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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 24 mai 2013, n° 12/08798

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Eaux du nord (SA)

Défendeur :

Musthane (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

SCP Fisselier, Me Bodin Casalis

TGI Paris, 3e ch. 4, du 29 mars 2012

29 mars 2012

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement rendu le 29 mars 2012 par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 4ème section),

Vu les appels interjetés le 11 mai 2012 par la société Les Eaux du Nord, P-C I et D L,

Vu les dernières conclusions de la société Les Eaux du Nord, P-C I et D L appelants en date du 27 mars 2013,

Vu les dernières conclusions de la SAS Musthane, intimée et incidemment appelante en date du 2 avril 2013,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 avril 2013,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

- la société les Eaux du Nord a pour activité la distribution de l'eau, l'entretien et la pose des réseaux de distribution et la société Musthane qui est spécialisée dans la conception de structures souples et flexibles à partir de textiles enduits de polymères a été contactée par la précédente pour une problématique de protection anti-éboulement dans le cadre de fouilles, le matériel de blindage n'étant pas adapté pour de petites fouilles,

- une réunion s'est tenue entre les parties le 6 juin 2008 et le 17 juin 2008 la société Musthane a transmis à messieurs L, chef d'agence et I, adjoint chef d'agence, trois solutions au problème posé, consistant en un dispositif gonflable composé de plusieurs coussins fabriqués à partir de tissus 3D équipé d'un clapet de surpression, d'un raccord avec bouchon de protection et des sangles de liaison qui permettent aux différents boudins d'être reliés entre eux,

- le 21 août 2008 la société les Eaux du Nord a passé commande à la société Musthane de la fabrication et de la livraison de deux prototypes parmi les trois modèles proposés ainsi que de deux jours d'assistance technique et de formation, commande réduite à un seul modèle en octobre 2008,

- le 24 mars 2009 la société Musthane dépose une enveloppe Soleau à l'Institut National de la Propriété Industrielle,

- le 13 mai 2009 la société les Eaux du Nord a déposé la demande de brevet français N° 09/2300 publiée le 19 novembre 2010 sous le numéro FR 294 55 55, mentionnant en qualité d'inventeurs P-C I et D L,

- le 7 juin 2010 la société les Eaux du Nord dépose la marque BLINDEO en classes 6, 9, 19, 20, 37, 39 et 40 pour désigner les coussins objets de l'invention,

- en juillet 2009, des négociations ont été entamées entre les parties à l'effet de conclure un contrat de fabrication et de commercialisation, mais les pourparlers n'ont pas abouti et il leur a été mis fin par la société les Eaux du Nord par lettre du 2 novembre 2010,

- la société les Eaux du Nord a finalement confié la fabrication exclusive et la commercialisation des coussins litigieux à la société Pronal en juin 2011,

- le 2 décembre 2010 la société Musthane a fait procéder, à des opérations de constat à Lyon au salon Pollutec, en vertu d'une autorisation présidentielle du 1er décembre 2010,

- le 23 décembre 2010 la société Musthane a fait assigner la société les Eaux du Nord, D L, et P-C I, principalement en revendication du brevet N° 09/2300, assignation publiée au Registre National des Brevets le 7 janvier 2011,

- le 12 mai 2010 la société les Eaux du Nord a déposé une demande de brevet européen N° 10370006.8, publiée le 1er décembre 2012 sous le numéro EP2256252, présentant le même intitulé et les mêmes inventeurs, avec revendication de la priorité du dépôt de la demande française N° 09/2300,

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

- dit que la société Musthane doit être reconnue copropriétaire du brevet n° 99/2300 déposé le 13 mai 2009 par la société des Eaux du Nord à hauteur de 50%.

- dit que cette décision, une fois devenue définitive, sera inscrite au registre national des brevets à la demande de la partie la plus diligente,

- dit que la société des Eaux du Nord est tenue de restituer à la société Musthane la moitié des fruits produits par l'exploitation du brevet,

- condamné la société des Eaux du Nord à payer à la société Musthane une provision de 10.000 euros à valoir sur les fruits issus de l'exploitation de ce brevet,

- fait injonction à la Société des Eaux du Nord de remettre à la société Musthane tous contrats de cession, licence portant sur ledit brevet ainsi que tout élément relatif à la fourniture et la commercialisation des produits BLINDEO mettant en œuvre les revendications du brevet, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du jugement,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- rejeté la demande d'expertise,

- condamné la Société des Eaux du Nord à payer à la société Musthane la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- enjoint à la Société des Eaux du Nord de cesser l'exploitation du brevet n° 09/2300 ainsi que la fabrication, l'offre de vente et la vente de produits mettant en œuvre les brevets, réalisés sans le consentement de la société Mustaphane

- enjoint la Société des Eaux du Nord de prendre toutes dispositions en vue de parvenir à la résiliation des contrats portant sur le brevet conclus sans le consentement de la société Musthane,

- rejeté la demande relative à l'usage de la marque BLINDEO pour des coussins anti-éboulement,

- rejeté la demande de publication,

- ordonné l'exécution provisoire des dispositions du jugement emportant condamnations pécuniaires et injonction de communiquer les pièces.

