Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 26 janvier 2011, n° 09/15581

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Pihnas

Défendeur :

M. Gustin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Bartholin

Conseillers :

Mme Imbaud-Content, Mme Blum

Avoués :

SCP Guizard, SCP Lamarche-Bequet- Regnier-Aubert - Regnier - Moisan

Avocats :

Me Mofroisse , Me Lesage

TGI de Paris, du 28 mai 2009, n° 08/1148…

28 mai 2009

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Chalom Pinhas a donné à bail à Monsieur Jean Pierre Gustin des locaux commerciaux d'une superficie de 55 m² environ dépendant d'un immeuble situé [...] pour une durée de neuf années commençant à courir le 1° janvier 1999 pour y exercer les activités de reprographie, imprimerie, papeterie .

Par courrier du 31 décembre 2004, Monsieur Chalom Pinhas a indiqué qu'il entendait réviser le loyer selon les variations de l'indice insee du coût de la construction afin de le porter au 1° janvier 2005 à la somme de 2 282, 50 euros , ce qu'a accepté Monsieur Gustin .

Par acte extra judiciaire du 13 juillet 2007, Monsieur Gustin a sollicité le renouvellement du bail et par courrier recommandé avec ar du 27 août 2007, Monsieur Pinhas a indiqué accepter le renouvellement, demandant à voir fixer le loyer à la somme de mensuelle de 2 735 euros

Par courrier du 10 octobre 2007, adressé en recommandé, il a indiqué qu'à défaut de réponse à son offre, il entendait donner congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer mensuel de 5000 euros ;

Monsieur Gustin y répondait en proposant un loyer de 700 euros par mois ;

Par lettre recommandée du 24 janvier 2008, intitulée sommation avec mise en demeure, visant la clause résolutoire, Monsieur Pinhas reprochait à Monsieur Gustin d'exercer des activités non autorisées de vente et réparation de matériel informatique, de sous louer les locaux à Monsieur di Rocco et de sous louer un espace pour appareil photo instantané et lui donnait un mois pour faire cesser les infractions aux clauses du bail .

La commission de conciliation des baux commerciaux saisie entre temps par Monsieur Gustin le 13 février 2008, dressait procès- verbal le 31 mars 2008 au terme duquel les parties convenaient de renouveler le bail moyennant un loyer de 16 000 euros par an à compter du 1° janvier 2008 ;

Par acte extra judiciaire du 9 avril 2008, Monsieur Pinhas a fait délivrer commandement à Monsieur Gustin avec visa de la clause résolutoire de ne pas exploiter d'autres activités que celles spécifiées au bail comme l'informatique, la vente et la réparation de matériel informatique, l'assemblage et ne pas sous louer les locaux .

Par acte extra judiciaire du 22 mai 2008, Monsieur Gustin a demandé à s'adjoindre les activités connexes et complémentaires de vente de produits et de matériels informatiques, demande à laquelle Monsieur Pinhas s'est opposé au motif que ces activités ne sont ni connexes ni complémentaires .

Monsieur Pinhas invoquant que Monsieur Gustin n'a pas déféré au commandement ainsi qu'il résulte d'un procès- verbal de constat d'huissier du 23 mai 2008, a saisi le tribunal de grande instance de PARIS d'une demande en résiliation du bail , Monsieur Gustin demandant reconventionnellement l'autorisation d'adjoindre les activités connexes et complémentaires sus visées ;

Par jugement du 28 mai 2009, le tribunal de grande instance de Paris a ;

- dit que le commandement du 9 avril 2008 a été délivré en l'absence de bonne foi et que ce commandement est sans effet sur la clause résolutoire,

- débouté monsieur Pinhas de sa demande de résiliation de plein droit du bail commercial et de ses demandes subséquentes,

- condamné Monsieur Pinhas à payer une somme de 1000 euros à titre de dommages intérêts à Monsieur Gustin en réparation de son préjudice du fait de la délivrance du commandement en l'absence de bonne foi,

- autorisé Monsieur Gustin à adjoindre aux activités autorisées la vente de produits informatiques consommables et de supports destinés à recevoir des données informatique,

- condamné Monsieur Pinahas à payer à Monsieur Gustin la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens ;

Monsieur Pinhas a interjeté appel de cette décision ;

