CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 29 juin 2018, n° 15/01924
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
ORFAGEN (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defix
Conseiller :
M. Page
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par M. DEFIX, président, et par A. YADINI-DAVID, greffier de chambre.
PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. D... B... a été embauché par le groupe Pierre Fabre en 1994, en qualité de directeur clinique et pharmacologique de la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique.
La SAS Orfagen a été constituée fin décembre 2001 entre l'Institut de Recherche Pierre Fabre (IRPF) (95% du capital) et M. B... (5% du capital). M. B... a été nommé Président de la société.
L'objet de cette société est de développer l'étude, la recherche, le développement, la fabrication, la
commercialisation de médicaments, un service médical élevé, particulièrement pour les maladies
orphelines et notamment dans le domaine de la dermatologie et de l'immunologie.
M. B... a été embauché par la société Orfagen à compter du 1er janvier 2002 (ancienneté reprise au 5/09/94) suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur de la recherche, statut cadre, groupe IX de la convention collective de l'industrie pharmaceutique.
Le 28 juillet 2011, M. B... a été révoqué de son mandat de Président de la société Orfagen.
Lors de l'entretien annuel de M. B... du 30 novembre 2012, ce dernier a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé le 11 décembre suivant
Suivant courrier du 18 décembre 2012, M. B... a été licencié pour insuffisance professionnelle, s'appuyant sur des retards de développement ainsi qu'une carence de management et de coordination des projets et équipes.
M. B... a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 10 avril 2013 afin de contester son licenciement et d'obtenir le versement de diverses indemnités.
Par jugement rendu le 26 mars 2015, le Conseil de Prud'hommes de Toulouse, section encadrement, a :
- dit que le licenciement de M. B... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Orfagen, prise en la personne de son représentant légal ès qualités, à verser à M. B... la somme de 70000 au titre de l'article 1235-3 du code du travail,
- débouté M. B... de sa demande de dommages et intérêts pour caractère vexatoire du licenciement,
- déclaré la demande de délivrance des documents sociaux sans objet eu égard à l'abandon en audience des demandes de nature salariale,
- déclaré le conseil de prud'hommes incompétent pour statuer sur la demande d'indemnisation des inventions et brevets au profit du Tribunal de grande instance de Paris,
- condamné la SAS Orfagen à verser à M. B... la somme de 1500 au titre
de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Orfagen aux dépens.
Par déclaration faite au greffe de la cour d'appel de Toulouse le 16 avril 2015,
M. B... a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 3 avril 2015.
Selon ses dernières conclusions déposées le 25 octobre 2017 et reprises oralement à l'audience, M.
B..., demande à la Cour de :
- constater qu'il a toujours mené ses fonctions découlant du contrat de travail
du 17 décembre 2001 de manière parfaitement satisfaisante,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé que son licenciement pour insuffisance professionnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Orfagen à lui payer les sommes suivantes :
* 257910 nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 30000 nets à titre de dommages et intérêts du fait de la perte de droits pôle emploi,
* 42990 nets à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires,
* 200000 au titre de l'indemnisation des inventions et brevets,
- condamner la société Orfagen au paiement de la somme de 5000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Orfagen à délivrer les bulletins de salaire, attestation pôle emploi, certificat de travail et documents de rupture conformes à la décisions à venir.
M.B... conteste le bien fondé des deux motifs de son licenciement pour insuffisance professionnelle, à savoir l'abandon de trois de ses projets sur cinq et les retards affectant les deux autres. Il affirme qu'en réalité son éviction est le résultat d'un conflit l'opposant, en sa qualité d'actionnaire minoritaire de la société Orfagen, à l'Institut de recherche Pierre Fabre, actionnaire majoritaire de cette même société. Cet institut serait à l'origine des décisions d'abandon de ces projets. Il soutient que les projets Xericum, Parance et Indostat n'ont pas été suivis ou ont été retardés par la volonté des dirigeants de l'Institut Pierre Fabre , associé majoritaire d'Orfagen, que le projet Gammagen a été abandonné à la suite de l'avis négatif d'un expert membre de la Haute autorité de santé malgré son opposition, et que le projet Normskal était en bonne voie de réalisation lorsqu'il a été licencié.
