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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 11 septembre 1996, n° 94/013991

PARIS

Arrêt

TGI de Paris, du 25 mars 1994

25 mars 1994

Par jugement du 25 mars 1994 le tribunal de grande instance de Paris après avoir déclaré qu'en faisant usage de la dénomination « Olympe » à titre de dénomination sociale, de nom commercial et d'enseigne, sans l'autorisation de Mme Dominique Versini-Nahmias, la société SARL Nahmias - Olympe - Bassano avait porté atteinte aux droits que cette dernière détient sur son pseudonyme a :

-  interdit à la SARL l'usage de ladite dénomination,

-  ordonné qu'il soit justifié, dans le délai de trois mois, des démarches entreprises auprès du greffe du tribunal de commerce en vue du changement de dénomination sociale ;

-  condamné la société à payer à Mme Versini une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

-  ordonné la publication de la décision dans trois journaux ou revues, aux frais de la société et pour un coût global ne pouvant excéder 45 000 francs.

La société Nahmias - Olympe - Bassano a interjeté appel de cette décision.

Après avoir précisé qu'elle avait déféré aux injonctions du tribunal et effectué les modifications imposées, l'appelante expose :

-  que M. Albert Nahmias a créé en novembre 1973 avec son épouse, Mme Versini, un restaurant sous l'enseigne « Le restaurant d'Olympe » dont il était le gérant, son épouse occupant quant à elle les fonctions de cuisinière ;

-  que pour l'exploitation de ce restaurant a été créée une SARL, la société Navers le 24 mars 1979 ;

-  que les époux ayant décidé de se séparer, Mme Versini a cessé d'exercer ses fonctions de cuisinière au sein du restaurant, le 31 octobre 1989 ;

-  que M. Nahmias a continué d'exploiter le restaurant d'Olympe tandis que Mme Versini exerçait parallèlement ses activités au sein du groupe Virgin puis dans le cadre d'un nouveau restaurant qu'elle a créé sous l'enseigne La Casa d'Olympe en septembre 1993 ;

-  que ces activités parallèles se sont poursuivies sans qu'aucune réclamation ne soit opposée par Mme Versini ;

-  que M. Nahmias a concédé à la société Nahmias Olympe Bassano créée le 19 octobre 1993 le droit d'utiliser la marque « Olympe » et l'a autorisée à faire usage de cette dénomination ;

-  que Mme Versini lui a alors opposé les droits qu'elle détenait sur son pseudonyme et l'a attraite devant le tribunal qui faisant droit aux prétentions formulées par cette dernière a prononcé les interdictions et condamnations sus énoncées qu'elle entend critiquer.

Elle reproche essentiellement aux premiers juges de n'avoir pas évoqué la question de l'antériorité de l'enseigne « Le restaurant d'Olympe » ainsi que de la marque par rapport au pseudonyme invoqué.

Elle prétend ainsi que la dénomination « d'Olympe, » prénom de la mère de Mme Versini, a d'abord été utilisée (référence faite à la presse gastronomique) comme « enseigne » pour promouvoir le restaurant créé en 1973 et ne constituait pas un pseudonyme ; que celle-ci a d'ailleurs été utilisée indifféremment par chacun des époux ; qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les restaurants en cause, les clients sachant pertinemment que Mme Versini n'exerce pas ses talents au sein de la société Nahmias - Olympe - Bassano.

Elle dénie avoir commis une quelconque faute ou avoir recherché à exploiter la notoriété acquise par Mme Versini, et conteste l'existence du préjudice allégué.

Sollicitant en conséquence l'infirmation de la décision entreprise, elle conclut au rejet des prétentions de son adversaire et réclame paiement de la somme de 20 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Mme Versini se prévalant de la notoriété par elle acquise dans le domaine de la restauration et de l'art culinaire sous le pseudonyme d'Olympe, conteste à la société Nahmias Olympe Bassano le droit d'utiliser ce dernier que ce soit à titre de dénomination sociale, d'enseigne ou de nom commercial précisant :

-  que M. Nahmias n'a pu régulièrement concéder à la société le droit d'utiliser une marque qui, déposée sans son accord et en fraude de ses droits, est, selon elle, radicalement nulle ;

-  qu'il ne pouvait davantage céder le droit sur l'enseigne et le nom commercial résultant de l'exploitation par la société Navers du restaurant d'Olympe, ladite société, en liquidation de biens, se trouvant sous mains de justice ;

-  que le pseudonyme d'Olympe (qui est le prénom de sa mère) préexistait à la création du restaurant Le restaurant d'Olympe ;

-  qu'il existe la plus parfaite identité, référence étant faite à la presse spécialisée, entre la dénomination « Olympe » et le chef de cuisine qu'elle a été.

