Cass. 1re civ., 7 juin 1995, n° 93-17.099
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grégoire
Rapporteur :
M. Chartier
Avocat général :
M. Gaunet
Avocats :
Me Le Prado, SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1128 du Code civil ;
Attendu que si la clientèle d'un médecin ou d'un chirurgien-dentiste n'est pas dans le commerce, le droit, pour ce médecin ou ce chirurgien-dentiste, de présenter un confrère à sa clientèle, constitue un droit patrimonial qui peut faire l'objet d'une convention régie par le droit privé ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par un acte sous seing privé du 28 décembre 1984, M. Y, chirurgien-dentiste, et Mlle X ont conclu un contrat par lequel M. Y s'engageait à " présenter à celle-ci la moitié de sa clientèle ", moyennant le versement de la somme de 350 000 F ; que, le 20 avril 1985, était créée entre les deux praticiens une société civile de moyens ayant pour objet exclusif de favoriser leur activité professionnelle, chacun en détenant la moitié ; que Mlle X a ensuite agi en nullité des conventions conclues avec M. Y, et réclamé à celui-ci la restitution des sommes par elle versées, outre des dommages-intérêts ;
Attendu que pour déclarer nulles et de nul effet pour objet illicite et absence de cause les conventions signées entre les parties, l'arrêt retient qu'en l'absence de toute précision tant sur les critères de sélection de la moitié de la clientèle concernée que sur la nature des moyens susceptibles d'être mis en oeuvre par le débiteur de l'obligation, le contrat signé entre les parties a, même indirectement, pour effet de mettre en échec le principe du libre choix du praticien par le patient et de revenir à céder partie d'une clientèle qui n'entre pas dans les choses du commerce ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résulte de l'arrêt que M. Y s'était seulement engagé envers son cocontractant à faire " tout ce qui sera en son pouvoir " pour que les clients reportent sur Mlle X la confiance qu'ils lui témoignaient, et que la clientèle conservait donc une liberté de choix, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mai 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.