Par ses dernières conclusions déposées le 26 février 2018 reprises oralement à l'audience, la SAS
Orfagen, demande à la Cour de :
- réformer le jugement déféré,
- dire et juger que le licenciement de M. B... est fondé,
- débouter M. B... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et vexatoire,
- confirmer le jugement déféré et se déclarer incompétente à connaître des demandes de M.B... au titre de l'indemnisation supplémentaire en matière de brevet,
A titre subsidiaire,
- confirmer le montant des dommages et intérêts alloués par le conseil de prud'hommes,
- confirmer l'incompétence de la cour à connaître des demandes relatives à l'indemnisation des brevets,
En tout état de cause,
- condamner M. B... au paiement de la somme de 4000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La SAS Orfagen fait valoir que si le projet Gammagen a été abandonné c'est, d'une part, du fait de résultats catastrophiques relevés notamment par un expert membre de la Haute autorité de la santé, et d'autre part, en raison de son coût exorbitant ; que le projet Parance n'était pas viable économiquement du fait d'une formule peu attractive et d'un retard injustifiable ; que le Xericum, lancé en 2002, est un produit historique du groupe Pierre Fabre et que le projet a été affaibli par les erreurs commises par l'appelant notamment une erreur dans la stratégie réglementaire qu'il convenait d'adopter lors du dépôt du dossier dont il est résulté l'impossibilité de le commercialiser aux Etats- Unis ; que le projet Indostat a été abandonné à la suite des retards constatés dans la planification prévue par M. B..., et qu'il en est de même pour le projet Normskal. Compte tenu de ces éléments, elle soutient que le licenciement de M. B... pour insuffisance professionnelle s'imposait.
MOTIVATION
Sur le licenciement
Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.
En l'espèce, l'employeur évoque dans la lettre de licenciement divers faits traduisant selon lui l'insuffisance professionnelle de M.B... dans l'exécution de ses tâches de Directeur R&D.
L'insuffisance professionnelle, qui n'est jamais une faute disciplinaire, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié, ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations caractérisée notamment par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant en raison, non pas d'un acte volontaire ou d'un manquement volontaire mais, par exemple, du fait de son insuffisance professionnelle dans les tâches accomplies, de son incompétence dans l'exécution de ses tâches ou de son inadaptation professionnelle à l'emploi exercé.
La lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle du 18 décembre 2012, est notamment ainsi libellée:
... En effet, depuis plusieurs années, nous constatons des points de défaillances sur le suivi des
projets qui entraîne un taux d'échec important de ceux-ci. C'est ainsi que près de 19 millions d'euros
ont été investisen pure perte par la société.
Suite à ma nomination à la présidence de la société le 31 juillet 2011, et conformément à votre
contrat de travail, votre activité a été recentrée autour de votre rôle de directeur R&D afin que vous
puissiez dédier votre activité sur le suivi des projets.
Or, force est de constater que plus d'un an après, à fin 2012, sur 5 projets en cours
de développement, 3 ont dû être arrêtés ( Gammagen, Parance, Xericum ). Pour
les 2 projets restant ( Indostat, Normskal ) et malgré les montants importants investis par la société,
nous déplorons des retards conséquents qui nous amènerons à statuer courant 2013 sur la viabilité
des projets.
Enfin, nous ne constatons aucun des progrès demandés sur le suivi technique, sur le management et
la coordination de vos projets et de vos équipes.
L'insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement qui se distingue de la faute. Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, il demeure que l'insuffisance lorsqu'elle est alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne pas être fondée sur une appréciation subjective de l'employeur.
Le grief invoqué de l'insuffisance professionnelle est en lien avec celui d'insuffisance de résultats relevés par l'employeur dans la gestion de cinq projets. Il convient de souligner que M. B... qui portait un projet de développement et de commercialisation des médicaments pour des maladies orphelines dermatologiques, était le président de la société Orfagen dont il détenait 5 % du capital, l'Institut de recherche Pierre Fabre en détenant quant à lui 95 %.
Ainsi, la société Orfagen quoique bénéficiant d'une autonomie juridique était en réalité dans son activité étroitement liée avec le groupe Pierre Fabre et dépendante de sa stratégie de recherche à travers l'institut de recherche qui détenait 95 % de son capital. Dès lors, les dirigeants de cet institut disposaient du pouvoir de mettre un terme aux projets élaborés par M.B....
Au cours d'une assemblée générale du 28 juillet 2011, M.B... a été révoqué de son mandat de président d'Orfagen en raison notamment des retards répétés dans les plannings de développement, et, selon l'employeur, afin de lui permettre ' de se reconcentrer sur la recherche et le développement
( R&D ) afin que les projets en cours puissent être menés à leur terme.
La société Orfagen avait pour objet la recherche et le développement de médicaments destinés au traitement des maladies orphelines ainsi que leur commercialisation. Ainsi que l'a relevé, à juste titre, le premier juge, compte tenu du caractère scientifique et donc par essence aléatoire de cette activité spécifique de recherche, ainsi que des incertitudes et des difficultés liées à la mise sur le marché de ce type de produits, l'absence de résultats au regard des sommes investies ne peut constituer en soi une insuffisance professionnelle imputable au salarié. Aucune obligation de résultats ne pouvant être en la matière érigée en principe.
