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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 10 novembre 2021, n° 18/06847

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SNC ETABLISSEMENTS CLAVERIE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Potee

Conseillers :

M. Braud, Mme Valee

Avocats :

Me Faurie, Me Leconte, Me Barbaut

TGI de Bordeaux, du 20 nov. 2018, n° 15/…

20 novembre 2018

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La société Evrard SC est une société de droit belge commercialisant des objets pieux et sa filiale, la SARL Evrard Lourdes, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Tarbes et dont le siège social est fixé au 6 esplanade du Paradis à A X, distribue dans ce secteur les objets pieux de la société Evrard SC.

La SNC Etablissement Claverie (la société Claverie) dont le siège social est fixé au ..., a notamment pour activité le commerce de gros d'articles religieux et de souvenirs.

La société Evrard SC est, notamment, titulaire de deux modèles internationaux :

* le modèle international n° DM/047 522 enregistré le 19 avril 1999, modèle qu'elle exploite par la commercialisation d'une statuette référencée n° 120 dénommée Dame de A ;

* le modèle international n° DM/063 322 enregistré le 17 décembre 2002, modèle qu'elle exploite par la commercialisation d'une statuette référencée n°123 dénommée Apparition.

Cette société revendique par ailleurs la détention des droits d'auteurs sur les statuettes tirées de ces modèles.

Suspectant une société concurrente basée à A ('Palais du Rosaire') de diffuser des statuettes contrefaisant ses modèles et oeuvres, la société Evrard SC a fait procéder à l'achat de trois d'entre elles, achat constaté par maître Pierre Mazoué, huissier de Justice à Argelès Gazost le 15 septembre 2015.

Le mois suivant, sur ordonnance judiciaire du 6 octobre 2015, la société Evrard SC a fait procéder à une saisie contrefaçon par le même huissier de justice, lequel a dressé son procès verbal le 15 octobre 2015 confirmant que la société 'Palais du Rosaire' diffusait bien ces statuettes litigieuses et qu'à cette date, elle en avait acquis 3926 auprès de la société Claverie.

Le 3 novembre suivant, la société Evrard SC s'est vue autoriser par ordonnance à faire pratiquer une seconde saisie contrefaçon, cette fois à l'encontre de la société Claverie, laquelle saisie a été réalisée le 19 novembre 2015, toujours par maître Mazoué.

Entre temps, par exploit d'huissier du 13 novembre 2015, les sociétés Evrard SC et Evrard Lourdes ont assigné la société Claverie devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.

À compter du mois de décembre 2015, les parties ont tenté de régler à l'amiable le litige mais ces tentatives n'ont pas abouti.

Par jugement du 20 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a : - rejeté l'exception de nullité des procès verbaux de saisie contrefaçon soulevée par la SNC Établissements Claverie, - dit que la SNC Établissements Claverie s'est rendue coupable de contrefaçon des modèles internationaux n° DM/047 522 et DM/063 322 dont la société Evrard SC est titulaire, et des statuettes Dames de A n°120 et Apparition dont la société Evrard SC est l'auteur, - condamné en conséquence la SNC Établissements Claverie à verser à la société Evrard SC :

* 100 000 au titre du préjudice économique,

* 10 000 au titre du préjudice moral, - dit que la SNC Établissements Claverie a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société Evrard SC, - condamné en conséquence la SNC Établissements Claverie à verser à la société Evrard SC : * 5 000 au titre des investissements réalisés,

- dit que la SNC Établissements Claverie a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SARL Evrard Lourdes,

- condamné en conséquence la SNC Établissements Claverie à verser à la SARL Evrard Lourdes :

* 20 000 au titre du préjudice économique,

- interdit à la SNC Établissements Claverie la fabrication, la détention, l'utilisation, l'offre et le mise en commerce des statuettes NDL Lumineuse et Apparition, ou de tout produit équivalent, et ce sous astreinte de 500 par infraction constatée à compter du caractère définitif du jugement,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné la SNC Établissements Claverie à verser à la société Evrard SC la somme de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SNC Établissements Claverie à verser à la SARL Evrard Lourdes la somme de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SNC Établissements Claverie de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SNC Établissements Claverie aux dépens, en ce compris les frais d'huissier afférents aux saisies contrefaçon des 15 octobre et 19 novembre 2015, avec distraction au profit de Maître Gwendal Barbaut, avocat, - dit ne pas y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.

La société Claverie a relevé appel de ce jugement par déclaration du 21 décembre 2018.

Par ordonnance du 6 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné la communication à l'appelante des exemplaires physiques des statuettes litigieuses.

Par conclusions déposées le 7 août 2020, la société Claverie demande à la cour de : - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : - rejeté l'exception de nullité des procès verbaux de saisie contrefaçon du 15 octobre et 19 novembre 2015 ;

- dit que la SNC Etablissements Claverie s'était rendue coupable de contrefaçon des modèles internationaux DM/047522 et Z dont la Société Evrard SC est titulaire et des statuettes Dames de Lourdes n° 120 et « Apparition » dont la société Evrard SC est l'auteur ;

- condamné la SNC Etablissements Claverie à verser à la société Evrard SC 100 000 au titre de son préjudice économique et 10.000 ' au titre de son préjudice moral ;

- dit que la SNC Etablissements Claverie avait commis des actes de parasitisme au préjudice de la société Evrard SC et a condamné en conséquence la SNC Etablissements Claverie à verser à la société Evrard SC la somme de 5 000 au titre des investissements réalisés ;

- dit que la SNC Etablissements Claverie avait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SARL Evrard Lourdes ;

- condamné en conséquence la SNC Etablissements Claverie à verser à la SARL Evrard Lourdes 20 000 au titre du préjudice économique ;

- interdit à la SNC Etablissements Claverie la fabrication, la détention, l'utilisation, l'offre et la mise en commerce des statuettes « NDL Lumineuse » et « Apparition » ou de tout produit équivalent, et ce sous astreinte de 500 par infraction constatée à compter du caractère définitif du présent jugement ;

- rejeté toutes autres demandes et plus précisément :

* la demande reconventionnelle en nullité pour défaut de nouveauté et/ou de caractère propre du modèle DM/04 7522, * la demande reconventionnelle tendant à voir juger que le modèle DM/047522 est insusceptible de protection sur le fondement du droit d'auteur,

* la fin de non recevoir opposée à l'encontre des demandes indemnitaires de la société Evrard S. C au titre des griefs de concurrence déloyale et parasitaire, et l'absence de fondement de ces mêmes demandes dans leur principe comme dans leur montant.

