsi que la société Carrefour a commis un acte de concurrence déloyale par dénigrement, la société Caen Distribution (Leclerc Caen), par acte d'huissier du 6 novembre 2015, l'a faite assigner devant le tribunal de commerce de Caen, lequel, par jugement du 18 avril 2018, a :

- condamné la société Carrefour Hypermarchés à payer à la société Caen Distribution la somme de 100 000 à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale par dénigrement ;

- condamné la société Carrefour Hypermarchés à faire paraître le dispositif du jugement, un vendredi et à ses frais, dans l'édition du Calvados du journal Ouest France ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

- condamné la société Carrefour Hypermarchés à payer à la société Caen Distribution la somme de 10 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la société Carrefour Hypermarchés aux dépens y compris les frais de constat du 3 avril 2015 et les frais de greffe pour 72.84 ;

Par déclaration au greffe du 23 mai 2018, la société Carrefour Hypermarchés a formé appel de cette décision, critiquant l'ensemble de ses dispositions ;

Par conclusions n° 2 enregistrées au greffe le 14 octobre 2019 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Carrefour Hypermarchés demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau, de :

- dire et juger que la société Caen Distribution ne démontre pas l'inexactitude de la publicité comparative diffusée par la société Carrefour Hypermarchés sous Ie titre Mêmes produits*. Même département. Ah tiens ... Pas Ies mêmes prix.' dans l'édition du Calvados du journal Ouest-France en date du 30 janvier 2015 ;

- dire et juger que la publicité comparative diffusée par la société Carrefour Hypermarchés sous Ie titre Mêmes produits*. Même département. Ah tiens... Pas Ies mêmes prix.' dans l'édition du Calvados du journal Ouest-France en date du 30 janvier 2015 n'est pas dénigrante pour la société Caen Distribution ;

En conséquence :

- débouter la société Caen Distribution de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- A titre subsidiaire, condamner la société Carrefour Hypermarchés à Ia somme symbolique d'un euro au profit de la société Caen Distribution et dire que la société Opti-Mix devra garantir la société Carrefour Hypermarchés de toute condamnation qui serait prononcée à son égard ;

- A titre encore plus subsidiaire, condamner la société Carrefour Hypermarchés à de plus justes proportions et dire que la société Opti-Mix devra garantir la société Carrefour Hypermarchés de toute condamnation qui serait prononcée à son égard ;

En tout état de cause,

- condamner la société Caen Distribution à verser à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 15 000 euros au titre de I'articIe 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Caen Distribution aux entiers dépens, en ce compris Ies frais de constat d'huissier.

Par conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 8 novembre 2019 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Caen Distribution demande à la cour de :

- débouter la société Carrefour Hypermarchés de ses demandes fines et conclusions.

- statuer ce que de droit sur la régularité et la recevabilité de l'appel provoqué à l'encontre de la société Opti-Mix.

- débouter la société Opti-Mix de ses demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Caen Distribution.

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 18 avril 2018 du Tribunal de commerce de Caen condamnant la société Carrefour Hypermarchés - condamner la Société Carrefour Hypermarchés à payer à la Société Caen Distribution une somme de 10.000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en compensation des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.

- condamner la même Société Carrefour Hypermarchés aux entiers dépens dont recouvrement au profit de Maître Delphine T. par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions n°1 enregistrées au greffe le 8 novembre 2018 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Opti-Mix demande à la cour de :

- A titre principal,

- déclarer Carrefour Hypermarchés irrecevable en ses demandes à l'encontre d'Opti-Mix en l'absence d'évolution du litige au sens de l'article 555 du Code de procédure civile.

- déclarer Carrefour Hypermarchés irrecevable en ses demandes à l'encontre d'Opti-Mix en l'absence de mise en œuvre de la procédure obligatoire de médiation de l'article 11 du contrat du 12 novembre 2014.

- A titre subsidiaire,

- dire et juger que Caen Distribution ne rapporte pas la preuve d'une inexactitude des relevés de prix.

- dire et juger que la prétendue inexactitude des relevés de prix est sans lien de causalité avec le préjudice allégué par Caen Distribution.

- En conséquence,

- infirmer le jugement en déboutant Caen Distribution de l'intégralité de ses demandes.

- A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que Caen Distribution ne rapporte pas la preuve du préjudice que la publicité comparative litigieuse lui aurait fait subir.

- infirmer le jugement en déboutant Caen Distribution de l'intégralité de ses demandes.

- En tout état de cause,

- condamner la partie succombante à payer à Opti-Mix une somme de 5 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la partie succombante aux entiers dépens d'instance.

- faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

I - Sur les demandes formées contre la société Carrefour Hypermarchés.

