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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 3 juillet 2013, n° 11/17306

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SAINTE LIZAIGNE (SA)

Défendeur :

ISIFLO (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Avocats :

SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES , Me LEFORT

TGI Paris, du 21 janv. 2011, n° 09/08544

21 janvier 2011

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est expressément référé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;

Qu'il suffit de rappeler que la société SAINTE-LIZAIGNE, titulaire d'un brevet français déposé le 8 février 2001, publié le 9 août 2002 et délivré le 2 mai 2003, protégeant un 'robinet trois voies pour prise en charge sur le côté ou le dessus', ayant découvert que la société ISIFLO offrait à la vente sous la dénomination ISIFLOPLUS, des robinets de prise en charge verticale et horizontale susceptibles selon elle de mettre en oeuvre l'invention brevetée, a fait pratiquer le 20 avril 2009, dûment autorisée, une saisie-contrefaçon dans les locaux de cette société à Moslsheim (67) ;

Qu'elle devait apprendre à l'occasion de ces opérations, que les robinets litigieux étaient fabriqués en Italie par la société CIMBERIO dont la société ISIFLO est le revendeur exclusif pour la France ;

Qu'elle a, dans ces circonstances, suivant actes des 13 et 19 mai 2009, assigné les sociétés ISIFLO et CIMBERIO devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon des revendications 1 et 3 du brevet français n° 01 01 730 et aux fins d'obtenir des mesures d'interdiction sous astreinte, de confiscation, de destruction, de publication et d'affichage du jugement, et, au titre de la réparation du préjudice subi, qui sera fixé à dire d'expert, la condamnation de chacune des sociétés défenderesses à lui verser une provision de 100.000 euros et des deux sociétés, conjointement et solidairement, une provision de 100 000 euros ;

Que les sociétés ISIFLO et CIMBERIO ayant, pour l'essentiel, contesté la validité des revendications opposées du brevet pour défaut d'activité inventive en présence de la demande de brevet déposée par la société SAINT-MIHIEL le 30 septembre 1983 sous le n° 83 15 583 pour un Robinet d'arrêt à boule avec canal d'écoulement à profil modifiable, du robinet HUOT de la série YACUO portant les références 5400 et suivantes, commercialisé depuis 1991 par la société SAINT-MIHIEL, de trois brevets US NORDSTROM, respectivement délivrés en 1935, 1938 et 1939 ainsi que de trois modèles de robinet NORDSTROM déposés en 1934 et 1936, des robinets CIM à deux voies tels que commercialisés par la société CIMBERIO avant l'année 2000, ont été suivies par le tribunal qui, au vu de ces éléments, a annulé les revendications 1 et 3 du brevet opposé pour défaut d'activité inventive et rejeté en conséquence les demandes en contrefaçon comme dénuées de fondement ;

Que la société SAINTE-LIZAIGNE, poursuivant l'infirmation du jugement attaqué, soutient que son brevet est parfaitement décrit et fait preuve d'activité inventive, maintient que les robinets de prise en charge verticale (sur le dessus) ou horizontale (sur le côté), exposés en page 13 du catalogue ISIFLO 2009 et décrits au procès-verbal de saisie-contrefaçon du 20 avril 2009, reproduisent les caractéristiques des revendications 1 et 3 du brevet d'invention n° 01 01 730 et qu'en conséquence, la société CIMBERIO en faisant entrer en France et la société ISIFLO en détenant et commercialisant les robinets précités, ont commis des actes de contrefaçon à son préjudice, formule au titre des mesures réparatrices les mêmes demandes que celles soumises aux premiers juges et entend se voir allouer la somme de 50.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que les sociétés intimées concluent à la confirmation du jugement entrepris, soutiennent, subsidiairement, que les revendications opposées 1 et 3 sont en toute hypothèse nulles pour insuffisance de description, très subsidiairement, que la contrefaçon n'est pas réalisée, chacune demandant en toute hypothèse une indemnité de 50.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Sur la portée du brevet,

Considérant que l'invention ayant pour titre Robinet trois voies pour prise en charge sur le côté ou le dessus, se rapporte au domaine technique de la distribution de l'eau ;

Considérant que le breveté rappelle en pages 1 et 2 de la partie descriptive du brevet :

