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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 28 septembre 1994, n° 93/023219

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Banier

Défendeur :

Directeur Général de l'INPI

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gouge

Conseillers :

Mme Mandel, M. Brunet

Avocat :

Me Combeau

Directeur INPI, du 22 sept. 1993

22 septembre 1993

FAITS ET PROCEDURES

Le 18 octobre 1988 M. BANIER a déposé à L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE une demande  d’enregistrement portant sur le terme « ALCOOL » pour désigner dans la classe 3 les produits suivants : savons, produits de parfumerie, en particulier parfums, eaux de toilettes ; huiles essentielles ; produits cosmétiques, en particulier shampoings, laits et lotions pour le corps et les cheveux, crèmes, onguents ; produits de maquillage ; produits capillaires ; déodorants ; dentifrices ;

Le 16 janvier 1989, L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE a fait connaitre que cette demande était susceptible de tomber sous le coup des dispositions de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1964.

Après que le déposant ait présenté le 26 février 1989 des observations un projet de décision de rejet lui a été adressé le 20 juin 1990.

La demande a fait l’objet d’une décision définitive de rejet le 22 septembre 1993 aux motifs qu’appliqué aux produits désignés dans la demande d’enregistrement ce signe se borne à en indigner la composition – produits à base d’alcool – en déterminant le choix de l’acheteur et qu’appliqué à ces mêmes produits, dans la mesure où ils ne contiendraient pas d’alcool, ce signe constituerait une indication propre à tromper le public.

Le 21 octobre 1993 M. Banier a formé un recours faisant valoir que :

- aucun des produits désignés dans la demande d’enregistrement ne peut être composé uniquement d’alcool,

- il existe par surcroît plusieurs types d’alcool et lorsqu’un produit de parfumerie contint de l’alcool celui-ci est désigné d’une façon spécifique,

- la présence d’alcool dans les produits désignés n’est pas déterminante du choix de l’acheteur,

- la dénomination « ALCOOL » appliquée aux produits ne contenant pas d’alcool ne peut induire le public en erreur quant aux propriétés du produit à partir du moment où la présence d’alcool ne confère aucun avantage à l’attractivité du produit,

- la dénomination « ALCOOL » évoque l’ivresse, la transgression de certaines règles de vie et le public ne peut prendre ce terme appliqué aux produits désignés dans le dépôt dans son sens de distillat utilisé comme solvant.

Dans ses observations écrites développées à l’audience, le directeur de L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE réplique

- Qu’appliqué aux produits désignés le signe ALCOOL se borne à en indiquer la composition et par la même la qualité essentielle au sens où cette notion a été dégagée par la doctrine et la jurisprudence,

- que ce terme doit rester à la disposition des entreprises ayant une activité identique ou similaire et qui doivent pouvoir l’utiliser pour indiquer l’un des composants de leurs produits

- en fonction des produits qu’il est censé distinguer le terme « ALCOOL » n’est pas évocateur,

- le signe « ALCOOL » est susceptible d’induire en erreur le public sur la composition du produit.

Qu’il conclut en conséquence au rejet du recours.

Le Ministère Public a présenté des observations dans le même sens.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que l’article 3 de la loi du 31 décembre 1964 applicable en l’espèce compte tenu de la date du dépôt énonce notamment que :

« ne peuvent être considérées comme marque celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service ou la composition du produit »

Considérant qu’en l’espèce la demande d’enregistrement porte exclusivement sur le terme ALCOOL représenté en caractère bâton sans aucun autre élément verbal ou graphique.  

Considérant qu’il importe peu que les produits désignés au dépôt ne soient pas composés uniquement d’alcool et que celui-ci ne soit utilisé qu’en qualité de solvant ou d’amplificateur d’odeur dès lors qu’il n’est pas fait grief à la dénomination en cause d’être la désignation nécessaire ou générique des produits visés.

Qu’il suffit au regard de l’article 3 alinéa 4 que l’alcool constitue un des éléments principaux de base de la composition des produits.

Or considérant que M. BARBIER ne conteste pas que de l’alcool rentre dans la composition des parfums, eaux de toilette et dans certains produits cosmétiques (mousses à raser) et de maquillage (vernis) ainsi que des déodorants et les laques pour cheveux.

Que même si plusieurs types d’alcool sont employés tels l’éthanol, le glycérol le public ne connaît que le terme général « alcool ».

Considérant que le dépôt en tant que marque du terme ALCOOL pris isolément et de surcroît sans graphisme particulier constituant au propriétaire de la marque un monopole lui permettant d’en interdire l’utilisation de quelque manière que ce soit, la validité d’une telle marque ne peut être admise dès lors qu’elle aurait pour effet de priver les tiers de la possibilité de présenter à la clientèle la composition des produits de parfumerie ou cosmétiques qu’ils commercialisent.

Que le moyen selon lequel la présence d’alcool pour les produits désignés n’est pas déterminante du choix de l’acheteur n’est pas pertinent dans la mesure ou l’acheteur peut se déterminer en raison de qualités secondaires, pour des motifs indépendants de ce qui permet d’identifier le produit.

Que l’Institut fait justement valoir que l’alcool étant communément utilisé en matière de parfumerie, d’hygiène ou de cosmétiques, le sens de ce terme ne saurait être interprété indépendamment du contexte dans lequel il s’insère.

Que dans l’esprit de l’acheteur ce mot évoquera essentiellement un composant du produit et nullement l’ivresse, l’interdit.  

Que la marque « ALCOOL » descriptive dans le cas où les produits désignés renferment de l’alcool comme composant présente de surcroît un caractère trompeur dans le cas contraire et ce d’autant plus que de nos jours on propose aux consommateurs des déodorants, des produits cosmétiques et même des eaux de toilette sans alcool.

Qu’en conséquence c’est à juste titre que le directeur de l’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRETE INDUSTRIELLE a refusé l’enregistrement de la marque et M. BANIER doit être débouté de son recours en annulation.

PAR CES MOTIFS :

Dit M. BANIER recevable mais mal fondé en son recours en annulation de la décision du 22 septembre 1993 du directeur de l’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRETE INDUSTRIELLE qui a rejeté sa demande d’enregistrement de la marque « ALCOOL »,

Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffier dans les huit jours par lettre recommandée avec avis de réception tant à M. BANIER qu’au DIRECTEUR GENERAL DE l’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRETE INDUSTRIELLE.