* la fin de non recevoir opposée aux demandes indemnitaires de la SARL Evrard Lourdes au titre des griefs de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitisme et l'absence de fondement de ces mêmes demandes tant dans leur principe que dans leur montant.

- condamné la SNC Etablissements Claverie à verser à la société Evrard SC la somme de 1 500  au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à la société SARL Evrard Lourdes la somme de 1 500 sur le même fondement - débouté la SNC Etablissements Claverie de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SNC Etablissements Claverie aux dépens en ce compris les frais d'huissier afférents aux saisies contrefaçon des 15 octobre et 19 novembre 2015, avec bénéfice de distraction.

- confirmer le jugement sur le surplus en ce qu'il a rejeté toutes les autres demandes de la société coopérative à responsabilité limitée Evrard et la SARL Evrard Lourdes, En conséquence:

* Inliminelitis : - prononcer la nullité des procès verbaux de saisie contrefaçon en date des 15 octobre et 19 novembre 2015,

- débouter par conséquent la société Evrard S. C. et la SARL Evrard Lourdes de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- les débouter de leurs demandes de nullité des procès verbaux de constat dressés à l'initiative de l'appelante les 4 février, 5 mars 2019 et 20 août 2019,

- les débouter par conséquent de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

* Sur les griefs de contrefaçon au titre des modèles déposés et des statuettes

Sur le modèle DM/047522 et la statuette de « Dame de A » :

- A titre principal, prononcer la nullité du modèle enregistré sous le numéro DM/047522 pour défaut de nouveauté et/ou de caractère propre.

- Débouter par conséquent la société Evrard S. C. de toutes ses demandes, fins et conclusions fondées sur ce modèle

- A titre subsidiaire, la débouter de toutes ses demandes fins et conclusions au titre de la contrefaçon de ce modèle à raison d'une impression visuelle d'ensemble différente telle que ressentie par l'observateur averti,

- Débouter la société Evrard S. C.de toutes ses demandes fins et conclusions fondées sur le droit d'auteur de la statuette « Dame de A » pour absence de date certaine et défaut d'originalité,

- A titre subsidiaire, la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de la contrefaçon du droit d'auteur sur la statuette « Dame de A » en l'absence de reproduction des caractéristiques originales alléguées, Sur le modèle Z et la statuette « Apparition »

- Débouter la société Evrard de toutes ses demandes fins et conclusions au titre de la contrefaçon de ce modèle à raison d'une impression visuelle d'ensemble différente telle que ressentie par l'observateur averti,

- Débouter la société Evrard S. C. de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de la contrefaçon du droit d'auteur de la statuette Apparition en l'absence de reproduction des caractéristiques originales alléguées.

* Sur le préjudice allégué au titre des modèles déposés et du droit d'auteur

- Débouter la société Evrard Lourdes de ses demandes indemnitaires et autres demandes d'interdiction, de confiscation, de destruction, de rappel des circuits commerciaux, et de publication dans les journaux et sur le site Internet de la société Etablissements Claverie, en ce que ces demandes sont irrecevables et en tout état de cause mal fondées.

- Débouter par conséquent la société Evrard S. C. de toutes ses demandes, fins et conclusions.

* Sur les griefs de concurrence déloyale et parasitisme

- Débouter la société Evrard S. C. de ses demandes en ce qu'elles sont irrecevables et en tout état de cause mal fondées, tant dans leur principe que dans leur montant,

- Débouter la société Evrard Lourdes de ses demandes en ce qu'elles sont irrecevables et en tout état de cause mal fondées, tant dans leur principe que dans leur montant,

- Les débouter par conséquent de toutes leurs demandes, fins et conclusions, Dans tous les cas - Débouter les intimées de toutes les demandes formulées au titre de leur appel incident.

- Condamner in solidum les intimées au paiement d'une indemnité de 50 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 26 août 2020, les sociétés Evrard SC et Evrard Lourdes demandent à la cour de :

- les juger recevables et fondées en toutes leurs demandes, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a « [REJETE] l'exception de nullité des procès verbaux de saisie contrefaçon soulevée par la SNC Établissements Claverie,

- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la validité du modèle international n° DM/047522 de la société Evrard SC et l'existence de droits d'auteur sur la statuette « Dames de A» n°120 et sur la statuette « Apparition » n° 123,

- confirmer le jugement en ce qu'il a « DIT que la SNC Établissements Claverie s'est rendue coupable de contrefaçon des modèles internationaux n° DM/047 522 et Z dont la société Evrard SC est titulaire, et des statuettes Dames de A n° 120 et Apparition dont la société Evrard S. C. est l'auteur, »

- en tout état de cause :

* rejeter les moyens de nullité à l'égard du modèle n° DM/047522 formés par la société Etablissements Claverie,

* rejeter le moyen selon lequel la statuette « Dame de A » n°120 ne serait pas susceptible de protection sur le fondement du droit d'auteur ;

* rejeter, par voie de conséquence, l'ensemble des demandes de la société Claverie formés à l'encontre des sociétés Evrard Lourdes et Evrard S. C.,

* de façon générale, rejeter toutes les demandes de la société Claverie,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant du préjudice économique subi du fait des actes de contrefaçon des modèles internationaux n° DM/047522 et n°Z et des droits d'auteur attachés aux statuettes « Dame de A » n° 120 et « Apparition » n° 123, à la somme de 100.000euros, et statuer à nouveau aux fins de condamner la société Etablissements Claverie à verser à la société Evrard S.

C. la somme de 448 828,00 euros, par provision, à parfaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon des modèles internationaux n° DM/047522 et n°Z et des droits d'auteur attachés aux statuettes « Dame de A » n° 120 et « Apparition » n° 123, à la somme de 10 000 euros, et statuer à nouveau aux fins de condamner la société Claverie à verser à la société Evrard S. C. la somme de 20 000 euros, par provision, à parfaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a « Dit que la SNC Établissements Claverie a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société 'Evrard SC' et statuer à nouveau aux fins de dire que la société Établissements Claverie a aussi commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Evrard SC,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Etablissements Claverie à verser à la société Evrard S. C. la somme de 5 000 euros au titre des actes de parasitisme, et statuer à nouveau aux fins de condamner la société Etablissements Claverie à verser à la société Evrard S.

