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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 18 février 2022, n° 19/15312

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Celes Infinite (SAS), CH Besson (SAS), Nawi Groupe (SAS)

Défendeur :

Alliance (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone

T. com. Paris, du 6 mai 2019, n° 2017001…

6 mai 2019

FAITS ET PROCÉDURE

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

Il sera succinctement rapporté que la société coopérative ouvrière de production à responsabilité limitée Time To Planet a des activités de conseil, de communication et de marketing sur Internet. La sas Celes Infinite, qui appartient à la holding Nawi Groupe, est spécialisée dans le commerce de détail.

Par contrat du 5 novembre 2015, X a fait appel à la société Time to Planet pour la création de trois sites internet. Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 octobre 2016, Celes Infinite a résilié ce contrat en invoquant l'inexécution de ses obligations contractuelles par Time to planet.

Suite à l'assignation en référé de Time to planet par Celes Infinite le 16 novembre 2016, le président du tribunal de commerce de Paris a fait injonction à Time to Planet de communiquer à X les codes sources, codes administrateur et tous autres codes d'accès et données techniques nécessaires à l'exploitation des trois sites internet qu'elle avait la charge de mettre en place en l'état des éléments d'ores et déjà livrés, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et l'a condamnée aux dépens. Cette ordonnance a été confirmée en appel le 26 septembre 2017.

Par jugement du 19 décembre 2017 le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Time to planet.

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 mai 2019, qui a :

- Pris acte de l'intervention volontaire de la selas Alliance Mission ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Time To Planet.

- Dit que le contrat du 5 novembre 2015 a été résilié aux torts exclusifs de la sas Celes Infinite.

- Condamné la sas Celes Infinite à payer à la selas Alliance Mission ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Time To Planet la somme de 18 000 € portant intérêt au taux légal à compter de la date de mise à disposition du jugement.

- Débouté la selas Alliance Mission ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Time To Planet, de sa demande indemnitaire au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

- Débouté la selas Alliance Mission ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Time To Planet de sa demande de 20 000 € au titre de la déstabilisation et des actes de dénigrement dont elles prétendent avoir été victimes.

- Condamné solidairement la sas celes Infinite, la sas ch. besson et la sas nawi groupe, ainsi que la selarl v & v associes représentée en la personne de me C. K. ès qualités d'administrateur de la sas ch. besson et de la sas nawi groupe et me L. H. ès qualités de mandataire judiciaire de la sas ch. besson et de la sas nawi groupe, à payer à la selas alliance mission ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Time to Planet la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement, nonobstant appel et sans constitution de garantie.

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

- Condamné solidairement la sas celes Infinite, la sas ch. besson et la sas nawi groupe, ainsi que la selarl v & v associes représentée en la personne de me C K ès qualités d'administrateur de la sas ch. besson et de la sas nawi groupe et me L H ès qualités de mandataire judiciaire de la sas ch. sesson et de la sas nawi groupe aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 211,77 € dont 35,08 € de tva.

Vu l'appel interjeté par les appelants le 24 juillet 2019,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 23 avril 2020 pour les appelants par lesquelles ils demandent à la cour de :

Vu le jugement critiqué,

Vu les faits,

Vu les pièces versées au débat,

Vu l'appel incident formé par l'Intimée,

Vu l'ordonnance de référé du 7 décembre 2016, confirmée en appel par arrêt du 26 septembre 2017,

Vu le contrat du 5 novembre 2015,

Vu le contrat du 11 octobre 2016,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a décidé de condamner la société celes Infinite à hauteur de 18.000 euros en principal pour cause de résiliation du contrat du 5 novembre 2015 aux torts exclusifs de la société celes Infinite, et au paiement d'un article 700, et confirmer le jugement entrepris pour le surplus, et statuant à nouveau.

- Dire et juger que la société time to planet expose sa responsabilité pour défaut d'exécution du contrat du 5 novembre 2015 et non-respect de l'obligation de délivrance conforme.

- Dire et juger que la société celes Infinite a valablement résilié le contrat « mission commerciale » du 11 octobre 2016, aux torts exclusifs de la société time to planet, ce contrat n'ayant plus d'objet ni d'utilité compte tenu du défaut d'exécution du contrat du 5 novembre 2015.