- condamné la Société des Eaux du Nord à payer à la société Musthane la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

En cause d'appel la société Les Eaux du Nord, P-C I et D L, appelants demandent essentiellement dans leurs dernières conclusions en date du 8 janvier 2013, au visa des articles L. 611-8, L. 613-29, L. 613-3 et suivants et L. 615-4 du Code de la Propriété intellectuelle et l'article 1382 du code civil de :

- rejeter l'action en revendication et débouter la société Musthane de l'intégralité de ses demandes,

- dire qu'en commercialisant les coussins Mustsop ITS, la société Musthane a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 10 du brevet n°9912300 déposé le 13 mai 2009,

- faire interdiction à la société Musthane de fabriquer, d`offrir à la vente, de vendre ou de détenir des coussins ou autres pièces correspondant à l'une quelconque des revendications 1 à 10 du brevet n°99l2300 déposé le 13 mai 2009 et ce sous peine d'une astreinte de 100 ¿ par violation constatée, étant précisé que chaque article détenu et ou commercialisé irrégulièrement, constituera une violation distincte,

- ordonner la destruction des articles contrefaisants, en la possession de la société Musthane, aux frais de celle-ci, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, et ce sous peine d'astreinte de 500 ¿ par article non détruit, et par jour de retard,

- se réserver la liquidation de l'astreinte,

- enjoindre à la société Musthane d'avoir à communiquer le montant de chiffre d'affaires et la marge brute concemant les ventes de coussins ITS Muststop sur la période de trois ans précédant la date de signification des présentes conclusions,

- condamner Musthane à payer à la société les Eaux du Nord la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels pour la contrefaçon du brevet,

- surseoir a statuer sur ces questions jusqu`à la délivrance du brevet n°9912300 déposé le 13 mai 2009,

- condamner la société Musthane à payer à la société Les Eaux du Nord la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,

- condamner la société Musthane à payer à la société Les Eaux du Nord la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la dénomination sociale,

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour confirmait le jugement en ce qu'il a décidé d'une copropriété 50/50 du brevet, réformer le jugement et :

- dire que chacune des parties pourra librement exploiter le brevet,

- dire n'y avoir lieu à indemnisation,

- enjoindre à la société Musthane de restituer la somme provisionnelle de 10 000 euros versée au titre des fruits d'exploitation,

- infirmer la condamnation à payer 10 000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner Musthane à payer 10 235.69 euros au titre du paiement de la moitié des frais engagés pour l'obtention du brevet,

En tout état de cause,

- condamner la société Musthane à payer 20 000 € a chacun "des défendeurs" au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants font valoir à cet effet que :

- la société Musthane qui n'avait aucune compétence particulière en matière de travaux publics, ou encore de fouilles a travaillé sur les instructions de la société les Eaux du Nord et plus spécifiquement sous celles de P-C I qui a réalisé le premier croquis à la main reprenant l'ensemble des caractéristiques du projet,

- aucun contrat n'a été signé à l'origine entre les parties et les réunions de travail se sont déroulées sans compte rendu, et la preuve de l'invention du dispositif par les Eaux du Nord découle de la chronologie et des échanges de mails entre les parties,

- ce sont les Eaux du Nord qui ont prospecté différents fournisseurs potentiels alors que toutes les caractéristiques principales de l'invention étaient d'ores et déjà fixées,

- l'idée d'origine revient à Monsieur L et les Eaux du Nord ont adressé une demande de faisabilité à la société Pronal en y joignant un croquis, puis une réunion a été organisée en 2008 avec Musthane au cours de laquelle a été présenté le projet et remis le croquis en demandant une étude de faisabilité,

- l'ensemble des éléments du procédé étaient d'ores et déjà dans ce croquis réalisé par monsieur M, comme ils en justifient et qui est corroboré par le délai de réaction de Musthane qui est parvenue à proposer trois schémas 3 D en six jours,

- les autres éléments techniques ont été imposés par les Eaux du Nord au fur et à mesure : sangles demandées par mail du 2 mars 2010, positionnement des valves,

- la société Musthane n'a pas réagi en 2009 lorsque des articles de presse évoqués faisaient mention de la demande de brevet,

- l'enveloppe Soleau qui comporte des éléments non datés ne peut faire foi, le procédé à la date de son dépôt le 3 mars 2009 était déjà finalisé,

- l'ensemble des prestations matérielles réalisées par Musthane ont été financées par les Eaux du Nord qui ont également organisé et financé les tests de l'invention,

