Livv
Décisions

CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 11 février 2011, n° 09/00218

TOULOUSE

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Laboratoire de l'Agly (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Latrabe

Conseillers :

M. Pellarin, M. Chassagne

CA Toulouse n° 09/00218

10 février 2011

EXPOSÉ DU LITIGE

M. B... a été embauché le 2 juin 2003 par la S.A.R.L LABORATOIRE DE L'AGLY en qualité de V.R.P, chargé plus précisément, en vertu de l'avenant du 1er octobre 2003, de la vente du procédé de diminution de doses de produits Phytos dénommé HYDRO AGLY. Il a été licencié pour faute grave le 9 février 2006 (absence injustifiée).

Son contrat de travail initial contenait la clause suivante :

article 14

En cas de départ pour quelques motifs que ce soit, le représentant ne pourra dévoiler le procédé de diminution de phytos à une autre entreprise, même s'il s'agit d'une entreprise fondée par lui-même ou un de ses proches.

Dans le cas du non-respect de cet article, le laboratoire de l'Agly aura droit à une indemnité minimale de100 000 payable immédiatement avec le cas échéant des dommages-intérêts supplémentaires.

La S.A.R.L LABORATOIRE DE L'AGLY a engagé une action contre son ancien salarié pour violation de l'obligation contractuelle de confidentialité et de la clause de non concurrence.

Le Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE a condamné M. B... à payer à la S.A.R.L LABORATOIRE DE L'AGLY la somme de 12.533,25 ¿ pour non-respect de la clause de non concurrence, et a ordonné une expertise avant dire droit sur la demande au titre de l'obligation de confidentialité. Il a rejeté les demandes du salarié relatives à la rupture de son contrat de travail.

Par arrêt du 12 mars 2010, la Cour a réformé le jugement sur le licenciement, a dit celui-ci sans cause réelle et sérieuse et alloué à M. B... les sommes visées au dispositif de l'arrêt, a confirmé le jugement pour le surplus, et désigné un expert avec mission :

- de rechercher si le procédé HYDRO AGLY a fait l'objet d'un dépôt à l'INPI et d'un brevet,

- de dire si ce procédé peut au contraire être considéré comme étant dans le domaine public,

- de dire si le procédé HYDRO AFE présente des similitudes avec le procédé HYDRO AGLY et dans l'afirmative, dans quelles proportions.

L'expert, M. A..., a déposé son rapport.

Développant oralement ses conclusions écrites, M. B... conclut au rejet des demandes adverses en faisant valoir essentiellement :

- que l'avenant du 1er octobre 2003 annule l'article 14 du contrat de travail initial qui au surplus n'est qu'une clause de non concurrence, et dès lors nulle faute de limitation dans le temps et l'espace

- que le procédé n'avait aucun caractère confidentiel, qu'il ne bénéficiait d'aucune protection, que la partie qui a été ensuite brevetée n'st pas reproduite dans le procédé qu'il commercialise,

- subsidiairement, que le procédé commercialisé par ses soins est postérieur à la fin de contrat de travail et ne constitue donc pas une violation de l'obligation contractuelle.

M. B... demande très subsidiairement que la clause pénale soit réduite à 1 ¿. Il sollicite la somme de 3 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Développant également ses conclusions écrites à l'audience, la S.A.R.L LABORATOIRE DE L'AGLY demande au contraire que M. B... soit condamné à lui payer la somme de 100 000 ainsi qu'une indemnité de 2 000 en remboursement de ses frais de défense, estimant :

- que l'article 14 n'a pas été affecté par l'avenant du 1er octobre 2003,

- que le procédé HYDRO AGLY était justement couvert par le secret avant le dépôt du brevet,

- au vu du rapport d'expertise, que M. B... a bien divulgué le procédé dès lors qu'il a fait des emprunts, même partiels, pour la mise en place de son procédé HYDRO AFE.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la survivance et la portée de l'article 14 du contrat de travail

Le moyen développé par M. B... selon lequel les clauses 8, 14 et 15 de l'avenant du 1er octobre 2003 auraient remplacé l'article 14 initial ne peut qu'être rejeté dès lors :

