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Décisions

Cass. com., 2 février 2022, n° 19-25.352

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocat :

SCP Zribi et Texier

Dijon, du 26 sept. 2019

26 septembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 26 septembre 2019), la société Groupe Landeau, ayant pour activité la commercialisation de machines-outils, a vendu une presse à injection à la société [Adresse 4] (la société CEB).

Le bon de commande prévoyait une garantie contractuelle de trois ans des pièces et de la main d'oeuvre, à l'exclusion « des pièces d'usure ».

La machine a été réceptionnée au mois de juin 2010 et le prix payé par l'acquéreur au moyen d'un crédit-bail.

2. Des difficultés techniques ayant nécessité l'intervention de la société Groupe Landeau au cours de l'année 2011, la société CEB l'a assignée en annulation de la vente et indemnisation de son préjudice d'exploitation.

Un accord conclu le 30 mars 2012 entre les parties a été homologué par un jugement du 7 mai 2012.

3. Alléguant dès le mois de mai 2012 de nouveaux incidents de fonctionnement, la société CEB a assigné la société Groupe Landeau, par acte du 6 décembre 2013, afin d'obtenir sa condamnation à assurer, à ses frais, la maintenance de la machine pendant toute la durée du crédit-bail, à étendre à ses frais la garantie contractuelle et à lui payer la somme de 135 166,55 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d'exploitation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La société Groupe Landeau fait grief à l'arrêt de « rejeter ses fins de non-recevoir opposées à la mise en oeuvre de la garantie contractuelle et de la condamner au titre de cette garantie à payer à la société CEB la somme de 32 052 euros, en réparation de ses préjudices financiers », alors « que, en tout état de cause, la prolongation tacite par le vendeur d'une garantie contractuelle "pièces et main d'oeuvre" parvenue à expiration implique que par un comportement postérieur, le vendeur ait manifesté sans équivoque sa volonté de renoncer à en invoquer le terme extinctif ; qu'en énonçant, pour retenir une acceptation tacite de prolongation de la garantie contractuelle, que la société Groupe Landeau, "en intervenant le 28 octobre 2013, à ses frais, pour remplacer le clapet d'injection défectueux, après avoir procédé à ce remplacement à de multiples reprises et notamment en octobre 2012, avril 2013 et septembre 2013", avait "tacitement accepté de prolonger la garantie contractuelle jusqu'à cette date", sans caractériser une manifestation de volonté claire et non équivoque de renoncer à invoquer le terme extinctif de la garantie, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

5. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

6. Pour condamner la société Groupe Landeau au paiement d'une certaine somme au titre du défaut affectant le clapet d'injection, l'arrêt constate que la garantie contractuelle « pièces et main d'oeuvre » d'une durée de trois ans expirait au mois de juin 2013, la machine ayant été réceptionnée au mois de juin 2010.

Il retient qu'en intervenant le 28 octobre 2013, à ses frais, pour remplacer le clapet d'injection défectueux, après avoir procédé à ce remplacement à de multiples reprises et notamment en octobre 2012, avril et septembre 2013, la société Groupe Landeau a tacitement accepté de prolonger la garantie contractuelle jusqu'à cette date.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une manifestation claire et non équivoque de la volonté de la société Groupe Landeau de maintenir sa garantie pièces et main d'oeuvre au-delà du délai contractuel de trois ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La société Groupe Landeau fait grief à l'arrêt de rejeter « ses fins de non-recevoir opposées à la mise en oeuvre de sa responsabilité contractuelle fondée sur le défaut de conformité de l'installation électrique de la presse à injection », et de la condamner à régler la somme de 215 476 euros, au titre des remises en état et mise en conformité de la presse à injection, alors « que dans ses conclusions d'appel, la société Groupe Landeau faisait expressément valoir que la machine ayant été livrée en mai 2010, la société CEB s'était déclarée remplie de ses droits aux termes d'un accord homologué par un jugement du 7 mai 2012 et qu'elle n'était dès lors pas recevable, à l'occasion d'une nouvelle instance initiée en décembre 2014, à prétendre que la machine livrée pratiquement quatre ans auparavant n'aurait pas été conforme à sa destination ; qu'en rejetant cette fin de non-recevoir opposée par la SAS Groupe Landeau à la mise en oeuvre de sa responsabilité contractuelle fondée sur le défaut de conformité de l'installation électrique de la presse à injection, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

10. Pour condamner la société Groupe Landeau à payer certaines sommes au titre des préjudices résultant du défaut de conformité de l'installation électrique, l'arrêt retient qu'il résulte d'un rapport de l'Apave du 8 octobre 2014 que l'armoire électrique présente des non-conformités aux exigences du code du travail et que la société Groupe Landeau a manqué à son obligation de délivrance.

11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Groupe Landeau, qui soutenait que dans l'accord signé en mai 2012 la société CEB s'était déclarée « remplie de ses droits » et donc ne pouvait plus invoquer de manquement à l'obligation de délivrance, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

12. La société Groupe Landeau fait grief à l'arrêt de rejeter « les fins de non-recevoir opposées à la mise en oeuvre de sa responsabilité contractuelle fondée sur un défaut de conformité du « soft de la machine » et de la condamner à régler à la société CEB la somme de 215.476 euros au titre des remise en état et mise en conformité de la presse à injection », alors :

« 1°) que le juge ne peut refuser de trancher lui-même la contestation dont il est saisi en s'en remettant à une appréciation de l'expert ; que pour dire que le soft de la machine de presse à injection était affecté par un défaut de conformité, l'arrêt attaqué se borne à relever que "l'expert, répondant à un dire de la société venderesse, a retenu que la société Landeau avait accepté la commande avec un soft spécifique, modifié " ; qu'en statuant ainsi, sans trancher par elle-même les contestations élevées par la société Landreau sur les caractéristiques du soft qu'elle s'était engagée à livrer, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et ainsi violé l'article 4 du code civil ;

2°) qu'en se bornant à énoncer, pour retenir un défaut de conformité, que "l'expert, répondant à un dire de la société venderesse, a retenu que la société Landeau avait accepté la commande avec un soft spécifique, modifié", sans rechercher si un soft spécifique avait été contractuellement convenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

13. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

14. Pour condamner la société Groupe Landeau au paiement d'une certaine somme au titre de la mise en conformité du « soft », l'arrêt retient que l'expert, répondant à un dire de la société venderesse, a relevé que celle-ci avait accepté la commande avec un « soft » spécifique, modifié.

15. En se déterminant ainsi, sans rechercher elle-même si les parties étaient convenues de la mise en oeuvre d'un « soft modifié », la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon.