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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 17 février 2022, n° 19/02465

LYON

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

La Vie Claire (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Esparbès

Conseillers :

Mme Homs, Mme Clerc

T. com. Lyon, du 28 janv. 2019, n° 2018j…

28 janvier 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous signature privée du 21 mai 2012, M. X et la SAS La Vie claire ont conclu un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin, sous l'enseigne "La Vie claire" à Chécy (45430) dans la banlieue d'Orléans, par l'EURL Bio saveurs et santé créée à cette fin.

Par jugement du 5 juin 2013, sur déclaration de cessation des paiements de M. X, le tribunal de commerce d'Orléans a prononcé la liquidation judiciaire de la société Bio saveurs et santé avec poursuite d'activité jusqu'au 30 juin suivant et a fixé la date de cessation des paiements au 29 mai 2013.

Par acte d'huissier de justice du 11 janvier 2018, M. X a fait assigner la société La Vie claire en responsabilité délictuelle et contractuelle.

Par jugement du 28 janvier 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

• Déclaré M. X recevable en son action.

• Rejeté la demande de réparation pour procédure abusive de la société La Vie claire.

• Débouté M. X de l'ensemble de ses demandes.

• Condamné M. X à payer la somme de 1'500 € à la société La Vie claire au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

• Condamné M. X aux entiers dépens de l'instance.

M. X a interjeté appel par acte du 8 avril 2019.

Par conclusions du 8 janvier 2020, fondées sur les articles 1134 alinéas 1 et 3, 1147, 1149, 1184 et 1353 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, sur les articles 1240 et 1241 nouveaux du code civil, sur les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce et sur l'article 6, § 1 de la convention européenne des droits de l'homme, M. X demande à la cour de :

• Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclaré recevable en son action et en ce qu'il a rejeté la demande de réparation pour procédure abusive de la société La Vie claire.

• Infirmer le jugement pour le surplus.

et statuant à nouveau,

• Juger que la société La Vie claire :

• A remis un état du marché local incomplet et obsolète et s'est abstenue de fournir une présentation des perspectives de développement de ce marché et de l'impact de la concurrence locale directe et indirecte.

• N'a pas fait une présentation sincère et précise du réseau d'exploitants.

• Ne s'est pas assurée de la faisabilité économique du projet.

• A communiqué des chiffres prévisionnels irréalistes et non sincères.

• A méconnu ses obligations d'aide et d'assistance, de loyauté et de compétence, méconnaissance qui justifie la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la société La Vie claire.

En conséquence,

• Condamner la société La Vie claire à lui payer les sommes de :

• 85 600 € pour perte de chance de ne pas avoir investi ses économies en pure perte dans un projet voué à l'échec.

• 28 800 € pour perte de chance de percevoir une rémunération et des dividendes d'un montant minimal de 36'000 €.

• 39 585 € pour perte de chance de ne pas avoir eu à payer en qualité de caution la somme de 49'481,41 € au Crédit mutuel.

• 10 000 € au titre du préjudice moral et des autres préjudices immatériels.

• 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

• Débouter la société La Vie claire de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions, en ce compris les différents moyens qu'elle expose à l'appui de son appel incident.

• Condamner la société La Vie claire aux entiers dépens de la présente instance.

Par conclusions du 8 octobre 2019, fondées sur les articles 32-1, 56, 122 et 700 du code de procédure civile et sur les articles 1134, 1147, 1240 et 2224 du code civil, la société La Vie claire demande à la cour de :

Sur la prescription et le non-respect de l'article 56 du code de procédure civile,

• Juger prescrites les demandes M. X au titre de ses responsabilités précontractuelle et contractuelle.

• Juger que M. X n'a pas respecté les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile.

• Juger que l'action intentée par M. X est abusive.

Par conséquent,

• Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit l'action de M. X recevable et l'a déboutée de sa demande de condamnation pour procédure abusive.

• Déclarer irrecevable l'action intentée par M. X.

