Cass. com., 12 juillet 2011, n° 10-16.911
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Petit
Rapporteur :
Mme Mandel
Avocat général :
M. Carre-Pierrat
Avocats :
SCP Gadiou et Chevallier, SCP Hémery et Thomas-Raquin
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés B2M industries et Styrpac que sur le pourvoi incident relevé par la société Acome ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 20 novembre 2007, pourvois n° 06-17.915 et 06-18.321), que la société B2M, dont le président du conseil d'administration et directeur général est M. X... et M. Y... un salarié, et la société Styrpac ont assigné la société Acome, d'une part, en revendication d'un brevet couvrant un type de dalle équipée de plots, utilisable dans des systèmes de plancher chauffant en facilitant l'insertion de tubes dans lesquels circulent les fluides, et, d'autre part, en revendication d'un modèle déposé le 18 octobre 1999, reprenant certains aspects de ces dalles ; que les sociétés Styrpac et B2M ont en outre agi en contrefaçon de droit d'auteur à l'encontre de la société Acome ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que les sociétés B2M et Styrpac font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Acome à payer la somme de 216 300 euros à la société B2M au titre de l'indemnité équitable due en vertu de l'article L. 613-29 du code de la propriété intellectuelle, alors, selon le moyen :
1°) que la société B2M faisait valoir, dans ses conclusions que la société Acome avait frauduleusement déposé, à l'insu de ses partenaires, un modèle, puis un brevet relatifs aux dalles litigieuses, et qu'il avait été nécessaire de recourir au juge pour établir la copropriété de la société B2M et de la société Acome sur le brevet litigieux, de sorte que l'indemnité équitable devait prendre en considération le comportement de la société Acome, et ne pouvait être établie sur les mêmes critères que l'aurait été une indemnité conventionnellement déterminée par les copropriétaires, dont l'un ne souhaitait pas exploiter le brevet et laissait volontairement le soin à l'autre d'en prendre la charge ; qu'en affirmant que, si les deux parties s'étaient trouvées dans le cas de négocier une telle redevance avant toute exploitation commerciale, elles auraient nécessairement pris en compte, non pas les perspectives de chiffre d'affaires, mais bien celles du profit attendu de l'entreprise et auraient, de plus, intégré un aléa que le calcul a posteriori ne comporte évidemment plus, et que l'indemnité équitable devait être définie en prenant en compte les investissements complémentaires nécessaires et les charges assumés par le copropriétaire exploitant pour rentabiliser la mise en oeuvre du brevet, mais aussi, en sens contraire, la passivité du copropriétaire attentiste qui n'avait pris aucune initiative ni exposé aucun frais, pour en déduire que l'assiette de l'indemnité devait être limitée au seul résultat d'exploitation apporté par la commercialisation des dalles, sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions de la société B2M , si, compte tenu du fait qu'elle avait déposé frauduleusement le brevet litigieux, la société Acome n'était pas privée de la faculté d'invoquer ses prétendus mauvais résultats, pour limiter l'indemnité équitable à une part de son résultat d'exploitation, et non de son chiffre d'affaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 613-29 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) que la société B2M faisait valoir, dans ses conclusions qu'elle avait permis l'industrialisation du brevet grâce à des tests, échantillons et essais réalisés en 1999, sans être rémunérée, et qu'elle avait assumé tous les risques en acceptant de participer à cette phase de recherche et de création sans autre rémunération que l'assurance que la fabrication des dalles serait ensuite confiée à sa filiale, la société Styrpac ; qu'elle indiquait encore que la société Acome s'était bornée à capter son savoir-faire et celui de la société Styparc, et à faire une exploitation purement commerciale de l'invention, après avoir déposer à l'insu de ses partenaires un modèle, puis un brevet ; qu'en affirmant que l'indemnité équitable devait notamment être définie en prenant en compte les investissements complémentaires nécessaires et les charges assumés par le copropriétaire exploitant pour rentabiliser la mise en oeuvre du brevet, pour en déduire que l'assiette de l'indemnité devait être limitée au seul résultat d'exploitation apporté par la commercialisation des dalles, sans caractériser, ainsi que l'y invitaient les conclusions de la société B2M, la nature et l'importance des investissements complémentaires nécessaires et les charges qui auraient été assumés par la société Acome et qui auraient justifié une telle limitation de l'indemnité en défaveur du copropriétaire lésé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 613-29 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que pour la fixation, sur le fondement de l'article L 613-29 du code de la propriété intellectuelle, de l'indemnité devant être versée par un copropriétaire à un autre copropriétaire qui a triomphé dans son action en revendication, le caractère frauduleux du dépôt de la demande de brevet n'a pas à être pris en compte ; que l'arrêt, après avoir relevé que la société B2M n'avait pris aucune initiative, ni exposé aucun frais pour exploiter elle-même l'invention, bien que rien ne l'en empêchât, alors que la société Acome avait assumé les risques de l'exploitation, et qu'elle avait dû faire face à une concurrence forte l'obligeant à maintenir des prix de vente compétitifs tout en engageant des frais commerciaux élevés, en déduit que compte tenu de l'ensemble des circonstances de la cause, l'indemnité équitable doit être fixée à 30 % du résultat d'exploitation pour la période 2000-2008 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche visée par la première branche et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi principal ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que pour dire que la somme à restituer de 610 354 euros ne portait intérêts au taux légal qu'à compter de la notification de son arrêt , la cour d'appel a retenu que c'était l'arrêt qu'elle rendait qui constituait le titre ouvrant droit à restitution de cette somme ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juin 2006 constitue le titre ouvrant droit à restitution par la société B2M de la somme de 610 354 euros, et que les intérêts au taux légal couraient à compter du 19 novembre 2008, date de signification de l'arrêt de la Cour de cassation du 20 novembre 2007, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur ce moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1291 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de compensation entre l'indemnité allouée à la société B2M et les sommes devant être restituées par cette société à la société Acome en vertu de l'arrêt de la Cour de cassation du 20 novembre 2007 et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 juin 2007, l'arrêt retient que c'est l'arrêt statuant sur renvoi après cassation qui constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution de l'arrêt cassé et que les intérêts au taux légal sur les sommes à restituer ne courent qu'à compter de la notification de l'arrêt statuant sur renvoi après cassation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la compensation s'opère de plein droit entre des dettes réciproques de sommes d'argent présentant un caractère exigible, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les sommes à restituer porteront intérêt au taux légal à compter de sa notification et en ce qu'il a rejeté la demande de compensation, l'arrêt rendu le 24 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que les sommes à restituer porteront intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2008 pour la somme de 610 354 euros et à compter du 12 juillet 2007 pour la somme de 38 000 euros ;
Ordonne la compensation entre la somme de 216 300 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2010 et les sommes de 610 354 euros et 38 000 euros augmentées des intérêts au taux légal à compter respectivement du 19 novembre 2008 pour la première et du 12 juillet 2007 pour la seconde ;
Condamne les sociétés B2M et Styrpac aux dépens.