Aux termes des articles suivants du code de la consommation, dans leur version applicable aux faits de la cause :

- L. 120-1 : 'Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

Constituent en particulier des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L121-1 et L121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L122-11 et L122-11-1 ;

- L121-1 : Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes (...)

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;

(...)

- L. 121-8 Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :

1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;

2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;

3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.

(....)

- L. 121-9 : La publicité comparative ne peut :

(....)

2° Entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent ;

Ces textes sont issus de la transposition de plusieurs directives et Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice que les dispositions de droit interne transposant les règles de droit européen en matière de publicité comparative doivent être interprétées dans le sens le plus favorable, afin de permettre les publicités comparant objectivement les caractéristiques de biens ou de services, tout en assurant que la publicité comparative ne soit pas utilisée de manière anticoncurrentielle et déloyale ou de manière à porter atteinte aux intérêts des consommateurs.

Enfin, l'application combinée des articles 2, point b) et 4, point a) de la directive 2006/114/CE du Parlement et du Conseil en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, renvoyant à l'article 6(1) de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil sur les pratiques commerciales déloyales, suppose d'établir deux critères cumulatifs : que la publicité contienne des informations fausses ou susceptibles d'induire en erreur le consommateur moyen, et, qu'elle soit de nature à amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

En l'espèce, le document publicitaire litigieux publié le 30 janvier 2015 (Ouest France édition Caen) se présente comme suit :

En haut de ce document, figure la phrase suivante : 'Mêmes produits. Mêmes départements. Ah tiens…Pas les mêmes prix ;

Un Astérix figure à côté du terme produits, et renvoi à la phrase suivante, en bas du document : Relevés réalisés du 08 au 17/12/2014 sur 227 produits alimentaires de grandes marques' ;

Au milieu du document, sont dessinés une ligne de trois caddies. Le premier à gauche porte la mention Carrefour Hérouville Saint Clair, le second la mention 'E. Leclerc Ifs' avec à l'intérieur une grosse flèche vers le haut : 2,9% + cher' et le troisième la mention 'E. Leclerc Caen' avec à l'intérieur une grosse flèche vers le haut'15.9% + cher'. Deux Astérix figurent à côté du terme '+ cher' (pour les deux caddies Leclerc) qui renvoient à la mention suivante (figurant en bas du document) ' Ecart entre Carrefour et l'enseigne concurrente, constaté sur la somme des prix des 227 produits relevés'.

Enfin, à gauche du document (au-dessus du dessin des caddies) figure dans un encadré la mention suivante : CONTROLE par un organisme indépendant ;

Il convient au préalable de relever qu'il n'est pas discuté que les magasins Carrefour Hérouville Saint Claire et Leclerc Caen situés sur la même zone de chalandise sont bien des magasins concurrents ;

- Sur la licéité de la publicité comparative.

La société Carrefour conteste les inexactitudes dans les relevés de prix, rappelant qu'ils ont été effectués par un tiers indépendant, la société Opti-Mix, qui a attesté avoir réalisé ces relevés au sein des trois magasins visés par la publicité, qu'aucun élément ne permet de remettre en cause la réalité de ses prestations, étant précisé que le magasin Leclerc d'Ifs n'est pas parti à cette procédure initiée par le magasin Leclerc de Caen. Elle fait valoir également que le constat d'huissier du 3 avril 2015 n'est pas pertinent pour remettre en cause les relevés de prix en ce qu'il porte sur un nombre insuffisant de produits (44 et non 97), et en ce qu'il porte sur les prix en caisse et non en rayons ;

La société Caen Distribution rappelle que la publicité comparative doit être exacte, qu'elle établit que sur les 227 prix récences, seuls dix sont exacts, peu important que l'huissier ait contrôlé 45 produits et que les autres produits aient été vérifiés par la société elle-même selon la même méthode. En effet, les vérifications de l'huissier représentent 20% d'erreur, ce qui reste particulièrement important et qui suffit à considérer la publicité totalement erronée. Elle fait valoir que le prix affiché en magasin est le même que le prix affiché en caisse, le cas contraire ne peut s'expliquer que par une erreur humaine, dont les proportions sont sans commune mesure avec le pourcentage d'erreurs relevé par le constat d'huissier ;

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de constat établi le 3 avril 2015 par Maître S. huissier de justice à Caen, que l'huissier a vérifié les prix relevés par la société Opti-Mix le 16 décembre 2014 au sein du Leclerc de Caen, en se référant au système informatique du magasin afin d'extraire les prix pratiqués sur les produits au moment du relevé de prix litigieux, le système d'exploitation informatique est Sygma Gesmag, et en contrôlant également que les prix relevés correspondent à ceux relevés sur les tickets de caisse.