• Condamner M. X à lui verser la somme de 5'000 € au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

À titre subsidiaire, sur le rejet des demandes de M. X,

• Juger qu'elle a fourni des informations précontractuelles loyales à M. X et s'est conformée à son obligation d'information précontractuelle.

• Juger qu'elle a respecté l'ensemble de ses engagements contractuels.

Par conséquent,

• Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. X de l'ensemble de ses demandes.

Ajoutant,

• Condamner M. X au paiement de la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel, ceux d'appel étant distraits au profit de Me L..

MOTIFS

A titre liminaire, il est précisé que compte tenu de la date de conclusion du contrat antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les dispositions du code civil visés dans le présent arrêt sont celles issues de leur rédaction antérieure à cette ordonnance.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des actions,

La société La Vie claire est appelante en ce que les premiers juges ont déclaré les actions recevables ; elle leur fait grief d'avoir jugé que la prescription devait être appréciée globalement au motif que les manquements précontractuels et les manquements contractuels sont deux moyens invoqués par M. X à l'appui de son action en responsabilité délictuelle.

Son reproche est fondé, M. X ayant assigné la société La Vie claire en responsabilité précontractuelle qui est une action délictuelle et en responsabilité contractuelle et ayant maintenu ces deux actions devant le tribunal de commerce ; la prescription des actions qui dépend de leur point de départ doit être examinée pour chaque action, ce qui est d'ailleurs admis par M. X qui y répond distinctement.

• Sur l'action en responsabilité délictuelle,

La société La Vie claire fait valoir que l'action en nullité d'un contrat et l'action en responsabilité extracontractuelle engagée sur le fondement d'un vice du consentement, sont deux actions distinctes ; que la seconde n'est pas soumise à la prescription de l'article 1304 du code civil ; qu'en application de l'article 2224 du même code, le point de départ de cette action est le jour de la découverte du caractère insuffisant ou erroné des informations transmises par le franchiseur ; qu'il résulte des explications de M. X et des pièces qu'il produit, qu'il connaissait ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action dès le mois de juillet 2012 et au plus tard à la fin de l'été 2012, date à laquelle il avait connaissance du décalage entre le prévisionnel et les chiffres réellement atteints ; que concernant le document d'information précontractuelle, la prétendue absence ou insuffisance de certaines informations pouvait être constatée dès la remise de ces documents soit en octobre 2011 et mars 2012 ; que ce n'est pas elle qui a établi le prévisionnel mais M. X et son comptable.

M. X réplique que :

- Le point de départ du délai de prescription d'une action en nullité d'un contrat ou d'une action en responsabilité fondée sur des manquements précontractuels affectant le contrat de causes de nullité ne peut jamais être placé à la date d'un événement antérieur à la naissance du contrat.

- En application des dispositions de l'article 2224 du code civil, qui institue un système de point de départ "glissant", le délai de prescription ne peut commercer à courir qu'à compter de la connaissance par le créancier des éléments de fait de nature à fonder l'exercice de son action.

- Son action est fondée sur des manquements contractuels et notamment des fautes dolosives ; qu'en application de l'article 1304 du code civil, l'action en nullité ou en rescision court à compter de la découverte du dol.

- En l'espèce, les manquements fondant son action en indemnisation ont conditionné le manque de rentabilité du magasin ; qu'ainsi le point de départ doit être fixé à la date où il lui est devenu certain d'une part, que son point de vente était affecté d'une absence de rentabilité chronique et irrémédiable et d'autre part, que celle-ci caractérisait les mensonges et réticences dolosives dont il avait été victime.

- Ce n'est pas au jour du contrat qu'il pouvait s'apercevoir de l'erreur provoquée par les mensonges et réticences mais seulement au cours de l'exploitation et qu'il pouvait engager une action.

- Que dans la situation la moins favorable, le point de départ de l'action serait le 13 avril 2013, date d'arrêté de la situation intermédiaire de l'entreprise qui lui a permis de connaître les chiffres de son magasin et de pouvoir justifier du bien-fondé de son action.

