Cass. 3e civ., 3 novembre 2011, n° 10-19.452
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Rapporteur :
M. Jardel
Avocat général :
M. Petit
Avocats :
Me Haas, SCP Piwnica et Molinié
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 mars 2010), que par un même acte authentique du 12 janvier 2004, Mme X..., propriétaire de la parcelle cadastrée C 1850, et la société civile immobilière Maria de Treburgen (la SCI), représentée par sa gérante, Mme X..., propriétaire de la parcelle C1912, ont vendu aux époux Z... ces deux parcelles pour un prix unique ; qu'alléguant une lésion imputable à une absence de prise en compte du caractère constructible de la parcelle C1912 depuis le 30 mars 2002, la SCI a assigné les époux Z... en rescision de la vente de cette parcelle
Sur le moyen unique :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa demande de désignation d'experts et de dire non vraisemblable la lésion affectant la vente aux époux Z... du bien immobilier lui appartenant, alors, selon le moyen :
1°) que dans le cas où une vente d'immeubles a été opérée par deux personnes juridiques distinctes, chacune n'étant propriétaire que de l'un des biens, objet de la vente, dont les prix respectifs ont été mentionnés dans l'acte de vente, l'existence d'une lésion affectant la vente de l'un des immeubles doit être appréciée au regard de ce bien et du prix qui a été mentionné dans l'acte ; que la cour d'appel, pour rejeter l'action en rescision pour lésion formée par la SCI Maria de Treburgen portant sur le bien vendu aux époux Z..., a retenu le caractère indivisible et global de la négociation et de l'évaluation du prix de ce qu'elle a considéré comme un ensemble unique et indissociable ; que toutefois, l'acte de vente portait sur des biens immobiliers appartenant pour les uns, à Mme X... et pour l'autre, à la SCI Maria de Treburgen, pour des prix respectifs dont le montant a été déterminé et mentionné séparément à l'acte et qui ont été acquittés par deux chèques séparés ; qu'en conséquence, la lésion, vice objectif, devait être appréciée au regard du bien dont le caractère lésionnaire de la vente était allégué, et de son prix, sans égard pour des considérations et des intentions extérieures à ces deux éléments constitutifs de la vente d'immeuble ; qu'en déboutant néanmoins de sa demande la SCI Maria de Treburgen, vendeur de ce bien, aux fins de voir constater la lésion affectant la vente consentie aux époux Z..., la cour d'appel qui s'est déterminée en considération de la volonté des parties mais non de la valeur du bien comparée au prix acquitté et de la personne qui l'a vendu a, en statuant ainsi, violé les articles 1674 et 1675 du code civil ensemble l'article 1842 du code civil ;
2°) que dans ses conclusions, la SCI Maria de Treburgen a fait valoir que les deux lots vendus aux époux Z... pouvaient être séparés et vendus séparément, la parcelle en l'état de verger n'étant pas indispensable à l'habitation des bâtiments et à l'usage du jardin, l'accès aux réseaux ne s'opérant pas par cette parcelle et son forage pour faciliter l'arrosage automatique du jardin ne démontrant pas le caractère indissociable du verger et des bâtiments ; qu'en retenant, pour déclarer non vraisemblable la lésion du prix de la parcelle constructible vendue au prix d'un verger appartenant à la SCI Maria de Treburgen, acquise par un acte distinct postérieur à l'acquisition des bâtiments par Madame X... et ne pouvant être considérée comme nécessaire à l'habitation et l'usage du corps de bâtiment, que la parcelle avait été acquise, dans l'esprit des parties, comme faisant partie d'un ensemble indivisible, exclusive de lésion affectant la vente d'une parcelle intégrée dans l'ensemble, la cour d'appel qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée par la SCI Maria de Treburgen dans ses conclusions, si l'indivisibilité, de nature à exclure la lésion, était matérielle ou simplement juridique a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard des articles 1674 et 1675 du code civil ;
3°) que dans ses conclusions, la SCI Maria de Treburgen a exposé et justifié par des pièces versées aux débats que le prix de vente de la parcelle vendue par elle est lésionnaire, en conséquence d'une sous évaluation du terrain qui, constructible, a été vendu comme inconstructible, ce dont elle a justifié par plusieurs pièces versées aux débats ; qu'en affirmant que la SCI Maria de Treburgen n'avait pas apporté d'élément chiffré de nature à démontrer que la vente, appréciée dans son ensemble, n'avait pas été effectuée au prix du marché, la cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur les moyens et les pièces produites a méconnu, en rejetant l'action en rescision pour lésion exercée par la SCI Maria de Treburgen, les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, comme il était soutenu, la circonstance que la parcelle vendue comme inconstructible et évaluée comme telle au moment de la vente soit devenue constructible ne constituait pas un fait assez vraisemblable et assez grave pour faire présumer la lésion, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1677 du code civil ;
5°) que, de la même façon, dans ses écritures d'appel, la SCI venderesse faisait valoir qu'il existait une discordance entre la contenance de la parcelle mentionnée par l'annonce de l'agence (3 000 m²) et celle effectivement vendue (3 335 m²) ; qu'en omettant de s'expliquer sur cet élément de nature à rendre vraisemblable la lésion, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1677 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la vente des parcelles C 1850 et C1912 portant dans l'intention des vendeurs et des acheteurs sur un ensemble qui était unique et indivisible pour un prix unique, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que la preuve de la lésion devait être examinée dans le cadre de la vente de l'ensemble de ces parcelles pour le prix global fixé par l'acte de vente, et qui n'était tenue ni de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu retenir, après avoir relevé que la SCI ne produisait aucun élément chiffré de nature à remettre en cause les attestations de professionnels de l'immobilier intervenus lors de la vente démontrant que cette dernière s'était opérée au prix du marché, que les faits articulés par la SCI n'étaient pas assez vraisemblables et assez graves pour faire présumer la lésion ;
D' ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.