- la société Musthane n'a jamais jusqu'à l'introduction de la présente instance revendiqué la qualité d'inventeur alors que le projet de convention qui lui a été adressé en juillet 2009 mentionnait le dépôt de la demande de brevet,

- c'est en raison de l'incapacité de Musthane à résoudre les derniers problèmes techniques (épaisseur du coussin en 130 mm et 140 mm) qui a entraîné la perte du marché alors que Pronal est en mesure de fournir des coussins en 125 mm,

- les opérations de saisie contrefaçon le 28 novembre 2012 ont révélé que la société Musthane exploitait l'invention alors qu'elle ne bénéficiait d'aucun droit de propriété,

- les produits présentés en ligne et sur le stand Pollutec révèlent que la société Musthane commet des actes de contrefaçon du brevet,

- la société Musthane a commis des actes distincts de concurrence déloyale car le produit ITS présente des porte-étais qui ne figurent pas dans la demande de brevet qui est une amélioration qui a été ajoutée ultérieurement sur ses produits,

- la société Musthane a également porté atteinte à sa dénomination sociale les Eaux du Nord car une affichette utilise la dénomination les Eaux du Nord pour promouvoir les produits en cause,

- il convient conformément aux dispositions de l'article L. 615-4 du code de la propriété intellectuelle de prononcer un sursis à statuer jusqu'à la délivrance du brevet,

- aux termes de l'article L. 613-29 chacun des copropriétaires peut personnellement exploiter l'invention sans à avoir obtenir l'autorisation de l'autre copropriétaire, il convient d'infirmer le jugement qui lui a fait interdiction d'exploiter le brevet,

- la société Musthane a exploité le brevet elle n'est donc pas fondée à percevoir une quelconque indemnisation et une restitution de la moitié des fruits,

- la demande de résiliation de tout contrat portant sur les brevets n'est pas justifiée,

- elle est fondée si la copropriété du brevet était confirmée à solliciter le remboursement de la moitié des sommes exposées par elle dans le cadre du développement de l'invention,

La société Musthane s'oppose aux prétentions des appelants, et pour l'essentiel, demande tout en formant appel incident dans ses dernières conclusions en date du 2 avril 2013 au visa des articles 611-1, 611-8 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, des articles 561 et suivants du Code de procédure civile, L.613-7 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil,

- réformer purement et simplement le jugement entrepris, du Tribunal de grande instance de Paris, RG n°11/00925 du 29 mars 2012 sur la demande en revendication du brevet,

statuant à nouveau :

- déclarer recevable et bien fondée la demande en revendication de la propriété totale de la demande de brevet d'invention français déposée le 13 mai 2009 sous le numéro 09/02.300 par la Société des Eaux du Nord et publiée par l'I.N.P.I. le 19 novembre 2010 sous le numéro FR2945555, « coussin anti-éboulement » , et toutes ses suites et extensions à l'international,

- dire et juger que le dépôt de la demande de brevet français n° 09/02.300 publiée le 19 novembre 2010 sous le numéro SR 29.45.555, ainsi que le dépôt de la demande de brevet européen n°10370006.8 du 12 mai 2010, présentant le même intitulé et les mêmes inventeurs, et publiée le 1er décembre 2012 sous le numéro EP2256252, avec revendication de la priorité du dépôt de la demande française n° 09/2300, ont été effectués par la société les Eaux du Nord, en violation des droits de la société Musthane,

- dire et juger que la société les Eaux du Nord et Messieurs P-C I et D L ont indûment déposé en leur nom lesdites demandes de brevet d'invention,

- dire et juger que le droit de déposer ces demandes de brevet appartenait exclusivement à la société Musthane qui en est la légitime titulaire et en transférer, en conséquence, la propriété pleine et entière à son profit, libre et quitte de toute charge,

En conséquence :

- condamner la société les Eaux du Nord à effectuer toute formalité, souscrire tous actes et donner tout pouvoir en vue du transfert au nom de la société Musthane de ces demandes de brevet d'invention, ou des brevets d'invention français et européen délivrés entre temps et correspondant aux demandes susvisées ainsi que de tous titres qui en seront issus et de tout autre brevet demandé ou délivré français ou étranger correspondant à la même invention, le tout aux frais de la société les Eaux du Nord, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir.

- dire que la mention de l'arrêt à intervenir sera notamment inscrite au Registre National des Brevets tenu par l'I.N.P.I.