M. X n'ayant pas introduit une action en nullité du contrat sur le fondement du droit commun des vices du consentement, le point de départ de cette action prévu par l'article 1304 du code civil ne s'applique pas.

Les manquements aux obligations d'informations précontractuelles imposées au franchiseur par l'article L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce sont sanctionnés par une action en nullité si le candidat à la franchise prouve que ces manquements ont déterminé son consentement ou par une action en responsabilité pour obtenir des dommages intérêts en réparation du préjudice.

C'est cette dernière action que M. X a choisi d'intenter ; sa prescription est prévue par l'article 2224 du code civil qui dispose : « Les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Il s'ensuit que la prescription court à compter de la connaissance effective des faits permettant d'exercer l'action ou de leur ignorance blâmable.

La référence, par le texte précité, aux seuls faits exclut que le titulaire du droit puisse invoquer l'ignorance des conséquences juridiques attachées aux faits dont il avait connaissance.

Il n'est pas exigé par ce texte que le titulaire du droit ait été en mesure d'agir (l'impossibilité d'agir étant une cause de suspension de la prescription si les conditions édictées par l'article 2234 du code civil sont réunies).

Au soutien de son action, M. X invoque les manquements suivants :

- Remise d'un état du marché incomplet et obsolète.

- Absence de remise d'une présentation des perspectives de développement de ce marché et de l'impact de la concurrence locale directe et indirecte.

- Absence de présentation sincère et précise du réseau d'exploitants.

- Défaut de vérification de la faisabilité économique du projet.

- Communication de chiffres prévisionnels irréalistes et non sincères.

La société La Vie claire a remis un document d'information précontractuelle, comme elle en a l'obligation légale, le 18 octobre 2011 (avec des éléments concernant une implantation à Saran) puis le 9 mars 2012 (informations pour une implantation à Chécy) soit plus de 20 jours avant la signature du contrat qui a eu lieu le 21 mai 2012.

Ainsi M. X pouvait connaître dès avant la signature du contrat, le prétendu caractère incomplet et obsolète de l'état du marché remis et la prétendue absence de remise d'une présentation des perspectives de développement du marché et de l'impact de la concurrence locale directe et indirecte, il précise d'ailleurs lui-même qu'une simple lecture du document transmis révèle le caractère très sommaire des données qu'il contient ; il était également en mesure de connaître la prétendue absence de présentation sincère et précise du réseau d'exploitants dès lors qu'il n'invoque au soutien de ce fait que l'absence d'indication, pour les magasins ayant cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant la remise du document d'information précontractuelle, si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé.

En conséquence, l'action introduite le 11 janvier 2018, en ce qu'elle est fondée sur ces prétendus manquements, est prescrite.

En ce qu'elle est fondée sur un défaut de vérification de la faisabilité économique du projet et sur la communication de chiffres prévisionnels irréalistes et non sincères, c'est à la date de l'arrêté de la situation intermédiaire des comptes du 13 avril 2013 que M. X a pu avoir connaissance de ces faits.

L'action n'est donc pas prescrite en ce qu'elle est fondée sur ces faits.

• Sur l'action en responsabilité contractuelle,

La société La Vie claire soutient qu'en application de l'article 2224, le délai de prescription de cette action commence à courir dès que les premières conséquences du manquement allégué se manifestent et que, lorsque le dommage consiste en une perte de chance de ne pas contracter, le délai commence dès la formation du contrat.

Elle fait valoir que les premières difficultés dont M. X fait état datent de l'été 2012, et qu'il indique les lui avoir signalées par lettres du 29 août 2012, 5, 8 et 12 septembre et des 12 et 28 décembre 2012 ; qu'ainsi, si elle était supposée connaître les difficultés de son franchisé résultant de ses prétendus manquements contractuels, M. X avait lui-même connaissance de ces manquements.

En conséquence l'action introduite après le 29 août ou après septembre 2017 est prescrite.

M. X réplique que le franchiseur devait exécuter son obligation d'assistance jusqu'au terme de l'exploitation du point de vente soit jusqu'au mois de juin 2013 : que dès lors n'est pas tardive l'assignation délivrée le 11 janvier 2018, soit moins de 5 ans après une période au cours de laquelle il démontre que le franchiseur n'a pas valablement exécuté ses obligations.

Il réplique que la considération selon laquelle il a fait état de difficultés dès 2012 est inopérante, celle-ci n'exonérant en rien le franchiseur de son obligation de l'aider et de l'assister tout au long du premier semestre 2013 ; qu'il a sollicité la société La Vie claire en avril 2013 soit moins de cinq ans avant l'assignation pour qu'elle lui apporte d'urgence une aide adaptée à l'ampleur des difficultés rencontrées, que l'assignation ne peut être délivrée au tout premier signe de défaillance du franchiseur dans l'exécution des obligations d'assistance, de compétence et de loyauté qui pèsent sur lui.

En application des dispositions de l'article 2224 du code civil précité, si M. X n'était pas tenu d'engager l'action en responsabilité dès la commission d'un premier manquement, il est par contre tenu de l'engager dans les cinq ans suivant l'ensemble de manquements qu'il invoque ; l'action fondée sur des manquements dont il avait ou aurait dû avoir connaissance cinq ans avant l'introduction de l'instance, soit avant le 11 janvier 2013, étant prescrite.

L'action est donc recevable uniquement en ce qu'elle est fondée sur des faits dont M. X a eu ou aurait dû avoir connaissance après cette date.

Sur le non-respect des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile,

La société La Vie claire fait valoir que M. X n'a pas respecté ces dispositions qui imposent que l'assignation précise les diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige ; qu'il ne lui a adressé aucune mise en demeure ni pris attache avec elle ni cherché à résoudre amiablement le différend avant de l'assigner sans qu'il puisse invoquer une urgence dès lors que plus de quatre ans séparent la fin du contrat et l'assignation.

Elle fait grief aux premiers juges d'avoir retenu ces faits mais de ne pas en avoir tiré les conséquences au motif qu'il ne peut être reproché à M. X d'avoir voulu faire valoir ce droit alors qu'elle ne formule pas un tel reproche.

Elle demande à la cour de tirer les conséquences de l'irrégularité de l'assignation.

M. X rétorque que :

- L'article 56 du code de procédure civile, dispense le demandeur de préciser, dans l'assignation, les diligences entreprises pour parvenir à la résolution amiable du litige, en cas d'urgence et que la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société La Vie claire démontre une urgence à ne pas retarder la délivrance de l'assignation.

- Le texte précité ne sanctionne pas le non-respect de la formalité litigieuse par la nullité de l'assignation pour vice de forme laquelle, au demeurant, n'est pas soulevée in limine litis.

- Le non-respect de cette formalité permet simplement au juge de proposer aux parties des mesures propres à leur permettre de trouver une issue amiable à leur litige (article 127 du code de procédure civile).

- La société La Vie claire, qui invite la cour à tirer les conséquences de sa contradiction consistant à lui reprocher une assignation tardive mais sans avoir pris le temps d'entrer préalablement en discussion avec elle, consciente de l'incongruité de son moyen, est incapable de préciser l'objet de sa demande : nullité de l'assignation, irrecevabilité de l'action ou des demandes, autres.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions des parties.

En l'espèce, en demandant à la cour de tirer les conséquences de la non-conformité de l'assignation, la société La Vie claire n'énonce aucune prétention sur laquelle la cour devrait statuer.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société La Vie claire.

Si la conséquence à tirer de la prétendue irrégularité de l'assignation est le caractère abusif de l'action, dès lors que la société La Vie claire demande des dommages-intérêts en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, au double motif que M. X a introduit l'action plus de cinq ans après les faits alors qu'elle était manifestement prescrite et qu'il n'a cherché aucune solution amiable au litige, la prétention n'est pas fondée.