Le constat comporte en annexe un extrait du relevé de la société Opti-Mix portant sur 97 produits comportant des corrections manuscrites pour 87 d'entre eux avec l'ajout du numéro de référence du produit dans le logiciel et le prix rectifié.

L'huissier ne commente pas les corrections de cette annexe, et son procès-verbal est ambigu quant au nombre des produits contrôlés. En effet, il conclut en mentionnant à la fin de son procès-verbal 'je constate que l'ensemble des prix relevés par la société Opti-Mix ne correspond pas du tout à la valeur d'achat pratiquée par le requérant au cours de la semaine 51 de l'année 2014. En effet les prix relevés par la société Opti-Mix sont toujours plus élevés ;

Pourtant, il apparaît, dans le coeur du procès-verbal, comme la relève à juste titre la société Carrefour Hypermarchés que l'huissier a contrôlé seulement 23 produits de la première page du relevé de la société Opti-Mix, puis 22 produits de la seconde page (page 3 et 4 du constat), soit 45 produits en tout et non comme l'a indiqué le tribunal 97 produits. Toutefois, l'huissier déduit de cette vérification que les prix relevés sur ces 45 produits par la société Opti-Mix sont faux, et annexe à son constat le relevé informatique et un ou deux tickets de caisse de la période concernée attestant de la concordance du prix à chaque fois. Ainsi, la moutarde ancienne Maille est à 1.37 ' et non 1.65 ' (annexe 17 du constat), la quiche lorraine Marie est à 2.17 et non à 2.25 (annexe 20), la mousse de canard Madrange au porto est à 0.84 et non 0.91 , la boisson Schweppes Soda Fraise est à 1.64 ' et non à 1.96  (annexe). Les 45 prix vérifiés par l'huissier sont faux et à chaque fois le prix relevé par la société Opti-Mix est un prix supérieur au prix réel.

C'est en vain que la société Carrefour Hypermarchés critique la méthode de vérification de l'huissier au motif qu'il a procédé à une vérification du prix en caisse et non en rayon comme l'a fait la société Opti-Mix lors de ses relevés, et considère que les prix indiqués dans les rayons ne correspondent pas nécessairement aux prix pratiqués aux caisses, se fondant à ce titre sur un communiqué de presse du 5 juillet 2012 de la DGCCRF relatif à une enquête effectuée dans 1269 établissements de la grande distribution pour vérifier la concordance entre les prix affichés en rayon et les prix facturés en caisse et qui a constaté dans plus de la moitié des établissements contrôlés, une différence de 7% des articles vérifiés.

En effet, il résulte de l'attestation de M. R., directeur opérationnel de la société Sigma Informatique, laquelle assure la maintenance du logiciel GESMAG exploité par le centre Leclerc Caen, que lorsque le prix est validé, le logiciel GESMAG 'ne permet l'édition d'une étiquette de rayonnage qu'audit prix, et informe le logiciel de caisse du prix de vente du produit et ce, pour la durée de validité dudit prix'. Il précise également que le prix de vente validé peut être modifié par l'utilisateur du logiciel GESMAG uniquement pour l'avenir par une modification manuelle. Il indique enfin que ce logiciel n'a aucun contrôle sur le logiciel de caisse et ne peut empêcher un(e) hôte de caisse de modifier manuellement le prix d'un produit dans le logiciel de caisse, lors du passage en caisse ;

Par ailleurs, il ressort également du constat d'huissier du 3 avril 2015 que Maître S. a vérifié la corrélation des prix entre d'une part le logiciel relié au système d'exploitation Sygma Gesmag et d'autre part le logiciel Evolutel Infomil, système d'exploitation qui gère les prix pratiqués en caisse et archive tous les tickets de caisse. Il a à chaque fois constaté une corrélation parfaite.

Or ces éléments ne sont pas utilement contredits par l'enquête réalisée en 2011 par la DGCCRF, le caractère général de celle-ci ne permettant pas concrètement de remettre en cause la concordance des prix en rayon et des prix en caisse au sein de la société Caen Distribution la semaine de décembre 2014 durant laquelle les prix ont été relevés. En outre, la société Carrefour Hypermarchés ne soutient et à fortiori ne justifie de l'existence d'erreurs manuelles commises en caisse cette semaine-là, et n'a d'ailleurs, ainsi que l'a justement rappelé le tribunal, sollicité aucune mesure d'expertise pour relever les éventuelles différences, pour les 227 produits concernés par l'enquête, entre les prix en rayon et ceux facturés en caisse.

