Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 2 février 2022, n°  20-15.526

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

M. Mornet

Avocats :

SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Sevaux et Mathonnet

TGI Saint Gaudens, du 9 déc. 2016

9 décembre 2016

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 9 décembre 2019), à la suite de la rupture de la tête fémorale d'une prothèse de hanche posée le 23 février 2006, mise en évidence par une radiographie pratiquée le 28 décembre 2006, M. [M] a subi une intervention, le 4 janvier 2007, afin que soient retirés les débris de la tête céramique et mise en place une nouvelle tête en métal. A l'issue de cette intervention, il a présenté plusieurs complications ayant nécessité des réinterventions et a conservé des séquelles.

2. A la suite de l'avis, après expertise, de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) a indemnisé M. [M] de ses préjudices, exercé un recours contre la société Zimmer Biomet France, producteur de la prothèse, et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Lot, qui a demandé le remboursement de ses débours, ainsi que la société mutuelle du Rempart. La société Zimmer GMBH est intervenue volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. La société Zimmer Biomet France et la société Zimmer GMBH (les producteurs) font grief à l'arrêt de les déclarer responsables du préjudice subi par M. [M] du fait de la rupture de la prothèse de hanche et de les condamner à payer à l'ONIAM et à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot diverses sommes au titre de la prise en charge des préjudices subis par M. [M], alors :

« 1°/ qu'il appartient au demandeur agissant sur le terrain de la responsabilité du fait des produits défectueux de prouver l'existence d'un défaut du produit ; que la simple imputabilité du dommage au produit ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage ; qu'au cas présent, pour retenir la responsabilité de la société Zimmer, fabricant de la prothèse concernée, après avoir retenu que le dommage était imputable à la rupture de la prothèse mais que les raisons de cette rupture étaient « difficiles à déterminer », la cour d'appel s'est contentée de constater que la preuve d'une cause exogène n'était pas rapportée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil ;

2°/ qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; que la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage ; qu'au cas présent, pour retenir la responsabilité de la société Zimmer, fabricant de la prothèse concernée, après avoir retenu que le dommage était imputable à la rupture de la prothèse mais que les raisons de cette rupture étaient « difficiles à déterminer », la cour d'appel s'est contentée de constater que la preuve d'une cause exogène n'était pas rapportée ; qu'en statuant ainsi, sans établir l'existence positive d'un défaut, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1386-4 et 1386-9, devenus 1245-3 et 1245-8 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir écarté, en se fondant sur le rapport d'expertise, l'éventualité que la rupture de la prothèse soit imputable à un surpoids de M. [M], à une chute ou un comportement inadapté de sa part ou encore à la technique opératoire et au matériel choisi, la cour d'appel a retenu que cette rupture était intervenue dans un très court délai après la pose de la prothèse.

6. Sans inverser la charge de la preuve et s'en tenir à la simple imputabilité du dommage à la rupture de la prothèse, elle a pu en déduire que celle-ci ne présentait pas la sécurité à laquelle le patient pouvait légitimement s'attendre et était défectueuse.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. Les producteurs font le même grief à l'arrêt, alors « que le fabricant ne peut être tenu de réparer que les dommages qui sont en lien de causalité avec le défaut du produit ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que les complications subies par M. [M] résultaient des opérations de reprise rendues nécessaires par plusieurs « accidents médicaux non fautifs » et notamment de l'étirement du nerf sciatique lors de l'opération du 10 janvier 2007, de l'infection contractée lors d'une des opérations et du non-respect par le chirurgien des consignes du fabricant dans le choix et le montage de la prothèse de remplacement ; qu'en jugeant néanmoins la société Zimmer responsabilité de l'ensemble des dommages subis au motif que la rupture de la prothèse était à l'origine de tous les événements subséquents, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 1386-1 et 1386-9 devenus 1245 et 1245-8 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Dès lors qu'elle a constaté que la rupture de la prothèse initiale était à l'origine non seulement de l'opération de reprise mais aussi de tous les actes chirurgicaux subséquents et des dommages successifs qui en ont résulté pour M. [M], la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que la responsabilité des producteurs était engagée au titre de l'ensemble de ces dommages.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.