- Dire et juger que la société time to planet, par sas alliance, ne rapporte pas la preuve d'une rupture brutale et abusive des relations commerciales, ni d'actes de dénigrement dont elle prétend être victime.

- Débouter en conséquence la société time to planet, par sas alliance, de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

- Débouter en conséquence la société time to planet, par sas alliance, de son appel incident, ainsi que de toutes les demandes inscrites aux termes dudit appel incident.

- Condamner la société time to planet au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats pour la sas Alliance le 24 janvier 2020 par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147 et 1149 ancien du code civil, vu l'article 1240 du code civil, vu l'article L. 442-6 du code de commerce,

- Confirmer le jugement rendu en date du 6 mai 2019 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

* Dit que le contrat du 5 novembre 2015 a été résilié aux torts exclusifs de la société celes Infinite.

* Condamné solidairement la sas celes Infinite, la sas ch. besson et la sas nawi groupe, ainsi que la selarl v & v associes représentée en la personne de me C K ès qualités d'administrateur de la sas ch. besson et de la sas nawi groupe et me L. H. ès qualités de mandataire judiciaire de la sas ch. besson et de la sas nawi groupe, à payer à la sas alliance ès qualités la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* Condamné solidairement la sas celes Infinite, la sas ch. besson et la sas nawi groupe, ainsi que la selarl v & v associes représentée en la personne de me C K ès qualités d'administrateur de la sas ch. besson et de la sas nawi groupe et me L H ès qualités de mandataire judiciaire de la sas ch. besson et de la sas nawi groupe aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 211,77 € dont 35,08 € de tva.

- Infirmer le jugement rendu en date du 6 mai 2019 par le tribunal de commerce de paris en ce qu'il a statué ainsi qu'il suit :

* « Condamne la sas celes Infinite à payer à la selas alliance mission ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Time to Planet la somme de 18.000 € portant intérêt au taux légal à compter de la date de mise à disposition du présent jugement.

* Déboute la selas alliance mission ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société time to planet, de sa demande indemnitaire au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

* Déboute la selas alliance mission ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société time to planet, de sa demande de 20.000 € au titre de la déstabilisation et des actes de dénigrement dont elles prétendent avoir été victimes », statuant à nouveau.

- Condamner la société celes Infinite à payer à la sas alliance ès qualités la somme de 101.328,70 € portant intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation fautive par la société celes Infinite du contrat du 5 novembre 2015.

- Dire et juger que la société celes Infinite a rompu brutalement les relations commerciales établies entre la société time to planet et les sociétés du groupe nawi.

- Condamner in solidum les sociétés celes Infinite, A Y et nawi groupe à payer à la sas alliance ès qualités la somme de 28.354,81 € à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter de la date de la décision à intervenir, en indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies entre la société time to planet et les sociétés du groupe nawi.

- Condamner la société celes Infinite à payer à la sas alliance ès qualités 20.000 €, portant intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la déstabilisation et des actes de dénigrement commis par la société celes Infinite, en toute hypothèse.

- Débouter la sas celes Infinite, la selarl v & v associes ès qualités d'administrateur de la société ch. besson, maître L H ès qualités de mandataire judiciaire de la société ch. besson, la sas ch. besson, la selarl v & v associes ès qualités d'administrateur de la société nawi groupe, maître L H ès qualités de mandataire judiciaire de la société nawi groupe et la sas nawi groupe de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- Condamner in solidum la sas celes Infinite, la selarl v & v associes ès qualités d'administrateur de la société ch. besson, maître L H ès qualités de mandataire judiciaire de la société ch. besson, la sas ch. besson, la selarl v & v associes ès qualités d'administrateur de la société nawi groupe, maître L H ès qualités de mandataire judiciaire de la société nawi groupe et la sas nawi groupe à payer à la sas alliance ès qualités la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner in solidum la sas celes Infinite, la selarl v & v associes ès qualités d'administrateur de la société ch. besson, maître L H ès qualités de mandataire judiciaire de la société ch. besson, la sas ch. besson, la selarl v & v associes ès qualités d'administrateur de la société nawi groupe, maître L. H. ès qualités de mandataire judiciaire de la société nawi groupe et la sas nawi groupe aux entiers dépens de l'instance et de ses suites et autoriser maître stéphane cathely, avocat au barreau de paris, à en recouvrer directement le montant, pour ceux le concernant, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 16 septembre 2021,

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire, la cour relève que la résiliation par lettre recommandée avec avis de réception du 21 octobre 2016 qu'a contestée le mandataire de Time to planet en première instance et dont s'est défendue Celes Infinite devant le tribunal, fixant ainsi l'objet du litige, porte sur le seul contrat signé le 5 novembre 2015 et non sur la mission commerciale confiée le 11 octobre 2016.

En vertu de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne, ce qui est le cas en l'espèce, le contrat ayant été conclu le 5 novembre 2015 et ne s'étant pas renouvelé ensuite.

Sur l'exécution de l'obligation de délivrance conforme des sites internet commandés et la résiliation.

Aux termes de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, le contrat n° TTP2015017 signé le 5 novembre 2015 pour la « création de 3 sites web innovants pour Celes Infinite » par celle-ci et Time to planet prévoit la création de trois sites internet, l'un type « le bon coin » avec des services de recherche de produits du Congo pour les Congolais installés en Europe dénommé www. africazando.com, un second du type « agence évènementielle » pour organiser fêtes et évènements congolais en Europe avec un annuaire des intervenants dénommé www. paradiziak.com, et enfin un troisième site de conseil en entrepreneuriat à destination des Congolais du Congo dénommé www. standupcongo.com.

Le contrat fixe comme « objectif » la création des 3 sites opérationnels au 31 mars 2016 ainsi que la génération de 3 millions d'euros de chiffre d'affaires à 3 ans et de 20 % de résultat net, notamment et 3 modules ou « phase » :

* La première de test de concepts auprès de la communauté congolaise, sur la période de novembre à décembre 2015, pour un budget de 20.000 € HT + 10 % des aides obtenues.

* La deuxième phase, de création des 3 sites web permettant de réaliser le cahier des charges des sites, les chartes graphiques, le zoning, le design et la programmation afin d'obtenir 3 sites de 10 pages chacun avec module de paiement et e-commerce, sur la période de janvier à fin mars 2016 et pour un budget de 30.000 € HT payé au résultat pour 3 sites fonctionnels.

* La dernière phase de marketing digital et de gestion des sites devait permettre notamment le lancement de ces sites auprès de la communauté congolaise, les référencements, la création de comptes sociaux, l'amélioration des sites, le tout sur une période d'un an renouvelable à compter de la mise en ligne. Le prix de la phase 3 est précisé au contrat comme composé d'une partie fixe dépendant du référencement, du « community management » et de la modification des pages pour un total de 18.000 € HT par an, et une partie en pourcentages du chiffre d'affaires généré par les trois sites, du recrutement de salariés, et des aides obtenues.

Le contrat prévoit enfin que les honoraires de deux premières phases sont payés à :

- 50 % au début de la mission soit 25.000 € HT (30.000 € TTC).

- 10 % après le rapport de test du module 2 soit 5.000 € HT (6.000 € TTC).

- Le solde de 40 % à la livraison de la mise en ligne des 3 sites soit 20.000 € HT (24.000 € TTC) à la fin du module 2, et que la mission est « une et indivisible ».

Il est ajouté en gras que le contrat engage Celes Investissements « dans la fourniture des moyens nécessaires à sa réalisation : informations, fournitures de documents internes, ressources techniques, temps homme, fichier client et réflexion/réponse aux questions, ainsi que dans la fourniture des compétences complémentaires pour l'équipe projet notamment issues de la communauté congolaise ».

Il n'est pas contesté que les 3 sites internet n'étaient pas livrés à la date du 31 mars 2016, les codes de deux d'entre eux ayant été remis le 28 juillet 2016 par mail et il ressort du constat d'huissier du 1er février 2017 (pièce 13 appelants) réalisé sur les sites www. paradiziak.com, www.africazando.com et www.standupcongo.com que le site paradiziak.com contient une dizaine de pages très peu développées, et que les liens vers les réseaux sociaux en bas de page sont inactifs.