C. la somme de 76 000 euros, en réparation des actes de parasitisme et de concurrence déloyale,

- confirmer le jugement en ce qu'il a « Dit que la SNC Établissements Claverie a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SARL Evrard Lourdes - infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Etablissements Claverie à verser à la société Evrard Lourdes la somme de 20 000 euros au titre des actes de concurrence déloyale, et statuer à nouveau aux fins de condamner la société Claverie à payer à la société Evrard Lourdes SARL la somme de 58 143 euros, - confirmer le jugement en ce qu'il a « Interdit à la SNC Etablissements Claverie la fabrication, la détention, l'utilisation, l'offre et la mise en commerce des statuettes « NDL lumineuse » et « Apparition », ou de tout produit équivalent, et ce sous astreinte »,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de cette astreinte « à 500 euros par infraction constatée » et statuer à nouveau aux fins de fixer le montant de l'astreinte à 5 000 euros par infraction constatée dès signification de l'arrêt à intervenir,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas ordonné de mesure de confiscation et de destruction, et statuer à nouveau aux fins d'ordonner à titre de dommages et intérêts complémentaires, la confiscation et la destruction, aux frais de l'appelante, des statuettes « NDL lumineuse » et « Apparition », ou de tout produit équivalent, sous astreinte définitive de 5 000 euros par infraction constatée dès signification de l'arrêt à intervenir,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas ordonné le retrait et le rappel des circuits commerciaux des produits litigieux, et de statuer à nouveau aux fins d'ordonner le retrait et le rappel des circuits commerciaux des statuettes « NDL lumineuse » et « Apparition », aux frais de la société Etablissements Claverie, ou de tout produit équivalent, sous astreinte définitive de 5.000 euros par infraction constatée dès signification de l'arrêt à intervenir,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas dit et jugé que le tribunal se réservait le pouvoir de liquider l'astreinte, et de statuer à nouveau aux fins de dire et juger que la cour se réserve expressément pouvoir de liquider les astreintes ainsi prononcées, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de publication judiciaire du jugement à intervenir, et de statuer à nouveau aux fins d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques au choix de la société Evrard S. C., à la charge de la société Claverie, et à concurrence de 5.000 euros Hors Taxes par insertion,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité de la société Claverie faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Etablissements Claverie à verser une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé ce montant à 1.500 euros par intimée, et statuer à nouveau aux fins de condamner la société Etablissements Claverie à payer la somme totale de 51.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Etablissements Claverie aux dépens, en ce compris les frais de Maître E C pour la saisie contrefaçon des 15 octobre 2015 et 19 novembre 2015, avec bénéfice de distraction.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 21 septembre 2021, l'instruction ayant été clôturée par ordonnance du 7 septembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité des procès-verbaux de saisie contrefaçon

1- Sur le procès-verbal de saisie contrefaçon du 15 octobre 2015

2 - La société Claverie fait grief au premier juge d'avoir rejeté sa demande de nullité de ce procès-verbal qu'elle maintient en appel au seul titre de l'irrégularité de fond tenant à la mission d'assistance et de représentation que la secrétaire de l'huissier instrumentaire aurait assurée en violation des termes de l'ordonnance du 6 octobre 2015 qui autorisait l'huissier instrumentaire à se faire assister de « tous hommes de l'art choisis par la requérante et/ou experts pris en dehors de son personnel salarié », la présence de toute autre personne étant ainsi proscrite, même si la mission de la secrétaire de l'huissier a été limitée à la mémorisation et à la retranscription des déclarations des parties.

Les sociétés intimées répliquent que seuls l'homme de l'art ou l'expert accompagnant l'huissier sont concernés par la prohibition de l'ordonnance selon laquelle ils ne doivent pas faire partie des salariés de l'étude de l'huissier, que la secrétaire de l'huissier n'a pas assuré une mission d'assistance ou de représentation du saisissant et que l'huissier opérant la saisie contrefaçon peut se faire assister par des préposés de son étude sans excéder ses pouvoirs.

Aux termes de l'ordonnance rendue le 6 octobre 2015 sur requête de la société Evrard, l'huissier instrumentaire a été autorisé 'à se faire assister de tous hommes de l'art choisis par la requérante et/ou experts, pris en dehors de son personnel salarié, pour l'aider dans sa description et dont il enregistrera les explications, et notamment par tous membres du Cabinet SCHMIT CHRETIEN, Conseils en Propriété Industrielle, dont le siège est ... à ....

Il ressort sans équivoque de ces dispositions que l'interdiction de recourir au personnel salarié de l'huissier ne vise que les hommes de l'art et/ou les experts choisis par la requérante.

Par ailleurs, si la présence au côté de l'huissier de sa secrétaire pour l'assister dans les opérations de saisie contrefaçon n'était pas explicitement autorisée dans l'ordonnance, l'huissier peut se faire assister par des préposés de son étude qui lui sont subordonnés, comme un clerc d'huissier ou une secrétaire, sans excéder les pouvoirs qui lui sont conférés.

Enfin, il ne peut être soutenu que la simple aide à la retranscription des opérations de l'huissier par sa secrétaire constitue une participation à l'assistance et à la représentation du saisissant.

C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté le moyen de nullité.

2. Sur le procès-verbal de saisie contrefaçon du 19 novembre 2015

Outre la présence de la secrétaire de l'huissier à nouveau invoquée à l'appui de la demande de nullité du second procès-verbal et qu'il y a lieu d'écarter pour les motifs exposés ci-dessus, la société Claverie se prévaut de la violation des termes de la mission confiée à l'huissier qui, abandonnant sa mission d'investigation et de perquisition, se serait livré à un véritable interrogatoire et à des interpellations sans accomplir aucune diligence pour rechercher les objets argués de contrefaçon ou les pièces justifiant de l'étendue et de l'origine de la contrefaçon alléguée.

Les sociétés Evrard rétorquent que l'ensemble des diligences critiquées ont été accomplies dans le strict respect des termes de l'ordonnance du 3 novembre 2015 autorisant les opérations de saisie contrefaçon.

L'article L-615-5 du code de la propriété intellectuelle dispose, en ses trois premiers alinéas : La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.

A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers.

La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants.