Il demande à la cour de le recevoir en son appel, d'infirmer le jugement entrepris de valider le commandement délivré le 9 avril 2008 qui contenait rappel de la clause résolutoire et de constater la résiliation du bail acquise de plein droit au 9 mai 2008, de constater que Monsieur Gustin est occupant sans droit ni titre depuis cette date,

A titre subsidiaire, et si la cour devait écarter le commandement du 8 avril 2008, il demande de prononcer le résiliation du bail et d'ordonner l'expulsion de monsieur Gustin au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de le condamner à lui verser une indemnité d'occupation égale au loyer majoré de 20 % soit la somme mensuelle de 1600 euros jusqu'à la libération des lieux,

Il soutient qu'il n' a aucunement renoncé à se prévaloir des manquements du locataire aux clauses du bail, invoque notamment au soutien de son appel les constatations contenues dans le procès -verbal d'huissier établi à sa demande le 25 août 2009 dont il résulte selon lui que Monsieur Gustin continue à offrir à la vente des produits destinés à l'assemblage informatique et que ne constitue pas des consommables ; il produit également des extraits kbis qui confirment selon lui que Monsieur Gustin, en infraction avec la clause destination du bail, propose à la vente du matériel informatique ;

A titre infiniment subsidiaire, et si la cour devait confirmer le jugement entrepris, il demande de confirmer le jugement déféré du chef de la demande de déspecialisation tendant à la vente de produits autres que des consommables informatiques en le précisant de manière expresse dans le dispositif et de débouter Monsieur Gustin de sa demande en dommages- intérêts pour procédure abusive, de le débouter également de sa demande au visa de l'article L. 145-41 du code de commerce et de le condamner aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de Me Guizard avoué ;

Monsieur Gustin soutient qu'il a déféré au commandement et que les procès -verbaux d'huissier ne sont pas probants, que celui du 25 août 2009 est postérieur au jugement l'ayant autorisé à vendre des consommables informatiques et que ses constatations concernant la présence de boites d'ordinateurs ne sauraient faire la preuve de ce qu'il s'est livré à une vente de matériels informatiques ; que les infractions reprochées dans le commandement sont identiques à celles rappelées dans une lettre précédente adressée par le bailleur en recommandé et, alors que Monsieur Gustin affirme avoir déféré aux injonctions contenues dans cette lettre, que le bailleur a accepté le renouvellement du bail et donc renoncé à se prévaloir des manquements précédemment allégués .

Il demande en conséquence à la cour de dire et juger Monsieur Pinhas mal fondé en son appel et de l'en débouter, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur Pinhas de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire, et l'a autorisé à adjoindre aux activités contractuelles celles de la vente de produits informatiques consommables et de supports destinés à recevoir des données informatiques,

Il demande de dire irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile et subsidiairement mal fondé Monsieur Pinhas en sa demande de résiliation du bail,

Il sollicite également de pouvoir adjoindre aux activités contractuelles et autorisées par le premier juge celles de vente de moyens d'impression tels qu'imprimantes et scanners ainsi que d' ordinateurs,

Il demande condamnation de Monsieur Pinhas à lui payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice et en raison de la procédure abusive diligentée par Monsieur Pinhas,

Subsidiairement, il demande sur le fondement de l'article L 145-41 du code de commerce que lui soit accordé de larges délais pour se mettre en conformité avec la destination contractuelle des lieux ,

En tout état de cause, il demande condamnation de Monsieur Pinhas à lui payer une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ces derniers au profit de la scp Regnier Bequet Moisan avoués .

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures signifiées le 10 novembre 2010 pour Monsieur Pinhas et le 4 novembre 2010 pour Monsieur Gustin , leurs moyens seront examinés au cours de la discussion .

SUR CE,

Sur la demande en constatation de la résiliation du bail :

Monsieur Gustin fait valoir que les infractions reprochées dans le commandement de payer délivré le 8 avril 2008 sont identiques à celles rappelées dans une lettre précédente adressée par le bailleur en recommandé le 24 janvier 2008 ; il fait valoir avoir déféré aux injonctions contenues dans cette lettre, ainsi qu'il l'a écrit dans un courrier au bailleur le 25 février 2008 pour l'informer que Monsieur di Rocco était en réalité son salarié, que la location d'espace pour une cabine photo à l'extérieur du magasin avait cessé et que la vente de certains produits informatiques avait elle même cessé, les panneaux de la boutique en façade ayant été modifiés ; il soutient que le bailleur ayant accepté le renouvellement du bail le 31 mars 2008 a d'ailleurs renoncé à se prévaloir des manquements précédemment allégués .

Monsieur Pinhas avait adressé une lettre recommandée à son locataire le 24 janvier 2008, lui reprochant d'exploiter dans les lieux loués d'autres activités (informatique, vente et matériel assemblage ) que celles mentionnées au bail ( photocopie, reprographie, imprimerie ) , de sous louer les locaux à Monsieur di Rocco et de sous louer un emplacement pour l'installation d'un appareil de photos instantanée ;

Postérieurement , suivant procès- verbal de la commission de conciliation des baux commerciaux du 31 mars 2008, les parties au bail ont convenu de renouveler le bail à compter du 1° janvier 2008.

Par exploit d'huissier du 8avril 2008, Monsieur Pinhas a adressé à Monsieur Gustin un commandement de payer lui faisant injonction de voir cesser les infractions aux clauses du bail reproduites suivant les mêmes termes que ceux contenus dans son courrier en date du 24 janvier 2008 ;

Le renoncement d'une partie à un droit ne se présume pas et ne peut résulter du seul accord donné par le bailleur au renouvellement du bail alors que celui-ci fait valoir que les infractions reprochées à son locataire se sont poursuivies au-delà de la constatation de l' accord donné au renouvellement ;

Il s'ensuit que Monsieur Pinhas était parfaitement recevable à délivrer commandement en date du 8 avril 2008 et à demander le constat de l'acquisition de la clause résolutoire rappelée dans ce commandement, délivré sans mauvaise foi de sa part.

Le procès- verbal dressé le 28 mars 2008 à la diligence de Monsieur Pinhas faisait en effet apparaître, selon les constatations de l'huissier, photographies à l'appui, que Monsieur Gustin offrait à la vente en vitrine du magasin : des claviers d'ordinateurs, des enceintes d'ordinateurs, des disques durs externes, un joystick, et que sur la boîte aux lettres correspondant au local commercial, est inscrit 'Di Rocco emediastore informatique ;

Du procès -verbal dressé le 23 mai 2008, il résulte que la vitrine est couverte d'affichettes proposant à la vente ' tout pour le bureau et tous les consommables informatiques', que l'huissier n'a procédé à aucune autre constatation concernant la présence de matériel informatique proprement dit tel que celui figurant dans la vitrine lors de son précédent constat ;

Il s'ensuit et alors que le premier juge a justement estimé que la vente de consommables informatiques et de supports destinés à recevoir des données informatiques constituent des activités connexes et complémentaires à celles de photocopie, reprographie, imprimerie prévues au bail et autorisé en conséquence le locataire à les pratiquer dans les lieux loués , les seules constatations de l'huissier le 23 mai 2008 ne permettent pas de retenir que, au delà du délai d'un mois à compter du commandement, Monsieur Gustin a continué à se livrer à la vente de matériels informatiques pouvant être destinés à l'assemblage d'ordinateurs qui lui était notamment reprochée dans le commandement, aucune indication de la présence d'une personne tiers se livrant à une activité commerciale dans les lieux dont le nom figurait sur la boîte aux lettres n'étant mentionnée par l'huissier .

Il s'ensuit que la clause résolutoire contenue dans le bail et rappelée dans le commandement de payer ne peut trouver à s'appliquer .

Sur la demande en résiliation du bail :

Monsieur Gustin fait valoir qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel et comme telle irrecevable ;

Or la demande en prononcé de la résiliation du bail tend aux mêmes fins que celle en constat de l'acquisition de la résiliation de sorte qu'elle est parfaitement recevable en appel. Monsieur Pinhas avait du reste improprement saisi le tribunal d'une demande en prononcé de la résiliation, demande justement requalifiée par les premiers juges de demande en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire .

Monsieur Pinhas a fait diligenter un procès -verbal de constat d'huissier le 25 août 2009 dont il résulte que l'huissier a été reçu dans les lieux par Monsieur Di Rocco employé indiquant qu'il ne vend pas d'ordinateurs et que les cartons extérieurs sont les emballages de boitiers d'ordinateurs qui sont dans le magasin , qu'il ne vend pas de pièces détachées, qu'il ne procède ni à la réparation ni au dépannage d'ordinateurs, qu'il ne vend que des produits informatiques consommables et supports destinés à recevoir des données informatiques, ce qui a été autorisé par le jugement du 28 mai 2009 ,

Or en dépit de l'imprécision de certains termes utilisés par l'huissier, la présence dans les locaux en quantités significatives de :

