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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 3 février 2022, n° 21/01457

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Carrefour Proximité France (Sté)

Défendeur :

Ainaydis (SAS), Lumidis (SAS), Pauldis (SAS), Seredis (SAS), Servalis (SAS), Selarl AJ UP (ès qual.), Selarl MJ Alpes (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Esparbès

Conseillers :

Mme Homs, Mme Clerc

Avocats :

Me Dumur, Me Awatar, Me Dumoulin, Me Buisine, Me Etienne Martin, Me Belluc

T. com. Lyon, du 18 févr. 2021, n° 2020f…

18 février 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Ainaydis, la SAS Lumidis, la SAS Pauldis et la SAS Seridis exploitent des fonds de commerce de proximité de type supérette, cette dernière société ayant donné son fonds en location gérance à la SAS Servalis en 2014.

Au cours de la période de mars 2013 à juin 2019, ces 5 sociétés ont conclu d'une part, un contrat de franchise d'une durée de 7 ans renouvelable avec la SAS Carrefour Proximité France (la société CPF) en charge de la gestion du réseau de franchise de l'enseigne Carrefour, et, d'autre part, un contrat d'approvisionnement de même durée avec la SAS Carrefour Supermarché France (la société CSF) qui fournit aux franchisés Carrefour les produits en vue de leur revente.

Les sociétés CPF et CSF sont les filiales du Groupe Carrefour ; ce dernier, au moment de la signature par la société A de ses contrats de franchise et d'approvisionnement en 2014, a suspendu ceux conclus par la société Seridis en mars 2013 pour la durée d'exécution des contrats signés par sa locataire.

Ces 5 sociétés (ci-après dénommées « les franchisées ») ont pour dirigeant M. X qui en est également l'associé majoritaire ; l'autre associé de ces sociétés est une filiale à 100 % du Groupe Carrefour, à savoir, soit la SAS Selima, soit la SAS Profidis, qui ont pour activité principale la prise de participation à hauteur de 26 % dans les sociétés exploitées sous l'enseigne Carrefour dans le cadre de franchises participatives.

M. X est également dirigeant d'une holding, la SARL FWH, laquelle regroupe ses sociétés franchisées Carrefour et d'autres sociétés ayant pour activité la restauration.

La société Lumidis a exploité son fonds de commerce sous l'enseigne Carrefour City jusqu'au 29 octobre 2020, date à partir de laquelle elle a exploité sous l'enseigne U Express. A la suite de ce changement d'enseigne, elle a été assignée par la société CPF devant le juge des référés commercial le 19 novembre 2020 du chef de la résiliation unilatérale et brutale du contrat de franchise pour être condamnée sous astreinte à descendre l'enseigne U Express et réinstaller l'enseigne Carrefour City.

Le 20 novembre 2020, la société A a dénoncé à la société CPF la résiliation avec effet au 1er décembre 2021, de son contrat de franchise signé le 30 septembre 2014 (outre celle des contrats dérivés, dont celui d'approvisionnement).

Par 5 jugements distincts (2020F03028-2034400039, 2020F03031-2034400042, 2020F03030-2034400041, 2020F03029-2034400040, 2020F03032-2034400043) rendus le 9 décembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de chacune des sociétés franchisées et a désigné la SELARL AJ UP en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL MJ Alpes en qualité de mandataire judiciaire.

Par déclaration au greffe du 18 décembre 2020, la société CPF a formé tierce opposition à l'encontre de chacun de ces 5 jugements en appelant à l'instance les sociétés franchisées et leurs mandataires de justice au motif que « les conditions d'ouverture des sauvegardes s'inscriraient dans un schéma frauduleux et qu'elles ne seraient pas conformes aux exigences posées par le texte et la jurisprudence ».

Par jugement du 18 février 2021, le tribunal de commerce de Lyon, après communication de l'affaire au ministère public, a :

Prononcé la jonction des 5 instances en tierce opposition enrôlées sous 2020F03210, 2020F03212, 2020F03213, 2020F03214, 2020F03215.

• Déclaré recevable mais infondée la demande de rétractation de la société CPF à l'encontre du jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire du 9 décembre 2020 en faveur des sociétés franchisées.

• Dit qu'aucune fraude n'a été commise par les sociétés franchisées envers la société CPF, rejeté la tierce opposition formée à l'encontre des jugements du 9 décembre 2020 prononçant l'ouverture de la procédure de sauvegarde des sociétés franchisées.

• Débouté la société CPF de toutes ses demandes, fins et conclusions, condamné la société CPF à payer aux sociétés franchisées la somme de 2 000 € chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Awatar.

La société CPF a interjeté appel par acte du 25 février 2021 en intimant les sociétés franchisées ainsi que la SELARL AJ UP et la SELARL MJ Alpes (RG 21/01457).

La présidente de la chambre a invité les parties à présenter leurs observations sur la sanction éventuellement applicable à l'absence de mention de qualité des intimées AJ UP et MJ Alpes ; l'incident a été finalement joint au fond.

