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Décisions

Cass. com., 10 septembre 2013, n° 12-22.617

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Vincent et Ohl

Paris, du 11 avr. 2012

11 avril 2012

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 avril 2012), que M. X..., qui exerçait les fonctions de chef du service d'études géologiques au sein de la direction exploration de la société ELF RE, aux droits de laquelle vient la société ELF exploration production (la société ELF EP), a participé entre 1995 et 1998 à la réalisation de différentes inventions qui ont donné lieu à des dépôts de brevets français et américains au nom de la société ELF EP, M. X... étant désigné comme coinventeur ; que la société ELF EP s'étant opposée à ce que ces inventions soient qualifiées d'inventions hors mission attribuables, M. X... l'a fait assigner aux fins d'obtenir paiement d'une certaine somme au titre du juste prix en contrepartie de leur cession ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les brevets dont il était coinventeur étaient des inventions de mission, alors, selon le moyen :

1°) que le droit au titre de propriété industrielle appartient à l'inventeur, les exceptions à ce principe ne résultant que de la loi ; que seules appartiennent à l'employeur les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées ; que doit exister un rapport étroit entre l'invention considérée et la mission inventive occasionnelle explicitement confiée au salarié ; que la cour d'appel a exactement relevé que le contrat de travail de M. X... ne stipulait pas expressément à la charge du salarié une mission inventive et qu'il lui appartenait, conformément aux dispositions de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, de rechercher si les inventions litigieuses avaient été faites par le salarié dans le cadre d'études et de recherches qui lui avaient été spécialement confiées ; qu'en se bornant dès lors à relever que la société ELF EP avait explicitement assigné à son salarié « une mission constante d'études et de recherches impliquant une mission inventive dans le domaine de l'imagerie des puits en vue de l'intégration des résultats dans des études opérationnelles », motif qui, par sa généralité, est impropre à établir que les inventions litigieuses auraient été réalisées dans le cadre d'études et de recherches explicitement confiées à M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) qu'en se fondant encore sur l'affirmation que la mise au point d'outils informatiques aurait constitué le « volet nécessaire » d'une mission d'études et de recherches visant à améliorer l'interprétation de l'imagerie des parois des puits en vue d'une application opérationnelle dans le domaine de l'exploration pétrolière et que M. X... avait bénéficié au cours de la période considérée, de formations spécifiques, organisées et financées par son employeur, dans le domaine informatique et en particulier dans le domaine des logiciels adaptés à l'exploration géologique, motifs impropres à établir que le salarié s'était vu explicitement confier des études et recherches en rapport avec la mise au point d'outils informatiques, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) qu'en prétendant incidemment reprocher à M. X... qu'il n'identifierait pas les outils informatiques mis au point grâce à ses inventions, quand leur identification résultait des brevets appartenant à l'employeur dont elle constatait l'existence et quand la société ELF EP ne contestait pas qu'ils avaient été intégrés dans le système informatique qu'elle utilisait, dont les retombées financières font de plus l'objet d'une analyse retenue au soutien de la décision, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) que selon l'article L. 611-7, 2° du code de la propriété intellectuelle la seule conséquence attachée au fait qu'une invention hors mission soit faite par le salarié dans le cours de l'exécution de ses fonctions et par la connaissance ou l'utilisation de techniques ou moyens spécifiques à l'entreprise consiste dans le droit de l'employeur à se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention ; de sorte qu'en relevant au surplus que les outils informatiques avaient été mis au point au moyen des budgets affectés annuellement par son employeur à la mission de recherches et d'études qui lui avait été conférée, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

5°) qu'en se fondant sur des fiches d'évaluations annuelles de M. X... établies entre 1993 et 1997 pour en déduire que les inventions litigieuses auraient été réalisées en exécution de missions qui lui auraient été confiées, cependant que les deux dernières inventions avaient donné lieu à des brevets déposés seulement en 2000 et 2001, la cour d'appel, en statuant par des motifs impropres à établir le lien entre ces inventions et les missions qui lui auraient été confiées, a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que les inventions litigieuses, qui ont donné lieu à la délivrance de brevets déposés avec l'indication du nom de M. X... en qualité de coinventeur, ont été réalisées dans le domaine de l'interprétation des images des parois des puits et du traitement des signaux diagraphiques dans le cadre de l'exploration pétrolière ; qu'il relève encore, par motifs propres et adoptés, que la société ELF EP a explicitement confié à M. X..., de 1993 à 1997, le soin de donner l'orientation et d'assurer le suivi de la recherche et du développement dans les applications géologiques et géophysiques des diagraphies pour une meilleure caractérisation des réservoirs, de la mise au point d'outils méthodologiques de synthèses diagraphiques, notamment l'enregistrement de paramètres géophysiques des formations traversées par sondage et l'amélioration de l'efficacité de la chaîne colonne-puits sismique ainsi que l'intégration des outils développés dans le cadre d'IMA3G; qu'il retient encore que M. X... avait reçu pour objectifs la valorisation et l'intégration des résultats dans les études opérationnelles et le développement de la cohérence entre études géologiques et études réservoir ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations desquelles il résulte que les inventions en cause ont été réalisées dans le cadre d'études et recherches explicitement confiées à M. X... par son employeur, la cour d'appel a, sans méconnaître les termes du litige et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et quatrième branches, légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, que la période de réalisation d'une invention étant distingue de celle à laquelle le brevet correspondant peut être déposé, le moyen, pris en sa cinquième branche est inopérant ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa cinquième branche et qui ne peut être accueilli en ses deuxième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société ELF exploration production la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille treize.