- autoriser la société Musthane à procéder elle-même à toutes formalités de publication, notification, de transfert auprès du ou des offices de brevet compétents sur présentation de la décision à intervenir rendu faute pour la société les Eaux du Nord d'y avoir procédé dans le mois à la signification de la décision à intervenir, et à la charge et aux frais de la société les Eaux du Nord,

- ordonner à la société les Eaux du Nord de cesser l'exploitation du brevet d'invention résultant de la demande déposée le 13 mai 2009 sous le n° 09/02.300 sous peine d'astreinte non comminatoire de 5.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir étant précisé que la production ou la vente de chaque dispositif constituera une infraction distincte que cette vente soit son fait ou celui de ses licenciés,

- condamner la société Les Eaux du Nord, solidairement avec Messieurs L D et I P C à restituer à la société Musthane les fruits et revenus tirés de l'exploitation du produit visée par les demandes de brevet français et européen susmentionnées, dont la propriété sera transférée à la société Musthane ainsi que de tout autre brevet portant sur la même invention,

- dire que Messieurs L D et I P C seront tenus de verser à la société Musthane les sommes qu'ils auront reçues en qualité de co-inventeurs,

- condamner la société les Eaux du Nord à payer à la société Musthane à titre de dommages et intérêts la somme de 500.000 euros au titre de son préjudice matériel et de la restitution des fruits de son exploitation,

- condamner les Eaux du Nord à payer à la société Musthane la somme de 150.000 € au titre du préjudice moral,

- faire injonction à la société les Eaux du Nord de remettre à la société Musthane tous contrats de cession, de licence ou de fourniture affectant les demandes de brevet en cause et ce, sous astreinte de 6.000 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- faire injonction à la société les Eaux du Nord de résilier tous contrats de cession de licence ou de fourniture affectant les demandes de brevet en cause et à en justifier à la société Musthane et ce, sous astreinte de 5.000 euros jour de retard , passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- faire défense à la société les Eaux du Nord directement ou indirectement de fabriquer, faire fabriquer, offrir à la vente et/ou vendre le dispositif de protection du coussin anti-éboulement conforme aux revendications des demandes de brevet français, et européen susmentionnées, sous astreinte de 5.000 euros pour chaque infraction constatée après un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- dire que l'arrêt à intervenir sera publié aux frais de la SEN dans trois journaux nationaux et trois journaux régionaux au choix de la société MUSTHANE, chaque insertion ne pouvant dépasser un coût de 10.000 euros,

- condamner in solidum la société les Eaux du Nord et Messieurs D L et P C I au paiement du somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner La Société des Eaux du Nord et Messieurs I et L sous la même solidarité aux entiers frais et dépens de la procédure qui comprendront le coût des constats établis par Maître H, le 26 novembre 2010 pour 200.00 € TTC et par Maître K le 2 décembre 2010 pour la somme TTC de 1.893.33 euros, avec droit de distraction.

Sur les prétentions nouvelles de la SEN :

- déclarer irrecevables les prétentions nouvelles de la société des EAUX DU NORD sur le fondement de l'article 564 du Code de procédure civile

- à titre subsidiaire, débouter La Société des Eaux du Nord de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en contrefaçon de brevet, concurrence déloyale et atteinte à leur dénomination sociale.

La société Musthane expose à cet effet que :

- elle a une longue expérience de projets réussis où la connaissance des contraintes en matière de travaux publics, de chantiers de fouilles, de travaux en milieu confiné, en sous sol, en mer profonde, est indispensable, et c'est la raison pour laquelle elle a pu proposer dans un délai assez court des solutions,

- en sa qualité de spécialiste dans la conception de structures souples et flexibles à partir d'enduits de textiles de polymère, elle a été contactée au premier semestre 2008 par la société des Eaux du Nord avec laquelle elle avait déjà collaboré en 1994, et avait déposé conjointement un brevet, pour une problématique de protection anti-éboulement dans le cadre de fouilles,

- cette problématique lui a été exposée au cours d'un entretien par D L, chef d'agence distribution, auquel elle a répondu le 17 juin 2008 par une présentation de trois dispositifs A, B, C, composés de coussins gonflables, coussins anti éboulement permettant un stockage à plat une fois repliés, que ses équipes d'ingénieurs avaient totalement conçus en interne, sans aucune instruction de la société des Eaux du Nord et sans la communication du moindre schéma,

- le 21 août 2008 la société des Eaux du Nord passait commande de la fabrication et de la livraison de deux prototypes correspondant à la solution A et C, ainsi que de deux jours d'assistance technique et formation,

- cette commande n'était assortie d'aucune instruction pour la réalisation, et étaient annexées à la confirmation de vente du 17 septembre 2008 les plans sur lesquels 9 figures portaient la mention suivante :'ce document est la propriété de Musthane. Il ne peut pas être utilisé, reproduit, communiqué ou divulgué sans son autorisation écrite préalable,

- le 10 octobre 2008 la solution A préconisée par elle était retenue et la spécifications anti-éboulement n'ont plus été modifiées, seules des modifications mineures : bande réfléchissante, sangles de couleur et plus larges, repositionnement de la valve de remplissage,

- en février/mars 2009 les parties élaborent un contrat lui permettant de s'assurer de l'exclusivité de la fabrication du dispositif anti-éboulement,