Le 31 mars 2021, la société Carrefour a adressé en communication électronique un document intitulé « Déclaration d'appel rectificative » pour dire en substance que les SELARL AJ UP et MJ Alpes étaient appelées à la cause en leur qualité respectivement d'administrateur et de mandataire judiciaires des sociétés franchisées.

L'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 30 juin 2021 a été renvoyée à celle du 21 octobre 2021. A cette date, l'appelante ayant fait valoir qu'elle n'avait pas eu en temps utile connaissance des dernières pièces des intimées (dossiers de demande d'ouverture de sauvegarde) l'affaire a été renvoyée à l'audience du 24 novembre 2021 avec nouvelle clôture au 19 novembre 2021 pour permettre le débat contradictoire sur ces pièces.

Par conclusions du 16 novembre 2021, fondées sur l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15, 132, 551, 552, 582, 583 et 680 du code de procédure civile et L. 620-1 du code de commerce, la société CPF demande à la cour de :

Dire recevable son appel interjeté de la décision du 18 février 2021 à l'encontre : des sociétés franchisées, de la SELARL AJ UP représentée par Me Buisine ou Me Étienne Martin, administrateur judiciaire des sociétés franchisées, de la SELARL MJ Alpes représentée par Me Jal, mandataire judiciaire des sociétés franchisées.

• Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a : ordonné la jonction des instances enrôlées 2020F03210, 2020F03212, 2020F03213, 2020F03214, 2020F03215.

• Déclaré recevable sa tierce opposition, débouté les sociétés franchisées de leur demande de dommages et intérêts, infirmer le jugement déféré en ce qu'il : a déclaré infondée sa demande de rétractation à l'encontre du jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire du 9 décembre 2020 en faveur des sociétés franchisées.

• A dit qu'aucune fraude n'a été commise par ces mêmes sociétés, a rejeté sa tierce opposition formée à l'encontre des jugements du 9 décembre 2020 prononçant l'ouverture de la procédure de sauvegarde des sociétés franchisées.

• L'a déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions, l'a condamnée à payer aux sociétés franchisées la somme de 2 000 € à chacune, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Awatar.

• Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions des sociétés franchisées, de la SELARL AJ UP, représentée par Me Buisine ou Me Étienne Martin, ès qualités d'administrateur judiciaire des sociétés franchisées, la SELARL AJ UP, représentée par Me Jal, ès qualités de mandataire judiciaire des sociétés franchisées, en conséquence :

• Ordonner la rétractation des 5 jugements du 9 décembre 2020 du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'ils ont ordonné l'ouverture des procédures de sauvegarde judiciaire à l'encontre des sociétés franchisées.

• Ordonner en outre qu'il soit fait défense d'exécuter les 5 jugements du 9 décembre du tribunal de commerce de Lyon contre elle à peine de dommages et intérêts.

• Condamner les sociétés franchisées au paiement chacune des entiers dépens ainsi qu'à 5 000 € au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 12 octobre 2021, fondées sur les articles L. 620-1, L. 661-1, L. 661-2, L. 661-3 et R. 621-1 du code de commerce, 4, 32-1, 547, 582, 583 et 901 du code de procédure civile, les sociétés franchisées, la SELARL AJ UP ès qualités d'administrateur judiciaire des sociétés sus mentionnées et la SELARL MJ Alpes ès qualités de mandataire judiciaire des mêmes sociétés (ci-après désignés « les mandataires de justice ») demandent à la cour de :

In limine litis, déclarer forclos le délai d'appel, (comprendre : le délai pour régulariser la déclaration d'appel) déclarer que la déclaration d'appel du 25 février 2021 ne mentionne pas les qualités des intimées.

• Déclarer que la déclaration d'appel du 25 février 2021 n'intime pas Me Buisine ainsi que Me Étienne Martin ès qualités d'administrateur judiciaire et Me Jal ès qualités de mandataire judiciaire.

• Déclarer que les conclusions d'incident prises par la société CPF l'ont été à l'encontre de tiers à la procédure d'appel.

• Déclarer que les conclusions au fond prises par la société CPF l'ont été à l'encontre de tiers à la procédure d'appel.

• En conséquence, juger irrecevable l'appel interjeté par la société CPF, juger irrecevable la déclaration d'appel enregistrée le 25 février 2021 par la société CPF, juger irrecevable l'appel interjeté par la société CPF contre le jugement du 18 février 2021, juger irrecevables les conclusions d'incident et au fond de la société CPF, au fond, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a omis de statuer sur la demande de procédure abusive qu'elles ont sollicitée.

• Et statuant de nouveau, condamner la société CPF au paiement d'une amende civile de 10 000 € conformément à l'article 32-1 du code de procédure civile.

• Condamner la société CPF à verser la somme de 25 000 € à chacune des sociétés franchisées pour procédure abusive.

• Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société CPF, en tout état de cause :

• Condamner la société CPF à payer la somme de 10 000 € à chacune des sociétés franchisées (soit la somme totale de 50 000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la société CPF aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Dumoulin.

