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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 10, 27 janvier 2022, n° 19/10111

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Elegance Location (SARL)

Défendeur :

Volkswagen Group France (SA), Espace Paris Sud (SAS), Axa France Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Papin

Conseillers :

Mme Chazalette, Mme Lefevre

TGI Evry, du 8 mars 2019

8 mars 2019

Le 24 mars 2011, M. Grégory L. a acquis un véhicule de marque Audi mis pour la première fois en circulation en Allemagne et présentant un kilométrage de 19 792 kilomètres, auprès de la Sarl Sofia, pour un prix de 71 000 euros. Le certificat d'immatriculation a été établi au nom de M. L. et à celui de la société dont il est le gérant, la société Élégance location.

Le 3 mai 2011, la société Audi Espace Paris sud est intervenue pour remplacer le ciel de pavillon.

Le 25 juillet 2011, une panne a immobilisé le véhicule présentant alors un kilométrage de 27 049 kilomètres.

Le véhicule a été confié à la société Audi Espace Paris sud qui, le 3 octobre 2011, a attesté avoir constaté qu'une bielle avait traversé le bloc moteur, et que ce phénomène peut trouver origine lors d'un sur régime et donc être assimilé par le constructeur a un défaut d'utilisation. Le 8 octobre 2011, la société Audi Espace Paris sud a procédé au remplacement de la batterie et du moteur du véhicule pour un coût de 19 995,58 euros facturé à la société Élégance location.

Le 25 juin 2012, une nouvelle panne est survenue nécessitant selon les premières constatations de changer le moteur, le radiateur d'huile et les conduits d'huile.

Après une expertise amiable confiée au cabinet AAME qui a constaté une importante présence de limaille dans l'ensemble du circuit de lubrification, faute pour le garage d'avoir remplacé des organes contaminés lors de son intervention d'octobre 2011 et le refus du service client de la société Audi France de prendre en charge ce remplacement au motif que l'origine de l'avarie n'était pas imputable au produit, M. L. a engagé une procédure de référé expertise, devant le président du tribunal de grande instance de Nice.

M. B., expert désigné par une ordonnance du 5 septembre 2013, a déposé son rapport, le 11 août 2014. Il conclut à un dommage imputable au garagiste, la société Audi Espace Paris sud, qui n'a pas respecté les règles de l'art et les préconisations du constructeur lors du remplacement du moteur.

Par actes extra-judiciaires en date des 18, 19 et 21 novembre 2014, M. L. et la société Élégance location ont assigné devant le tribunal de grande instance de Nice, les sociétés Volkswagen group France, Audi Espace Paris sud, et AXA France aux fins de les voir condamner solidairement à les indemniser de leurs préjudices.

Par une ordonnance de mise en état du 16 février 2016, l'incompétence de la juridiction saisie a été constatée et l'affaire a été renvoyée devant le tribunal de grande instance d'Evry.

Par jugement du 08 mars 2019, le tribunal de grande instance d'Evry a :

- déclaré la société Espace Paris sud responsable du dommage survenu au véhicule AUDI R8 suite à la réparation du 8 octobre 2011 ;

- condamné in solidum la société Espace Paris sud et la société Axa France Iard à payer à M. L. et à la société Élégance location la somme de 47 998,43 euros, au titre de la réparation du bloc moteur, celle de 8 446,38 euros, au titre des frais de remise en circulation du véhicule, celle de 22 167 euros, au titre des frais de gardiennage, celle de 14 000 euros, au titre de la perte de valorisation du véhicule, celle de 4 162,80 euros, au titre des frais d'expertise amiable, le tout avec intérêts au taux légal à compter du jugement et anatocisme ;

- débouté M. L. et la société Élégance location de leurs demandes au titre des frais de remplacement du premier moteur, de leur préjudice moral, des frais de location du véhicule, de dommages et intérêts au titre de la perte d'exploitation ;

- débouté les sociétés Espace Paris Sud et Axa France Iard de leur demande portant sur les limites de la garantie due par l'assureur,

- débouté M. L. et la société Élégance location de leurs demandes formées à l'égard de la société Volkswagen group France ;

- condamné in solidum les sociétés Espace Paris sud et Axa France Iard à payer à M. L. et à la société Élégance location la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. L. et la société Élégance location à verser à la société Volkswagen group France la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les sociétés Espace Paris sud et Axa France Iard aux dépens de l'instance y compris les frais d'expertise judiciaire, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et ordonnant l'exécution provisoire de sa décision.