- que l'avenant stipule clairement en préambule qu'il remplace les articles 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 du contrat de travail du 2 juin 2003, ce qui démontre que les parties n'ont pas voulu supprimer l'article 14 initial,

- que surabondamment, aucun des articles de l'avenant cités par M. B... n'est contradictoire avec l'article 14 initial : l'article 14 est relatif à l'indemnité de clientèle, les articles 8 et 15 contiennent un rappel en termes généraux de l'interdiction de divulgation des procédés de fabrication, sans exclure expressément le principe de l'indemnisation en cas de violation de l'obligation de confidentialité

Enfin, l'article 14 initial qui est destiné à protéger le procédé connu de M. B... en sa qualité de salarié, et non le droit de l'employeur sur la clientèle, ne constitue manifestement pas une clause de non concurrence.

Se pose dès lors la question de savoir si M. B... a violé l'obligation prévue par cet article.

- sur la violation alléguée

Le rapport d'expertise a mis en évidence les éléments suivants :

- tout comme le procédé HYDRO AGLY, le procédé HYDRO AFE commercialisé par M. B... consiste en un dispositif de traitement de l'eau destiné à améliorer le comportement des produits phytosanitaires,

- les deux dispositifs présentent similairement des étapes fonctionnelles fidèlement comparables, à savoir une 1ère étape d'extraction des ions sodium-magnésium, suivie d'une 2ème étape complémentaire destinée à l'extraction des ions métalliques contenus dans l'eau,

- la 1ère étape est réalisée avec des produits scrupuleusement identiques chimiquement,

- la 2ème étape en revanche est réalisée à l'aide de produits fondamentalement différents.

Ainsi, selon l'expert M. A..., l'emprunt de l'idée d'extraire les ions de l'eau, le recours à un prétraitement et une déminéralisation très ressemblants, permettent de retenir une similitude partielle, de l'ordre de 30 à 50 %, précision étant faite que la dernière phase, extraction des ions métalliques, est totalement différente, et que M. B... n'a ainsi pas mis en pratique le savoir faire secret de dosage et de proportion du mélange zéolite-résine déminéralisante protégé par le brevet.

La propriété du procédé HYDRO AGLY est protégée par un brevet délivré le 27 août 2010, à effet rétroactif au jour du dépôt de la demande, soit le 2 janvier 2007. L'enveloppe SOLEAU déposée le 7 mars 2003 par la S.A.R.L LABORATOIRE DE L'AGLY est relativement imprécise, elle contient l'idée de déminéraliser l'eau en vue d'améliorer le comportement des produits phytosanitaires, ainsi que le recours à des procédés chimiques. Cela démontre simplement qu'à la date de la relation contractuelle, M. B... n'avait connaissance, du fait de sa qualité de salarié, que des grandes lignes du procédé ensuite breveté.

Il ressort ensuite des investigations de l'expert que la partie du procédé HYDRO AFE que M. B... a reproduite était déjà accessible au public, ce qui n'est pas véritablement contesté et qui transparaît également dans les observations de l'examinateur du brevet.

Or, d'une part, la clause de confidentialité couvrait l'entier procédé, et celui-ci n'a pas été dévoilé ni reproduit ; ce seul constat suffit à rendre inapplicable à M. B... la sanction contractuellement prévue.

D'autre part, seule une partie déjà connue a été reproduite. Or une clause de confidentialité ne peut être efficace qu'en ce qu'elle couvre des informations secrètes, non connues de la communauté de travail intéressée par l'information en cause.

Pour ces motifs, la S.A.R.L LABORATOIRE DE L'AGLY est déboutée de sa demande.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

Les dépens seront supportés par la S.A.R.L LABORATOIRE DE L'AGLY.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Vu l'arrêt du 12 mars 2010,

Vu le rapport d'expertise,

Déboute la S.A.R.L LABORATOIRE DE L'AGLY de sa demande en paiement de l'indemnité contractuelle pour violation de l'obligation de confidentialité.

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la S.A.R.L LABORATOIRE DE L'AGLY au paiement des dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme C. LATRABE, président et par Mme D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.