Par nouvelles conclusions n° 6 déposées le 18 novembre 2021 fondées sur les articles L. 620-1, L. 661-1, L. 661-2, L. 661-3, R. 621-1, R. 661-6 du code de commerce, 4, 32-1, 57,122, 553, 547, 582, 583 et 901 du code de procédure civile, et portant communication de 16 nouvelles pièces, les sociétés franchisées et leurs mandataires de justice demandent à la cour de :

In limine litis, juger que la SELARL AJ UP et la SELARL MJ Alpes ont été intimées en leur nom propre et non respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et en qualité de mandataire judiciaire des sociétés franchisées.

• En conséquence, juger irrecevable l'appel interjeté par la société CPF le 25 février 2021 tant à l'encontre des SELARL AJ UP et MJ Alpes que des sociétés franchisées.

• Juger irrecevables les conclusions de la société CFP, au fond, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a omis de statuer sur la demande de procédure abusive sollicitée par les intimées, et statuant de nouveau.

• Condamner la société CPF au paiement d'une amende civile de 10 000 € conformément à l'article 32-1 du code de procédure civile.

• Condamner la société CPF à verser la somme de 25 000 € à chacune des sociétés franchisées pour procédure abusive.

• Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société CPF, en tout état de cause, condamner la société CPF à payer la somme de 10 000 € à chacune des sociétés franchisées (soit la somme totale de 50 000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

• Condamner la société CPF aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Dumoulin.

La clôture a été prononcée le 19 novembre 2020.

Le 23 novembre 2021, la société CPF (qui avait régularisé une nouvelle déclaration d'appel à l'encontre du jugement déféré le 15 novembre 2021, appel enregistré sous la référence RG 21/ 08175), a déposé des conclusions fondées sur les articles 15, 367, 803 et 804 du code de procédure civile et visant le principe de bonne administration de la justice, le principe du contradictoire et celui du respect du procès équitable afin de voir la cour :

Révoquer l'ordonnance de clôture prononcée le 19 novembre 2021, joindre la présente affaire RG 21/01457 avec l'affaire RG 21/08175.

Le ministère public, par avis du 4 mai 2021, communiqué contradictoirement aux parties, n'a pas fait d'observations.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel.

Les intimées soutiennent que la déclaration d'appel de la société CPF du 25 février 2021 est irrégulière en ce qu'elle n'a pas régulièrement intimé les parties présentes en première instance, à savoir que la SELARL AJ UP et la SELARL MJ Alpes n'y figurent pas en leur qualité respective d'administrateur judiciaire et mandataire judiciaire des sociétés franchisées qui était celle de première instance, sinon à titre personnel ; elles ajoutent pour soutenir la forclusion alléguée que l'appel n'a pas été régularisé dans le délai légal d'appel de 10 jours ni par un appel provoqué dans le délai d'un mois courant de la notification de leurs conclusions. Elles en déduisent l'irrecevabilité des conclusions d'incident (déposées le 26 mars 2021) et des conclusions au fond déposées par l'appelante comme ayant été prises à l'encontre de tiers à la procédure d'appel.

La société CPF soutient la recevabilité de son appel en faisant valoir que :

- En se constituant et en concluant ès qualités à son encontre, les mandataires de justice ont formé un appel provoqué au sens des articles 551 et 68 du code de procédure civile par l'effet de leurs conclusions portant appel incident sur le rejet de leur réclamation pour procédure abusive ; et à ne pas retenir cet appel provoqué, ils sont intervenus volontairement à l'instance d'appel en se constituant et en concluant, ès qualités.

- Les écritures de toutes les parties postérieures à la déclaration d'appel font clairement apparaître les mandataires de justice ès qualités, de sorte qu'il n'existe pas de doute sur leur mise en cause en appel en leur qualité respective d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire des sociétés franchisées et ce, malgré l'erreur commise dans leur désignation dans l'acte d'appel.

- L'indivisibilité du litige et l'article 555 du code de procédure civil autorisent la régularisation de la déclaration d'appel tout au long de l'instance, ce qui a été fait avec la déclaration rectificative du 31 mars 2021 et le nouvel appel du 15 novembre 2021 ; et quand bien même l'indivisibilité ne serait pas retenue, l'absence de mise en cause des mandataires de justice ès qualités n'a de conséquence qu'à leur encontre et pas pour les sociétés franchisées, à l'égard desquelles son appel est recevable.

Il est constant que dans sa déclaration d'appel du 21 février 2021, la société CPF a intimé, outre les sociétés franchisées, la SARL AJ UP et la SARL MJ Alpes sans mentionner leur qualité respective d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde desdites sociétés.

Par ailleurs, la « déclaration d'appel rectificative » notifiée le 31 mars 2021 n'a pas la valeur d'une déclaration d'appel, ayant pu opérer quelque rectification que ce soit, dès lors qu'elle n'a pas respecté la forme d’un tel acte, à tel point qu'elle n'a pas été enregistrée par le greffe central de la cour.

