Cass. 1re civ., 12 avril 1976, n° 74-12.149
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bellet
Rapporteur :
M. Devismes
Avocat général :
M. Granjon
Avocat :
Me Le Prado
SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE DERRIDA PROFESSEUR A LA FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES DE NICE, A REDIGE UN COMMENTAIRE D'UN ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE DU 23 NOVEMBRE 1970, INFIRMANT UNE DELIBERATION DU CONSEIL DE L'ORDRE DU BARREAU DE NICE REFUSANT L'ADMISSION D'UN CANDIDAT AU STAGE;
QUE, DANS CE COMMENTAIRE, DERRIDA REPROCHAIT A CERTAINS BARREAUX DE PRATIQUER UNE POLITIQUE MALTHUSIENNE, EN CE QUI CONCERNE L'ADMISSION DE NOUVEAUX AVOCATS ;
QUE DERRIDA, APRES AVOIR PRIS CONTACT AVEC LA SOCIETE LES EDITIONS TECHNIQUES POUR LA PUBLICATION DE L'ARRET ET DE SON COMMENTAIRE DANS LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE, DONT IL ETAIT UN DES CHRONIQUEURS HABITUELS, A COMMUNIQUE SON COMMENTAIRE A BARGELLINI, AVOCAT AU BARREAU DE NICE, LEQUEL A MIS LE BATONNIER AU COURANT DE CETTE COMMUNICATION ;
QUE CELUI-CI EST INTERVENU AUPRES DE LA REDACTION DE LA SEMAINE JURIDIQUE POUR PROTESTER CONTRE CERTAINS PASAGES DU COMMENTAIRE DE DERRIDA ET POUR RESERVER LE DROIT DE REPONSE DE L'ORDRE DES AVOCATS ;
QU'APRES DES POURPARLERS, LA DIRECTION DES EDITIONS TECHNIQUES A DECIDE DE NE PAS PROCEDER A LA PUBLICATION ;
QUE DERRIDA A ASSIGNE CETTE SOCIETE EN PAIEMENT D'UN FRANC DE DOMMAGES-INTERETS POUR VIOLATION DE L'ENGAGEMENT QU'ELLE AURAIT PRIS DE PUBLIER LE COMMENTAIRE ET POUR QU'ELLE SOIT CONDAMNEE, SOUS ASTREINTE, A PUBLIER DANS LA SEMAINE JURIDIQUE L'ARRET DE LA COUR D'AIX ET LE COMMENTAIRE ;
QUE LA COUR D'APPEL A ACCUEILLI CETTE DEMANDE ;
ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR AINSI STATUE, AU MOTIF QUE L'ENGAGEMENT DE PUBLICATION INVOQUE PAR DERRIDA ETAIT PROUVE PAR DES PRESOMPTIONS, ALORS QUE, D'UNE PART, LA PUBLICATION D'UNE OEUVRE DE L'ESPRIT DANS UN RECUEIL PERIODIQUE NE SERAIT PAS, CONTRAIREMENT A L'AFFIRMATION DE LA COUR D'APPEL, EXCLUSIVE D'UN CONTRAT D'EDITION, LE LOUAGE D'OUVRAGE, ENVISAGE PAR L'ARTICLE 36 DE LA LOI DU 11 MARS 1957 POUR LA PUBLICATION D'OEUVRES DE L'ESPRIT DANS LES JOURNAUX ET RECUEILS PERIODIQUES, NE CONSTITUANT, SELON LE MOYEN, QUE L'UNE DES RELATIONS POSSIBLES DE L'AUTEUR AVEC LA PERSONNE JURIDIQUE QUI ENTREPREND LA PUBLICATION ;
QUE LA COUR D'APPEL SE SERAIT CONTREDITE EN NE DEDUISANT PAS DE LA REMISE SPONTANEE DE L'ARTICLE PAR DERRIDA, QUE L'EXISTENCE D'UN CONTRAT DE LOUAGE D'OUVRAGE ETAIT EXCLUE ;
QUE DERRIDA, EN SE PREVALANT DE L'ENGAGEMENT PRIS PAR LA SOCIETE DES EDITIONS TECHNIQUES, LORS DE LA REMISE DU COMMENTAIRE, AVAIT INVOQUE UN CONTRAT D'EDITION, LEQUEL AURAIT DU ETRE PROUVE PAR ECRIT, AUX TERMES DE L'ARTICLE 31 DE LA LOI PRECITEE, ET ALORS, D'AUTRE PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE LA COUR D'APPEL AURAIT DU, EN TOUTE HYPOTHESE, DECIDER QUE, MEME EN L'ABSENCE DE CONTRAT D'EDITION, AURAIENT ETE APPLICABLES LES ARTICLES 1341 A 1348 DU CODE CIVIL, CE QUI AURAIT EXCLU LA PREUVE PAR TOUS MOYENS ;
MAIS ATTENDU QUE DERRIDA, AYANT SOUTENU QUE LA SOCIETE LES EDITIONS TECHNIQUES AVAIT PRIS L'ENGAGEMENT DE PUBLIER SON COMMENTAIRE DE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE DU 23 NOVEMBRE 1970, LES JUGES DU SECOND DEGRE, SANS QUALIFIER LE CONTRAT INVOQUE, ONT JUSTEMENT RELEVE QUE L'APPLICATION PREVUE PAR L'ARTICLE 31, ALINEA 2, DE LA LOI DU 11 MARS 1957, DES ARTICLES 1341 A 1348 DU CODE CIVIL POUR LES CONTRATS AUTRES QUE CEUX D'EDITION OU DE REPRESENTATION, N'EXCLUAIT PAS CELLE DE L'ARTICLE 109 DU CODE DE COMMERCE, L'ARTICLE 1341 AYANT RESERVE LE JEU DES DISPOSITIONS CONTENUES DANS LES LOIS X AU COMMERCE, ET QUE MEME S'IL S'AGISSAIT D'UN CONTRAT D'EDITION ;
DERRIDA POUVAIT, EN RAISON DE LA QUALITE DE COMMERCANT DE LA SOCIETE LES EDITIONS TECHNIQUES, ADMINISTRER PAR TOUS MOYENS LA PREUVE QUI LUI INCOMBAIT, DES LORS QUE LA CONSTATATION PAR ECRIT DU CONTRAT D'EDITION PRESCRITE PAR L'ARTICLE 31, ALINEA 1ER, DE LA LOI PRECITEE, N'ETAIT PAS REQUISE POUR LA VALIDITE DU CONTRAT MAIS POUR SA PREUVE, CE QUI RENDAIT APPLICABLE L'ARTICLE 109 DU CODE DE COMMERCE ;
QU'AINSI, LA COUR D'APPEL, QUI NE S'EST PAS CONTREDITE, N'A PAS VIOLE LES TEXTES VISES AU MOYEN, EN PERMETTANT A DERRIDA DE PROUVER PAR PRESOMPTIONS L'ENGAGEMENT INVOQUE PAR LUI, ET QU'EN CONSEQUENCE, LE MOYEN N'EST FONDE EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 4 MARS 1974 PAR LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE.