CA Paris, 4e ch. A, 4 décembre 1995, n° 93/010025
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Becheret
Défendeur :
Digital equipment corporation (Sté), Digital equipment France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duvernier
Conseillers :
Mme Mandel, Mme Marais
Avoués :
SCP Garrabos Alozard, SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Me Strochlic, Me Benoit
Fondé en 1952 aux Etats-Unis, dans l’Etat du MASSACHUSSETTS et deuxième constructeur mondial dans le domaine des équipements informatiques, la société DIGITAL EQUIPMENT CORPORATION est titulaire de la marque « DIGITAL » déposée le 31 octobre 1968 et successivement renouvelée le 31 mai 1979 et le 28 avril 1989 sous le n° d’enregistrement 1.552.448, pour désigner les produits et services des classes 3, 9 et 42 et plus particulièrement les matériels et les services d’assistance, de vente, d’entretien, de réparation d’ordinateurs et d’appareils périphériques.
Exerçant ses activités en France par l’entremise des sociétés DIGITAL EQUIPMENT France et DIGITAL ENTREPRISES, la société Américaine a constaté, exerçant les mêmes activités qu’elles, sous la dénomination sociale « DIGITAL TECHNOLOGY » et se livraient à leur encontre à des actes de concurrence déloyale.
Par jugement du 13 janvier 1993, le Tribunal de Grande Instance de PARIS, saisi du litige, après avoir constaté la validité de la marque DIGITAL, a déclaré les société DIGITAL bien fondées en leurs demandes de contrefaçon, d’usage illicite de marque et de concurrence déloyale, et, ordonnant les mesures d’interdiction et de publication habituelles, a condamné la société DIGITAL TECHNOLOGY à payer :
- à la société DIGITAL EQUIPMENT CORPORATION, la somme de 50.000 francs en réparation de l’atteinte portée à sa marque ;
- aux sociétés DIGITAL EQUIPMENT FRANCE et DIGITAL EQUIPMENT ENTREPRISES la somme de 20.000 francs chacune, en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale
- et la somme de 3.000 francs à chacune des susnommées au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Société DIGITAL TECHNOLOGY a interjeté appel de cette décision
La Société DIGITAL TECHNOLOGY ayant été placée en liquidation judicaire par jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE en date du 28 décembre 1993, M° BECHERET, mandataire liquidateur est intervenue volontairement à l’instance.
Par conclusions du 19 juin 1995, « remplaçant et annulant celles du 23 octobre 1993 » prises par la société, M° BECHERET invoque essentiellement la nullité de la marque au regard des dispositions de la loi de 1964 qui lui sont applicables, prétendant que le terme DIGITAL, apparu en France dès 1950, serait, dans le domaine de l’informatique, un terme usuel et nécessaire ne pouvant faire l’objet d’appropriation.
Elle allègue que la société américaine en choisissant en 1965 pour sa filiale française la dénomination « EQUIPEMENT DIGITAL » connaissant parfaitement la définition donnée à cette époque au mot digital et qu’elle a pris conscience du risque qu’une telle dénomination présentait de n’être pas protégée en raison de son caractère générique puisqu’elle a très vite éprouvé le besoin de changer celle-ci au profit de l’expression anglicisée « DIGITAL EQUIPMENT France », expression qu’elle estime, en tout état de cause, aussi peu distinctive dès lors que sa traduction, particulièrement aisée, s’impose a tout un chacun.
Elle précise que le dépôt de marque effectuée en 1968, en ce qu’il prive les concurrents de l’usage d’un terme nécessaire à la présentation de leurs produits et services, est également entachée de fraude et, à ce titre nul et de nul effet.
Concluant à l’infirmation de la décision dont appel, elle sollicite la restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire dont celle-ci était assortie, et ce avec intérêts et au taux légal à compter du paiement.
Invoquant reconventionnellement le préjudice subi par la société qu’elle représente, elle demande, outre la publication de l’arrêt à intervenir, paiement d’une somme de 500.000 francs à titre de dommages-intérêts et d’une somme de 41.510 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société DIGITAL EQUIPMENT France fait valoir qu’ensuite d’une opération fusion/absorption du 3 juillet 1993, elle se trouve aux droits de la société DIGITAL EQUIPEMENT ENTREPRISES et entend, en conséquence poursuivre l’instance tant en son nom personnel qu’au nom de la société absorbée.
La société DIGITAL EQUIPEMENT CORPORATION et la société DIGITAL EQUIPEMENT FRANCE soutiennent en réplique que M° BECHERET n’a pas qualité à poursuivre la nullité de la marque DIGITAL dans le cadre des opérations de liquidation qu’elle a charge de réaliser et qui mettent fin à la vie de la société.
Elles lui dénient également intérêt à agir en ce sens et concluent, en conséquence à l’irrecevabilité de ses prétentions.
Elles prétendent par ailleurs que M° BECHERET ne rapporte pas la preuve du caractère générique et usuel du terme chois à titre de marque ai moment du dépôt et concluent, de ce fait, au mal fondé de ses prétentions, invoquant, en tant que de besoin, la notoriété acquise par la dénomination critiquée pour prétendre au caractère incontestablement distinctif de celle-ci et par voie de conséquence à sa validité.
Concluant de ce fait à la confirmation de la décision dont appel, elles demandent à la COUR de fixer à la somme de 50.000 francs chacune le montant de leur créance indemnitaire à l’encontre de la société DGITAL TECHNOLOGY, de dire que les frais de publication seront inscrits au passif de la société, et de leur allouer la somme de 5.000 francs chacune au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
SUR CE
1° Sur la recevabilité à agir de M° Véronique BECHERET
Considérant que M° BECHERET, mandataire liquidateur désigné par jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE du 28 décembre 1993, a seule qualité pour représenter la société DIGITAL TECHNOLOGY à l’encontre de laquelle une procédure en liquidation Judiciaire est ouverte ;
Qu’en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, elle est recevable à invoquer, même par voie d’appel principal, tous moyens de fait et de droit pour s’opposer à l’action entreprise à l’encontre de la société qu’elle représente et à poursuivre réparation du préjudice qui pourrait en résulter ;
Que les intimées doivent en conséquence être déboutées de leur prétentions tendant à voir déclarer le mandataire liquidateur irrecevable en ses demandes ;