CA Douai, 2e ch. sect. 1, 2 novembre 2011, n° 10/00053
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
BRASSERIE ET DÉVELOPPEMENT PATRIMOINE (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parenty
Conseillers :
M. Delneuville, M. Brunel
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lille en date du 14 décembre 1009 qui, saisi par Jean Baptiste LEU, exploitant un fonds de commerce de café et de débit de boissons à Sainghin en Mélantois, d'une opposition à un commandement délivré le 30 juillet 2006 par son bailleur la société BRASSERIE ET DÉVELOPPEMENT PATRIMOINE (la société BDP) d'avoir à cesser une activité irrégulière de PMU, a rejeté sa demande et a constaté la résiliation du bail au 30 juillet 2006, ordonné son expulsion, dit que la société BDP conservera le dépôt de garantie et condamné M. LEU au paiement d'une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles ;
Vu la déclaration d'appel de Jean-Baptiste LEU en date du 6 janvier 2010 ;
Vu les dernières conclusions de Jean Baptiste LEU en date du 16 mars 2011 demandant la réformation du jugement et l'annulation du commandement du 30 juillet 2006 visant la clause résolutoire ; il soutient que l'activité de PMU constitue une activité annexe ou incluse dans celle de débit de boissons, café, bar et ne relève pas de la procédure de déspécialisation ; à titre subsidiaire, il soutient que le bailleur était informé de l'exercice de cette activité dès l'acquisition par lui des locaux donnés à bail et qu'il était donc tacitement d'accord avec l'exercice de cette activité ou, pour le moins, avait renoncé à tout recours ; à titre subsidiaire, il soutient que le manquement qui lui est reproché n'est pas assez grave pour justifier la résiliation du bail et le congé sans indemnité d'éviction ; à titre plus subsidiaire encore, il demande des délais pour mettre fin aux manquements allégués ;
Vu les dernières conclusions de la société BDP en date du 5 avril 2011 demandant la confirmation du jugement sauf en ce qu'il avait fixé l'indemnité d'occupation au montant du loyer et des charges qu'elle demande à voir fixée à la somme de 2600 euros hors taxes à compter du premier août 2006 ; à titre subsidiaire, pour le cas où la validité du commandement ne serait pas retenue, la société BDP demande que soit validé le congé avec refus de renouvellement du 13 octobre 2008 et que l'expulsion de M. LEU soit ordonnée sous astreinte de 80 euros par jour ;
SUR CE
Attendu que les circonstances de fait ont été complètement et exactement exposées par le jugement déféré et que la cour entend y renvoyer à ce titre ;
Sur la nature de l'activité de PMU ;
Attendu que, en application de l'article L. 145 - 47 du code de commerce, le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires sous réserve de faire connaître préalablement au bailleur son intention, dans les conditions décrites à l'alinéa deux dudit article ; qu'échappent à l'obligation de notification préalable les activités qui, se situant dans le prolongement direct de l'activité prévue au bail, n'en constituent qu'une modalité particulière d'exploitation ; qu'en l'espèce, cette obligation était d'ailleurs explicitement rappelée dans les termes du bail au preneur, le bail stipulant en substance, au titre de la destination des lieux, que l'activité de débit de boisson était exclusive de toute autre activité sauf à mettre en oeuvre la procédure de déspécialisation ;
Que c'est à juste titre, contrairement à ce que soutient l'appelant, que le premier juge a considéré que l'activité de PMU, si elle était complémentaire, relevait toutefois de l'obligation de notification préalable ; qu'en effet, une telle activité n'est pas visée, même de façon virtuelle, dans le bail, celui-ci étant au contraire restrictif ; que, si l'activité de PMU présente des liens avec l'activité de café et de débit de tabac, elle n'en constitue toutefois pas le prolongement direct et nécessaire, tous les commerces de débit de tabac n'exerçant pas cette activité ; qu'il sera également relevé que l'activité de PMU exercée par M LEU ne peut être considérée comme "accessoire" alors qu'il résulte des constatations effectuées par l'huissier désigné à la demande du bailleur qu'une pièce entière y est affectée ;