Cependant, comme le soutient la société CPF, les mandataires de justice qui se sont constitués sous leur exacte qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire des sociétés franchisées et qui ont régularisé des conclusions d'appel sous les mêmes qualités, ont entendu intervenir volontairement en ces qualités à l'instance d'appel.

Sans plus ample discussion, le moyen soutenu in limine litis par les intimées aux fins d'irrecevabilité de l'appel du 25 février 2021 et subséquemment d'irrecevabilité des conclusions de l'appelante est inopérant ; l'appel de la société Carrefour est recevable.

Sur les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et de jonction.

Au soutien de sa demande de révocation d'ordonnance de clôture, la société CPF fait valoir que les intimées ont déposé des conclusions accompagnées de 16 nouvelles pièces (comprendre pièces 115 à 130) le 18 novembre 2021 à 21h, soit la veille du prononcé de la clôture, de sorte qu'elle n'a pas pu en prendre connaissance ni y répliquer ; elle ajoute que sa nouvelle déclaration d'appel déposée le 15 novembre 2021 (RG 21/08175) doit être jointe à la présente instance d'appel, comme concernant « deux affaires identiques sur le fond ».

La demande de jonction de la présente instance d'appel RG 21/01457 avec la nouvelle instance initiée par la déclaration d'appel du 15 novembre 2021 doit être écartée, l'instance RG 21/08175 étant instruite distinctement. En tout état de cause, cette nouvelle déclaration d'appel ne constitue pas une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture rendue dans la présente instance.

L'article 15 du code de procédure civile impose aux parties de se faire connaître en temps utile les moyens de fait et de droit qu'elles invoquent afin que chacune puisse organiser sa défense, tandis que l'article 135 du même code impose aux parties une communication des pièces en temps utile.

Le juge tire de ces textes le pouvoir de déclarer d'office irrecevables pour non-respect du principe de la contradiction et de la loyauté des débats les conclusions et les pièces qui sont produites en dernière heure, dans un temps rapproché de l'ordonnance de clôture, mettant consécutivement l'autre partie dans l 'impossibilité d'en prendre connaissance en temps utile pour pouvoir y répondre contradictoirement.

Ainsi, quand bien même la société CPF n'a pas sollicité dans le dispositif de ses écritures du 23 novembre 2021 le rejet des dernières conclusions et pièces adverses du 18 novembre 2021, ni même de pouvoir conclure en réponse à celles-ci, la cour rejette d'office comme irrecevables car tardives lesdites conclusions et les 16 pièces nouvelles (115 à 130) produites par les intimées le 18 novembre 2021 à 21h, et ce, sans qu'il y ait lieu à provoquer préalablement un débat contradictoire, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire et du procès équitable ressortissant des motifs des conclusions de l'appelante.

Dès lors, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture devient sans objet par l'effet de cette irrecevabilité prononcée d'office.

La cour statue en conséquence au vu des conclusions des intimées déposées le 12 octobre 2021 et des pièces communiquées en temps utile, soit les pièces numérotées 1 à 114.

Sur la tierce opposition.

A titre liminaire, il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes et doit statuer sur les seules demandes mentionnées au dispositif des dernières conclusions des parties.

Il résulte des articles 582, 583 et 586 du code de procédure civile, que la tierce opposition ouverte à titre principal pendant trente ans à compter du jugement à moins que la loi n'en dispose autrement, tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque, et remet en question relativement à son auteur, les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque, est recevable à former tierce opposition ; les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

Ces moyens propres s'entendent de l'intérêt à former tierce opposition, celui-ci devant être suffisant, direct et personnel ; il s'apprécie au jour où le juge statue, et n'implique pas que la décision attaquée ait statué sur les droits et obligations du tiers opposant, ni que le préjudice invoqué par ce dernier soit déjà réalisé, celui ci pouvant être éventuel pour peu qu'il soit certain et déterminé ; ainsi, le tiers opposant peut avoir un intérêt actuel à agir pour empêcher que le préjudice résultant de la décision ne se concrétise.

Le préjudice doit résulter du dispositif de la décision attaquée et non pas de ses motifs.

Il n'est pas discuté par les intimées que les jugements d'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire sont susceptibles de tierce opposition conformément aux articles L. 661-1 et L. 661-2 du code de commerce, que la société CPF a formé son recours de tierce opposition dans les délais légaux et qu'elle a la qualité de tiers aux jugements attaqués, n'y ayant été ni partie, ni représentée.

La société CPF soutient que les jugements d'ouverture de sauvegarde ont été rendus en fraude de ses droits, les sociétés franchisées ayant instrumentalisé la procédure de sauvegarde en se plaçant sous la protection du tribunal de commerce pour pouvoir sortir du réseau de franchise Carrefour, rejoindre la concurrence et déstabiliser le réseau Carrefour, alors qu'elles ne rencontraient pas de difficultés financières insurmontables.

