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Décisions

Cass. com., 12 février 2013, n° 12-12.898

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau et Fattaccini

Bordeaux, du 29 nov. 2011

29 novembre 2011

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 novembre 2011), que la société Produits dentaires Pierre Roland (la société PDPR), qui a pour activité la fabrication de produits dentaires, a embauché en 1998 M. X... en qualité d'assistant développement et lui a confié, à partir de janvier 2002, des études et recherches ; qu'un produit destiné à éliminer les saignements buccaux ayant été mis au point, courant 2006, sous le nom "hémostasyl", M. X..., après avoir remis, par l'intermédiaire de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI), une déclaration d'invention de mission à la société PDPR, l'a fait assigner aux fins d'attribution, au titre de l'invention de mission de ce produit dont il estimait être l'inventeur, de la rémunération supplémentaire prévue à l'article L 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que la société PDPR fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :

1°) que la rémunération supplémentaire accordée au salarié par l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle pour les inventions de mission dont la propriété est attribuée à l'employeur, est la contrepartie du droit au titre de propriété industrielle reconnu à ce dernier qui lui confère un droit d'exploitation exclusif ; qu'elle n'est donc due qu'en cas de dépôt d'un brevet par l'employeur et d'exploitation de celui-ci par ce dernier ; qu'il en résulte que l'article 29 de la convention collective des industries pharmaceutiques, en ce qu'il subordonne le versement au salarié de cette rémunération supplémentaire, à la délivrance d'un brevet, est conforme aux dispositions légales ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle et l'article 29 de la convention collective des industries pharmaceutiques ;

2°) que sont brevetables les inventions nouvelles qui impliquent une activité inventive et qui sont susceptibles d'application industrielle ; que l'existence d'une activité inventive constitue une condition distincte et supplémentaire de celle tenant à la nouveauté ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'Office européen des brevets et l'INPI avaient, dans leurs rapports préliminaires, mis en doute la réalité d'une activité inventive à l'origine de l'hémostasyl, pansement hémostatique à usage dentaire prenant la forme d'une solution injectable ; qu'en jugeant contradictoire pour ces rapports d'avoir ainsi écarté toute activité inventive après avoir admis la nouveauté de l'hemostasyl, et en se bornant à caractériser que ce produit constituait une application nouvelle de l'Hexpasyl en ce qu'il permettait son utilisation sous forme de pansement, pour en déduire qu'il constituait une invention brevetable, la cour d'appel a violé les articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive, si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de la technique ; qu'en se bornant à relever que la mise en oeuvre des propriétés de l'hémostasyl qui le distinguent des produits dentaires à usage simplement hémostatique avait nécessité plusieurs années de recherches, sans caractériser, par une comparaison entre l'état de la technique et l'invention, que celle-ci ne découlait pas d'une manière évidente de la technique, pour un homme du métier, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'activité inventive et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; que la société PPDR contestait formellement la qualité d'inventeur dont se prévalait M. X... en faisant valoir que dès l'origine en 2003, les caractéristiques principales du produit avaient été définies par la direction, l'étude de sa formulation avait été confiée à Mme de Y..., et des taches d'exécution avaient été confiées à M. X... ainsi qu'il résultait du mail du 3 juillet 2003 ; qu'elle établissait encore par les documents de travail versés aux débats (cahier des charges fonctionnel, cahier des charges techniques, notes de travail, mails, formulation) que Mme de Y... avait défini les fonctions techniques du produit par transposition des caractéristiques commerciales et fonctionnelles recherchées, et était à l'origine de la formule établie au mois d'octobre 2005, M. X... étant chargé d'effectuer les différents essais en laboratoire ; qu'en affirmant péremptoirement que « le produit a été créé par M. X... qui en a élaboré la formule et a mis au point les diverses propriétés sus rappelées en un seul produit, se présentant sous une forme injectable, soluble à l'eau et ayant une saveur agréable, après,
avoir surmonté les difficultés rencontrées dans le rapprochement des caractéristiques voulues par la société », sans préciser de quelle pièce elle tirait une telle affirmation, et sans s'expliquer sur les pièces versées aux débats par l'exposante faisant ressortir que c'est Mme de Y... qui était à l'origine de la formule de l'hémostasyl, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) qu'en retenant que M. X... avait été considéré comme l'inventeur de l'hémostasyl par Mme de Y... et qu'il avait été l'interlocuteur du cabinet de propriété industrielle chargé de déposer le brevet, pour lui reconnaître la qualité d'inventeur de ce produit, la cour d'appel s'est fondée sur des circonstances radicalement inopérantes, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-7 du code de la propriété Intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi du 26 novembre 1990, modifiant l'article 1er ter de la loi du 13 juillet 1978 qui disposait que le salarié, auteur d'une invention de mission, pouvait bénéficier d'une rémunération supplémentaire, dispose dorénavant que ce salarié doit bénéficier d'une telle rémunération ; qu'après avoir relevé que l'article 29 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique subordonne le droit à la rémunération supplémentaire à la double condition de la délivrance d'un brevet et de l'intérêt exceptionnel que l'invention présente pour l'entreprise, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que ces dispositions, contraires au texte désormais applicable, lequel est d'ordre public, devaient être réputées non écrites, peu important qu'aucun brevet n'ait été déposé ou délivré, dès lors que les clauses d'une convention collective ne peuvent restreindre les droits que le salarié tient de la loi ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt, qui constate seulement que s'agissant de l'existence d'une activité inventive, les rapports préliminaires émis par l'INPI et l'Office européen des brevets pouvaient apparaître contradictoires puisqu'ils avaient considéré que les revendications apparaissaient nouvelles, relève que les réserves formulées dans ces avis sur la réalité de l'activité inventive se rapportent à une insuffisance de description et à un manque de clarté dans la rédaction des revendications ; qu'il relève encore qu'à la différence de l'hestasyl, l'hémostasyl possède des propriétés lui permettant d'être utilisé comme pansement sous la forme d'une solution injectable, conditionnée en seringues, présentant un goût agréable pour le patient et qui peut, après une pose indolore, être éliminée par un simple lavage buccal à l'eau ; qu'il relève enfin que la mise en oeuvre de ce produit, dont les propriétés se distinguent de celles des autres produits dentaires à usage simplement hémostatique, a nécessité plusieurs années de recherches ; que de ces constatations et appréciations souveraines , la cour d'appel, qui s'est référée aux critères distinguant la nouveauté de l'activité inventive et qui a pris en compte l'état de la technique, a pu déduire que la mise au point de l'hémostasyl impliquait une activité inventive et a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en troisième lieu, que l'arrêt relève que le contrat de travail de M. X... lui conférait expressément une mission inventive, que les instructions qui lui avaient été données par courriels étaient imprécises sur le plan technique , que ses supérieurs hiérarchiques s'étaient limités à fixer la direction générale des recherches qui lui étaient confiées et que c'est à M. X... et non à la directrice du service recherche et développement que le cabinet de conseil en propriété industrielle s'était adressé pour obtenir des informations sur les propriétés de l'hémostasyl ; que la cour d'appel, qui a précisé les pièces sur lesquelles elle se fondait et qui n'était pas tenue de s'expliquer sur celles qu'elle décidait d'écarter , a pu , dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve, retenir que M. X... était l'inventeur de l'hémostasyl ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.