Sur l'autorisation tacite du bailleur ou sa renonciation à exercer les recours qui lui sont ouverts ;
Attendu qu'il est établi que l'activité de PMU était exercée depuis 1987 ; qu'il est patent que la société BDP en a eu connaissance lorsqu'elle a acquis l'immeuble, que ceci ressortait en effet de l'enseigne spécifique extérieure et de la configuration même des lieux dans leur aménagement intérieur ; que toutefois, l'accord du bailleur à l'exercice de cette activité ou sa renonciation à tout recours ne peuvent résulter que d'actes positifs, émanant de lui-même ou des précédents bailleurs, manifestant clairement leur volonté, la simple connaissance de ce que cette activité avait été adjointe étant à elle seule insuffisante ; qu'il est produit une attestation de Mme Thomas, veuve de M Pierre STIEN certifiant que celui-ci avait autorisé l'activité de PMU ; que toutefois, ni elle-même ni son mari n'étaient propriétaires des lieux qui appartenaient à l'époque à la veuve de M Henri STIEN et les allégations du preneur quant au fait que M STIEN aurait été le "gestionnaire" du patrimoine de la "famille STIEN " ne sont corroborés par aucun élément probant ; que l'attestation de l'ancienne exploitante du fonds, Mme CLEMENT, n'apporte aucun élément supplémentaire puisqu'elle affirme seulement que M. Pierre STIEN et son épouse avaient donné un tel accord ; qu'en outre, comme le relève la société BDP, l'acte de vente du 29 juillet 2005 fait état de ce que le vendeur déclare que les baux commerciaux n'ont fait l'objet d'aucune modification et qu'il n'a accompli aucun acte positif susceptible de modifier les clauses et conditions du bail notamment quant à la destination des lieux ; que la preuve d'un accord du bailleur ne peut donc être considérée comme rapportée par M LEU pas plus que celle d'une renonciation à agir qui ne saurait résulter du fait que la société BDP ait proposé la conclusion d'un nouveau bail incluant l'activité de PMU en contrepartie d'un loyer majoré et encore moins de la mise en demeure visant au paiement d'un arriéré de loyer ;
Sur l'application de la clause résolutoire ;
Attendu que les stipulations du bail sont claires en ce qu'elles interdisent toute adjonction d'activité sauf à mettre en oeuvre les procédures spécifiques préalables prévues par le code de commerce et en ce qu'elles sanctionnent le manquement à cette obligation par la résolution de plein droit du bail ; que, dans ces conditions, le juge est dépourvu de tout pouvoir d'appréciation quant à la gravité du manquement, la résolution s'opérant de plein droit ; que la mauvaise foi du bailleur n'est pas établie du seul fait qu'il ait essayé de négocier la conclusion d'un nouveau bail avant de mettre en oeuvre la clause résolutoire ; que la demande d'annulation du commandement ne saurait donc prospérer ; que M LEU a bénéficié du délai du commandement et du délai inhérent à la présente instance pour se mettre en conformité avec les stipulations du bail ; qu'il ne saurait donc utilement solliciter des délais et la suspension des effets du commandement ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de rejeter la demande de la société BDP relative à la modification du montant de l'indemnité d'occupation dès lors qu'elle ne donne aucun élément probant quant à l'évaluation qu'elle propose ;
Que les demandes respectives des parties en dommages intérêts pour procédure abusive doivent être rejetées, ni l'une ni l'autre n'établissant que les éléments de l'abus du droit d'ester en justice soient réunis ;
Attendu qu'il serait inéquitable que la société BDP conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente instance ; que M. LEU sera condamné à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne M. LEU à payer 2 000 euros à la société BRASSERIE ET DÉVELOPPEMENT PATRIMOINE en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. LEU aux dépens qui comprendront les frais des procès verbaux de constat, avec possibilité de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.