# En ce qui concerne le projet Gammagen.
Il résulte des pièces du dossier que ce projet a été abandonné sur décision de l'associé majoritaire de la société Orfagen qui a décidé de ne pas présenter les résultats de l'étude à l'Agence Européenne des médicaments . Cette décision intervenant à la suite de l'avis d'un expert membre de la Haute autorité de santé selon lequel le critère principal du médicament était négatif. M.B... a regretté cette décision au motif que l'avis de l'expert avait été rendu ' au moins en partie sur un compte
d'exploitation dans lequel des erreurs en défaveur du produit persistent. M.B... a considéré cet abandon comme une perte de chance.
Le choix de l'employeur d'abandonner pour des raisons budgétaires ce projet aux résultats par ailleurs aléatoires n'est pas critiquable et sa justification échappe au contrôle du juge. Cependant, il n'est pas établi que cet abandon soit la conséquence de la mauvaise gestion de ce dossier par M.B....
# En ce qui concerne le projet Parance.
Ce projet a été arrêté par la société Orfagen au motif qu'au mois de Novembre 2012, les associés ont constaté que 3,9 millions d'euros seraient nécessaires pour mener à bien la phase III alors que les propriétés organoleptiques et cosmétiques du produits étaient insuffisantes. L'employeur soutient, sans apporter le moindre élément en ce sens, qu'il appartenait à M. B... d'identifier ce risque avant 2012. Cependant lors d'un comité de pilotage du 14 octobre 2011, il était mentionné:
Grâce aux ressources apportées par Orfagen ( 2 CDD ) en galénique et chimie analytique il ( le projet Parance ) a considérablement progressé en un an, permettant d'envisager une finalisation de formule définitive dans quelques mois ( février 2012 ) et un transfert industriel ( juillet 2012 )... Au mois de novembre 2012, un compte rendu de réunion constatait que la nouvelle formule du produit était disponible depuis le mois de février 2012 et qu'aucune étude n'avait était réalisée avec cette formule. Il était alors décidé d'arrêter ce projet au motif d'une rentabilité économique incertaine et d'un agrément cosmétique aléatoire.
En l'état de ces éléments, il n'est pas établi que l'abandon de ce projet serait imputable à une insuffisance professionnelle de M. B....
# Le projet Xericum.
Le développement de ce projet a été achevé au mois de juin 2009. Il a fait l'objet d'un dépôt pour une demande d'autorisation sur le marché auprès des autorités réglementaires le 2 novembre 2009. Au mois de septembre 2011 ce dossier a été définitivement rejeté par les USA au motif que ce produit était identique au Dexeryl aux USA, le Dexeril étant un produit breveté et exploité par le groupe Pierre Fabre .
Par ailleurs, cette formule de Dexeril que M. B... a repositionnée sous une indication thérapeutique différente concernant l'indication xérose urémique a été rejetée par l'Agence Française de sécurité sanitaire des produits de santé et aucune mise sur le marché n'était donc possible au sein de l'Union Européenne. Dès lors, il a été décidé de conserver l'ancienne appellation de Dexeril.
S'il est établi que le projet visant à repositionner un produit déjà existant sur une indication thérapeutique différente a échoué, il n'est pas établi que cet échec est imputable à l'insuffisance professionnelle de M. B....
D'une manière générale dans les dossiers sus évoqués et dans les suivants l'imputabilité du non aboutissement de projets devrait s'apprécier au regard d'objectifs fixés dans des documents contractuels par la hiérarchie ou au terme d'un accord entre les parties . Or, l'employeur ne produit aucun élément relatif a ces objectifs et aux exigences en résultant pour M.B....
# Le projet Indostat.
Il résulte des pièces du dossier que les programmes précliniques et cliniques étaient terminés à la fin du 1er semestre 2010 et que les autorités réglementaires et américaines ont accepté les résultats. Cependant des études complémentaires étaient encore en cours au mois de novembre 2012 et devaient être analysées le 12 décembre 2012. Or la veille M.B... avait fait l'objet d'un entretien préalable à son licenciement. La décision sur l'avenir de ce dossier devait être prise au mois de janvier 2013 soit postérieurement au licenciement de M.B.... La décision de clore ce dossier a été prise le 18 avril 2013.
L'employeur ne caractérise aucune défaillance commise par l'appelant dans la gestion de ce dossier et ne démontre pas avoir rappelé à ce dernier des objectifs et des engagements précis quant à sa conclusion.