Par déclaration du 10 mai 2019, M. L. et la société Élégance location ont interjeté appel de ce jugement et aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 octobre 2021, ils demandent à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1217 et suivants, 1641 et suivants du code civil, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Espace Paris sud et l'a condamnée in solidum avec son assureur au paiement de diverses sommes, ordonné la capitalisation des intérêts, écarté les limites de la garantie de Axa France Iard, de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau de :

-déclarer la société Volkswagen group France responsable du dommage survenu au véhicule Audi R8, lors de la première casse du moteur, le 25 juillet 2011 et de dire que la société Espace Paris sud a procédé à une réparation inefficace le 8 octobre 2011 et en conséquence, de condamner in solidum les sociétés Volkswagen group France, Espace Paris sud et Axa France Iard à leur rembourser le coût de la réparation du 8 octobre 2011, soit 16 718.71 euros hors taxes outre les sommes de 47 998.43 euros au titre de la réparation du bloc moteur, celle de 8 446,38 euros, au titre des frais de remise en circulation du véhicule, celle de 66 744 euros au titre des frais de gardiennage, celle de 52 850 euros au titre de la perte de valorisation du véhicule, celle de 4 162,80 euros, au titre des frais d'expertise amiable, celles de 15 000 euros et de 186 636 euros en réparation de leurs préjudices moral et de jouissance, le tout avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et les dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 novembre 2021, la société Volkswagen group France SIREN n° 832 277 370) demande à la cour de constater qu'elle vient aux droits de la société Volkswagen group France (SIREN n° 602 025 538) suite à l'opération d'apport partiel d'actif et soutient la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées à son encontre ainsi que le rejet de celles-ci. Elle sollicite la condamnation de M. L. et la société Élégance location au paiement de la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de toute partie succombante aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique, le 16 septembre 2019, la société Espace Paris sud et son assureur, Axa France Iard demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris sur le montant des frais de gardiennage et en ce qu'il a rejeté les demandes relatives aux frais de remplacement du premier moteur, au préjudice moral, aux frais de location du véhicule et à la perte d'exploitation et de l'infirmer en ce qu'il est entré en voie de condamnation à leur encontre au titre des frais de réparation du bloc moteur, des frais de remise en circulation du véhicule, de la perte de valorisation du véhicule, des frais d'expertise amiable et de l'article 700 du code de procédure civile et en e qu'il a rejeté la demande tendant à voir appliquer la limite de garantie du contrat d'assurance.

Ils sollicitent en conséquence, que la cour statuant à nouveau :

- fixe les frais de réparation du moteur à la somme de 26 205,92 euros et les frais de remise en état complémentaire à la somme de 2 000 euros

- déboute les appelants de leur demande au titre de la perte de valorisation du véhicule, des frais d'expertise amiable,

- juge que le contrat d'assurance est assorti d'une franchise de 10% avec un plafond de 978 euros et que la limite de garantie, concernant les dommages immatériels, est fixée à la somme de 195 610 euros,

- réduise à de plus justes proportions la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- laisse à la charge de chacune des parties les autres dépens de l'instance d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 novembre 2021.

SUR CE, LA COUR

Au préalable, il convient de relever que si la société Volkswagen groupe France critique, dans le corps de ses écritures, le jugement en ce qu'il a écarté la prescription de l'action engagée à son encontre par M. L. et la société qu'il dirige, elle sollicite exclusivement, aux termes du dispositif de ses conclusions, la confirmation du jugement et le rejet des prétentions adverses. En application de l'article 954 du code de procédure civile, c'est ce dispositif qui fixe les limites du litige et la cour n'aura pas à examiner les moyens soutenus pour écarter ou affirmer la recevabilité des prétentions des appelants à l'encontre de la société Volkswagen groupe France.

Sur la responsabilité du garagiste :

M. L. et la société Élégance location soutiennent les motifs adoptés par le tribunal et la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du garage dont l'intervention après la première casse moteur est critiquée par l'expert qui caractérise un non-respect des règles de l'art. Ils estiment que l'argument de la société Espace Paris sud : des préconisations inadéquates du constructeur qui ne faisait pas clairement état de la nécessité de changer le radiateur est inopérant et contestent l'usage inadéquat du véhicule.