- que les robinets utilisés pour le raccordement d'une canalisation d'abonné à une conduite de distribution d'eau, appelés robinets de prise en charge, sont fixés de manière étanche sur la conduite par l'intermédiaire d'un collier sur lequel est vissé le robinet, qu'il est possible aussi que le robinet intègre la fonction de collier, il s'agit alors d'un robinet-collier, la fonction de collier étant réalisée en toute hypothèse par mise en oeuvre d'une sangle qui enserre la conduite, les conditions d'étanchéité étant assurées par un joint d'étanchéité disposé entre la sangle et la conduite ;

- que la réalisation du raccordement impose de percer la conduite, alors qu'elle est sous pression, au moyen d'un outil de forage que l'on introduit dans le robinet de prise en charge ; dès lors que le perçage aura été effectué, il sera procédé à la fermeture du robinet de prise par actionnement de l'organe de manoeuvre ainsi qu'au démontage, sans rupture de l'étanchéité, de la machine à percer et la canalisation du nouvel abonné pourra être installée sur le robinet de prise en charge ;

- qu'une telle opération est relativement simple dans le cas d'un robinet de prise sur le côté car le percement se fait dans l'axe de sortie vers l'abonné ; qu'il n'en est pas de même dans le cas d'un robinet de prise en charge sur le dessus, où, après montage de la machine à percer sur le robinet, l'organe de manoeuvre du robinet de prise doit permettre le passage vertical de la mèche de perçage et doit pouvoir être démonté puis remonté sans rompre l'étanchéité (page 2 lignes 20 à 25) ;

Qu'il expose que le but de l'invention est d'apporter des améliorations aux robinets ou robinets-colliers à tournant sphérique de type trois voies, lesquels permettent, ainsi que le montrent les figures 6 et 7 du brevet, de réaliser une prise en charge de la canalisation soit sur le côté (branchement horizontal) soit sur le dessus (branchement vertical), l'organe de manoeuvre pouvant être disposé dans les deux positions différentes ;

Qu'il indique que l'amélioration essentiellement recherchée consiste, (sans plus de précision), à faciliter la mise en place de ces robinets dans les conditions de terrain (page 3 lignes 1 à 5);

Qu'il explique que l'invention concerne donc un robinet trois voies pour prise en charge sur le côté ou sur le dessus d'une dérivation sur une conduite et reprend in extenso, à ce stade de la description (page 3 lignes 5 à 35 et page 4 lignes 1 à 6), le libellé de la revendication 1 du brevet ;

Qu'il poursuit la description du brevet en développant les divers modes de réalisation de l'invention ;

Considérant que le brevet comporte 12 revendications au nombre desquelles sont opposées les revendications 1 et 3 ainsi libellées :

1. Robinet (1) trois voies pour prise en charge sur le côté ou sur le dessus d'une dérivation sur une conduite, le robinet comportant un corps (2), un orifice de prise (10), un orifice de perçage (11) et un orifice latéral (12), les orifices étant circulaires et le corps étant creux avec une chambre contenant une sphère trois voies (34) comportant deux empreintes en creux pouvant recevoir une extrémité engageante (20)d'un organe de manoeuvre pour actionnement en rotation de la sphère sur deux paires de siège (35,35', 36, 36')destinés à assurer l'étanchéité des orifices correspondants en position de fermeture du robinet, l'orifice de prise étant coaxial à un axe de forage en alignement avec la chambre et l'orifice de perçage afin de permettre le passage d'un outil de forage le long dudit axe de forage, l'orifice latéral étant en communication avec la chambre et coaxial à un axe latéral perpendiculaire à l'axe de forage, l'organe de manoeuvre pouvant être fixé dans l'orifice de perçage pour montage prise en charge sur le dessus ou dans l'orifice latéral pour montage prise en charge sur le côté, caractérisé en ce que :

l'organe de manoeuvre (13,13') comporte au moins un axe de manoeuvre (21,21'), un moyen de fixation fileté et un arrêt entraîné en rotation avec ledit organe de manoeuvre, l'axe de manoeuvre étant terminé à une première extrémité par l'extrémité engageante et comportant un épaulement destiné à bloquer en translation le moyen de fixation fileté vers la première extrémité, le moyen de fixation fileté étant en outre monté mobile en rotation sur l'axe de manoeuvre, l'orifice de perçage et l'orifice latéral comportant un filetage complémentaire du moyen de fixation fileté de l'organe de manoeuvre,

