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Décisions

CA Paris, 4e ch., 24 février 1994, n° D19940012

PARIS

Confirmation

Paris, du 15 janv. 1992

15 janvier 1992

FAITS ET PROCEDURE

Dans des circonstances suffisamment exposées par les premiers juges M.J.P. G et la Société J.P. GAULTIER se plaignant de la contrefaçon d'un blouson et d'actes de concurrence déloyale connexes avaient attrait la Société PEROY LA CITY, ci-après PEROY devant le tribunal de Grande Instance de Paris afin d'obtenir la cessation des agissements critiqués, des réparations pécuniaires et des publications judiciaires. PEROY s'était opposée à cette demande et elle avait formulé des prétentions reconventionnelles à fins indemnitaires.

Par son jugement du 15 janvier 1992 auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions antérieurs la troisième chambre première section du Tribunal déboutant les parties de leurs demandes principale et reconventionnelle a donné main-levée de la saisie-contrefaçon du 22 juin 1989 et condamné les demandeurs à payer à PEROY la somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure et les dépens.

M.J.P. G et sa société qui ont relevé appel par déclaration du 14 février 1992 ont conclu le 3 juin 1992 à l'infirmation, à la validation des saisies-contrefaçon des 22 juin et 3 juillet 1989, à ce que soit reconnue l'existence d'actes de contrefaçon, atteinte au droit moral, concurrence déloyale ou illicite, agissements parasitaires, faute, imprudence et négligence, à la condamantion de PEROY à payer :

- à M. J.P. G une indemnité de 400 000 F,

- à la Société J.P. GAULTIER une indemnité de 500 000 F,

- à chacun des appelants la somme de 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile et les dépens d'instance et d'appel,

- au prononcé d'une interdiction d'exploiter les modèles litigieux sous astreinte définitive de 1 000 F par infraction et de la confiscation de tout modèle en la possession de PEROY aux fins de destruction, sous astreinte de 1 000 F par jour de retard,

- à ce que des publications judiciaires soient ordonnées dans cinq périodiques aux frais de l'intimée, pour un coût minimum de 30 000 F H.T. par publication.

PEROY a conclu sur la contrefaçon au débouté pour divers motifs qui seront examinés ci-après et par voie d'appel incident à la condamnation des appelants à lui payer :

- une indemnité de 50 000 F pour procédure abusive,

- une indemnité de 50 000 F pour réparer son préjudice moral,

- une somme de 59 300 F T.T.C. au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile et tous les dépens.

Les appelants qui ont banalement conclu au débouté sur les prétentions adverses allèguent que le suivi du dossier a été perturbé par la dernière maladie de Mme Virginie B, depuis décédée, mais qu'ils ont pu produire ultérieurement le dessin daté et signé du blouson créé par M. J.P. G portant les noms LAPSUS et LAMBRO attribués au modèle selon qu'il est destiné à la clientèle féminine ou masculine et les numéros de référence.

Le modèle se trouverait dans le " book " printemps-été 1989 et ses références se retrouveraient sur des factures dès janvier 1989.

L'acte de cession serait du 1er juillet 1988 et concernerait toute la collection printemps- été 1989.

Il serait surprenant, si PEROY avait créé début 1988 et commercialisé fin 1988 qu'elle n'ait pas au moins adressé une réclamation.

Les ressemblances entre les modèles seraient flagrantes.

Le modèle BUG BUNNY, comme le modèle original se présenterait comme un blouson très court, resserré vers le bas, avec sur le devant un empiècement horizontal droit à double piqûre, fermé de haut en bas par des boutons métalliques, des manches très larges serrées par un poignet séparé orné d'un bouton métallique, des poches à rabat se terminant en triangle avec un bouton métallique au milieu et doubles piqûres, sous chaque poche un triangle isocèle pointe en bas avec doubles piqûres et des oeillets pour un laçage évasé en haut resserré en bas dont les noeuds dépassent le bord inférieur du blouson, ce bord étant à double piqûre, le dos du blouson montrant un empiècement droit horizontal à double piqûre ainsi que deux lignes à double piqûre verticale se rapprochant vers le bas, le blouson se rétrécissant vers le bas en formant un arc de cercle donnant un aspect plus court derrière que devant.