Le garage et son assureur ont interjeté appel incident, faisant valoir que les règles à respecter lors du remplacement d'un moteur n'avaient pas été portées clairement à la connaissance des garagistes à l'époque des faits. Ils relèvent également qu'il y a eu une aggravation des dommages manifeste du fait de l'utilisation inadéquate du véhicule, concluant que ces éléments devront être pris en compte dans la détermination des préjudices imputables aux fautes retenues à l'encontre du garage.

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le garagiste qui s'engage à remettre le véhicule en bon état de fonctionnement est tenu à une obligation de résultat. Le créancier de cette obligation est tenu de rapporter la preuve que le dommage trouve son origine soit dans une défectuosité antérieure à la réparation, que le garagiste n'aurait pas diagnostiquée, soit dans une défectuosité présentant un lien de causalité avec son intervention.

En l'espèce, la société Espace Paris sud ne conteste pas que lors de son intervention du 8 octobre 2011, elle a installé un nouveau moteur sur le véhicule de M. L. sans changer les éléments périphériques et que lors des opérations d'expertise judiciaire, le technicien judiciaire qui a examiné le véhicule après sa seconde panne, en juin 2012, a constaté une présence importante de limaille dans l'ensemble du circuit de lubrification.

L'expert précise que cette présence a contaminé et détruit les organes lubrifiés jusqu'à la panne et que ce phénomène trouve son origine au niveau des éléments périphériques contaminés par le lubrifiant et non remplacés par le garagiste lors de son intervention d'octobre 2011, comme l'imposaient les règles de l'art et les prescriptions du constructeur.

Ce constat suffit à engager la responsabilité contractuelle de la société Espace Paris sud qui ne peut pas se retrancher derrière un manque de clarté des préconisations du constructeur, dont elle ne recherche pas la garantie. Elle ne peut pas plus arguer d'un mésusage du véhicule - un sur-régime (8400 tours/mn au lieu de 8250) - dont l'expert constate de façon argumentée et sans être contredit utilement, qu'il est peu significatif, de courte durée et ne peut pas être à l'origine des dommages.

La décision déférée sera confirmée de ce chef.

Sur responsabilité de la société Volkswagen groupe France :

Les appelants affirment le défaut du moteur d'origine du véhicule, cassé le 25 juin 2011, mettant en avant, le faible kilométrage parcouru ainsi que les conclusions de l'expert lorsqu'il écarte qu'une avarie type bielle coulée puisse trouver sa cause dans une utilisation du véhicule.

La société Volkswagen groupe France fait valoir que la cause de la casse du premier moteur demeure indéterminée ou à tout le moins, qu'il existe un doute, puisqu'elle était imputée par le constructeur et l'expert amiable à un sur-régime. Elle relève l'absence de défaut du second moteur qu'elle a fourni.

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Ainsi que la société Volkswagen groupe France l'a soutenu devant l'expert et l'évoque dans ses écritures, la preuve n'est pas rapportée de son intervention dans la chaîne des contrats relatifs au véhicule acquis en dernier lieu par M. L. auprès d'une société Sofia, après une première mise en circulation en Allemagne. D'ailleurs, les appelants entretiennent une confusion entre la société intimée, Volkswagen groupe France et le constructeur du véhicule, la société Audi dont le service de relations clients a été sollicité, le 11 juillet 2012 (annexe 19 du rapport AAME).

Nonobstant l'absence de preuve que la société intimée serait débitrice de la garantie des vices cachés, aucun des techniciens - expert amiable ou expert judiciaire - n'a pu examiner le moteur déposé le 8 octobre 2011 et se prononcer sur la cause de sa défaillance. Le conseil de M. L. a d'ailleurs précisé dans son courrier à la société Audi du 11 juillet 2021, que lors de l'expertise réalisée à la demande de son client après la panne du 25 juillet 2011, il a été observé que l'origine exacte de la panne mécanique reste indéterminée.

Le vice de la chose, ne peut se déduire du faible kilométrage du véhicule (27049 km) à la date de la panne dès lors que l'expert judiciaire, ainsi qu'il est dit ci-dessus, n'a écarté le défaut d'utilisation (un sur-régime) que comme cause possible de la casse du second moteur, eu égard aux éléments qu'il relevait et qui sont rappelés ci-dessus.