Sollicitant en conséquence la confirmation de la décision en toutes ses dispositions, elle réclame paiement de la somme de 30 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Sur ce

Considérant que le pseudonyme constitue, dès lors que par un usage prolongé et notoire il s'identifie aux yeux du public à l'individu qui le porte, un attribut de la personnalité qui, à l'égal du patronyme, est protégé ;

Qu'il ne peut, de ce fait en être fait usage, sans l'autorisation de son titulaire dans des conditions qui porteraient atteinte à la personnalité de celui-ci ;

Considérant que pour prétendre à l'utilisation régulière de ce pseudonyme, la société Nahmias Olympe Bassano se prévaut essentiellement de l'antériorité des droits privatifs qu'elle tirerait de l'enseigne « Le restaurant d'Olympe » et de la licence de marque que lui aurait concédée M. Nahmias ;

Qu'elle reproche à Mme Versini de rechercher à s'approprier le pseudonyme qui préexistait sous forme d'enseigne et de marque ;

Considérant qu'il convient tout d'abord d'observer que quelle qu'ait été l'utilisation première faite de la dénomination « Olympe » par les époux Nahmias, celle-ci a eu, dès l'origine, pour vocation de désigner, aux yeux du public, Mme Versini qui, en sa qualité de chef de cuisine, allait présider aux destinés du restaurant nouvellement créé et lui insuffler sa personnalité ;

Que la notoriété acquise par cette dernière sous le pseudonyme « d'Olympe » dès les années 1978/1980 (comme en atteste les coupures de presse précisément relevées par les premiers juges à la décision desquels il est expressément référé sur ce point) dont elle ne s'est jamais départie, tient essentiellement aux efforts qu'elle a déployés à titre personnel non seulement dans le cadre du restaurant créé avec son époux, mais également pour l'exercice de ses autres activités dans le domaine de l'art culinaire, et notamment de la « littérature » spécialisée ;

Que ce pseudonyme, en raison de la célébrité acquise par Mme Versini, se trouve indissociablement lié à la personnalité de celle-ci ;

Qu'il ne peut dès lors en être fait usage qu'avec son autorisation ou en raison de droits privatifs auxquels elle aurait expressément souscrits, l'absence de risque de confusion (au demeurant non démontrée) étant en vain invoquée ;

Considérant, s'agissant de l'enseigne « Le restaurant d'Olympe », que la société Nahmias Olympe Bassano ne peut valablement prétendre l'avoir régulièrement acquis de M. Nahmias alors qu'il n'est nullement démontré que celui-ci ait disposé, sur cette enseigne, d'un droit exclusif susceptible d'être cédé par lui seul, l'exploitation du restaurant sous l'enseigne en cause ayant quant à elle pris fin par la mise en liquidation judiciaire de la société Navers ;

Que s'agissant de la marque « Olympe », la société Nahmias Olympe Bassano (qui ne justifie pas au demeurant avoir régulièrement publié au Registre national des marques le contrat de licence du 10 octobre 1993 qu'elle invoque) ne peut valablement alléguer l'avoir régulièrement acquise de M. Nahmias ensuite du dépôt par lui effectué le 22 septembre 1987, date à laquelle, comme le relève pertinemment le tribunal, la dénomination n'était pas disponible puisque constituant d'ores et déjà le pseudonyme de Mme Versini étroitement lié à la personnalité de cette dernière et ne pouvait, en conséquence, être déposée à ce titre, comme il y a été procédé, sans l'autorisation de celle-ci ;

Que les premiers juges ont à juste raison relevé que les autorisations données par M. Nahmias sur l'utilisation du pseudonyme étaient inopposables à Mme Versini ;

Considérant dès lors qu'en faisant usage de la dénomination « Olympe » dans les conditions qui viennent d'être évoquées, la société Nahmias Olympe Bassano a porté atteinte aux droits que Mme Versini détient sur son pseudonyme ;

Que les premiers juges ont exactement évalué le préjudice en résultant à la somme de 50 000 francs et ordonné à bon droit les mesures d'interdiction et de publication qui s'imposaient ;

Que le jugement doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions, la mesure de publication devant quant à elle faire mention de la présente décision ;

Considérant que la société Nahmias Olympe Bassano qui succombe ne peut valablement prétendre au bénéfice de l'article 700 du NCPC ;

Qu'il serait en revanche inéquitable de laisser à Mme Versini la charge des frais irrépétibles qu'elles s'est vue contrainte d'engager en cause d'appel, la somme de 15 000 francs devant lui être octroyée à ce titre ;

Par ces motifs :

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 mars 1994 en toutes ses dispositions en ce compris les mesures de publications qui devront faire mention de la présente décision.