L'ordonnance du 3 novembre 2015 est ainsi libellée: 1. Autorisons à faire procéder par tout huissier compétent de son choix, au sein du siège de la société ETABLISSEMENTS Claverie situé ..., ainsi qu'en tous autres lieux dépendants de la société Etablissements Claverie dans le ressort de compétence de l'huissier où les opérations menées à cette adresse feraient apparaître la nécessité de se rendre pour constater la contrefaçon alléguée:

* à la description (par tout moyen y compris sous forme de photographies ou de vidéos) des articles contrefaisant les droits de modèle allégués,

* à la saisie réelle a minima en deux exemplaires et/ou à la description (au besoin sous forme de photographies, de photocopies ou de copies) de toutes notices, brochures, catalogues, publications, plans ou documents techniques relatifs aux produit litigieux dont pourraient résulter la preuve et l'étendue de la contrefaçon alléguée, ces exemplaires devant être annexés au procès-verbal de saisie contrefaçon pour être remis à la requérante pour faire valoir ses droits, * à la saisie réelle, contre paiement ou offre de paiement au tarif normal, a minima de deux exemplaires de chaque produit estimé contrefaisant, ces produits étant remis à la requérante 2. Autorisons l'huissier instrumentaire à se faire assister de tous hommes de l'art choisis par la requérante et/ou experts, pris en dehors du personnel salarié de la requérante, pour l'aider dans sa description et dont il enregistrera les explications, et notamment par tous membres du Cabinet SCHMIT CHRETIEN, Conseils en Propriété Industrielle, dont le siège est ... à ...

3. Autorisons l'huissier instrumentaire à prendre des photographies... (...) 4. Autorisons l'huissier instrumentaire à faire, d'une façon générale, toutes recherches et constatations utiles, y compris à ouvrir ou faire ouvrir par tout serrurier toute porte de local, de meuble ou de véhicule se trouvant sur place, dans le but de découvrir la nature, l'origine, la destination et l'étendue de la contrefaçon et à dresser le procès-verbal de tous les renseignements ainsi recueillis ;

5. Autorisons l'huissier instrumentaire à se faire présenter, décrire et au besoin à copier, photocopier, photographier et/ou faire reproduire par quelque moyen que ce soit et à viser et à parapher ne varietur, tous documents, toutes correspondances commerciales, toutes pièces de comptabilité, toutes factures d'approvisionnement et de vente se rapportant aux produits contrefaisants d'où pourraient résulter la preuve de l'origine, de l'étendue et de la destination de la contrefaçon alléguée.

(....) 11. Autorisons l'huissier instrumentaire à procéder d'une façon générale à toutes recherches et constatations utiles dans le but de découvrir l'origine, la consistance et l'étendue de la contrefaçon et, notamment toutes investigations qui s'avèreraient nécessaires dans la comptabilité et les documents techniques, commerciaux ou publicitaires de la partie saisie, quel qu'en soit le support( papier, électronique ou autre), et à consigner non seulement les déclarations des répondants mais encore toutes paroles prononcées au cours de ses opérations, en s'abstenant de toute interpellation qui ne serait pas nécessaire à l'accomplissement de sa mission....(....).

La lecture du procès-verbal du 19 novembre 2015 établit que l'huissier instrumentaire s'est présenté au siège de la société Claverie où il a rencontré M. Eric Claverie, président de la SNC Claverie à qui il a décliné son identité et à qui il a d'abord demandé si la société avait une autre adresse de bureau ou un éventuel dépôt où il serait nécessaire de se rendre pour constater la contrefaçon alléguée.

Sur la réponse négative de M. Claverie il lui a demandé de lui présenter les articles contrefaisant les droits de modèles allégués, tels que figurant dans la requête, ce qui a été fait par la présentation de trois statuettes de la vierge de A, de quatre statuettes d'Apparition puis de deux autres statuettes vierge de A finition porcelaine.

L'huissier lui a ensuite demandé de lui présenter toutes les notices, brochures, catalogues, publications, plans ou documents techniques relatifs aux produits litigieux dont pourraient résulter la preuve et l'étendue de la contrefaçon alléguée, ce qui a été fait avant que l'huissier ne procède aux saisies réelles de statuettes, à des prises de vue photographiques, à la copie numérique des documents et pièces relatifs aux produits contrefaisants et au recollement des inventaires des livraisons des cartons des statuettes litigieuses déposés dans le dépôt de la société, situé à proximité du siège social.

La cour constate ainsi que si, lors du déroulement des opérations du 15 octobre 2015, l'huissier instrumentaire avait d'abord recherché et découvert lui-même dans les locaux de la société Palais de Rosaire, la présence des statuettes litigieuses avant de requérir des personnes présentes des renseignements sur les origines et références des produits en cause et la présentation des documents techniques, commerciaux et comptables y afférents, en revanche, lors des opérations du 19 novembre 2015, l'huissier ne s'est livré à aucune recherche des produits en cause, comme l'ordonnance le lui prescrivait notamment en son point 4 puisque les statuettes litigieuses ne lui ont été remises que sur ses demandes et sur celles du conseil en propriété intellectuelle, M. D, comme il va être vu.

En effet, l'appelante invoque aussi la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon motif pris de l'initiative de M. D d'interroger à deux reprises M. Claverie, à qui il n'avait pas été présenté par l'huissier, sur la question de l'existence d'autres finitions ou tailles des statuettes litigieuses, interrogatoire étranger à la seule mission d'aide à la description du conseil en propriété intellectuelle dévolue par l'ordonnance et qui entraîne la nullité pour irrégularité de fond du procès-verbal.

Les sociétés Evrard font valoir en réponse que si M. D n'a pas été présenté à M. Claverie et qu'il a bien interrogé ce dernier à deux reprises sur l'existence d'autres finitions ou tailles des modèles contrefaisants, cette initiative n'entraîne pas pour autant la nullité qui obéit au régime des nullités pour vice de forme, faute de démonstration d'un grief.

Il ressort de la lecture du procès-verbal en pages 3 que lors de la présentation à l'huissier par M.

Claverie des trois statuettes de la vierge de A, M. D l'a interrogé sur le point de savoir s'il existait en sa possession d'autres finitions ou tailles de ces statuettes et que M. Claverie a d'abord répondu par la négative Cependant, sur une seconde interpellation de M. D un peu plus tard (page 5 du procès-verbal), M.