Dès lors, les appelants qui supportent la charge et donc le risque de la preuve d'un vice de la chose antérieur à la vente, seront déboutés de leurs demandes à l'encontre de la société Volkswagen groupe France, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les dommages dont la réparation est sollicitée :

Le tribunal a retenu comme étant en lien de causalité avec le manquement du garagiste, le coût de réparation du bloc moteur (47 998,43 euros), les frais de remise en circulation du véhicule compte tenu de sa longue immobilisation (8 446,38 euros), les frais de l'expertise amiable (4 162,80 euros), les frais de gardiennage (22 167 euros) et une perte de valorisation du véhicule (14 000 euros) ces deux chefs de préjudice étant pris en compte jusqu'à la date d'une offre d'indemnisation de l'assureur, en octobre 2014.

Les appelants contestent le rejet du surplus de leurs prétentions soit leurs demandes de remboursement du coût de l'intervention du 8 octobre 2011, d'indemnisation de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral ainsi que la limitation pour un motif inopérant de l'indemnisation au titre des frais de gardiennage et de la perte de valorisation du véhicule, faisant valoir que l'offre de l'assureur ne permettait pas de couvrir l'entier dommage.

La société Espace Paris sud critique le jugement sur les montants alloués, relevant que les appelants ont contribué à la réalisation des dommages et conteste devoir rembourser la facture relative à son intervention du 8 octobre 2011 et s'agissant des frais de remise en état, de devoir prendre en charge le remplacement de la boîte de vitesse.

L'expert judiciaire conclut, en page 67 de son rapport, que seul le changement de ce moteur est ici de mise et nous avons joint un premier chiffrage estimatif (...) pour un montant de 47 998,43 euros ttc somme (...) de laquelle il faudra déduire le remplacement de la boîte de vitesse non visée dans le présent dommage. L'allégation des appelants de la nécessité du remplacement de cet organe ne repose sur aucune pièce ou avis d'un professionnel et sera écarté. Il sera retenu au titre des frais de remplacement du moteur, une somme de 27 147,36 euros (47 998,43- 20 851,07), le garage ne pouvant sérieusement soutenir que le remplacement du réservoir d'huile (nécessairement, comme le précédent, contaminé par le lubrifiant saturé de limaille) était inutile. Le jugement déféré sera infirmé pour prendre en compte ce montant, la condamnation devant être prononcée au profit des appelants en l'absence de contestation sur ce point de l'intimée.

En revanche, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle écarte le remboursement du coût de l'intervention du 8 octobre 2011, prestation exécutée par le garagiste et dont la mauvaise exécution a engagé sa responsabilité.

S'agissant des frais de remise en circulation du véhicule réclamés à hauteur de 8 446,38 euros ttc (7038,65 euros ht), l'expert note que dans le cas où une remise en circulation serait envisagée, il faudra parfaire ce chiffrage estimatif en ayant de plus à l'esprit que des frais de remise en route à la suite d'une immobilisation prolongée sont dans ce cas à prévoir (batterie/pneus/freins/carburant).

Les appelants n'ont soumis à l'expert aucun devis relatif à ces frais et ont fait établir, le 30 avril 2018, un devis portant estimation à la demande du client, du remplacement des quatre pneus, des disques et plaquettes de freins et amortisseurs. Cette estimation inclut des pièces dont l'expert judiciaire ne retient pas que leur remplacement devait être envisagé (jambes de force et amortisseurs pour un coût de fourniture, pose et dépose de 2 430 euros ht). Aucune pièce ou avis ne vient justifier de leur détérioration du fait de l'immobilisation du véhicule et dès lors, leur remboursement sera écarté. Les frais nécessaires à la remise en circulation du véhicule s'élèvent à la somme de 5 530,38 euros (7038,65 -2430 x120%).

L'indemnisation de la victime devant se faire sans perte ni profit, afin de la replacer dans l'état où elle se trouvait avant la survenance du sinistre, et donc, en l'espèce, la remettre en possession d'un véhicule pouvant rouler, les frais de remise en état du véhicule doivent être pris en compte mais dans les limites fixées par la cour.