En effet, d'une part, les actions ne sont pas totalement prescrites, d'autre part, la prescription d'une partie des actions ne caractérise pas un abus du droit d'agir pas plus que l'absence de recherche d'une solution amiable et enfin, la société La Vie claire n'invoque et a fortiori ne démontre aucun préjudice justifiant la réparation qu'elle réclame.

Or, contrairement à ce qu'elle soutient, la démonstration d'un préjudice causé par l'abus du droit d'agir en justice est nécessaire, s'agissant d'une action en responsabilité délictuelle fondée sur l'article 1240 du code civil et non sur l'article 32-2 du code de procédure civile qui permet la condamnation de celui qui agit en justice de manière abusive à une amende civile en plus de la condamnation à des dommages-intérêts mais celle-ci ne peut intervenir qu'en application des règles régissant la réparation d'un préjudice.

En conséquence, la décision déférée est confirmée, par motifs substitués et ajoutés, en ce qu'elle a débouté la société La Vie claire de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les actions en responsabilité, au fond,

• Sur l'action en responsabilité délictuelle,

Il est rappelé que cette action est recevable en ce qu'elle est fondée sur le défaut de vérification de la faisabilité économique du projet et sur la communication de chiffres prévisionnels irréalistes et non sincères.

Sur le défaut de vérification de la faisabilité économique du projet, M. X expose que :

- La société La Vie claire lui a proposé un emplacement et un local très mal choisis et sans vérifier la faisabilité du projet de cette implantation dans une commune de 25 000 habitants alors que l'implantation du point de vente est un des éléments du savoir-faire et que dans les obligations du franchiseur, figure l'assistance à la recherche du local.

- A la lumière de la spécificité de son concept et de sa politique commerciale, la société La Vie claire se devait, en tant que spécialiste de l'implantation des points de vente de son réseau, d'effectuer une vérification, fût-elle sommaire, de la rentabilité potentielle du point de vente à Chécy, et de rechercher si les points faibles de l'emplacement choisi ne faisaient pas peser sur l'activité future un risque d'échec rédhibitoire.

- En l'invitant à s'installer et à exploiter sur la zone de Chécy, la société La Vie claire lui a clairement laissé entendre, dès lors qu'il ne pouvait que supposer que ce travail de vérification avait été effectué, que l'emplacement et le local choisis présentaient des gages de rentabilité.

- Que ce faisant, la société La Vie claire, dans le même temps l'a induit en erreur et a méconnu l'obligation de compétence qui pesait sur elle en tant que franchiseur.

La société La Vie claire conteste avoir orienté M. X dans le choix d'un local sur la commune de Chécy et argue du défaut de preuve de cette affirmation. Elle prétend que M. X qui a changé plusieurs fois d'avis quant à la commune d'implantation, s'est fixé de son propre chef sur Chécy ; que conformément à ses obligations, elle lui a adressé un état du marché local et des perspectives de développement ; que la loi ne prévoit pas une obligation d'adapter l'état du marché local à la spécificité du concept et qu'il ne peut donc lui être reproché un manquement à une obligation qui n'est pas prévue par les textes ; que l'état du marché n'est pas une étude de marché permettant au franchisé d'apprécier l'intérêt de l'implantation envisagée ; qu'il appartenait à M. X de réaliser une étude de marché afin de pouvoir estimer la rentabilité future de l'opération envisagée ce qu'il a reconnu devant le tribunal de commerce ne pas avoir fait.

Selon l'article R. 330-1 du code de commerce, le document d'information contractuelle que le franchiseur a l'obligation de fournir au candidat à la franchise doit comporter l'état et les perspectives de développement du marché concerné.

