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Décisions

Cass. com., 16 février 2022, n° 20-18.615

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Safirauto (SARL), 74 Diffusion auto (SARL), Santhibe (SCI), La Baja (SCI)

Défendeur :

Hyundai motor France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Comte

Avocat général :

M. Douvreleur

Avocats :

SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

TGI Paris, du 2 nov. 2018

2 novembre 2018

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société La Baja du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Hyundai motor France.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2020), la société Hyundai motor France (la société Hyundai), importateur en France des véhicules neufs et des pièces de rechange de la marque Hyundai, a conclu avec les sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto, ayant le même gérant, des contrats de distribution de véhicules neufs, de réparateur agréé et de vente d'accessoires.

3. Dans la perspective de l'entrée en vigueur du règlement (UE) no 330/2010 du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, la société Hyundai a résilié, le 27 juin 2012, les contrats de distribution de véhicules neufs conclus avec les sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto, à effet du 30 juin 2014. Celles-ci, malgré leurs demandes, n'ont pu obtenir un nouvel agrément à ce titre par la société Hyundai. En revanche, elles ont conclu avec celle-ci de nouveaux contrats de réparateur agréé.

4. La société Hyundai a résilié ces contrats le 5 décembre 2016, avec un préavis de 24 mois, puis a mis fin, au cours du préavis, à celui conclu avec la société Safirauto à compter du 10 juillet 2017, aux torts exclusifs de cette dernière.

5. Contestant, notamment, l'absence d'examen des candidatures, tant comme distributeurs de véhicules neufs que comme réparateurs agréés qu'elles avaient présentées ensuite, les sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto ont assigné la société Hyundai en réparation de leurs préjudices. Les sociétés Santhibe et La Baja, propriétaires des locaux dans lesquels étaient exploitées les activités en cause, sont intervenues volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Les sociétés Safirauto, 74 Diffusion auto et Santhibe font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires contre la société Hyundai, notamment sur le fondement du refus fautif d'agrément en qualité de distributeur de véhicules qui leur a été opposé, alors :

« 1°) que si la tête d'un réseau de distribution sélective est libre dans le choix de ses distributeurs en présence d'un réseau de distribution sélective quantitative, elle doit en revanche, en présence d'une distribution sélective à la fois quantitative et qualitative, justifier de la mise en oeuvre des critères qualitatifs fixés et de la transparence de la procédure de sélection opérée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il était constant que la société Hyundai avait entrepris de mettre en place un système de distribution sélective quantitative pour la vente de véhicules neufs, pour écarter toute faute de sa part dans le refus de renouvellement opposé aux sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Hyundai revendiquait elle-même ainsi que prévu dans les contrats de distribution, la mise en oeuvre d'un système de distribution sélective qualitative et quantitative, (et non seulement quantitative), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code, ainsi que l'article L. 420-1 du code de commerce ;

2°) que si la tête d'un réseau de distribution sélective est libre dans le choix de ses distributeurs en présence d'un réseau de distribution sélective quantitative, elle doit en revanche, en présence d'une distribution sélective à la fois quantitative et qualitative, justifier de la mise en oeuvre des critères qualitatifs fixés et de la transparence de la procédure de sélection opérée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé qu'"un système de distribution sélective quantitative dans lequel la tête de réseau refuse son agrément sans avoir évalué la candidature sur la base des critères qualitatifs prédéfinis ne perd donc pas pour cela le bénéfice de l'exemption conférée par le règlement sur les accords verticaux" pour ensuite considérer que le refus d'agrément opposé par la société Hyundai n'était pas fautif et que cette tête de réseau n'avait pas à justifier d'un examen de la candidature des sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto sur la base des critères qualitatifs qu'elle avait prédéfinis ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'en présence d'un réseau de distribution sélective à la fois qualitatif et quantitatif, comme au cas présent, le refus d'agrément de la tête de réseau, certes libre, ne pouvait intervenir qu'à la condition d'avoir au préalable examiné la candidature des concessionnaires potentiels à l'aune des critères qualitatifs qu'elle a prédéfinis, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code, ensemble l'article L. 420-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, le principe de la liberté contractuelle et la prohibition des engagements perpétuels s'opposent à la reconnaissance d'un droit à l'agrément d'un ancien membre d'un réseau de distribution. En outre, l'obligation de bonne foi contractuelle n'impose à la tête d'un réseau de distribution ni la détermination ni la mise en oeuvre d'un processus de sélection des distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés ni l'application de ceux-ci de manière non discriminatoire. Ayant retenu qu'il n'était pas établi que la société Hyundai se fût engagée à examiner la candidature des concessionnaires sortants, la cour d'appel en a exactement déduit que la circonstance que cette société n'ait pas contracté un nouveau contrat de distribution avec ses anciens concessionnaires ne constituait pas une faute.

9. En second lieu, l'article 2 du règlement (UE) no 330/2010, auquel renvoie le règlement (UE) no 461/2010 du 27 mai 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du TFUE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile exempte les accords verticaux sous réserve, d'une part, que la part de marché détenue par le fournisseur, comme celle détenue par l'acheteur, sur le marché sur lequel le premier vend ses biens et services et le second les achète, ne dépasse pas 30 % du marché en cause et, d'autre part, que l'accord ne comprenne aucune restriction caractérisée ou exclue, telle que prévue par ces règlements. En vertu de l'article 3 du règlement 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, l'application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l'interdiction d'accords qui sont couverts par un règlement ayant pour objet l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité.