Enfin, c'est également en vain que la société Carrefour Hypermarchés fait valoir la réalité des prestations réalisées par la société Opti-Mix. En effet, si la société Opti-Mix atteste dans un document du 2 mars 2016 que les données restituées sont celles qui ont été relevées et télétransmises par ses enquêteurs, confirmé par une autre attestation du 14 avril 2015 par la même société, cette attestation confortée par aucun autre élément extérieur à la société elle-même, n'est pas suffisamment probante pour garantir les conditions dans lesquelles les prix ont été effectivement relevés au sein du magasin Leclerc Caen ;

Dès lors, la publicité comparative réalisée par la société Carrefour Hypermarchés repose pour partie sur des indications fausses ;

Pour considérer que cette publicité n'est pas déloyale, elle fait valoir que la proportion des prix vérifiés (45 sur 227) conduit, après correction, à maintenir une différence de prix de l'ordre de 13% entre le prix global de Carrefour (475.05) et le prix global de Leclerc Caen (539.19), soit assez proche des 15.9% mentionné, et qu'il n'est pas démontré en quoi ce faible écart était de nature à orienter le comportement du consommateur s'il l'avait connu ;

La société Caen Distribution estime que le fait de faire diffuser une publicité comparative mensongère est une faute constituant un acte de concurrence déloyale et lui cause nécessairement un préjudice.

En l'espèce, la publicité comparative repose sur 45 prix erronés sur les 227 cités par la publicité. Cette proportion conduit au vu du calcul non utilement contredit établi par l'appelante à ce que les prix du caddie de Leclerc de Caen reste 13% plus cher que celui du caddie de Carrefour d'Hérouville Saint Clair.

Or, aucun élément ou pièce ne permet d'établir que cette publicité comparative même reposant sur des éléments faux dans la limite indiquée ci-dessus, ait altéré ou ait été de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. Ainsi il n'est pas démontré que le consommateur, informé que le prix du caddie chez Leclerc Caen est 13% plus cher que chez Carrefour et non de 15.9% plus cher, aurait pour autant modifié son comportement.

Dès lors, la publicité comparative ne peut être considérée comme trompeuse ;

Elle ne peut donc être considéré comme une pratique commerciale déloyale.

Le jugement sera infirmé sur ce point ;

- Sur le caractère dénigrant de cette publicité

La société Caen Distribution fait valoir également le caractère dénigrant de la publicité, non pas sur le comparatif des prix, mais, en adoptant un ton polémique, de considérer anormal et malhonnête le fait que deux magasins d'une même enseigne pratiquent des prix différents ;

La société Carrefour conteste tout caractère dénigrant des propos employés, tout discrédit sur les produits vendus, rappelant que le grief de dénigrement ne peut se fonder sur la prétendue inexactitude de la publicité comparative et qu'il est indifférent que la publicité ne concerne que deux établissements à enseigne Leclerc ;

En l'occurrence, le seul fait de comparer des prix, qui relève de la nature même de la publicité comparative, ne caractérise pas un dénigrement ;

S'il est vrai que le fait de comparer les prix d'un magasin Carrefour et de deux établissements Leclerc conduit nécessairement une comparaison des prix entre ces deux derniers, il n'est toutefois en l'espèce pas davantage établi que cette comparaison caractérise un dénigrement. En effet, les propos de la publicité, même s'ils sont un peu polémiques, ne sont nullement injurieux ou dénigrants, et n'impliquent à leur seule lecture aucune suspicion d'anormalité ou de malhonnête sur le fait que deux magasins de l'enseigne Leclerc pratiquent des prix différents. Et ce d'autant, que même si on corrige les prix relevés par l'huissier, ce constat reste une réalité.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu le caractère dénigrant de cette publicité et a indemnisé en conséquence la société Caen Distribution du préjudice subi. Il le sera également en ce qu'il a condamné la société Carrefour Hypermarchés à la publicité du jugement.

Au vu de ce qui précède, le recours en garantie formé contre la société Opti-Mix par la société Carrefour Hypermarchés est sans objet ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront infirmées ;

La société Caen Distribution qui perd le procès sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 12 000 à la société Carrefour Hypermarchés pour les frais exposés en première instance et en appel ;

Enfin la société Caen Distribution réglera à ce titre une indemnité de 2500 à la société Opti-Mix ;

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire.

Infirme le jugement rendu le 18 avril 2018 par tribunal de commerce de Caen en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau et y ajoutant

Déboute la société Caen Distribution de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale pour publicité trompeuse et pour publicité dénigrante et de ses demandes subséquentes

Dit sans objet le recours en garantie formé contre la société Opti-Mix

Condamne la société Caen Distribution à payer à la société Carrefour Hupermarchés la somme de 12 000  sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel

Condamne la société Caen Distribution à payer à la société Opti-Mix la somme de 2500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La déboute de sa demande formée sur le même fondement

Condamne la société Caen Distribution aux dépens de première instance et d'appel.