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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 10 février 2010, n° 08/20479

PARIS

PARTIES

Demandeur :

Bricorama France (SAS)

Défendeur :

SCI Strasbourg grande rue

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gaboriau

Conseillers :

Mme Porcher, Mme Degrelle-Croissant

Avoué :

SCP ARNAUDY – BAECHLIN

Avocat :

Me Phillips

TGI de Créteil, du 22 sept. 2008, n° 07…

22 septembre 2008

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 22 septembre 2008, rendu par le tribunal de Grande Instance de Créteil qui a statué en ces termes :

Déboute la Société BRICORAMA de l’ensemble de ses demandes

Déboute la SCI STRASBOURG GRANDE RUE de sa demande d’expertise

Condamne la société BRICORAMA à payer à la SCI STRASBOURG GRANDE RUE une indemnité de 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Vu l’appel relevé par la Société Anonyme BRICORAMA FRANCE à l’encontre du jugement,

Vu les dernières conclusions :

de l’appelante, déposées au greffe de la Cour, le 16 octobre 2009, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, aux termes desquelles la Société Anonyme BRICORAMA FRANCE poursuivant la réformation de la décision entreprise, prie la Cour de :

dire et juger que les activités de jardineries, vente de fleurs et plantes et animaleries sont connexes et complémentaires de l’activité principale de vente de tous articles de bricolage et pour l’aménagement de la maison

dire et juger que l’acte de refus de déspécialisations signifié le 11 mai 2007 à la requête de la SCI STRASBOURG GRANDE RUE est abusif

confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SCI STRASBOURG GRANDE RUE de sa demande d’expertise

débouter la SCI STRASBOURG GRANDE RUE de l’ensemble de ces demandes

condamner la SCI STRASBOURG GRANDE RUE à lui verser la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

condamner la SCI STRASBOURG GRANDE RUE aux entiers dépens de première instance d’appel dont le montant sera recouvré par la SCP DUBOSQ et Y conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

de l’intimée, déposées au greffe de la Cour, le 23 avril 2009, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, aux termes desquelles la Société Civile Immobilière STRASBOURG GRANDE RUE conclut à la confirmation de la décision déférée, au débouté de la société BRICORAMA de l’ensemble de ces demandes et à sa condamnation à lui verser une somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel en admettant la SCP ARNAUDY et X au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le cadre juridique

Article L. 145-47 du code de commerce de :

«Le locataire peut adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires.

À cette fin, il doit faire connaître son intention au propriétaire par un acte extrajudiciaire, un indiquant les activités dont l’exercice est envisagé. Cette formalité vous mise en demeure du propriétaire de faire connaître dans un délai de deux mois, à peine de déchéance, s’il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ses activités. En cas de contestation, le tribunal de grande instance, saisi par la partie la plus diligente, se prononce en fonction notamment de l’évolution des usages commerciaux

Lors de sa première révision triennale suivant la notification visée par l’alinéa précédent, il peut, par dérogation aux dispositions de l’article L. 145 -38, être tenu compte, pour la fixation du loyer, les activités commerciales adjointes, si celles-ci ont entraîné par elle-même une modification de la valeur locative des lieux loués »

DISCUSSION

La S. C. I. STRASBOURG GRANDE RUE est propriétaire de locaux à Nogent-sur-Marne, XXX et 7 et 9 Grande rue Charles-de-Gaulle qui ont été donnés à bail commercial, le 12 avril 1979, à la société Home Décor Bricolage aux droits de laquelle se trouve la Société Anonyme BRICORAMA en vue de l’exercice du commerce de « vente de tous articles de bricolage et pour l’aménagement de la maison ».

Par arrêt du 1er septembre 2004 le loyer a été fixé à la valeur locative pour la somme de 189 300 €.

La S. C. I. STRASBOURG GRANDE RUE a fait délivrer, le 2 mars 2007, à la Société Anonyme BRICORAMA un commandement aux fins de respecter la destination contractuelle et de cesser toute activité non autorisée et notamment la vente de fleurs et plantes et toute activité de jardinerie et animalerie.

Le 30 mars 2007, la Société Anonyme BRICORAMA a fait délivrer une demande de déspécialisation qui a été refusée le 11 mai 2007.

Soutenant que le refus de déspécialisation est abusif, la Société Anonyme BRICORAMA a fait assigner son bailleur devant le Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL qui a rendu le jugement déféré.