et en ce que :

le corps comporte extérieurement deux butées (14,15,16) symétriques disposées à 180° l'une de l'autre et de part et d'autre de l'orifice de perçage et de l'orifice latéral,

et en ce que :

pour l'orifice de perçage et l'orifice latéral, les butées du corps et l'arrêt de l'organe de manoeuvre sont agencés de façon à ce que lorsque l'extrémité engageante de l'organe de manoeuvre est dans l'empreinte correspondante de la sphère, l'organe de manoeuvre est en butée d'une part pour l'ouverture, l'arrêt venant alors en appui sur la première butée, et, d'autre part pour la fermeture du robinet, l'arrêt venant alors en appui sur la seconde butée.

3.Robinet selon la revendication 1 ou 2 caractérisé en ce que l'organe de manoeuvre comporte en outre un chapeau (19) rapporté fixé pour entraînement en rotation d'une seconde extrémité de l'axe de manoeuvre (21) opposée à l'extrémité engageante, ledit chapeau bloquant en translation le moyen de fixation fileté et l'arrêt sur l'axe de manoeuvre vers la seconde extrémité . ;

Considérant qu'il est constant que les éléments énoncés au préambule de la revendication 1 du brevet définissent la configuration générale d'un robinet trois voies et relèvent de l'état antérieur de la technique ;

Qu'il ressort de ces éléments, illustrés par les figures 4, 6 et 7 du brevet, que le corps du robinet trois voies comporte d'une part, deux orifices alignés : un orifice de prise (10) et un orifice de perçage (11) et d'autre part, un orifice latéral (12), perpendiculaire au conduit formé par les deux orifices alignés ; que l'obturation ou la libération du passage est réalisée par la sphère du type trois voies (34) située dans la chambre intérieure du robinet, comportant deux perçages formant un T: un premier perçage traversant entièrement la sphère et un second perçage non traversant et perpendiculaire au premier perçage, un organe de manoeuvre (13), dont l'extrémité engageante (20) vient se loger dans les empreintes en creux ménagées à cet effet dans la sphère, met en action la rotation de la sphère et permet ainsi de fermer ou d'ouvrir à volonté le robinet par l'effet de cette rotation ;

Considérant qu'il est à cet égard relevé que les sociétés intimées expliquent, sans être démenties sur ce point, que le passage de la position de fermeture à la position d'ouverture du robinet, et vice-versa, est assuré par l'effet d'une rotation angulaire de 90° de la sphère commandée par l'organe de manoeuvre et qu'une telle rotation est seule à permettre un positionnement correct du perçage en T de la sphère vis à vis des différents orifices du robinet et, partant, un fonctionnement correct du robinet, en ouverture et en fermeture ;

Considérant que selon la présentation qui en est faite en partie descriptive du brevet, l'invention se propose de faciliter la mise en place des robinets trois voies dans les conditions de terrain (page 3 lignes 1 à 5), sans expliciter davantage, ainsi qu'il a été précédemment observé, le problème technique auquel il s'agit de remédier ;

Qu'en la cause, la société SAINTE-LIZAIGNE précise toutefois (page 9 de ses dernières écritures) que la portée du brevet réside dans la disposition sur le corps du robinet des trois butées (14, 15 et 16) deux à deux symétriques et opposées à 180° l'une de l'autre, de part et d'autre de l'orifice de perçage (11) et de l'orifice latéral (12) du robinet ;

Qu'elle explique à cet égard que, dans une telle disposition, les trois butées, considérées deux à deux, limitent la rotation de l'organe de manoeuvre lorsqu'il est sur l'une ou l'autre des sorties : orifice de perçage (11) ou orifice latéral (12), l'une des butées, celle qui est commune aux deux orifices, contribuant à ce rôle dans les deux cas ; que les butées ainsi disposées permettent à l'organe manoeuvre de trouver sa position simplement et sans aléa et assurent en conséquence un fonctionnement convenable du robinet quelque soit l'orientation de l'organe de manoeuvre lors de son montage ; qu'il en résulte une polyvalence maximale pour un seul robinet utilisable dans des situations de terrain très variées ;

Considérant que l'activité inventive sera dès lors appréciée au regard de la portée du brevet telle que revendiquée par la société titulaire ;

Sur la validité des revendications 1 et 3 du brevet,

Considérant que les sociétés intimées contestent la validité du brevet, dépourvu selon elles d'activité inventive en présence des enseignements de la demande de brevet ayant pour objet un robinet d'arrêt à boule avec canal d'écoulement à profil modifiable, déposée par la société SAINT-MIHIEL le 30 septembre 1983 sous le n° 83 15583 et publiée le 5 avril 1985, des caractéristiques divulguées par les robinets de la marque HUOT de la série YACUO commercialisés sous les références 5400 et suivantes par la même société SAINT-MIHIEL depuis 1991, des brevets et des modèles NORDSTROM datant des années 30, des robinets référencés CIM 201 commercialisés par la société CIMBERIO dès avant l'année 2000 ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.611-14 du Code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour l'homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ;

Considérant, s'agissant de l'état de la technique, que la société SAINTE-LIZAIGNE s'abstient de mettre en doute devant la Cour les dates de mise à la disposition du public des robinets HUOT de la société SAINT-MIHIEL et des robinets CIM 201 de la société CIMBERIO ;

Considérant que la Cour, en toute hypothèse, fait siennes les conclusions pertinemment retenues par les premiers juges, au terme d'une exacte appréciation des pièces versées à la procédure (catalogues, tarifs, factures, notices d'utilisation, fiches techniques), selon lesquelles les robinets HUOT de la série 5400 dans la gamme YACUO ont été commercialisés par la société SAINT-MIHIEL entre 1997 et 1999 et au plus tard en septembre 1999 soit plus d'un an avant le dépôt du brevet opposé, tandis que les robinets CIM de la société CIMBERIO ont été offerts à la vente au plus tard le 3 février 1999 ;

Considérant, concernant l'homme du métier, qu'il est défini comme l'homme normalement compétent dans la discipline industrielle auquel se pose le problème technique que résout l'invention ;

Considérant que l'homme du métier est en la cause, selon la société SAINTE-LIZAIGNE, le spécialiste en adduction d'eau et, selon les sociétés intimées, le spécialiste des robinets ;

Or considérant que force est de relever qu'une telle opposition est en l'espèce dénuée de pertinence, dès lors que sont en cause des robinets de prise en charge ayant nécessairement des applications dans le domaine de la distribution de l'eau ainsi qu'il ressort au demeurant du brevet qui énonce d'emblée en sa partie descriptive que l'invention portant sur un robinet trois voies pour prise en charge sur le côté ou sur le dessus a des applications dans le domaine de la distribution de l'eau et ainsi qu'il résulte des catalogues de vente versés aux débats (en particulier les documents commerciaux des sociétés SAINTE-LIZAIGNE et HUOT SAINT-MIHIEL) qui montrent à l'évidence que les robinets de prise en charge, dénommés aussi robinets d'adduction, sont destinés à la distribution et au branchement de l'eau potable et s'adressent exclusivement aux professionnels de ce domaine d'activité ;

Considérant, par voie de conséquence, que l'homme du métier est celui spécialisé dans les robinets de prise en charge utilisés dans les systèmes d'adduction d'eau ;

Considérant, ceci étant posé, que les sociétés intimées soutiennent que la caractéristique revendiquée tenant à la disposition des butées sur le corps du robinet, appliquée au robinet trois voies HUOT de la gamme YACUO, que les parties s'accordent à retenir comme représentant l'état de la technique le plus proche de l'invention, est dénuée d'activité inventive eu égard aux antériorités NORDSTROM et CIM 201 qui divulguent des butées disposées à 180° l'une de l'autre pour des robinets deux voies ;

Considérant qu'il est constant que les robinets trois voies HUOT de la gamme YACUO commercialisés par la société SAINT-MIHIEL sous les références 5400 et suivantes, comportent des butées de part et d'autre de l'orifice de perçage et de part et d'autre de l'orifice latéral, l'une des butées étant commune à ces deux orifices, et divulguent les éléments du préambule et de la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet à l'exception de la caractéristique tenant à la disposition des butées à 180° ;