Le 22 octobre 2014, soit après le dépôt de son rapport par M. B., la société Axa France Iard a adressé au conseil des appelants une lettre officielle accompagnée d'une quittance d'indemnité à retourner signée, préalable au versement d'une provision de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation du sinistre. Les appelants n'ont pas donné suite à cette offre qu'aucune renonciation de droit ne venait conditionner et qui leur permettait de régler les frais de réparation du véhicule imputables à la faute du garage ainsi que les frais de gardiennage alors exigibles, et ce eu égard à la teneur de la quittance sans compromettre l'indemnisation du surplus de leurs dommages.

Dès lors, passé le 22 octobre 2014, les dommages qu'il s'agisse des frais de gardiennage, de la perte de valeur du véhicule ou d'un éventuel trouble de jouissance - trouvent leur cause exclusive dans l'attitude des appelants que rien ne justifiait.

La décision déférée sera confirmée sur la limitation des frais de gardiennage à la période antérieure à cette offre, qui sont seuls imputables à la faute commise par la société Espace Paris sud.

Pour le motif retenu ci-dessus, la perte liée à la dépréciation du véhicule ne peut pas être retenue au-delà du mois d'octobre 2014, soit sur une période de 27 mois. L'expert retient sans être contredit utilement par la société Espace Paris sud une dépréciation moyenne du véhicule de 10% par an, ce qui justifie l'allocation de la somme de 14 000 euros retenue par le tribunal, dont la décision sera confirmée de ce chef.

Enfin les honoraires de l'expert amiable, le cabinet AAME ainsi que les frais d'assistance de M. L. à l'expertise sont des frais exposés par l'appelant pour assurer sa défense. Il s'agit de frais irrépétibles et non d'un dommage en lien de causalité directe avec la faute du garage. La décision sera infirmée en ce qu'elle alloue des dommages et intérêts à ce titre.

Les appelants réclament le remboursement des frais de démontage du véhicule selon leurs écritures pour le montant d'une note finale de 5419,32 euros, qui n'est pas produite. Par ailleurs, il ressort de l'expertise judiciaire et des annexes 56 et 58 du rapport AAME que ce démontage est intervenu pour les besoins de l'expertise amiable. Dès lors, aucune somme ne sera allouée à ce titre.

M. L. et la société Élégance location sollicitent une somme de 186 636 euros en réparation d'un préjudice de jouissance. Ils font valoir que le tribunal ne pouvait pas rejeter toute indemnisation au titre de la location d'un véhicule de remplacement ou de la perte d'exploitation de la société Élégance location. Ils procèdent à un calcul sur la base évoquée par l'expert de 75,50 euros, correspondant à 1/1000ème de la valeur du véhicule à la date de son immobilisation, pour la période comprise entre cette date et la récupération du véhicule, le 30 avril 2019. Ils avancent qu'il n'a jamais été sérieusement contesté que le véhicule était destiné à la location, ajoutant que la privation d'usage d'un véhicule entraîne nécessairement un préjudice pour son propriétaire, et ce d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un véhicule professionnel, comme en l'espèce, puisqu'il s'agissait d'une automobile vouée à la location.

La société Espace Paris sud et son assureur concluent au rejet de cette demande, faisant valoir que les pièces produites ne permettent pas d'établir d'une quelconque manière que la perte du véhicule sinistré a impacté le résultat financier des locations de la société et que malgré les demandes de l'expert et des parties, aucun historique comptable sur la location du dit véhicule avant sinistre n'est produit.

Il ressort de ce qui précède, que bien que sollicitant une condamnation à leur profit conjoint, les appelants réclament en réalité, la réparation du trouble de jouissance de la société commerciale.

Ils expliquent que le véhicule acquis par M. L. a été mis à disposition de la société Élégance location, spécialisée dans la location de véhicules. Cette mise à disposition à titre gratuit a été faite par M. L. à la suite du rachat des parts de la société Élégance location par ce dernier, à charge pour la société de prendre à sa charge toutes les dépenses relatives au fonctionnement, à l'entretien et à la réparation de ce véhicule.

Contrairement aux allégations des appelants, cet usage commercial du véhicule a fait l'objet d'interrogation de l'expert et des parties appelées à l'expertise. Ainsi, lors de la première réunion d'expertise, le conseil de M. L., qui avait initié seul la procédure de référé, sur interpellation de l'expert, a indiqué qu'il interrogerait son client sur la destination du véhicule mais qu'il pensait qu'il avait acheté cette Audi en son nom propre et qu'il la loue à Élégance location. Il a également noté le souhait de l'expert de se voir communiquer les contrats de locations pour le véhicule concerné soit les dossiers complets à l'arrivée et au retour du véhicule, soit un historique complet des locations. L'expert note dans sa réponse aux dires, que l'approche de la facette commerciale n'est pas présentée par le demandeur.

