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Décisions

Cass. 1re civ., 2 février 2022, n° 20-10.855

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Helvetia Assurances (SA)

Défendeur :

Alliance Yacht (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

SCP Foussard et Froger, Me Haas

Président :

M. Chauvin

Avocat général :

M. Poirret

Avocat général :

Mme Robin-Raschel

Fort-de-France, du 14 mai 2019

14 mai 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 14 mai 2019), le 20 janvier 2011, la société SGB Finance (l'acquéreur) a acquis un navire de la société Turquoise yachting alliance yacht, devenue la société Alliance yacht (le vendeur). Ce navire a été donné en location, avec option d'achat, à M. [M] (le locataire), assuré auprès de la société Groupama transports, aux droits de laquelle se trouve la société Helvetia assurances (l'assureur). Le 28 janvier 2011, le locataire a signé un procès-verbal de réception. A la suite de la destruction du navire par un incendie survenu le 29 octobre 2011, l'assureur a indemnisé le locataire et l'acquéreur, lequel en a donné quittance le 27 février 2012.

2. Le 19 avril 2013, l'assureur, invoquant un défaut de conformité, a assigné en résolution de la vente le vendeur, qui a opposé la prescription de l'action. Moyens Examen des moyens

Sur le premier moyen

Il est statué sur ce moyen après avis de la deuxième chambre civile, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.

Enoncé du moyen

3. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action, alors « que la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d'agir ; qu'à ce titre la prescription de l'action fondée sur la subrogation ne peut commencer à courir avant le paiement subrogatoire ; qu'en se bornant à retenir que l'action du subrogé est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime pour retenir que le délai de prescription de l'action du subrogé devait être fixé au jour de la délivrance du navire, quand seul le paiement subrogatoire intervenu ultérieurement était de nature à faire courir le délai de prescription à l'égard de l'assureur subrogé, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil, ensemble l'article 1252 ancien du code civil. »

Motivation

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 121-12 du code des assurances, dans les assurances de dommages, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

5. En vertu des règles générales qui gouvernent la subrogation, prévues par les articles 1250 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicables à la cause, le débiteur, poursuivi par un créancier subrogé dans les droits de son créancier originaire, peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense que ceux dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire (1re Civ., 4 avril 1984, pourvoi n° 82-16.683, Bull. 1984, I, n° 131 ; 1re Civ., 18 octobre 2005, pourvoi n° 04-15.295, Bull. 2005, I, n° 375 ; Com., 11 décembre 2007, pourvoi n° 06-13.592, Bull. 2007, IV, n° 261). Il en résulte que celui qui est subrogé dans les droits de la victime d'un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci, de sorte que son action contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime (1re Civ., 4 février 2003, pourvoi n° 99-15.717, Bull. 2003, I, n° 30 ; 2e Civ., 15 mars 2007, pourvoi n° 06-11.509).

6. En application de ces principes, le point de départ de la prescription de l'action du subrogé est identique à celui de l'action du subrogeant (1re Civ., 4 février 2003, pourvoi n° 99-15.717, Bull. 2003, I, n° 30 ; 2e Civ., 17 janvier 2013, pourvoi n° 11-25.723, Bull. 2013, II, n° 8 ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-22.179 ; Com., 5 mai 2021, pourvoi n° 19-14.486, en cours de publication).

7. Après avoir énoncé à bon droit que l'action de la personne subrogée dans les droits de la victime d'un dommage contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action de la victime et retenu qu'était applicable à l'action subrogatoire de l'assureur l'article L. 211-12 du code de la consommation, selon lequel l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien, la cour d'appel en a exactement déduit que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à cette date.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. L'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien ; que la délivrance suppose la remise de la chose et de ses accessoires ; que le certificat de francisation d'un navire en constitue l'accessoire ; qu'en décidant que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour du procès-verbal de réception quand il résultait de ses constatations qu'à cette date, le certificat du navire n'avait pas encore été établi, la cour d'appel a violé l'article L. 211-12 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause, ensemble les articles 1604 et 1615 du code civil ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait l'assureur, si le procès verbal de livraison réception n'avait pas été signé dans le seul but de permettre que les fonds soit débloqués par l'acquéreur de sorte qu'il n'avait pas vocation à rapporter la preuve de l'exécution de l'obligation de délivrance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 211-12 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause, et des articles 1604 et 1615 du code civil. »

Motivation

Réponse de la Cour

10. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation que la cour d'appel a estimé que la délivrance était intervenue lorsque, dans le procès-verbal du 28 janvier 2011, le locataire, agissant en qualité de mandataire de l'acquéreur, avait attesté prendre livraison du navire, muni des pièces en permettant sa francisation et son immatriculation, le vendeur avait reconnu l'avoir livré et le locataire et le vendeur avaient demandé à l'acquéreur le paiement du prix, de sorte que l'action de l'assureur, engagée plus de deux ans après, le 28 avril 2013, était prescrite.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Helvetia assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.