Considérant que les brevets et modèles américains NORDSTROM invoqués en la cause, portent sur des robinets deux voies dont les butées, disposées de part et d'autre de l'orifice logeant l'organe de manoeuvre, à 180° l'une de l'autre, sont dimensionnées de telle façon que le déplacement du doigt d'arrêt de l'organe de manoeuvre, et donc de la sphère actionnée en rotation angulaire par l'organe de manoeuvre, est limitée à un arc de 90° pour les positions entièrement ouverte et entièrement fermée, une telle limitation de la course du doigt d'arrêt à un arc de 90° étant obtenue par l'élargissement des deux butées ;

Considérant que les robinets CIMBERIO de la série 201 sont des robinets deux voies comportant un boisseau sphérique percé d'un alésage, un organe de commande de la rotation du boisseau muni d'un doigt d'arrêt destiné à venir en contact sur des butées formées de reliefs solidaires du corps du robinet et alignées à 180° de part et d'autre de l'orifice contenant l'organe de commande, la limitation de la course du doigt d'arrêt à un angle de 90° étant obtenue par l'élargissement des deux butées ;

Considérant qu'il est ainsi établi que des robinets deux voies de l'art antérieur étaient équipés de butées symétriquement disposées à 180° de part et d'autre de l'orifice contenant l'organe de manoeuvre et qu'une telle disposition des butées, ajoutée à l'élargissement des butées, permettait de limiter à un angle de 90° la course du doigt d'arrêt solidaire de l'organe de manoeuvre, quelque soit le côté de l'orifice où se trouve placé le doigt d'arrêt lors de l'engagement de l'organe de manoeuvre, de telle sorte que la sphère actionnée par l'organe de manoeuvre sera exactement placée en position d'ouverture ou en position de fermeture ;

Considérant qu'il suit de ces observations que la disposition des butées à 180° de part et d'autre de l'orifice contenant l'organe de manoeuvre, connue sur les robinets deux voies, exerce la même fonction consistant à limiter la rotation de l'organe de manoeuvre et, par là-même, la rotation de la sphère, et assure le même résultat, à savoir le parfait positionnement de la sphère en ouverture et en fermeture du robinet, que sur les robinets trois voies décrits par le brevet ;

Or considérant qu'il ne saurait être sérieusement contesté que l'homme du métier spécialisé dans les robinets de prise en charge a connaissance tant du robinet deux voies que du robinet trois voies, utilisés l'un et l'autre dans les systèmes de distribution de l'eau et fabriqués et offerts à la vente par les mêmes entreprises ainsi que le montrent notamment les documents techniques et commerciaux SAINTE-LIZAIGNE, SAINT-MIHIEL et CIMBERIO ;

Qu'il s'ensuit que l'homme du métier désireux d'obtenir, sur un robinet trois voies, que l'organe de manoeuvre, quelle que soit son orientation lors du montage, se positionne sans aléa de manière à assurer un fonctionnement correct du robinet dans les conditions de terrain, était conduit, sans faire preuve d'activité inventive et par de simples moyens d'exécution, à transposer au robinet trois voies HUOT de la série YACUO de l'état de la technique, la disposition des butées à 180° connue dans les robinets deux voies pour assurer le résultat recherché ;

Considérant dès lors, que la revendication 1 ne révèle aucune activité inventive et doit être annulée ;

Considérant que la société appelante oppose en outre la revendication 3 dont elle se borne toutefois à prétendre qu'elle est valide sans tenter d'en justifier ;

Or considérant que la revendication 3 ne concerne, ainsi qu'il résulte de son énoncé précédemment exposé, que des détails de réalisation et se trouve dans la totale dépendance de la revendication 1 ;

Qu'elle n'est pas davantage porteuse d'activité inventive et doit être également annulée ;

Considérant qu'il n' y a pas lieu, dès lors que les revendications opposées du brevet sont annulées pour défaut d'activité inventive, d'examiner la demande formée à titre subsidiaire en annulation de ces revendications pour insuffisance de description ;

Sur la contrefaçon,

Considérant que les revendications opposées par le breveté ayant été déclarées nulles, les demandes formées au fondement de contrefaçon du brevet seront rejetées ;

Sur les autres demandes,

Considérant qu'il convient, en équité, d'allouer aux sociétés intimées, qui ont obtenu en première instance une somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles, une indemnité complémentaire globale de 30 000 euros ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement dont appel,

Y ajoutant,

Condamne la société SAINTE-LIZAIGNE aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à verser aux sociétés intimées une indemnité complémentaire globale de 30.000 euros au titre des frais irrépétibles.