# Le projet Normskal.
La société Orfagen émet des doutes quant au sérieux des deux centres d'études cliniques algériens choisis par M.B... qui ne disposaient pas de l'agrément relatif aux ' bonnes pratiques cliniques' Des retards ont été engendrés par la nécessité de réaliser un audit visant à s'assurer du sérieux de ces centres d'études.
Lors d'un entretien annuel du 30 novembre 2012, au cours duquel M. B... sera convoqué à un entretien préalable au licenciement, il est noté en ce qui concerne ce dossier que l'appelant avait pour objectif en 2012 de prendre tous les moyens utiles à une fin de recrutement en juillet 2012 et que cet objectif avait été atteint partiellement, 91 patients étant recrutés au lieu de 80 sous réserve de la recevabilité des deux centres algériens.
Ce motif ne peut donc caractériser l'insuffisance professionnelle de M. B....
# Sur le déficit en matière de management et de coordination des projets et des équipes
L'employeur reprend ici les arguments qui ont été examinés sur les retards dans la conclusion des projets qui lui ont été confiés et ce en dépit du fait qu'à partir du mois de juillet 2011 il lui a été demandé de se recentrer sur cette activité.
La société Orfagen n'ayant pas établi l'imputabilité de ces retards à une quelconque insuffisance professionnelle de M. B... elle n'établit pas, par la même, des défaillances de management ou de coordination des équipes invoquées à l'appui du licenciement.
Dans ces conditions, la cour juge, comme le conseil de prud'hommes, que la réalité de l'insuffisance professionnelle imputée à M.B... n'est pas établie.
La décision entreprise doit donc être confirmée en ce qu'il a été jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
M.B... bénéficiait d'une ancienneté de plus de 18 ans au sein de l'entreprise. Il percevait une rémunération moyenne brute de 10 756 par mois. Après une période au cours de laquelle il a effectué des missions temporaires et à temps partiel il a retrouvé un emploi à durée indéterminée à temps complet. Le préjudice résultant de la rupture injustifiée de son contrat de travail sera réparé par l'allocation de la somme de 140000 à titre de dommages et intérêts.
M.B... a sollicité des dommages et intérêts complémentaires à hauteur de 30 000 au motif que les années pendant lesquelles il était le président d'Orfagen n'ont pas été prises en compte par Pôle emploi pour déterminer le nombre de jours d'indemnisation auxquelles il avait droit. Or, il s'agit là d'une simple application d'une règle légale qui résulte des implications de l'exercice d'un mandat social et de la détention de parts sociales dans une société dont l'appelant était le président. M. B... a accepté en connaissance de cause les avantages d'un tel statut et il ne peut rendre responsable son employeur de ses inconvénients. En conséquence, sa demande d'indemnisation complémentaire sera rejetée.
M.B... demande aussi le paiement de la somme de 42990 à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances vexatoires de son licenciement. Il prétend avoir été atteint dans sa renommée et ses relations avec ses collaborateurs. Il se plaint aussi de la brutalité de son licenciement et du fait qu'il a été dispensé d'effectuer son préavis.
Si le licenciement n'a pas été justifié, il est intervenu à l'issue d'une procédure respectant les délais légaux et les droits du salarié. Aucune brutalité, aucun abus ni comportement vexatoire ne peuvent être relevés dans le cours de cette procédure. La dispense de préavis est justifiée par le fait que compte tenu du poste élevé occupé par le salarié au sein de la société il avait accès à des informations importantes voire confidentielles et se trouvait en relation avec des partenaires de la société. Le souci de l'employeur de protéger ses intérêts est dès lors légitime et justifiait l'éloignement du salarié.
La demande présentée par M. B... en indemnisation d'un préjudice lié aux circonstances vexatoires de son licenciement sera donc rejetée.
Sur la demande d'indemnisation au titre des inventions et des brevets.
M.B... soutient qu'il a été privé de diverses manières, durant la relation de travail, de ses droits d'inventeur ouvrant droit à une rémunération supplémentaire du fait de sa mission inventive qui s'inscrivait dans le cadre de ses fonctions contractuelles. Il demande que la SAS Orfagen soit condamnée à lui payer la somme de 200000 au titre de l'indemnisation des inventions et brevets.
S'agissant de la compétence, il soutient que compte tenu de l'article 29 de la convention collective des industries pharmaceutiques, la question de la rémunération de brevets et inventions durant la relation de travail est de la compétence du conseil de prud'hommes.