Ils ajoutent qu'il y a copie servile et que le modèle est galvaudé par l'utilisation de matières premières de moindre qualité permettant de pratiquer des prix très inférieurs et de détourner la clientèle.

DECISION

Considérant qu'à juste titre l'intimée remarque en premier lieu que le contrat de cession dont la communication a été obtenue, non sans difficulté en première instance, n'énumère en rien les modèles cédés et qu'il ne comporte aucune date incontestable ; qu'il sera relevé en outre que les caractères employés pour la dactylographie ne sont pas identiques à la première et à la deuxième page ;

Que le dessin mis aux débats devant la Cour et portant la date du 14 mars 1988 et la signature du créateur n'est pas plus susceptible d'être daté avec certitude ; que les noms LAPSUS et LAMBRO (et les références) qui y ont été manifestement rajoutés ne figuraient ni sur la cession, ni sur l'acte introductif d'instance ;

Que si les appelants produisent quelques pages volantes qui seraient extraites de leur " book " montrant notamment un modèle LAPSUS rien ne permet de dater ces pages volantes ;

Qu'en particulier, ainsi que le Tribunal l'a relevé avec pertinence, M.J.P. G et sa société n'ont pas été en mesure de verser aux débats un catalogue ou une publicité pour la collection printemps-été 1989 sur lesquels apparaîtraient le modèle et le nom du créateur ou de la société qui exploite ; que si les noms LAMBRO et LAPSUS sont écrits sur des factures du 4 janvier au 28 mars 1989 dont rien ne permet de contester la réalité, il n'est pas démontré que ces noms correspondent au modèle dont le dessin a été communiqué devant la Cour ;

Qu'il sera relevé en outre que les factures n'émanent ni de M.J.P. G ni de la société J.P. GAULTIER mais d'une société GAULTIER JUNIOR ou MACHINE VALORI S.P.A. de MILAN qui n'est pas en cause et sont adressées à des entreprises tierces ;

Considérant qu'alors que PEROY conteste à la fois l'antériorité de création et l'acquisition des droits par la Société J.P. GAULTIER et la commercialisation antérieure par cette dernière force est de constater que dans cette instance la seule date incontestable est celle de la saisie-contrefaçon du 22 juin 1989 et qu'à cette date les deux blousons, dont la Cour a pu constater la ressemblance au vu des scellés qui lui étaient remis, étaient commercialisés tant par la Société J.P. GAULTIER que par PEROY sans que puisse être établie une antériorité de création ni une antériorité de commercialisation par l'une ou l'autre partie ;

Qu'il s'ensuit que la contrefaçon de modèle n'est pas prouvée de même que l'atteinte au droit moral de M.J.P. GAUTLIER ;

Que la Société J.P. GAULTIER ne démontre pas plus que PEROY ait vendu à perte ou qu'elle se soit rendue coupable de parasitisme ou d'une faute, imprudence ou négligence de quelque nature que ce soit dans la commercialisation des blousons ; que la différence des prix de gros hors taxes qui tient en l'espèce à la qualité des produits et à la réputation des entreprises en cause n'est pas en elle-même fautive ; que les appelants seront donc déboutés de leurs prétentions ;

Considérant qu'à tort l'intimée reproche aux appelants un abus de procédure alors que les deux blousons présentant des ressemblances indéniables même s'ils s'inscrivent dans une tendance de la mode ainsi que le montre la communication de pièces de l'intimée, alors qu'ils ont pu de bonne foi se tromper sur l'étendue de leurs droits et alors qu'ils ont fourni devant la Cour des éléments de fait qui n'avaient pas été soumis au Tribunal ; que la demande de l'intimée en paiement de deux indemnités sera rejetée ;

Considérant qu'en équité il convient d'allouer, comme indiqué au dispositif, une somme supplémentaire à l'intimée pour les frais non taxables qu'elle a dû exposer devant la Cour ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement du 15 janvier 1992,

Y ajoutant, condamne M.J.P. G et la Société J.P. GAULTIER à payer à la Société PEROY LA CITY une somme supplémentaire de DIX MILLE FRANCS (10 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile devant la Cour et les dépens d'appel que la SCP BERNABE RICARD est autorisée à recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes comme mal fondées.