Elle exprime plus précisément que la recevabilité d'une tierce opposition n'est pas subordonnée à la démonstration de l'absence de difficultés insurmontables du débiteur demandeur à l'ouverture de procédure de sauvegarde, mais à la réalisation de l'une des deux conditions alternatives prévues par la loi, à savoir soit une fraude au droit du créancier, soit l'existence d'un moyen propre à celui-ci.

Elle entend démontrer que les demandes d'ouverture de sauvegarde judiciaire s'inscrivent dans un schéma frauduleux orchestré par les sociétés franchisées avec l'aide d'un tiers animateur agissant pour le compte du concurrent du Groupe Carrefour (à savoir Système U) en soutenant que :

- Ces sociétés ont manqué de transparence (non-information du tribunal de commerce et du ministère public sur les transferts de fonds effectués avant l'ouverture de la sauvegarde par celles-ci au profit de leur société holding dont l'existence a été révélée après la communication des comptes sociaux de l'exercice 2020).

- La rupture par M. X, leur dirigeant, des relations avec le Groupe Carrefour en septembre 2020 est survenue alors qu'elles s'étaient jusqu'alors déclarées satisfaites des conditions et de la poursuite des négociations commerciales avec elle et la société Selima dans le cadre de l'élaboration du protocole 2019 (celui-ci prévoyant notamment la signature de nouveaux contrats de franchise et d'approvisionnement avec Ainaydis, Lumidis et Pauldis, de nouveaux pactes d'associés, le passage en V3 sur les sites de Ainaydis, Lumidis et Pauldis ...), de sorte que cette rupture s'inscrit nécessairement dans la continuité des agissements déloyaux observés et stigmatisés chez plusieurs autres franchisés Carrefour qui ont initié les mêmes démarches : convocation soudaine d'assemblées générales extraordinaires avec le même ordre du jour (changement d'enseigne), même intention de rompre ou d'altérer les relations avec Carrefour, demandes d'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

- Système U a mis en place une stratégie de détournement déloyal des franchisés Carrefour pour les rallier au réseau Coopérative U Enseigne, cette dernière étant intervenue activement dans les négociations menées avec ceux-ci, cette stratégie juridique étant assurée par M. Z, ancien directeur juridique du département juridique chez Carrefour, devenu directeur national adjoint ralliement de Coopérative U Enseigne.

Elle ajoute également que les sociétés franchisées ne rencontraient pas de difficultés insurmontables en l'état des données financières portées à sa connaissance et de l'étude réalisée par Finexsi, ajoutant que ces sociétés franchisées peuvent d'autant moins arguer de telles difficultés qu'elle avait adressé des propositions financières à l'administrateur provisoire en cours de procédure de sauvegarde afin de permettre de restructurer leur activité et avait même offert de racheter les magasins des franchisées Ainaydis, Pauldis et Sérédis, dits défaillants mais s'être heurtée au refus de M. X, non sans ajouter que la société holding FWH n'a pas aidé les sociétés franchisées alors qu'elle avait reçu de leur part des fonds qui auraient pu servir à améliorer leur situation financière.

Elle conclut « considérer que les procédures de demandes d'ouverture de sauvegarde ont été détournées de leurs fins par les sociétés franchisées et ne visent qu'à légitimer leur résiliation unilatérale illicite, sollicitée par l'administrateur judiciaire, et la descente d'enseigne au profit du concurrent instigateur du mouvement de fronde évoqué, et de ce fait participent d'une fraude à ses droits ».

Elle soutient enfin être également en mesure de justifier de moyens propres au soutien de la recevabilité de sa tierce opposition, expliquant que les jugements d'ouverture de sauvegarde lui portent préjudice en ce qu'ils ont mis fin à sa collaboration avec les sociétés franchisées, alors qu'elle entendait pouvoir poursuivre l'exploitation dans ces points de vente sous son enseigne Carrefour du fait de leur ancienne appartenance au réseau Carrefour, des aides commerciales qu'elle leur avait accordées et du protocole de 2019 destiné à leur collaboration.

Les intimées protestent contre cette analyse en développant que les sociétés franchisées étaient légitimes à réclamer la protection d'une procédure de sauvegarde en raison des difficultés économiques, financières, juridiques et structurelles qu'elles n'étaient pas en mesure de surmonter, la preuve contraire de ce caractère insurmontable, seule de nature à caractériser une fraude, n'étant pas rapportée par l'appelante. Elles soulignent que tant le tribunal de commerce, que le ministère public et le mandataire de justice ont admis la réalité de ces difficultés insurmontables pour les franchisées.