Il ressort toutefois des messages électroniques échangés entre Celes Infinite et Time to Planet (pièce 3 appelants) que cette dernière a régulièrement adressé à Mme B. I., directrice générale au sein de Nawi Groupe, des comptes rendus de réunion, des propositions pour le régime des newsletters (mail du 18/02/2016 à 13h38), et pour les logos des sites (mail du 27/01/2016 à 13h35).

Les réponses de Celes Infinite sont en revanche partielles, se contentant de refuser les propositions sans détailler ses attentes et renvoyant le plus souvent à une réponse à venir à plusieurs jours ; pour exemple le mail de Mme I. du 27/01/2016 à 19h38 qui indique : « sur les logos, les créations proposées ne me satisfont pas vraiment (...) et là encore il faudra avoir du choix entre 2 ou 3 logos, je ne peux pas choisir entre 2 coloris. Sur le Workshop je serai disponible vendredi 12/02 ou semaine prochaine en fin de journée ». Finalement, Mme I. fera une proposition le 28/01/2016 pour un des logos en termes généraux : « une main/objet qui porte le Congo (carte géographique, peuple, espoir, espérance) ».

A chaque fois, Time to planet a retravaillé les éléments critiqués et les a adressés à Mme J.

Le 18 mars 2016, Time to planet lui écrit que le site Paradiziak est en cours de production et lui adresse des documents à valider, en lui proposant une réunion que Celes Infinite acceptera de tenir finalement le 25 mars. Dans un mail du 24 mars, Time to planet a cependant dû relancer Celes Intinite pour avoir le retour des documents à valider ainsi que le nom de prestataires pour le site Paradiziak destiné à l'évènementiel. Time to planet l'a alors également informée de la nécessité de recruter un agent de télévente pour alimenter les bases de données à la suite de la création des sites. Les documents et trois noms de prestataires ne seront adressés que le 4 avril 2016, sans réponse sur l'agent à recruter. Les chartes graphiques du site Paradiziak seront adressées par Time to planet le 19 avril 2016. Le 26 mai 2016, cette dernière relancera encore Celes Infinite en faisant part de ce qu'elle ne reçoit aucune réponse à ses mails ni à ses relances et est « en passe de suspendre tous les chantiers » jusqu'à complet règlement des factures et réponses de la part de Celes Infinite.

L'ensemble de ces éléments fait apparaître que si Time to planet a exécuté ses obligations dans le cadre du contrat, Celes Infinite a tardé à lui répondre, voire a méconnu les sollicitations de la première, pourtant nécessaires à la construction des sites comme prévu au titre de ses obligations contractuelles. La directrice générale de Nawi Groupe explique d'ailleurs dans un mail du 25 mai 2016 à 13h01 qu'elle est « à Kinshasa et » a « des contacts très intéressants en termes de business » en ajoutant : « néanmoins je dois investir en achats en gros de certains articles pour les revendre sur le site, mon business model sera difficilement applicable en l'état pour le continent africain. Africazando nécessite un gros travail de sourcing et la mise en place d'un staff local ». (Pièce 3 appelants). Ces échanges manifestent que Celes Infinite s'est aperçue, lors de la construction de ses sites avec Time to planet, de la charge de travail et de l'ampleur de ce qu'elle devait mettre en place pour les alimenter, retardant d'autant la mise en ligne de ceux-ci. Les échanges de juillet 2016 font quant à eux ressortir des tensions croissantes entre les parties sur les éléments de mise en page des sites, Time to planet devant modifier régulièrement les propositions faites suite aux retours de Celes Inifinite. Enfin, après la mise en ligne de deux des 3 sites, Time to planet a bien alimenté ceux-ci au fur et à mesure des envois de Celes Infinite (mail du 27/09/2016 à 18h54).