Claverie a finalement présenté deux statuettes de la vierge de A finition porcelaine bleu de four et blanc de deux tailles différentes.

M. D est donc manifestement sorti du rôle d'aide de l'huissier à la description dévolu par l'ordonnance pour procéder à un interrogatoire du président de la société appelante débouchant sur la découverte de finitions et de tailles différentes de statuettes de la vierge de A arguées de contrefaçon.

Cette découverte a nécessairement des conséquences négatives pour la société Claverie quant à la nature, l'origine, la destination et l'étendue de la contrefaçon alléguée ce qui lui fait donc grief même si l'on devait considérer que la nullité de l'acte est régie par les dispositions des articles 114 et 649 du code de procédure civile relatives aux nullités pour vice de forme alors qu'en réalité, les opérations de saisie contrefaçon effectuées par un huissier de justice en violation des limites fixées par l'ordonnance qui les autorise sont frappées d'une nullité d'ordre public ( Civ 1ère 8 novembre 2017 n°16-21.751).

Ainsi, dès lors que le conseil en propriété intellectuelle ne s'est pas limité à assister l'huissier dans ses opérations, le procès-verbal de saisie contrefaçon doit être annulé. (Com 3 mars 2009 n° 08- 11.235).

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de ce procès-verbal du 19 novembre 2015.

En conséquence, ce procès-verbal et ses annexes seront écartés des débats pour l'examen des demandes formées par les sociétés Evrard à l'encontre de la société Claverie.

Sur la contrefaçon.

1- Sur la contrefaçon du modèle n° DM/047522 et l'atteinte au droit d'auteur sur la statuette n°120 Dame de A La société Claverie invoque la nullité de ce titre sur le fondement de l'article L. 511-2 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit que seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre ce qui ne serait pas le cas du modèle litigieux dont la validité doit être appréciée au regard des seules pièces du dépôt de ce modèle, telles qu'elles résultent du certificat d'identité et non de documents extérieurs.

L'appelante fait valoir que les quatre clichés photographiques composant le modèle déposé n° DM/047522 ne permettent pas de distinguer ses caractéristiques pour apprécier la nouveauté et le caractère propre du modèle revendiqué lesquels ne sont pas établis au vu des nombreux modèles et sculptures antérieurs créés bien avant le dépôt du modèle litigieux en 1999 et similaires à celui-ci en ce qu'ils présentent des caractéristiques communes, à savoir, une Vierge, debout sur un socle, les mains jointes au niveau de la poitrine, une jambe légèrement fléchie, vêtue d'un voile laissant deviner ses cheveux, un voile dont les contours sont ondulés, et la surface drapée, une robe elle aussi drapée.

Toutefois, comme le font valoir les sociétés Evrard et comme l'a retenu le premier juge, l'original de l'extrait d'enregistrement du modèle DM/047 522 produit en pièce 4 comprend quatre photographies en noir et blanc de face, de dos, de profil gauche et profil droit qui sont suffisamment nettes et claires pour permettre à quiconque d'y déceler chaque détail sous ses quatre angles principaux.

S'agissant du caractère propre et nouveau du modèle, les débats et pièces d'appel ne permettent pas de remettre en cause la pertinente analyse du premier juge qui a constaté que si le modèle déposé par la société Evrard en 1999 s'inspire d'un fond culturel commun, à savoir l'image populaire de l'apparition de la vierge B vêtue d'un voile (blanc), cintrée d'un ruban (bleu) et portant un chapelet au ( x) poignet ( s) et avec une rose à chaque pied, aucune des antériorités produites par la société Claverie (ses pièces 2 à 2.9) ne ressemble au modèle litigieux, notamment au regard de sa posture fléchie, sa courbure d'ensemble et la position de la tête légèrement penchée vers l'avant gauche.

Au surplus, la cour constate, comme l'y invitent les sociétés Evrard, qu'aucune de ces antériorités n'est de toutes pièces alors qu'il est nécessaire qu'une antériorité au moins présente toutes les caractéristiques nécessaires pour combattre la nouveauté et le caractère propre du modèle enregistré.

De même, le tribunal doit être approuvé lorsqu'il retient que l'observateur averti pourra discerner la singularité du modèle sans avoir besoin d'être expert, en remarquant, en dépit du fonds culturel commun auquel le modèle de la vierge de A se réfère, un souci du détail particulier dans les nombreux plis du voile, de la ceinture et de la robe vue de face et de profils, cette minutie tranchant avec l'approche beaucoup plus épurée du modèle mettant en exergue une silhouette incurvée lui conférant une impression d'ensemble de volupté singulière et propre au sens des articles L. 511-2 et L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle.

Le parti pris stylistique particulier du modèle lui donne ainsi un caractère inédit qui lui permet de bénéficier de la protection reconnue par ces textes et la demande de nullité du modèle doit ainsi être rejetée.

S'agissant de la statuette n° 120 Dame de A sur laquelle la société Evrard SC revendique le droit d'auteur, l'appelante invoque son absence d'originalité en ce qu'elle ne reflète pas l'empreinte de la personnalité de son auteur dans la mesure où les registres de l'INPI démontrent l'existence de 9 modèles d'antériorités pertinentes au modèle revendiqué.

La société Claverie souligne aussi que la société Evrard SC ne justifie pas de l'antériorité de la statuette Dame de A n° 120 et qu'elle ne peut donc revendiquer de droits d'auteur que sur le modèle enregistré.

Il résulte pourtant des factures d'avril et juin 2004 et des extraits du catalogue Evrard des années 2005 à 2006 (pièces Evrard n° 8 et 9 ) que la société Evrard vend, sous différents formats et finitions au moins depuis 2004 et de façon régulière, ces statuettes qui constituent l'exploitation commerciale du modèle DM /047522.

Comme l'a exactement relevé le jugement entrepris, en dépit de son classicisme et de l'inspiration commune de l'oeuvre tirée des représentations populaires de la vierge, la statuette n°120 présente une création originale du fait de la combinaison de ses différentes caractéristiques reflétant un parti pris esthétique qui n'est pas dû au hasard, caractéristiques déjà constatées par un arrêt rendu le 14 novembre 2011 par la cour d'appel de Pau saisie d'un contentieux similaire par la société Evrard contre un concurrent.