- le 24 mars 2009 elle dépose à l'INPI une enveloppe Soleau,

- le 13 mai 2009 la société les Eaux du Nord dépose à l'INPI une demande de brevet en indiquant comme inventeurs messieurs L et I, et les revendications de ce brevet caractérisent les éléments essentiels décrits au titre de l'invention déposée par elle dans l'enveloppe soleau,

- dans la presse spécialisée la société les Eaux du Nord reconnaît que la société Musthane a collaboré à la conception de l'invention,

- parallèlement aux pourparlers relatifs à la convention elle adresse à la société les Eaux du Nord tous les contacts qu'elle peut avoir au travers sa clientèle car il était dans son intention de la laisser distribuer les coussins,

- le 7 juin 2010 la société les Eaux du Nord dépose la marque BLINDEO pour désigner les coussins objets de l'invention,

- le 2 novembre 2010 la société les Eaux du Nord adresse une lettre de rupture de partenariat sur les coussins anti-éboulement et elle s'est aperçue qu'elle avait confié à un autre fabricant la réalisation des coussins sur la base de ses propres plans, alors qu'elle n'a jamais été consultée sur un coussin moins épais et que les opérations de constat révèlent que les coussins de Pronal exposés au salon Pollutec sont de mêmes dimensions 1000X1700 que celles qui figurent sur l'enveloppe soleau.

- l'invention décrite sous l'enveloppe Soleau renferme tous les éléments qui ont fait ultérieurement l'essence de la demande de brevet déposée par les appelants,

- elle a conçu les solutions, en a réalisé les plans et la fabrication, a utilisé son savoir-faire et des matériaux techniques qu'elle connaissait parfaitement,

- les appelants ne communiquent aucun élément probant contraire et aucune recherche d'antériorités n'avait été faite par la société les Eaux du Nord avant le dépôt de sa demande de brevet qui avait saisi le potentiel de son invention,

- la demande nouvelle en cause d'appel au titre de la contrefaçon est irrecevable et à tout le moins infondée en application des dispositions de l'article L. 613-7 du code de la propriété intellectuelle, alors de plus qu'elle n'a réalisé aucune vente,

- elle n'a commis aucun acte distinct de la contrefaçon alléguée, ni n'a porté atteinte à la dénomination sociale de la société les Eaux du Nord par l'apposition d'une seule affichette exclusive de tout risque de confusion.

Sur la revendication du brevet :

Aux termes de l'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants-droit, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré.

La demande de brevet français mentionnant en qualité d'inventeurs P-C I et D L, a été déposée par la société les Eaux du Nord le 13 mai 2009 et publiée le 19 novembre 2010 sous le N° FR 294 55 55.

Le dispositif visé à cette demande de brevet français au titre de l'invention est dénommé : 'Dispositif de protection pour excavation plus particulièrement un coussin anti-éboulement'.

L'invention est caractérisée par les revendications décrites ci-après qui sont accompagnées de trois figures et d'une vue en 3 D.

Les figures 1 à 4 sont décrites au préambule comme suit :

"la figure 1 est une vue de la face intérieure du dispositif de protection en forme de coussin anti-éboulement selon un mode de réalisation de l'invention ; la figure 2 est une vue de dessus du dispositif de protection illustré figure 1 ; la figure 3 illustre en perspective le dispositif de protection sous deux angles de vue différents ; la figure 4 (en réalité le schéma en 3 D ) représente schématiquement une mise en oeuvre de l'invention pour la protection d'un individu lors d'un chantier".

La description de la demande de brevet au regard des revendications, est faite comme suit :

L'invention se caractérise par :

Revendication 1 : « Dispositif de protection pour excavation, caractérisé en ce qu'il est constitué avec une structure gonflable ».

Revendication 2 : « Dispositif de protection, selon la revendication 1, dans lequel ladite structure gonflable comporte des moyens de maintien avec d'autres dispositifs de protection équivalents ».

Revendication 3 : « Dispositif de protection selon la revendication 2 dans lequel les moyens

de maintien sont des sangles de liaison (2), réparties sur la hauteur de la structure gonflable, et sur au moins une face du dispositif de protection».

Revendication 4 : « Dispositif de protection selon la revendication 1, dans lequel ladite structure se présente sous la forme d'une poche souple permettant d'une part un stockage plié à plat, ou enroulé dudit dispositif, et d'autre part un gonflage en forme globalement de parallélépipède ».

Revendication 5 : « Dispositif de protection selon la revendication 4, dans lequel ladite poche souple est renforcée par des tissus résistants, du caoutchouc ou de plastiques épais.

Revendication 6 :« Dispositif de protection selon la revendication 1, dans lequel la structure

gonflable comporte une valve (3) et un clapet de surpression (4) ».

Revendication 7 « Dispositif de protection selon la revendication 6, dans lequel la valve et le clapet de surpression sont placés dans la partie haute du dispositif, de préférence sur la face intérieure orientée vers l'excavation ».