En l'espèce, le document qui a été fourni le 18 octobre 2011 comporte une présentation générale du marché et de ses perspectives et une présentation locale du marché et de ses perspectives concernant la commune de Saran (dans la périphérie d'Orléans) où l'implantation avait été alors envisagée. Le 9 mars 2012 la société La Vie claire a communiqué à M. X une présentation locale du marché de Chécy.

Le franchiseur n'a pas l'obligation de fournir une étude de marché et de vérifier la faisabilité économique du projet avec l'implantation choisie par le candidat. Si M. X affirme que le choix de l'implantation et du local a été faits par la société La Vie claire, il s'agit d'une affirmation non assortie d'offres de preuve.

Il appartient au contraire au candidat de procéder à une étude de marché afin de pouvoir estimer la rentabilité future de l'opération envisagée comme le conseille vivement le document d'information préalable "afin de pouvoir estimer la rentabilité future de l'opération envisagée" en attirant l'attention du candidat à la franchise que les états du marché communiqués ne constituent pas une étude du marché et ne permettent pas de préjuger de l'opportunité de l'opération projetée.

Le manquement invoqué par M. X n'est donc pas fondé.

Sur la communication de chiffres prévisionnels irréalistes et non sincères, M. X soutient que la société La Vie claire lui a indiqué que, compte tenu du potentiel du marché bio et du taux de pénétration de la marque, il pourrait réaliser un chiffre d'affaires annuel de 600 000 € affirmation corroborée par les documents comptables de deux magasins qui lui ont été communiqués.

Il fait grief aux premiers juges d'avoir jugé qu'il ne démontrait pas que les chiffres prévisionnels ont été transmis par la société La Vie claire.

Il ajoute que sur la base de cette indication, il a élaboré un prévisionnel avec son expert-comptable qui a été validé par le franchiseur lequel a donc estimé que les résultats de la société lui permettraient dès la première année de couvrir ses charges et très rapidement de dégager un salaire et de percevoir des dividendes en fin d'exercice alors que sur les 12 mois d'exploitation, il a réalisé un chiffre d'affaires inférieur de 350 000 € et une perte de 100 000 €.

La société La Vie claire soutient que les comptes de résultats prévisionnels ont été établis par M. X et son expert-comptable et non par elle, contrairement à ce que M. X soutient ; que ce dernier a d'abord établi, en vue de l'implantation à Saran, un prévisionnel mentionnant un chiffre d'affaires pour la première année de 800 000 € qui se situait dans la fourchette haute des chiffres d'affaires réalisés par des magasins similaires ; que par la suite s'étant intéressé au local de Chécy, sur ses conseils, M. X a ramené le chiffre d'affaires à 600 000 € pour la première année en conformité avec le chiffre d'affaires moyen réalisé par les franchisés du réseau.

Elle fait valoir que le chiffre moyen réalisé par les franchisés du réseau est incontestablement une donnée financière et économique sérieuse et pertinente à l'image de la rentabilité du concept de La Vie claire ; que M. X ne peut lui reprocher de ne pas avoir atteint le chiffre d'affaires prévisionnel qui constitue la moyenne des chiffres d'affaires atteints par les autres franchisés sans se remettre en question quant à la non-atteinte de ce chiffre pourtant réalisé par les autres ; qu'elle s'est parfaitement conformée à son obligation légale d'information précontractuelle et n'a nullement trompé M. X.

L'article L. 330-1 du code de commerce n'impose pas au franchiseur de fournir à l'autre partie un compte d'exploitation prévisionnel mais s'il décide de le fournir, il doit l'établir de façon sincère, sur des bases sérieuses permettant au candidat à la franchise d'apprécier réellement en toute connaissance de cause la rentabilité de son entreprise.

C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'il résultait des pièces produites, que dès le 21 février 2012, M. X a transmis à son expert-comptable les prévisionnels qu'il avait établis lui-même et que s'il affirme que la société La Vie claire lui avait communiqué les éléments à partir desquels il a élaboré les éléments prévisionnels, c'est sans apporter la moindre justification à ses affirmations ; en particulier il ne justifie pas que la matrice chiffrée de compte de résultat prévisionnel qu'il produit, provenant de l'APCE sans précision de l'activité concernée, lui a été communiquée par la société La Vie claire.