Ainsi les griefs élevés par Celes Infinite à l'encontre de Time to planet sont sans fondement et c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la résiliation du contrat par lettre recommandée avec avis de réception du 21 octobre 2016 devait être imputée aux torts exclusifs de Celes Infinite, aucun abus ne pouvant dès lors être relevé à la charge de Time to planet dans la rétention des codes de mise en ligne des sites.

Sur les demandes indemnitaires de Time to planet,

L'inexécution de ses obligations contractuelles par Celes Infinite l'oblige à réparer le préjudice qui en est résulté pour son cocontractant. De ce chef, le tribunal a justement retenu que ce préjudice devait être fixé à 18.000 € HT représentant le prix fixe de la 3e phase destinée au marketing digital et à la gestion des sites, le contrat prévoyant une mission une et indivisible entre les trois phases et le règlement du prix intégral de la mission en cas d'interruption anticipée.

En effet, Time to planet ne peut valablement soutenir que son préjudice s'étend au prix variable prévu pour la direction marketing des sites, le référencement internet, la modification des pages, le recrutement de salariés… etc comme le prévoit le contrat, alors que ces prestations n'ont finalement jamais été réalisées, que Time to planet n'a investi aucune somme dans celles-ci, et que la probabilité de réalisation d'un gain était toute entière dépendante du succès des sites auprès des internautes. Or Time to planet ne produit aucun élément permettant de rapporter cette probabilité et de la calculer. Partant c'est à juste titre que le tribunal a rejeté cette demande.

Quant à la réparation du préjudice au titre de la rupture des relations commerciales établies, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5 du code de commerce dans sa version applicable, antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, il appartient à Time to planet d'établir que la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et qu'elle pouvait ainsi raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

En l'espèce, la cour relève que si plusieurs contrats avaient été conclus entre Time to planet et trois sociétés du groupe Nawi (Ch Besson, Celes Infinitive, et Nawi groupe) en 2014 et 2015, ceux-ci, produits aux débats, ont tous été signés entre juin 2014 et décembre 2015, pour des missions qui représentaient certes un chiffre d'affaires important pour Time to planet (plus de 40 % de son chiffre d'affaires selon elle sur les années 2015 et 2016) mais restaient ponctuelles et sans lien tangible avec les objets des contrats en litige : création de sites internet pour Celes Infinite (contrat litigieux), évaluation du marché de la chaudronnerie et éléments de négociation pour l'achat d'une activité industrielle pour Nawi groupe (pièce 16) et mission de communication pour le même groupe (pièce 18), conseil marketing et commercial (pièce 15) et conseil en communication (pièce 17) pour Ch Besson.

Ainsi le caractère suivi, stable et habituel de la relation commerciale n'est pas établi par Time to planet.

Enfin, s'agissant de la demande d'indemnisation au titre de la déstabilisation et des actes de dénigrement au regard des termes du courriel de Celes Infinite du 1er novembre 2016 invoqués, la cour relève d'une part que le dénigrement s'entendant des allégations qui n'ont pour objet que de mettre en cause la qualité des prestations fournies par une société, dans la mesure où elles émanent d'une société concurrente et sont proférées dans le but manifeste d'en détourner la clientèle, il ne peut être invoqué par Time to planet qui n'est pas concurrente de Celes Infinite ou même le groupe Nawi, le but de détourner la clientèle n'étant pas plus établi. Aucun acte de déstabilisation ou de parasitisme n'est pas ailleurs rapporté. En visant l'atteinte à son honneur et à sa réputation, Time to planet vise en réalité une diffamation, dont le régime juridique, notamment en termes de preuve et de prescription, diffère de celui de la responsabilité civile générale invoquée pour cette indemnisation.

Partant c'est à juste titre que le tribunal a rejeté ses demandes.

Le jugement sera ainsi confirmé dans l'ensemble de ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens,

Le jugement étant confirmé, il convient de le confirmer également en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant de ces chefs en cause d'appel, les appelants comme l'intimée succombant chacun pour partie dans leurs demandes, il y a lieu, en application de l'article 696 du code de procédure civile de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens et partant, en application de l'article 700 du même code, de les débouter chacune de leur demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant en cause d'appel :

LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.