- boitiers métalliques dont certains sur la photographie jointe au constat comporte un film plastique de protection et un prix,

- cartes,

- claviers,

- disques durs,

- ventilateurs ,

- lecteurs de cartes,

tous éléments dont la seule finalité est de constituer l'unité centrale d'ordinateurs, suffit à établir que Monsieur Gustin se livre dans les lieux loués à la vente de pièces détachées de matériel informatique servant à l'assemblage d'ordinateurs ;

Ces constatations sont du reste corroborées par les indications figurant sur l'extrait Kbis de Monsieur Gustin qui à la date du 16 octobre 2009 comporte comme activité commerciale, outre celle de photocopies, livres, papeterie, fournitures de bureau, journaux conforme à la destination du bail celle de vente de pièces détachées informatique, vente de produits multimédias sur mesure, assemblage pc activité qui est précisément celle qui lui est reprochée d'exercer en contravention du bail .

Le bail prévoit en effet que la destination est celle de reprographie, imprimerie, papeterie,

Les matériels énumérés au constat et qui ne peuvent avoir d'autre finalité que celle de servir au montage d'ordinateurs ne peuvent recevoir la qualification d'activités connexes et complémentaires que Monsieur Gustin a été autorisé à pratiquer comme celle de vente de consommables informatiques et/ou de sauvegarde des données informatiques .

Ces matériels représentent, selon les constations de l'huissier, 2/5 ° du magasin , ce qui est significatif de l'importance de leur vente ;

Il s'ensuit que Monsieur Gustin a, nonobstant les termes clairs de la lettre du 24 janvier, le commandement du 8 avril 2008, puis le jugement déféré commis une infraction caractérisée par rapport à la destination du bail en vendant des pièces détachées de matériel informatique servant à l'assemblage d'ordinateurs dans des proportions telles qu'elles excluent la bonne foi d'autant que l'extrait Kbis comporte l'indication de cette activité .

Il s'ensuit que la demande de résiliation du bail est fondée et qu'il n'y pas lieu d'accorder à Monsieur Gustin de délai pour se mettre en conformité avec la clause destination du bail .

Sur les autres demandes :

La demande de Monsieur Gustin tendant à être autorisé à pratiquer dans les lieux loués une activité de vente de matériels d'impression - imprimantes et scanners- et d'ordinateurs devient sans objet du fait de la résiliation ;

Il y a lieu d'ordonner l'expulsion de Monsieur Gustin des lieux loués et celle de tout occupant de son chef et de prévoir qu'il paiera à titre d'indemnité d'occupation, à compter de la résiliation et jusqu'à la parfaite libération des lieux, une somme équivalente au montant du loyer et des charges majoré de 10 % .

Succombant en ses demandes principales en appel , Monsieur Gustin sera débouté de sa demande en dommages- intérêts et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel,

Les dépens de première instance resteront supportés par Monsieur Pinhas qui a succombé en sa demande en constatation de la clause résolutoire .

Ceux d'appel seront à la charge de Monsieur Gustin .

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur Pinhas de résiliation de plein droit du bail et de ses demandes subséquentes, autorisé Monsieur Gustin à adjoindre aux activités autorisées au bail celle de vente de produits informatiques consommables et de supports informatiques destinés à recevoir des données informatiques et a mis les dépens de première instance à la charge de Monsieur Pinhas .

Le réformant en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que Monsieur Pinhas était recevable à faire délivrer à Monsieur Gustin un commandement le 8 avril 2008 et solliciter le constat de l'acquisition de la clause résolutoire et que ce commandement a été délivré sans mauvaise foi sa part ,

Recevant Monsieur Pinhas en sa demande en résiliation du bail,

Prononce la résiliation du bail liant les parties portant sur les locaux situés [...],

Déboute Monsieur Gustin de sa demande de délai,

Ordonne l'expulsion de Monsieur Gustin des lieux loués et celle de tout occupant de son chef au besoin avec le concours de la force publique et sous astreinte de 80 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt ,

Dit que Monsieur Gustin paiera à titre d'indemnité d'occupation à compter de la résiliation et jusqu'à la parfaite libération des lieux une somme équivalente au loyer et charges majorée de 10 % .

Déboute Monsieur Gustin de ses demandes en dommages -intérêts et fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur Gustin aux dépens d'appel avec droit de recouvrement au profit de Me Guizard avoué.