Le fait qu'il n'ait pas réalisé le chiffre d'affaires des deux magasins "paraissant proches du vôtre" dont les bilans lui ont été communiqués, à sa demande, ne remet pas en cause la validité de cette donnée qui devait être confirmée par une étude de marché qu'il n'a pas réalisée.

Ce manquement n'est donc pas non plus fondé.

La décision déférée est confirmée en ce qu'elle a débouté M. X de son action sur ces deux manquements.

• Sur l'action en responsabilité contractuelle,

Il est rappelé que cette action n'est recevable qu'en ce qu'elle est fondée sur des faits dont M. X a eu ou aurait dû avoir connaissances postérieures au 11 janvier 2013 soit au vu des pièces produites sur les faits dénoncés :

- Le 12 janvier 2013 : problème de livraison d'affichettes.

- Le 29 janvier 2013 : absence de communication d'additifs.

- Le 9 février 2013 : absence de livraison de produits commandés et payés.

- Le 29 mars 2013 : écarts entre les poids de légumes affichés sur la facture et les poids réels.

Si ces quatre incidents en trois mois, traduisent une exécution défectueuse de certaines de ses obligations contractuelles par la société La Vie claire, ils n'ont pas de lien de causalité avec les préjudices dont réparation est demandée.

Par lettre du 3 mai 2013, M. X a informé la société La Vie claire que le magasin rencontrait des difficultés financières liées au manque d'évolution du chiffre d'affaires et qu'il souhaitait trouver un accord financier permettant à l'entreprise de continuer son activité en lui demandant de prendre position dans le courant de la semaine suivante, afin qu'il puisse prendre les décisions s'imposant.

Par lettre du 28 mai, il a précisé que les chiffres mensuels réalisés et qu'il avait transmis chaque mois depuis l'ouverture du magasin, permettait à la société La Vie claire de constater une différence négative de plus de 40 % par rapport aux prévisions (chiffre d'affaires au 30 avril 2013 de 285 000 € pour un chiffre d'affaires prévu lors de la première année de 600 000 €), que les difficultés étaient donc générées par cet écart, que la situation ne pouvant perdurer, la liquidation judiciaire devait être envisagée ce qui l'amenait à proposer la reprise du magasin au franchiseur.

Le 30 mai 2013, il a déposé la déclaration de cessation des paiements qui a été fixée au 29 mai 2013 par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du 5 juin 2013.

Dans ces conditions, un prétendu manquement au devoir d'assistance de la société La Vie claire ne peut être caractérisé par la réponse, quelle qu'elle soit, à une demande présentée moins d'un mois avant la cessation des paiements.

En conséquence, il y a lieu, par substitution de motifs, de confirmer la décision déférée en en ce qu'elle a débouté M. X de cette action.

Sur les dépens et les frais irrépétibles,

Les condamnations prononcées par le tribunal de commerce à l'encontre de M. X, partie perdante, au titre des dépens et des frais irrépétibles sont confirmées.

Succombant dans son recours, M. X doit également supporter les dépens d'appel et les frais irrépétibles qu'il a exposés devant la cour ; des considérations d'équité commandent de le dispenser de verser une indemnité de procédure à la société La Vie claire.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire.

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré recevables les actions en responsabilité intentées par M. X en totalité,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Déclare recevable l'action en responsabilité délictuelle introduite par M. X en ce qu'elle est fondée sur un défaut de vérification de la faisabilité économique du projet et sur la communication de chiffres prévisionnels irréalistes et non sincères.

La déclare irrecevable pour le surplus,

Déclare recevable l'action en responsabilité contractuelle introduite par M. X en ce qu'elle est fondée sur des faits postérieurs au 11 janvier 2013.

La déclare irrecevable pour le surplus,

Déboute les parties de leur demande en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. X aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.