Cette juridiction a ainsi retenu par des motifs qui restent d'actualité, une création originale traduisant une interprétation particulière de la vierge propre à l'auteur et traduisant sa personnalité, marquée notamment par la combinaison de cheveux mi-longs ondulés dépassant légèrement du voile, de larges ondulations dudit voile et de la robe, du drapé et de creux multiples, de la longueur de la ceinture et ses nombreux plis, du léger fléchissement du genou gauche donnant un mouvement singulier à la robe vue de face et une incurvation de la silhouette vue de dos, de mains jointes à hauteur de la fourchette sternale, de l'absence de couronne et d'une légère inclinaison de la tête vers l'avant gauche.

Par ailleurs, si certaines des antériorités invoquées par l'appelante se retrouvent dans la statuette n°120, ces similitudes ne sont que partielles et ne remettent pas en cause son originalité, étant observé que l'originalité d'un modèle peut être caractérisée par une combinaison particulière d'éléments, même banals et/ou préexistants séparément dans d'autres oeuvres.

Le jugement qui a considéré qu'une oeuvre n'a pas forcément besoin d'être excentrique pour être singulière mérite ainsi approbation et il sera donc confirmé en ce qu'il consacre la protection des droits d'auteur de la société Evrard SC sur la statuette litigieuse.

S'agissant des actes de contrefaçons, il n'est pas contestable, au vu de l'examen comparé du modèle n° DM/047522 et de la statuette n° 120 avec les statuettes NDL lumineuse photographiées et saisies lors des opérations de saisie contrefaçon du 15 octobre 2015 et vendues à la société Palais du Rosaire par la société Claverie, que les statuettes NDL lumineuses commercialisées par l'appelante sous différentes tailles et finitions sont des copies quasi serviles du modèle DM/047522 et de la statuette n°120, à quelques minimes différences près.

En tout état de cause, ces quelques légères différences ne sont pas de nature à écarter la réalité de la contrefaçon dès lors qu'il existe un risque de confusion au yeux de l'observateur averti, ce risque étant manifeste en l'espèce au vu de l'impression visuelle d'ensemble qui se dégage des produits contrefaits.

Le jugement retenant la contrefaçon par la société Claverie du modèle n° DM/ 047522 enregistré par la société Evrard SC et l'atteinte aux droits d'auteur sur la statuette n° 120 ' Dame de A' sera en conséquence confirmé.

2. Sur la contrefaçon du modèle n° DM/06332 et l'atteinte au droit d'auteur sur la statuette n° 123.

L'appelante ne conteste pas les droits de la société Evrard SC sur ce modèle et sur cette statuette mais elle soutient que le modèle de statuette litigieuse qu'elle commercialise ne constitue pas une contrefaçon puisqu'il se distingue d'abord par une impression visuelle d'ensemble marquée par la différence du positionnement des personnages, des inclinaisons de têtes et des vêtements, et ensuite par un graphisme épuré et moderne absent du modèle argué de contrefaçon.

Les sociétés Evrard soutiennent au contraire que la statuette Apparition de la société Claverie reproduit par imitation le modèle n° DM/06332 et la statuette n°123 malgré les différences invoquées qui ne sont que de légères distinctions sans influence sur la reproduction de l'impression d'ensemble du sujet tendant à procurer, par une combinaison propre et inédite, une impression d'unicité, de communion et de fusion entre la vierge et Y F, traduite par une double figurine aux lignes et contours graphiques, épurés et stylisés.

La cour constate toutefois, par comparaison du modèle enregistré et de la statuette n° 123 avec la statuette apparition commercialisée par la société Claverie et photographiée et saisie lors des opérations de saisie contrefaçon du 15 octobre 2015, que si les deux modèles en cause représentent Y F agenouillée aux pieds de la vierge B, toutes deux les mains jointes en un geste de prière, l'impression visuelle d'ensemble fait immédiatement apparaître une notable différence par un positionnement inverse des personnages, Y F se trouvant à la droite de la vierge, le corps détaché de celle-ci et le visage de 3/4 face dans la statuette de la société Claverie alors que dans le modèle Evrard, Y F dont on ne voit que le profil du visage, se trouve à la gauche de la vierge, le corps accolé à celle-ci dans une mouvement de fusion et de communion que l'on ne retrouve pas dans la statuette arguée de contrefaçon.

De même, alors que les lignes du modèle et de la statuette de la société Evrard SC sont épurées, nettes et stylisées en un graphisme moderne et soigné, tel n'est pas le cas de la statuette Claverie qui présente un dessin beaucoup plus lourd, classique et moins élancé qui marque une grande différence de style et de réalisation des produits.

L'impression d'ensemble est aussi très distincte pour la vue de dos des modèles et produits respectifs puisque la courbe des vêtements est prononcée dans le modèle Evrard et droite dans la statuette Claverie et la forme même du voile porté par la vierge est nettement différente, le voile de la statuette Claverie descendant d'une pièce jusqu'aux pieds de la vierge et comportant des plis alors que le voile de la vierge du modèle Evrard est lisse et s'arrête aux deux tiers du corps.

En l'état de ces constatations, il ne peut être soutenu que la société appelante a reproduit par imitation les modèles et produits de la société Evrard SC ni qu'un risque de confusion existe aux yeux d'un observateur averti, entre les modèles et produits en cause.

Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef.

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme.

L'action en concurrence déloyale ou parasitaire ne peut être exercée concurremment à une action en contrefaçon que sur le fondement d'actes distincts des actes critiqués au titre de la contrefaçon.

L'appelante considère que la société Evrard n'invoque aucun fait distinct à l'appui de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale alors que celle-ci soutient au contraire qu'au-delà de la contrefaçon commise par la société Claverie, celle-ci aggrave la confusion en résultant en commercialisant des statuettes portant un nom identique ou fortement similaire aux siennes et dans les mêmes couleurs, tailles et matières.

Cependant, dans la mesure où la commercialisation d'une même gamme de produits est insuffisante à caractériser la commission d'actes de concurrence déloyale permettant le cumul d'une action en contrefaçon et d'une action en concurrence déloyale (Cass.1ère civ 24 oct. 2018, n°16- 23.214), la seule reproduction quasi servile du modèle DM/47522 et de la statuette n°120 Dame de A par la société Claverie dans la même gamme de produits que celle commercialisée par la société Evrard SC, ne permet pas de retenir le grief de concurrence déloyale.

Il sera d'ailleurs vu plus loin, au chapitre des préjudices, que la société Evrard SC fonde ses demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon sur l'ensemble des produits contrefaisants incluant toutes les statuettes commercialisées quelles que soient leur taille, couleur et matière, ce qui illustre l'identité des faits dommageables et des dommages invoqués au titre de l'action en contrefaçon et en concurrence déloyale.

Le jugement qui a rejeté les demandes de la société Evrard SC sur ce dernier chef sera donc confirmé.

En revanche, pour ce qui concerne les faits de parasitisme imputés à l'appelante, le tribunal les a retenus à tort au motif qu'en revendant des contrefaçons des modèles et oeuvres de la société Evrard SC, la société Claverie s'est placée dans son sillage pour profiter du fruit de ses investissements sans bourse délier alors que, comme le soutient la société Claverie, le fait de lui reprocher de s'être appropriée les efforts intellectuels et les investissements financiers ayant permis la création, la promotion et la commercialisation des modèles revendiqués revient finalement à lui reprocher d'avoir indûment reproduit les caractéristiques de ses modèles, ce qui ne permet pas de distinguer les faits argués de concurrence parasitaire de ceux constitutifs de la contrefaçon.

Il est significatif à cet égard de relever que l'article L. 521-7 paragraphe 3 du code de la propriété intellectuelle prend en compte pour la détermination du préjudice résultant de la contrefaçon en dessins et modèles, les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Le jugement qui a retenu les faits de parasitisme sera ainsi infirmé sur ce point.

Il mérite au contraire approbation en ce qu'il reconnaît la réalité des faits de concurrence déloyale à l'égard de la société Evrard Lourdes puisque celle-ci n'est ni auteur ni titulaire des modèles et droit d'auteur protégés et qu'à son égard, la copie quasi servile par la société Claverie des modèle et statuette litigieuses que la société Evrard Lourdes vend dans son magasin de A constitue bien une activité déloyale de nature à créer la confusion avec les produits vendus et lui causant un préjudice commercial.

Il est en effet justifié de la qualité de distributeur de la statuette Dame de A n°120 sous ses différentes présentations par la société Evrard Lourdes, au vu des factures de la société Evrard SC qui mentionnent les références de cette statue (factures pièces n°38 de septembre 2013, pièce n° 38 bis de mars 2017, pièce n°39 de mars 2015, pièce n° 40 de juin 2015 et n°40 bis de mai 2017) soit, selon la catalogue produit par la société Evrard (sa pièce n° 9) les statuettes n°120 TANL, EVTL et EVBL, étant observé que la facture pièce n° 39 bis ne comprend aucune de ces références et que rien ne démontre que les autres références de statuettes de la vierge de A soulignées dans toutes ces factures se rapportent bien au modèle et à la statuette contrefaite.

Sur les préjudices indemnisables Il convient, avant d'évaluer ces préjudices, d'examiner la question de la nullité des procès-verbaux de constat d'huissier établis par la société Claverie en février, mars et août 2019 pour justifier essentiellement d'une part que le stock invendu dont l'huissier a dressé l'inventaire au cours de la saisie contrefaçon en date du 19 novembre 2015 est toujours présent et qu'aucune vente postérieure à cette saisie n'est intervenue et d'autre part que de nombreuses références de statuettes ont été prises en compte pour l'évaluation des préjudices alors qu'elles ne sont pas concernées par la procédure de contrefaçon.

La cour constate en premier lieu que si les sociétés Evrard invoquent la nullité de ces procès-verbaux en pages 27 à 45 de leurs dernières conclusions, elles ne formulent aucune demande de ce chef dans le dispositif de ces conclusions qui seul lie la cour, conformément aux dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

Au demeurant, l'annulation du procès-verbal de contrefaçon du 19 novembre 2015 par le présent arrêt relativise notablement l'intérêt de ces procès-verbaux, même s'ils peuvent être exploités pour apprécier l'argumentaire de la société Claverie quant à la réalité des préjudices subis.

Sur les préjudices subis par la société Evrard SC Les articles L. 521-7 et L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle disposent, en termes identiques: Pour fixer les dommages intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1°) les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque-à- gagner, et la perte subie par la partie lésée, 2°) le préjudice moral causé à cette dernière 3°) Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur y compris les économies d'investissement intellectuels matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois la juridiction peut, à titre d'alternative et sur la demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances qui auraient été dues si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a été porté atteinte.

Il convient de préciser que les critères d'indemnisation sont identiques entre les régimes de protection des dessins et modèles et des droits d'auteur et qu'en cas de cumul de protection, comme en l'espèce, le préjudice est unique si les faits générateurs sont uniques.

Les éléments d'appréciation du préjudice tirés du procès-verbal de saisie contrefaçon du 19 novembre 2015 ne peuvent être pris en compte en raison de son annulation et seuls ceux relatifs à la contrefaçon du modèle n° DM/047522 et de la statuette Dame de A n° 120 seront examinés.

Il résulte des constatations issues du procès-verbal de saisie contrefaçon du 15 octobre 2015 (pièce 16 Evrard ) que sont concernées par les actes de contrefaçon retenus par le présent arrêt, les statuettes vendues par la société Claverie sous les références 12501 statue résine NDL lumineuse 22cm, codée au magasin 39697, acquises par la société Palais du Rosaire 4,05 HT et vendues 10,54 TTC, 12503 statue résine NDL lumineuse 30 cm codée 39698 acquise 8,20 HT et vendues 21,49 TTC et 12505 statue résine lumineuse 40 cm codée 39699 acquises 14,30 HT et vendues 37,50 TTC.

Par ailleurs, selon l'attestation de l'expert-comptable de l'appelante et les factures du fournisseur italien de la statue NDL pour les années 2014 et 2015, la société GM Commerciale devenue Vero Italiano (pièces Claverie n° 9 et 9 bis ), le total des statuettes ci-dessus référencés importées pour cette période s'élève à 1 763 pour un montant total de 9 280,70.

Le préjudice économique de la société Evrard ne peut donc être calculé sur la base du tableau récapitulatif qu'elle a dressé à partir des achats effectués par la société Palais du Rosaire auprès de la société Claverie, établi en fonction des factures remises à l'huissier le 15 octobre 2015 ( pièce 18 intimées ), celles-ci incluant des références de statuettes de la vierge de A distinctes des produits contrefaits dont le recensement des ventes s'établit à 66 pour la statuette référencée 12501, à 30 pour la référence 12503 et à 33 pour la référence 12505 soit un prix de vente total de 1 077 ' HT.

