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Décisions

Cass. com., 7 juin 2011, n° 10-17.584

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Gaschignard, SCP Peignot et Garreau

Cass. com. n° 10-17.584

6 juin 2011

Sur le pourvoi, en tant qu'il est formé contre l'arrêt du 9 octobre 2007 :

Attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire prévu par l'article 978 du code de procédure civile n'étant dirigé contre l'arrêt du 9 octobre 2007, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;

Sur le pourvoi, en tant qu'il est formé contre l'ordonnance du 17 juin 2008 et contre l'arrêt du 18 février 2010 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X a, par acte du 19 juin 1997, consenti à la société Shunk, qui s'est substitué la société Weiss Umwelttechnik GmbH (société Weiss), deux promesses de vente portant l'une sur mille quatre vingt treize actions émises par la société Servathin et l'autre sur soixante-deux actions émises par la société Secasi ; qu'il était stipulé que l'option devait être levée dans un délai de neuf années, sauf renouvellement, et que le prix serait déterminé par application d'une méthode précisée par les actes ; que le 31 mars 2005, la société Weiss a levé les options ; qu'elle a ensuite assigné M. X, celui-ci ayant refusé de poursuivre les cessions pour le prix résultant, selon la société Weiss, de l'application des contrats, soit 1 euro ; qu'un premier arrêt du 9 octobre 2007 a dit que la valeur des actions devait être fixée, conformément aux stipulations contractuelles, au 31 mars 2005, au regard des résultats des exercices 2002, 2003 et 2004 et, avant dire droit, a ordonné une expertise ; que la cour d'appel s'est ensuite prononcée au vu du rapport d'expertise après qu'un incident relatif à l'étendue de la mission de l'expert eut été tranché par une ordonnance du magistrat chargé du contrôle des expertises en date du 17 juin 2008 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X fait grief à l'ordonnance du 17 juin 2008 d'avoir dit que l'expert avait pour mission de calculer la valeur des actions qu'il avait cédées à la société Weiss à la date du 31 mars 2005 conformément à la méthode retenue par les parties, et ce au vu des exercices 2002, 2003 et 2004, alors, selon le moyen, que dans son arrêt du 9 octobre 2007, la cour d'appel avait désigné un expert aux fins de "donner un avis circonstancié" sur la valeur des actions Servathin et Secasi au 31 mars 2005 en fonction des résultats des années 2002, 2003 et 2004 ; stipulé dans les promesses de cession, émettre un avis sur ce calcul et le prix ainsi obtenu ; qu'en affirmant que la mission de l'expert se limitait au seul calcul du prix de vente selon les modalités prévues au contrat, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'arrêt du 9 octobre 2007 et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt du 9 mars 2007 a donné à l'expert pour seule mission, au vu des stipulations contractuelles relatives aux modalités de fixation de la valeur des actions, de donner un avis sur la valeur de celles-ci au 31 mars 2005 en fonction des résultats des années 2002, 2003 et 2004 ; qu'ainsi, et peu important qu'il ait été précisé par l'arrêt que cet avis devait être "circonstancié", c'est sans dénaturer les termes de cette décision que l'ordonnance du 17 juin 2008 a dit que l'expert avait "pour mission de calculer la valeur des actions cédées par M. X à la société Weiss à la date du 31 mars 2005 conformément à la méthode retenue par les parties, et ce au vu des exercices 2002, 2003 et 2004" ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. X fait grief à l'arrêt d'avoir fixé à un euro le prix de cession des actions de la société Servathin et à 446 euros celui des actions de la société Secasi, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de l'ordonnance du 17 juin 2008 en ce qu'elle a limité la mission de l'expert à la détermination du prix des actions par application de la formule prévue au contrat entraîne par voie de conséquence la cassation de l'arrêt du 10 février 2010 qui, prenant acte de cette limitation, "rejette" toutes les conclusions subséquentes de l'expert ;

Mais attendu que le rejet du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 17 juin 2008 rend le moyen sans portée ; que celui-ci ne peut être accueilli ;

Et sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. X fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que dans son arrêt du 9 octobre 2007, la cour d'appel a désigné un expert aux fins de "donner un avis circonstancié sur la valeur des actions Servathin et Secasi au 31 mars 2005 en fonction des résultats des années 2002, 2003 et 2004" ; que c'est donc sans excéder les limites de sa mission que l'expert a, après avoir procédé au calcul stipulé dans les promesses de cession, donné un "avis circonstancié" sur ce calcul et sur la valeur des actions estimées à la date du 31 mars 2005 (IVème partie) ; qu'en "rejetant" les conclusions du rapport d'expertise comportant cet avis circonstancié au motif qu'elles n'entraient pas dans le champ de sa mission, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'arrêt avant dire droit du 9 octobre 2007 et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de la réponse au premier moyen que la dénaturation invoquée est inexistante ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu les articles 9 et 238 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt écarte des débats les conclusions du rapport d'expertise prises en dehors de la mission fixée par l'arrêt du 9 octobre 2007 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que même s'il excédait les limites de sa mission, l'avis de l'expert constituait un élément de preuve que M. X pouvait invoquer à l'appui de sa demande tendant à l'annulation des cessions pour vileté du prix, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur la quatrième branche du moyen :

Vu l'article 1591 du code civil ;

Attendu que pour débouter M. X de sa demande tendant à l'annulation des cessions d'actions, l'arrêt retient qu'une cession pour un prix symbolique est valide dés lors que ces actions se révèlent sans valeur ; qu'il ajoute que les parties ont choisi dans un cadre contractuel non contesté un mode de détermination de la valeur des actions ; que l'arrêt retient encore que le seul fait qu'au jour de l'application de la formule de valorisation, les données comptables conduisent à un "prix négatif", se résolvant en un prix symbolique, ne peut donc emporter nullité de la vente ; qu'il précise qu'une telle circonstance entre dans les prévisions d'une formule de calcul assise essentiellement sur la détermination des résultats comptables de l'entreprise, données susceptibles d'être de valeur négative au cours d'exercices successifs ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si le prix de vente des titres déterminé par application de la méthode contractuellement prévue revêtait un caractère sérieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est formé contre l'arrêt rendu le 9 octobre 2007 par la cour d'appel de Versailles ;

Le rejette en tant qu'il est formé contre l'ordonnance d'incident du 17 juin 2008 ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a fixé à 1 euro le prix de cession des mille quatre vingt treize actions Servathin et à 446 euros le prix de cession des soixante-deux actions Secasi, l'arrêt rendu le 18 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.