Revendication 8 : « Dispositif de protection selon la revendication 1, dans lequel la structure gonflable est souple avant gonflage et partiellement déformable une fois gonflée, de manière à s'adapter à l'excavation».

Revendication 9 : Dispositif de protection selon l'une quelconque des revendications

précédentes dans lequel la structure gonflable comporte des pattes (5) pour la manutention

placées dans la partie supérieure dudit dispositif de protection ».

Revendication 10 : « Dispositif de protection selon l'une quelconque des revendications précédentes dans lequel la structure gonflable comporte des visuels de sécurité tels que des

bandes réfléchissantes ou/et luminescentes».

La société les Eaux du Nord a déposé le 12 mai 2010 une demande de brevet européen N° 10370006.8 présentant le même intitulé et les mêmes inventeurs, publiée le 1er décembre 2012 sous le numéro EP2256252 avec revendication de la priorité du dépôt de la demande française N° 09/2300.

Il ressort des pièces communiquées et notamment des courriers et mails échangés entre les parties et attestations, que la société les Eaux du Nord qui voulait mettre en oeuvre un dispositif de protection anti-éboulement dans le cadre de fouilles alors que D L son chef d'Agence avait eu l'idée d'utiliser un coussin gonflable pour la protection des petites fouilles a contacté au premier semestre 2008 la société Musthane à qui a été exposée cette problématique au cours d'un entretien, par ce dernier, à laquelle elle a répondu le 17 juin 2008 par une présentation de trois dispositifs A, B, C, composés de coussins gonflables, coussins anti éboulement permettant un stockage à plat une fois repliés.

Le 21 août 2008 la société des Eaux du Nord passait commande de la fabrication et de la livraison de deux prototypes correspondant à la solution A et C, ainsi que de deux jours d'assistance technique et formation ; étaient annexés à la confirmation de vente du 17 septembre 2008 les plans sur lesquels 9 figures portaient la mention suivante : '"le document est la propriété de Musthane. Il ne peut pas être utilisé, reproduit, communiqué ou divulgué sans son autorisation écrite préalable".

Le 10 octobre 2008 la solution A était retenue et les spécifications anti-éboulement n'ont plus été modifiées, seules des modifications mineures : bande réfléchissante, sangles de couleur et plus larges, repositionnement de la valve de remplissage sont intervenues

A compter du mois de février 2009 les parties entament des discussions en vue de l'élaboration d'une convention.

Le 24 mars 2009 la société Musthane a déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle une enveloppe Soleau qui contient un descriptif de l'invention ainsi que les plans qui avaient été annexés à la confirmation de commande du 17 septembre 2008.

Le 13 mai 2009 la société des Eaux du Nord dépose la demande de brevet français.

Le 7 juin 2010 la société les Eaux du Nord dépose la marque BLINDEO pour désigner les coussins objets de l'invention.

Le 2 novembre 2010 la société les Eaux du Nord adresse une lettre de rupture de partenariat sur les coussins anti-éboulement.

La demande de brevet français caractérisent les éléments essentiels décrits au titre de l'invention déposée par la société Musthane dans l'enveloppe Soleau.

En effet, le premier feuillet de l'enveloppe Soleau qui en comporte trois décrit le système existant et décrit le nouveau système comme suit : 'le but de la solution est d'avoir quelque chose de léger et de rapide à mettre en place, résistant à la corrosion et qui protège le technicien des éléments extérieurs type projection de cailloux, mont de terre ou gravats qui risqueraient de l'atteindre lors de la réparation. Le but de notre système est aussi de maintenir en place les sols qui sont meubles type sable par exemple. Notre système devra protéger l'individu dans la canalisation contre la projection de cailloux ou éventuels éboulement de terre aux alentours du forage. Voici comment notre système fonctionne : glisser le coussin dans le forage adéquat ; glisser un deuxième coussin si nécessaire d'une manière perpendiculaire au premier ; les relier via un système de sangles pour avoir un bon positionnement dans le forage ; gonfler le système jusqu'au déclenchement de la soupape ; une fois le système gonflé le technicien pourra intervenir en toute sécurité ; une fois la réparation terminée, dégonfler le coussin : rouler le coussin afin de prendre un minimum de place dans le camion'.

Cette description est accompagnée de vues en 3D et de quatre figures annotées qui sont reprises dans les figures 1 à 3 du brevet alors que la vue en 3 D figurant au bas du descriptif du premier feuillet est reprise à la figure 4 du brevet, ces figures avaient déjà été communiquées à la société les Eaux du Nord le 17 juin 2008.

Il n'est pas contesté que l'activité inventive par rapport au résultat revendiqué ressort tant dans l'enveloppe Soleau que dans la demande de brevet.

La société les Eaux du Nord qui dispose d'ingénieurs et de techniciens verse aux débats un schéma dont il est établi qu'il avait été communiqué préalablement, en février 2008, à la société Pronal, relatif à une structure gonflable en toile PVC avec valve et attaches en velcro. S'il ne donne pas encore les caractéristiques précises de l'invention qui en est encore au début de sa conception, elle amorce une formalisation de celle-ci conçue par la société les Eaux du Nord pour répondre à ses propres besoins.

Cette première formalisation qui a été pour le moins exposée oralement, l'intimée contestant en avoir eu transmission écrite, a été développée et poursuivie sur plusieurs mois avec la société Musthane aux frais de fabrication de la société Les Eaux du Nord qui a fait le choix entre plusieurs solutions proposées par la société Musthane d'un dispositif spécifique et qui au fur et à mesure des mises au point validait les plans, positionnement de la valve de remplissage et de sécurité, la largeur des sangles.

Le bref délai dans lequel la société Musthane a pu proposer trois solutions corroborent le fait que les société les Eaux du Nord lui avaient d'ores et déjà transmis des indications précises sur l'objet de l'invention.

Dans la presse spécialisée ( Journal du BTP du 24 juillet 2009, la vie des Réseaux du 3 août 2009, la lettre des Stratégies Technologiques du 26 octobre 2009, Les Echos du 10 novembre 2009 et la voix du Nord du 10 juillet 2009) la société les Eaux du Nord a clairement reconnu la collaboration des deux sociétés dans la conception et le développement de l'invention, ce qu'elle a confirmé dans un mail du 19 mars 2010.

L'absence de revendication de la qualité d'inventeur par la société Musthane dans le cadre de la négociation de la convention, n'est pas de nature à lui ôter cette qualité puisqu'à l'époque il était envisagé de lui concéder d'autres droits, ceux de l'exclusivité de la fabrication du produit selon le procédé breveté.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Musthane a été concepteur de l'invention en collaboration avec la société Les Eaux du Nord, chacune d'elles apportant ses connaissances en leur domaine et leurs moyens respectifs. En regard des justificatifs communiqués la participation de chacune des parties à la conception et la réalisation de l'invention doit être fixée à proportion de 75% au profit de la société Musthane et 25 % au profit de la société les Eaux du Nord.

Il convient en conséquence de réformer le jugement à ce titre et de dire que chacune des sociétés sera copropriétaire de la demande de brevet d'invention français déposée le 13 mai 2009 sous le numéro 09/02.300 publiée le 19 novembre 2010 sous le numéro FR 294 55 55 dans ces proportions.

La société Musthane revendique pour la première fois en appel la propriété de la demande de dépôt du brevet européen N°10370006.8 du 12 mai 2010 publiée le 1er décembre 2010, sous le N° EP2256252 avec revendication de la priorité du dépôt de la demande française précédente.

Cependant la demande de brevet européen ayant été publiée antérieurement à l'introduction de la présente instance en date du 23 décembre 2010, de sorte que cette demande est irrecevable en application de dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur les conséquence de la copropriété :

Aux termes de l'article L. 613-29 la copropriété d'une demande de brevet ou d'un brevet est réglée par les dispositions suivantes :

Chacun des copropriétaires peut exploiter l'invention à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n'exploitent pas personnellement l'invention ou qui n'ont pas concédé de licences d'exploitation. A défaut d'accord amiable, cette indemnité est fixée par le tribunal de grande instance,

Chacun des copropriétaires peut agir en contravention à son profit.,

Chacun des copropriétaires peut concéder à des tiers une licence d'exploitation non exclusive à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n'exploitent pas personnellement l'invention ou qui n'ont pas concédé de licence d'exploitation. A défaut d'accord amiable, cette indemnité est fixée par le tribunal..

Une licence d'exploitation exclusive ne peut être accordée qu'avec l'accord de tous les copropriétaires ou par autorisation de justice.

Il convient en conséquence de réformer la décision à ce titre et de dire que chacune des parties pourra exploiter l'invention à son profit et en percevoir les fruits à proportion de leur part de copropriété.

Il échet en revanche d'enjoindre à la Société les Eaux du Nord conformément aux dispositions précitées de mettre fin à tout contrat de licence exclusive concédée, dans le délai de six mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine passé ce délai, d'une astreinte de 200 euros par jour de retard et de procéder à toutes les formalités relatives au transfert de propriété partielle, selon les modalités prévues au dispositif.

La société les Eaux du Nord est en conséquence tenue de rembourser à la société Musthane les fruits issus de l'exploitation de cette demande de brevet à proportion de ses droits de copropriété et il échet de la condamner à cette fin.

Pour ce faire, il convient de la condamner à communiquer à la société Musthane l'ensemble des justificatifs, contractuels, commerciaux et comptables au titre de cette exploitation, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision sous peine, passé ce délai d'une astreinte de 200 euros par jour de retard et d'allouer d'ores et déjà à la société Musthane une provision de 15.000 euros à valoir sur les revenus de cette exploitation.