La SAS Orfagen fait valoir que le Code de la propriété intellectuelle pose le principe qu'en présence d'une convention collective de branche, la rémunération supplémentaire doit être fixée par ladite convention, et que lorsqu'il n'y a aucune convention collective ou lorsqu'aucune rémunération supplémentaire n'est définie par ladite convention, la rémunération doit être fixée soit par la commission nationale des inventions des salariés (CNIS), soit par le tribunal de grande instance, et qu'il n'est aucunement question de donner compétence au conseil de prud'hommes.
Elle soutient que la question de la rémunération supplémentaire due au salarié, auteur d'une invention dans le cadre de sa mission inventive, n'est pas traitée par la convention collective des industries pharmaceutiques, et que dans ces conditions et par application de l'article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle, la détermination de la rémunération supplémentaire est de la compétence soit de la CNIS soit du Tribunal de grande instance de Paris. Elle sollicite en conséquence la confirmation de la décision du conseil de prud'hommes sur ce point.
L'article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle dispose :
' Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une telle invention, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail.
Si l'employeur n'est pas soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la commission de conciliation instituée par l'article L.615-21 ou au tribunal de grande instance'.
L'article 29 de la convention collective nationale des industries pharmaceutiques dispose
' Les inventions des salariés sont régies par les dispositions de la loi n° 68-1 du 2 janvier 1968 sur les brevets d'invention, modifié par la loi n° 78-742 du 13 juillet 1978 ainsi que par les décrets d'application de cette législation.
Lorsqu'un employeur confie à un salarié une mission inventive, correspondant à ses fonctions.
effectives, ou des études et des recherches, à titre permanent ou occasionnel, exclusif ou non exclusif, les inventions dont le salarié serait l'auteur dans l'exécution de cette mission, de ces études ou de ces recherches sont la propriété de l'employeur, conformément au paragraphe 1 de l'article 1er ter de la loi n° 68-1 du 2 janvier 1968, modifiée.
L'auteur de l'invention est mentionné comme tel dans le brevet, sauf s'il s'y oppose.
La rétribution du salarié tient compte de cette mission, de ces études ou de ces recherches et rémunère forfaitairement les résultats de son travail. Toutefois, si une invention dont il est l'auteur dans le cadre de cette tâche présente pour l'entreprise un intérêt exceptionnel, il se verra attribuer, après la délivrance du brevet, une rémunération supplémentaire pouvant prendre la forme d'une prime globale versée en une ou plusieurs fois (...).
Les dispositions de l'article 29 de la convention collective subordonnant le droit à la rémunération supplémentaire à la double condition de la délivrance d'un brevet et de l'intérêt exceptionnel que l'invention présente pour l'entreprise, sont contraires aux dispositions d'ordre public de l'article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi du 26 novembre 1990 selon lesquelles le salarié doit désormais bénéficier d'une telle rémunération. Elles doivent dès lors être réputées non écrites dès lors que les clauses d'une convention collective ne peuvent restreindre les droits que le salarié tient de la loi.
Les parties s'accordent sur ce point.
Il en résulte que la question de la rémunération supplémentaire due au salarié auteur d'une invention dans le cadre de sa mission inventive n'est pas traitée par la convention collective de l'industrie pharmaceutique.
Dans ces conditions, par application de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, le litige relatif à la rémunération supplémentaire doit être soumis, à défaut de demande de saisine par l'une des parties de la commission paritaire de conciliation prévue par l'article L.615-21 du code de la propriété intellectuelle, au tribunal de grande instance, et plus précisément au tribunal de grande instance de Paris qui a compétence exclusive en la matière en application de l'article D. 211-6 du code de la propriété intellectuelle.
Le jugement déféré doit donc être confirmé en sa disposition relative à ce chef de demande.
Sur l'application de l'article L.1235-4 du Code du travail
Le licenciement déclaré illégitime est sanctionné par l'article L.1235-4, du code du travail. La cour ordonne le remboursement par la SAS Orfagen à Pôle Emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de 6 mois,
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS Orfagen, partie principalement perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.
M.B... est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer à l'occasion de cette procédure. La SAS Orfagen sera donc tenue de lui payer la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 al.1er 1° du code de procédure civile, en complément de la somme déjà allouée par le conseil de prud'hommes.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse en date
du 26 mars 2015, à l'exception du montant des dommages et intérêts alloués pour rupture injustifiée du contrat de travail ;
Statuant à nouveau,
Condamne la SAS Orfagen à payer à M. B... la somme de 140000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages et intérêts de M.B... formulée au titre de la perte de droits Pôle Emploi ;
Ordonne le remboursement par la SAS Orfagen à Pôle Emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de 6 mois ;
Condamne la SAS Orfagen aux dépens d'appel ;
Condamne la SAS Orfagen à payer à M.B... la somme de 3000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.