En l'état du dossier, la cour se doit de relever que la société Élégance location produit trois factures de location d'un véhicule Audi datées des 1er janvier 2013 (période du 1er au 31 décembre 2013) 1er janvier 2014 (période du 1er janvier au 31 août 2014) et 1er septembre 2014 (période du 1er et 30 septembre 2014), sans produire les documents établis lors du retour du véhicule loué ou justifier de leur règlement.

Ces documents s'apparentent à des factures proforma dont l'acceptation par la société cliente, soit la société Élégance location n'est pas démontrée. Surtout, aucun document ne vient établir que le véhicule prétendument loué aurait été proposé à la location, ce qui est d'ailleurs incompatible avec la désignation sur ces factures de M. L. comme conducteur.

La société Élégance location échoue à rapporter la preuve de la location effective d'un véhicule de remplacement destiné à être proposé à ses clients, ce qui exclut que son préjudice matériel puisse être envisagé sous cet angle.

La société Élégance location évoque la notion de perte d'exploitation, qui suppose la détermination de la marge brute attendue de la location du véhicule. Elle n'apporte aux débats aucun élément comptable permettant d'apprécier le chiffre d'affaires généré par la prétendue location du véhicule avant sa panne de juillet 2012 ainsi que les frais variables afférents à son exploitation. Le constat d'une absence totale de communication devant l'expert puis devant le tribunal et la cour du moindre élément comptable ne peut qu'être le reflet d'une incapacité de la société Élégance location à justifier d'une réelle exploitation commerciale du véhicule, ce qui doit conduire la cour à retenir que celle-ci était tout au plus épisodique, ce qui justifie l'allocation d'une indemnité de 27 000 euros (1 000 euros par mois) au titre d'une privation de jouissance.

S'agissant du préjudice moral, celui-ci ne peut pas être nié, M. L. à titre personnel et comme gérant de la société Élégance location a dû supporter les tracas d'une procédure judiciaire, après la recherche d'une solution amiable. Il sera alloué aux appelants qui forment à ce titre une demande conjointe, la somme de 2 000 euros.

Les sommes allouées par la cour aux appelants porteront intérêts à compter du présent arrêt et les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés.

Enfin à hauteur d'appel, l'assureur produit certes, copie de l'écran informatique récapitulant des conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la société Espace Paris sud, mais celles-ci sont applicables au 1er août 2012, soit postérieurement au sinistre garanti. La décision déférée sera confirmée dans le rejet de la demande de l'assureur de limiter sa garantie au regard de stipulations de sa police, dont les conditions particulières applicables à la date du sinistre ne sont pas produites.

Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées. Il sera fait masse des dépens d'appel qui seront supportés par moitié par les appelants d'une part et par les sociétés Espace Paris sud et Axa France Iard d'autre part et il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la seule société Volkswagen groupe France, les appelants étant condamnés à lui payer une indemnité complémentaire au titre des frais qu'elle a exposés pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Evry, le 8 mars 2019 sauf en ce qu'il a condamné in solidum la société Espace Paris sud et la société Axa France Iard à payer à M. L. et à la société Élégance location la somme de 47 998,43 euros, au titre de la réparation du bloc moteur, celle de 8446,38 euros au titre des frais de remise en circulation du véhicule et celle de 4162,80 euros au titre des frais d'expertise amiable et en ce qu'il a rejeté les demandes de M. L. et la société Élégance location au titre de leur préjudice moral et de leur perte d'exploitation ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne in solidum la société Espace Paris sud et la société Axa France Iard à payer à M. L. et à la société Élégance location les sommes suivantes :

- la somme de 27 147,36 euros au titre des frais de remplacement du moteur ;

- la somme de 5 530,38 euros au titre des frais de remise en circulation du véhicule ;

- la somme de 27 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral ;

et ce avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Dit que les intérêts dus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts ;

Déboute M. L. et la société Élégance location du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. L. et la société Élégance location à payer à la société Volkswagen groupe France la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile aux profits des autres parties ;

Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par M. L. et la société Élégance location d'une part et par les sociétés Espace Paris sud et Axa France Iard et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.