Elles argumentent sur chacune de ces difficultés, faisant valoir en substance :

• Sur les difficultés économiques propres aux sociétés franchisées ; rappelant que les conditions d'ouverture des sauvegardes doivent s'apprécier au jour où il est procédé à l'ouverture de ces procédures, elles insistent sur les résultats déficitaires obtenus par Ainaydis et Pauldis au 31 décembre 2020, indiquant que si les résultats des autres sociétés franchisées étaient positifs à la même période, ils ne signent pas l'absence de difficultés insurmontables compte tenu des dettes importantes de celles-ci et de leur impossibilité à financer seules les investissements utiles à leur activité ; s'agissant des transferts de fonds des franchisées vers la holding FWH, elles expliquent que cette opération avait pour finalité de permettre à cette dernière de soutenir leur activité, en procédant par exemple à des investissements (achat d'un parking pour leur clientèle, installation d'une station-service pour développer la clientèle ...) et soulignent qu'en tout état de cause ces transferts ont été validés en leur temps par les associés de sociétés franchisées, à savoir les sociétés Sélima et Profidis, de sorte que la société CPF est mal venue à en dénoncer l'irrégularité à ce jour.

• Sur les difficultés économiques rencontrées avec la société CPF ; elles soulignent que les sociétés franchisées étaient entravées dans l'exercice de leur activité, étant tenues d'une obligation d'approvisionnement dans la centrale d'achat de Carrefour qui pratique des prix de vente plus élevés que la concurrence, ce qui induisait une perte de rentabilité, tout en devant revendre ces produits à un prix imposé par Carrefour également supérieur à la concurrence, ce qui entraînait une fuite de la clientèle, l'ensemble sous peine de sanctions financières conséquentes (perte du droit à ristourne de fin d'année), fondant ces griefs sur les résultats de l'étude de Finexsi, dit cabinet indépendant, contestant en cela les critiques de l'appelante dénonçant cette étude comme ayant été télécommandée par son concurrent (System U) ainsi que l'analyse critique de cette étude que le Groupe Carrefour a confiée au cabinet Abergel & Associés.

• Sur les difficultés juridiques et structurelles ; elles soutiennent un état de dépendance économique vis à vis du franchiseur et l'absence de marge de manœuvre consécutivement au cadre juridique imposé par les contrats de franchise et d'approvisionnement.

• Sur les discussions menées entre les sociétés franchisées et le Groupe Carrefour ; elles soutiennent que la proposition de la société CPF soumise à l'administrateur judiciaire n'était pas sérieuse en ce qu'elle ne pouvait pas permettre aux sociétés franchisées de faire face à leurs difficultés ni de redresser leur situation.

Les intimées, rappelant que la fraude ne se présume pas et doit être prouvée, et soutenant que la société CPF ne démontre pas que les demandes d'ouverture de la procédure de sauvegarde ont été faites dans l'intention de lui nuire, concluent en conséquence à l'irrecevabilité de la tierce opposition fondée sur la fraude.

Répliquant enfin sur les moyens propres dont se prévaut la société CPF à l'appui de la recevabilité de sa tierce opposition, les intimées défendent l'absence de ceux-ci en relevant que l'appelante excipe à cette fin d'une argumentation strictement identique à celle développée au soutien de la fraude dont elles soutiennent qu'elle n'est pas établie ; elles ajoutent que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'un moyen propre qui lui soit personnel, le contrat de franchise permettant seulement de constater l'existence de relations contractuelles entre elle et les sociétés franchisées, au même titre qu'avec ses autres créanciers, l'ouverture de la procédure de sauvegarde ne lui causant pas non plus un préjudice de nature à fonder des moyens propres, le dispositif du jugement attaqué « ne se positionnant pas sur la légitimité d'une résiliation des contrats de franchise mais sur le bienfondé des tierces oppositions entreprises et sur la légitimité de l'ouverture de la procédure de sauvegarde ».

S'agissant du premier moyen de recevabilité de la tierce opposition fondé sur la fraude aux droits du créancier.

Il est rappelé que l'existence d'une fraude ne saurait reposer sur la seule ouverture des procédures de sauvegarde.

Pour prétendre à l'existence d'un jugement d'ouverture de sauvegarde rendu en fraude de ses droits, la société CPF ne peut pas utilement soutenir que les sociétés franchisées ont cherché à se soustraire à leurs obligations contractuelles, c'est à dire à sortir du réseau de franchise Carrefour, en déposant une requête en ouverture de sauvegarde, ce qui revient à ajouter une condition non prévue au texte de l'article L. 620-1 du code de commerce, le juge n'ayant pas le pouvoir de contrôler la motivation du débiteur pour refuser l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, quand bien même ce dernier chercherait à échapper à ses obligations contractuelles en sollicitant cette procédure collective, dès que celui-ci justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter.

A cet égard, est donc inopérant le long argumentaire de l'appelante fondé sur la participation des sociétés franchisées au mouvement de fronde qu'elle dit subir de la part d'une partie de ses franchisés, en ce compris la rupture soudaine en septembre 2020 de ses relations avec les sociétés franchisées à l'initiative de leur dirigeant, M. X.

La société CPF n'est pas davantage admissible à dénoncer un dévoiement de la procédure d'ouverture de sauvegarde au travers de l'effet d'aubaine qu'elle procure aux sociétés franchisées. En effet, aucune restriction, sauf cas de fraude, ne peut être ajoutée au seul cas d'ouverture de la sauvegarde légalement prévu tenant à l'existence de difficultés que le débiteur n'est pas en mesure de surmonter ; ainsi, la décision de l'administrateur judiciaire de résilier les contrats de franchise s'inscrit aux nombre des conséquences attachées à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde et ne peut pas s'analyser en une fraude aux droits du franchiseur au travers d'une instrumentalisation de cette procédure.