La société Claverie affirme qu'elle a cessé toute commercialisation de son stock des produits litigieux dès le premier procès-verbal de saisie contrefaçon et les sociétés intimées ne démontrent pas le contraire alors qu'une poursuite de la vente des produits contrefaits après la saisie d'octobre 2015 serait aisée à faire constater, au moins à A.

Par ailleurs, l'état du stock des statuettes en cause constaté par le procès-verbal d'huissier du 20 août 2019 (pièce n° 13 appelante) s'élève à 511 statuettes d'où il suit que sur les 1763 exemplaires importés d'Italie, 1252 ont été vendus, dont 129 au Palais du Rosaire.

Sur la base du prix moyen de 50 HT d'une statuette Dame de A, le manque à gagner de la société Evrard SC s'élèverait à 60 600 si l'on considérait que la société Claverie l'aurait privée de la totalité des ventes, ce qui n'est pas réaliste de sorte que le manque à gagner doit être ramené à la moitié de cette somme soit 30 300.

S'agissant des bénéfices réalisés par l'appelante sur les ventes constatées, ils seront évalués, sur la base des éléments chiffrés énoncés plus haut, du prix moyen HT des trois modèles de statuettes revenant à 23,17 HT et de sa marge moyenne de 26% non contestée, à la somme de 7 542,29 à laquelle il convient d'ajouter, en application des texte cités plus haut, les économies d'investissement intellectuels, matériels et promotionnels retirés de la contrefaçon.

Sur ce point, la société Evrard produit en appel le justificatif de ses frais promotionnels annuels pour 99 832,20 (pièce n°49 ), la traduction libre de factures de frais de sculpture et de dépôt des modèles ( pièces n° 35, 36, 37 et 44) et des frais de renouvellement de ses modèles ( pièce n° 48 ) le tout pour 89 771,84 et elle estime à 40 % du montant total de la somme de 180 604,04, soit 76 000 , le préjudice imputable à ce titre à la société Claverie.

Compte tenu de la multiplicité des modèles et des produits commercialisés par la société Evrard Lourdes et dans la mesure où la contrefaçon retenue par le présent arrêt est limitée au modèle DM/047522 et à la statuette n° 120, le pourcentage des économies réalisées par la société Claverie au titre des investissements précités et relatifs aux produits contrefaits sera ramené à 10% de leur montant soit une somme de 18 060.

L'appelante sera en conséquence condamnée à verser à la société Evrard SC une somme totale de 55 902,29 au titre de son préjudice économique par infirmation du jugement.

Le premier juge a constaté à juste titre l'existence du préjudice moral subi par la société Evrard en raison de la mise sur le marché des produits contrefaisants, de moindre qualité et à moindre prix, contribuant à banaliser les oeuvres qu'elle développe et promeut par diverses opérations commerciales qui lui confèrent une notoriété certaine sur le marché des objets pieux.

Ce préjudice sera évalué à 6 000.

Sur le préjudice subi par la société Evrard Lourdes En fonction des volumes des ventes réalisées par la société Claverie dans le cadre de la concurrence déloyale commise au préjudice de la société Evrard Lourdes, telle que circonscrite par le présent arrêt et compte tenu de la marge brute de cette société de 17,74% ( pièce n° 20 Evrard ), le préjudice, en terme de ventes manquées, de cette société qui ne dispose que d'un point de vente à A, doit être évalué sur la base d'un pourcentage de 50% des ventes de la société Claverie, à la somme de 5 375,22  (60 600 x 17,74% : 2).

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur les autres demandes

Pour prévenir toute récidive des faits de contrefaçon et de concurrence déloyale constatés par le présent arrêt, les sociétés Evrard sont fondées à demander l'interdiction de fabrication, de détention, d'utilisation, d'offre et de mise en commerce des statuettes NDL lumineuse ou de tout produit équivalent sous une astreinte dont le montant sera fixé à 500 par infraction constatée et dont il n'y a pas lieu pour la cour de se réserver la liquidation.

Cette interdiction apparaît suffisante à la dissuasion de l'appelante sans qu'il soit utile de recourir aux mesures de confiscation, de destruction de ces statuettes ou de leur retrait et rappel des circuits commerciaux réclamées par les intimées.

La publication judiciaire du dispositif du présent arrêt dans le journal Sud-Ouest sera en revanche ordonnée aux frais de la société Claverie pour un coût maximum d'insertion de 1 000 HT.

Enfin, il sera alloué aux sociétés intimées une indemnité globale de 15 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante supportera les entiers dépens de l'instance comprenant le coût du procès-verbal de saisie contrefaçon du 15 octobre 2015.

PAR CES MOTIFS LA COUR Infirme le jugement rendu le 20 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Bordeaux et, statuant à nouveau ;

Annule le procès-verbal de saisie contrefaçon établi le 19 novembre 2015 ;

Dit que la SNC Établissements Claverie s'est rendue coupable de contrefaçon du modèle international n° DM/047 522 dont la société Evrard SC est titulaire, et de la statuette Dames de A n° 120 dont la société Evrard SC est l'auteur, Condamne en conséquence la SNC Établissements Claverie à verser à la société Evrard SC : * 55 902,29 au titre au titre du préjudice économique, * 6 000 au titre du préjudice moral, Dit que la SNC Établissements Claverie a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SARL Evrard Lourdes, Condamne en conséquence la SNC Établissements Claverie à verser à la SARL Evrard Lourdes la somme de 5 375,22 au titre du préjudice économique ;

Interdit à la SNC Établissements Claverie la fabrication, la détention, l'utilisation, l'offre et le mise en commerce de la statuette NDL Lumineuse ou de tout produit équivalent, et ce sous astreinte de 500 par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne la SNC Établissements Claverie à verser à la société Evrard SC et à la SARL Evrard Lourdes ensemble la somme de 15 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt dans le journal Sud-Ouest aux frais de la SNC Etablissements Claverie pour un coût maximum d'insertion de 1 000 HT.

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SNC Établissements Claverie aux dépens, comprenant le coût du procès-verbal de saisie contrefaçon du 15 octobre 2015, avec bénéfice de distraction au profit du conseil des intimées, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.