La société les Eaux du Nord est de son côté fondée à solliciter le remboursement des frais justifiés exposés pour le dépôt de la demande de brevet à proportion de ses droits de copropriété soit : 3 868 euros.

Sur les actes de contrefaçon :

Les appelants se fondent sur des constatations effectuées par huissier le 30 novembre 2012 pour soutenir que la société Musthane proposait sur son stand au salon Pollutec à Lyon et en ligne, à cette date, un produit qui contrefaisait le dispositif de son brevet et portait atteinte à sa dénomination sociale.

Si l'action en contrefaçon se fonde sur des faits nouveaux intervenus postérieurement au jugement déféré, celle-ci cependant, n'aboutit pas aux mêmes fins que l'action en revendication de brevet soumise à la cour et ne peut être accueillie, sauf à priver la société Musthane d'un degré de juridiction.

Il convient en conséquence de déclarer, en application de l'article 564 du code de procédure civile, les demandes formées à ce titre par les appelants irrecevables.

Il n'y a donc pas lieu à surseoir à statuer jusqu'à la délivrance du brevet.

Sur l'atteinte à la dénomination sociale :

La société les Eaux du Nord soutient qu'il a été porté atteinte à sa dénomination sociale au motif ressort du procès verbal d'huissier précité, la présence d'une photographie d'une affiche sur le stand de la société Musthane lors du salon Pollutec de 2012 qui comporte la mention Ste des Eaux du Nord.

Mais cette demande fondée sur des faits nouveaux mais qui n'aboutit pas aux mêmes fins que l'action en revendication de propriété de la demande de brevet, doit être également déclarée irrecevable.

Sur les mesures réparatrices :

Attendu que c'est par une juste appréciation que la cour fait sienne que le tribunal a fixé à la somme de 10.000 euros le préjudice subi par la société Musthane résultant de l'absence de reconnaissance de ses droits sur le brevet.

La demande de publication en regard des circonstances de l'espèce n'est pas justifiée, le préjudice subi par l'intimée étant suffisamment réparé par les dispositions prises aux termes de cette décision.

Sur les autres demandes :

L'équité commande d'allouer à la société Musthane la somme de 20.000 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel et de rejeter la demande formée à ce titre par les appelants.

Les dépens resteront à la charge in solidum des appelants et seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, sans comprendre le coût du constat d'huissier du 2 décembre 2010 qui ne sont pas des dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Réforme partiellement le jugement,

Déclare bien fondée la demande de la société Musthane en revendication de la propriété de la demande de brevet d'invention français déposée le 13 mai 2009 sous le numéro 09/02.300 par la société les Eaux du Nord et publiée à l'INPI le 19 novembre 2010 sous le numéro FR294 55 55 dans la proportion de 75% de la propriété totale, 25% étant la propriété de la société les Eaux du Nord avec pour inventeurs Messieurs P-C I et D L,

En conséquence,

Condamne la société les Eaux du Nord à effectuer toute formalité, souscrire tous actes et donner tout pouvoir en vue du transfert au nom de la société Musthane de la copropriété de ce brevet à proportion de 75% dans le délai de quatre mois de la signification de la présente décision, sous peine passé ce délai d'une astreinte de 200 euros par jour de retard,

Dit que la mention du présent arrêt sera inscrit au Registre National des Brevets tenu par l'INPI,

Autorise la société Musthane à procéder elle-même à toutes formalités de publication, notification, transfert auprès de l'office des brevets sur présentation de la présente décision, faute par la société des Eaux du Nord d'avoir procédé à ce transfert dans le délai ci-dessus prescrit, à la charge et aux frais de la société les Eaux du Nord,

Ordonne à la société les Eaux du Nord de mettre fin aux contrats de licences exclusives relatives à cette demande de brevet (fabrication, vente..) dans le délai de six mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine passé ce délai d'une astreinte de 200 euros par jour de retard,

Condamne la société les Eaux du Nord à restituer à la société Musthane les fruits et revenus tirés de l'exploitation du produit visé par la demande de brevet français à proportion de ses droits de copropriété,

Condamne la société les Eaux du Nord à communiquer à la société Musthane l'ensemble des justificatifs, contractuels commerciaux et comptables au titre de cette exploitation dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision sous peine, passé ce délai d'une astreinte de 200 euros par jours de retard ,

Condamne la société les Eaux du Nord à payer à la société Musthane une provision de 15.000 euros à valoir sur ces fruits,

Condamne la société Musthane à payer à la société les Eaux du Nord la somme de 3.868 euros au titre des frais exposés pour le dépôt de la demande de brevet à proportion de ses droits de copropriété,

Rejette le surplus des demandes des appelants,

Rejette le surplus des demandes de la société Musthane,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne in solidum les appelants à payer à la société intimée la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les appelants aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.