Pour établir cette fraude, la société CPF doit démontrer que les sociétés franchisées ont obtenu indûment le bénéfice de la sauvegarde, soit en donnant l'apparence de connaître des difficultés insurmontables, soit en provoquant elles-mêmes ces difficultés, l'intention de nuire n'étant pas requise.

La société CPF qui conclut abondamment sur l'absence de difficultés insurmontables des sociétés franchisées sur le plan financier en faisant valoir que :

Les baisses d'activité enregistrées par les sociétés Ainydis et Pauldis étaient conjoncturelles car liées aux épisodes de confinement en période de crise sanitaire.

Les sociétés Lumidis, Seredis et A ont connu une forte rentabilité lors de cette crise sanitaire tandis que la société Seredis ayant donné son fonds en location gérance à la société A ne subit aucune difficulté économique de par son statut de bailleresse, ne peut pas utilement conclure que les sociétés franchisées justifient d'autant moins des difficultés insurmontables qu'elle avait adressé à l'administrateur judiciaire les 5 janvier 2021 et 12 mars 2021 des propositions financières destinées à redresser leur situation ou encore qu'elle avait proposé de racheter en avril 2021 les magasins Ainaydis, Pauldis et Seredis, ces événement étant postérieurs aux jugements d'ouverture rendus le 9 décembre 2020 ; elle n'est pas non plus fondée à conclure que la société holding FWH constitue « un levier possible d'amélioration » de leur situation financière, alors que la situation des franchisées doit être appréciée en elle-même, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des capacités financières du groupe auquel elles appartiennent.

Les sociétés franchisées soutiennent des difficultés financières tenant au fait que leurs résultats étaient déficitaires (Ainaydis et Pauldis) et que leur santé financière n'était qu'apparente compte tenu de l'importance de leur endettement (Lumidis, A et Seridis), la société A indiquant notamment être tenue de contracter un nouvel emprunt pour financier la rénovation de ses locaux commerciaux, la société Lumidis exposant pour sa part, être poursuivie en justice par la société CPF et exposée de ce chef à une dégradation de l'état de son passif eu égard à la demande formée à son encontre (condamnation à déposer l'enseigne U Express et à réinstaller l'enseigne Carrefour City sous astreinte journalière de 10 000 €) et à la nécessité d'engager des dépenses pour assurer sa défense.

Elles font également état de difficultés économiques, juridiques et structurelles trouvant leur origine dans leurs relations avec leur franchiseur, faisant valoir qu'elles n'avaient aucune autonomie ni marge de manœuvre tant pour l'achat des marchandises que pour leur revente, étant tenues de se soumettre au modèle économique imposé par Carrefour sauf à être sanctionnées financièrement (perte du droit à ristourne de fin d'année), de sorte qu'elles ne pouvaient pas générer des marges suffisantes et d'augmenter leur chiffre d'affaires, les prix de revente à la clientèle qui leur étaient dictés étant tout à la fois trop proches des prix de vente pratiqués par la centrale d'achat Carrefour et trop élevés par rapport à ceux de la concurrence.

Elles ajoutent enfin que toutes ces difficultés ont engendré des tensions importantes dans leurs relations avec la société CPF.

L'ensemble de ces difficultés dénoncées comme insurmontables par les sociétés franchisées, qui est corroboré par les productions au dossier n'est pas combattu par la société CPF qui n'oppose pas d'éléments de preuve contraires établissant que ces difficultés sont fictives ou imputables à des fautes de celles-ci, les critiques de l'appelante concernant les conditions d'ouverture de la procédure, conditions de fond qui ne peuvent être discutés que si le recours est recevable.

A cet égard, sont vaines les contestations portées par la société CPF sur l'étude Finexsi faisant une analyse tarifaire comparative entre les enseignes Carrefour City et U Enseigne dont elle a confié l'analyse critique au cabinet Abergel & Associés, la cour relevant que les organes de la procédure de sauvegarde ont admis l'existence et la réalité du manque de rentabilité du modèle économique proposé par le Groupe Carrefour.

En aucun cas la société CPF n'offre la preuve que les difficultés financières des sociétés Ainaydis et Pauldis ; cette preuve ne peut être trouvée en tout état de cause dans le transfert de fonds de celles-ci (mais aussi de fonds par les autres sociétés) au profit de la société FWH alors même que les sociétés Profidis et Selima (en leur qualité d'associées des sociétés franchisées) ont validé ces transferts en approuvant les comptes annuels de cette holding lors des assemblées générales annuelles. Pas davantage elle n'établit que les sociétés Lumidis, A et Seredis ont donné l'apparence de connaître des difficultés insurmontables ; ayant été démontré de plus fort que ces difficultés financières étaient étroitement imbriquées dans des difficultés d'autre nature dont l'origine n'est pas du fait des sociétés franchisées.