SUR LA DÉSPÉCIALISATION PARTIELLE :

La société BRICORAMA FRANCE soutient en cause d’appel, le caractère abusif du refus aux motifs :

— quelle a toujours vendu des articles de jardineries et d’animaleries en pleine connaissance de son bailleur

— que les activités de jardineries, vente de fleurs et plantes et animaleries présentent un caractère connexe ou complémentaire à l’activité prévue dans le bail, et que le jardinage est une activité de bricolage extérieur de la maison

— que les chaînes de magasins spécialisés dans le bricolage offrent à leur clientèle des produits du même domaine et que le contexte concurrentiel féroce de la grande distribution contraint à une évolution de l’offre des magasins de bricolage spécialisé et conduit à assimiler les articles concernant les balcons, terrasses et jardins à des éléments de décoration extérieure

— que l’activité reprochée est clairement mentionnée par la Fédération Professionnelle du bricolage comme l’une des composantes du « squelette » des magasins de bricolage, l’activité n’étant pas sans lien avec le bricolage et même essentielle et nécessaire à un meilleur exercice de l’activité principale puisqu’elle permet le prolongement de l’activité d’aménagement de la maison jusque vers l’extérieur

Elle ajoute que le contexte procédural est particulier puisqu’ elle a, de son côté, fait assigner son bailleur pour inexécution des travaux de toiture, menuiseries extérieures, issues de secours et présence d’amiante, travaux nécessaires à la sécurité à la santé des personnes eu égard à la vétusté des locaux loués.

La S. C. I. STRASBOURG GRANDE RUE conteste un quelconque défaut d’entretien et affirme que la procédure engagée par son locataire a tourné court.

Elle affirme qu’elle s’est vue contrainte, après avoir constaté la dérive de l’exploitation, de faire délivrer une sommation d’avoir à cesser toutes les activités précitées et a, à juste titre, opposé un refus à la demande de déspécialisation, l’adjonction d’activité prévue par l’article L.145-47 du code de commerce constituant une exception dont le seul but est de corriger l’excessive rigidité d’un cadre contractuel empêchant un locataire de s’adapter à une évolution économique et doit s’apprécier en fonction de la taille du périmètre de l’activité autorisée par le bail ; le fait que certaines enseignes exercent l’activité revendiquée ne suffisant pas à démontrer le caractère connexe ou complémentaire.

Elle conteste, en outre, avoir eu connaissance de l’activité et le caractère ancien de celle-ci.

Or

Il s’agit dans la présente instance de rechercher si l’adjonction sollicitée est justifiée au regard de la règle de droit applicable.

L’article L.145-47 du code de commerce autorise le locataire à adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires.

La Société Anonyme BRICORAMA invoque le caractère complémentaire des activités contestées.

Le caractère complémentaire s’entend d’une activité qui, sans être en rapport intime avec l’activité autorisée au bail, en est le complément c’est-à-dire le prolongement raisonnable permettant au locataire un meilleur exercice de l’activité principale afin de mieux se défendre contre la concurrence et de suivre non seulement l’évolution technique mais également l’évolution des usages commerciaux et des attentes de la clientèle.

Ainsi, l’activité de jardinage apparaît s’inscrire dans l’évolution des usages concernant l’activité de bricolage, tous les magasins de bricolage ayant aujourd’hui des rayons jardinage avec accessoires et cette activité étant, au reste, mentionnée à la nomenclature de bricolage émanant de la Fédération Professionnelle des magasins de bricolage versée aux débats.

Il en est de même pour l’activité d’animalerie dans la mesure où elle reste cantonnée à la vente de produits pour l’entretien ou l’alimentation des animaux et non celle de la vente des animaux eux-mêmes, la démarche de l’acheteur n’étant pas de même nature.

Ainsi le refus opposé par le bailleur n’est pas justifiée et l’activité de jardineries, animaleries dans la limite précisée ci-dessus doit être autorisée.

SUR LES AUTRES DEMANDES

En raison de la décision, les autres demandes de la S. C. I. STRASBOURG GRANDE RUE se trouvent sans objet.

La S. C. I. STRASBOURG GRANDE RUE qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’apparaît pas inéquitable, afin d’apaiser les relations entre les parties, de laisser à la charge de chacune d’elles les frais, non compris dans les dépens, générés par la première instance et l’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant en dernier ressort :

1. INFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil le 22 septembre 2008 en ce qu’il a débouté la Société Anonyme BRICORAMA FRANCE de ses demandes et l’a condamnée aux dépens ainsi qu’à une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,

II. Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que l’activité de jardinerie, vente de fleurs et plantes et animaleries sont des activités connexes et complémentaires de l’activité principale de vente de tous articles de bricolage pour l’aménagement de la maison, étant donné acte à la Société Anonyme BRICORAMA qu’elle entend par activité ' d’animalerie » la vente de produits pour l’entretien ou l’alimentation des animaux et non la vente d’animaux

dit en conséquence infondée la contestation opposée par la S. C. I. STRASBOURG GRANDE RUE à la demande de déspécialisation partielle présentée par la Société Anonyme BRICORAMA

III. Dit n’y avoir lieu à allocation d’une somme en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

IV. Condamne la S. C. I. STRASBOURG GRANDE RUE aux entiers dépens de première instance d’appel dont distraction au profit de la S. C. P DUBOSCQ et Y.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE.