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Décisions

Cass. com., 2 février 2010, n° 06-16.202

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Farthouat-Danon

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

Me Copper-Royer, SCP Gaschignard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 7 avr. 2006

7 avril 2006

Sur les premier et second moyens du pourvoi principal, en ce qu'ils critiquent les dispositions de l'arrêt relatives aux produits dégriffés :

Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties :

Vu les articles L. 713-2 et L. 714-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'interrogée à titre préjudiciel dans la présente affaire, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit (C-59/08, 23 avril 2009) que l'article 8, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992, doit être interprété en ce sens que le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette dernière à l'encontre d'un licencié qui enfreint une clause du contrat de licence interdisant, pour des raisons de prestige de la marque, la vente à des soldeurs de produits tels que ceux en cause au principal, pour autant qu'il soit établi que cette violation, en raison des circonstances propres à l'affaire au principal, porte atteinte à l'allure et à l'image de prestige qui confèrent auxdits produits une sensation de luxe ;

Attendu que pour rejeter la demande en contrefaçon de la société Dior, en ce qui concerne les produits revêtus de la marque Dior, l'arrêt retient que le contrat de licence litigieux imposait au licencié le respect de certaines modalités de distribution des produits, mais que ces modalités de distribution, si elles sont susceptibles de constituer des services au sens de l'article L. 714-1 du code de la propriété intellectuelle, ne figurent pas au libellé des marques en cause, et que la société Dior ne saurait se prévaloir de ce texte pour fonder une action en contrefaçon de sa marque à l'encontre de son licencié qui n'a pas respecté de telles modalités de distribution ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les textes susvisés ;

Et sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties :

Vu l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit dans le même arrêt que l'article 7, paragraphe 1, de la directive 89/104, telle que modifiée par l'accord sur l'Espace économique européen, doit être interprété en ce sens que la mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par le licencié, en méconnaissance d'une clause du contrat de licence, est faite sans le consentement du titulaire de la marque, lorsqu'il est établi que cette clause correspond à l'une de celles prévues à l'article 8, paragraphe 2, de cette directive ;

Attendu que pour dire, en ce qui concerne les produits revêtus de la marque, que l'épuisement des droits de la société Christian Dior couture sur ses marques ne s'est pas réalisé, l'arrêt retient que la mise dans le commerce des produits "Dior" litigieux, réalisée avec le seul accord du licencié agissant en dehors du cadre de sa licence, ne saurait donner lieu à épuisement du droit du titulaire sur sa marque ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a, en ce qui concerne les produits marqués, rejeté la demande en contrefaçon formée par la société Dior, et dit que l'épuisement des droits de cette société sur ses marques n'était pas réalisé, l'arrêt rendu le 7 avril 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.