Sans plus ample discussion, la preuve d'une fraude n'étant pas rapportée, il ne peut être retenu que les jugements d'ouverture de la procédure de sauvegarde prononcés à l'égard de chacune des sociétés franchisées ont été obtenus en fraude des droits de la société CPF, ayant été déjà dit que la motivation animant le débiteur dans sa demande d'ouverture de sauvegarde et les avantages qu'il en retire légalement par son prononcé, ne sont pas à prendre en considération pour la qualification d'une fraude.

S'agissant du second moyen de recevabilité de la tierce opposition fondé sur les moyens propres du créancier.

La société CPF ne peut pas être entendue dans son invocation de moyens propres à attaquer les jugements d'ouverture de sauvegarde litigieux dans la mesure où ces moyens propres qui s'entendent en réalité de son intérêt à contester ces mesures de sauvegarde, ne lui sont pas personnels ; en effet, elle échoue à démontrer que le dispositif de ces jugements prononçant l'ouverture d'une sauvegarde lui occasionne un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers des sociétés franchisées ; ensuite, en tout état de cause, cet intérêt personnel ne saurait être caractérisé par la référence à la fraude et à son positionnement de victime d'une fronde de franchisés, ces deux allégations n'étant pas fondées comme démontré ci avant.

En définitive, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a dit recevables et mal fondés les recours en tierce opposition alors qu'ils sont irrecevables à défaut de fraude ou de moyens propres au sens de l'article 583 alinéa 2 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes.

Les sociétés franchisées n'établissent pas que la société CPF a formé tierce opposition par malveillance manifeste ou avec une légèreté blâmable caractérisant un abus du droit d'ester en justice, et ne démontrent pas non plus en avoir subi un préjudice spécifique, la référence faite par celles-ci « aux innombrables procédures engagées par la société CPF et par les sociétés Selima et Profidis dont le but est de les asphyxier » étant étrangère à l'instance actuelle.

Leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive est dès lors rejetée, sans qu'il puisse être dit que les premiers juges ont omis de statuer sur ce chef de prétention lequel ne figure pas dans l'exposé des demandes repris au jugement.

L'amende civile est également rejetée aucun abus du droit d'ester en justice n'étant caractérisé à l'encontre de la société CPF.

Sur les dépens et frais irrépétibles.

Les condamnations prononcées par le tribunal de commerce au titre des dépens et des frais irrépétibles à l'encontre de la société CPF partie perdante, sont confirmées.

Succombant dans son recours, elle doit également supporter les dépens d'appel et les frais irrépétibles qu'elle a exposés et verser à chacune des sociétés franchisées une indemnité de procédure complémentaire pour la cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, et par arrêt contradictoire.

Déclarant recevable l'appel du 25 février 2021 de la SAS Carrefour Proximité France.

Déclarant d'office irrecevables comme tardives les conclusions et pièces numérotées 115 à 130 déposées le 18 novembre 2021 par la SAS Ainaydis, la SAS Lumidis, la SAS Pauldis, la SAS Seridis, la SAS Servalis, la SELARL AJ UP ès qualités d'administrateur judiciaire des sociétés sus mentionnées et la SELARL MJ Alpes ès qualités de mandataire judiciaire des mêmes sociétés.

Déboutant la SAS Carrefour Proximité France de sa demande de jonction des instances RG 21/01457 et RG 21/08175.

Disant que la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par SAS Carrefour Proximité France est sans objet.

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit recevable mais mal fondée la demande de rétractation de la SAS Carrefour Proximité France à l'encontre du jugement d'ouverture d'une sauvegarde judiciaire du 9 décembre 2020 en faveur des sociétés SAS Ainaydis, SAS Lumidis, SAS Pauldis, SAS Seridis, SAS Servalis.

L'infirmant de ce seul chef, statuant à nouveau.

Dit irrecevable la tierce opposition de la SAS Carrefour Proximité France à l'encontre des jugements d'ouverture d'une sauvegarde judiciaire 2020F03028-2034400039, 2020F03031-2034400042, 2020F03030-2034400041, 2020F03029-2034400040 et 2020F03032-2034400043 rendus le 9 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Lyon en faveur des sociétés SAS Ainaydis, SAS Lumidis, SAS Pauldis, SAS Seridis, SAS Servalis.

Déboute les sociétés SAS Ainaydis, SAS Lumidis, SAS Pauldis, SAS Seridis, SAS Servalis de leur réclamation de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamne la SAS Carrefour Proximité France à verser aux sociétés SAS Ainaydis, SAS Lumidis, SAS Pauldis, SAS Seridis, SAS Servalis une indemnité de procédure de 10 000 € chacune pour la cause d'appel.

Déboute la SAS Carrefour Proximité France de sa demande présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS Carrefour Proximité France aux dépens d'appel avec droit de recouvrement.

Dit ne pas y avoir lieu au prononcé d'une amende civile.