10. Après avoir relevé que la part de marché de la société Hyundai était inférieure à 30 %, tout comme celles des sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto, et qu'il n'était pas soutenu que le contrat de distribution contînt des clauses s'opposant à l'exemption, l'arrêt retient qu'un système de distribution sélective dans lequel la tête de réseau refuse son agrément sans avoir évalué la candidature sur la base des critères qualitatifs prédéfinis ne perd pas le bénéfice de l'exemption conférée par le règlement sur les accords verticaux. Il relève en outre que le numerus clausus appliqué à leur détriment n'est pas contesté par elles.

11. En l'état de ces seuls motifs, abstraction faite de tous autres surabondants, c'est à bon droit que la cour d'appel, sans qu'importe la qualification du réseau, qu'il soit quantitatif ou quantitatif et qualitatif, a retenu que le refus de la société Hyundai d'examiner la candidature des sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto, en qualité de distributeur, échappait à l'application des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

13. Le réseau de la société Hyundai bénéficiant de l'exemption relative aux catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle, celle-ci étant ainsi inopérante.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

14. Les sociétés Safirauto et 74 Diffusion auto font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires contre la société Hyundai au titre de la dépréciation de la valeur de leur entreprise, par suite du refus d'agrément du contrat de réparateur, alors :

« 1°) que l'auteur d'un appel d'offres engage sa responsabilité lorsqu'il écarte l'un des candidats en se fondant sur un critère autre que ceux qu'il s'est engagés à respecter pour procéder à l'examen des différentes candidatures ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande de la société Safirauto au titre du préjudice consécutif au refus de fautif de l'agréer en tant que réparateur des véhicules de marque Hyundai, en considérant que le précédent contrat de réparation avait été valablement résilié à compter du 10 juillet 2017, pour manquement du réparateur à son obligation contractuelle de prévenir par écrit la tête de réseau de toute délocalisation ou abandon des locaux, dès lors que l'atelier d'Albertville avait été fermé sans mise en oeuvre de la procédure contractuelle , ce dont elle a déduit que les circonstances de la résiliation avaient rendu impossible la poursuite des relations contractuelles de réparateur agréé avec la société Safirauto ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus d'agrément opposé à la société Safirauto n'avait fait l'objet d'aucune motivation, et ne reposait pas, notamment, sur la résiliation intervenue le 10 juillet 2017, ni si la société Hyundai n'était pas tenue, comme elle s'y était engagée, d'examiner les candidatures uniquement sur des critères qualitatifs que la société Safirauto remplissait en l'occurrence, ce qui lui interdisait d'écarter la candidature de cette dernière pour un autre motif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code et L. 420-1 du code de commerce ;

2°) que l'auteur d'un appel d'offres engage sa responsabilité lorsqu'il écarte l'un des candidats en se fondant sur un critère autre que ceux qu'il s'est engagé à respecter pour procéder à l'examen des différentes candidatures ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande de la société 74 Diffusion auto au titre du préjudice consécutif au refus de fautif de l'agréer en tant que réparateur des véhicules de marque Hyundai, en considérant, "compte tenu de ce qui précède" - renvoyant ainsi aux motifs relatifs à la même demande formulée par la société Safirauto - et "de la communauté de gérant avec la société Safirauto dont le contrat de réparateur agréé est résilié aux torts de celle-ci et de la coopération manifeste entre ces sociétés, affichées comme telle envers l'importateur, tant la résiliation du contrat de réparateur agréé de la société 74 Diffusion auto que le refus de la tête de réseau de proposer un nouveau contrat de réparateur agréé à la suite de cette résiliation ne peuvent être qualifiés de discriminatoire au sens du droit de la concurrence, peu important en l'espèce que la société 74 Diffusion auto ait rempli les critères qualitatifs fixés par la tête de réseau" ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Hyundai, qui s'était engagée à sélectionner les candidats à l'agrément pour être réparateurs des véhicules de la marque selon des critères exclusivement qualitatifs, devait apprécier la candidature de la société 74 Diffusion auto à la seule aune de ces critères, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

15. L'arrêt retient d'abord que les conditions de l'exemption sont réunies et ensuite, s'agissant de la société Safirauto, que les circonstances de la résiliation du contrat de réparateur conclu avec cette société, survenue à ses torts exclusifs, ont rendu impossible la poursuite des relations contractuelles de réparateur agréé avec celle-ci qui, en dépit de son obligation contractuelle expresse de prévenir par écrit la tête de réseau de tout abandon de locaux, a fermé un de ses ateliers sans mettre en oeuvre la procédure prévue, le contrat prévoyant une faculté de résiliation de plein droit pour un tel manquement. Il constate encore, s'agissant de la société 74 Diffusion auto, que, compte tenu de la communauté de gérant entre les deux sociétés et de la coopération entre elles, revendiquée comme telle auprès de la société Hyundai, tant la résiliation du contrat de réparateur agréé de la société 74 Diffusion auto que le refus de la société Hyundai de lui proposer un nouveau contrat, en cette qualité, ne peuvent être qualifiés de fautifs. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.