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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 30 octobre 2008, n° 08/05178

VERSAILLES

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

le Directeur des Services Fiscaux des Hauts de Seine Nord

Défendeur :

Compagnie Financière Européenne de Literie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wallon

Conseillers :

Mme Liauzun, Mme Lambling

Avocats :

SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod , SCP Bommart Minault

TGI de Nanterre, du 25 oct. 2007, n° 07/…

25 octobre 2007

Par convention signée à SARAGOSSE (Espagne) le 9 mars 2005, la société anonyme de droit belge RECTICEL et la société par actions simplifiée RECTICEL, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de NANTERRE, ont cédé au prix de deux millions d'euros à la société anonyme COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE (COFEL SA), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS, les marques internationales BULTEX enregistrées en Espagne, au Maroc et au Portugal ainsi que les marques internationales LITERIE BULTEX enregistrées en Espagne et au Maroc.

Cette convention a été enregistrée le 27 avril 2005 à la recette des impôts de CLICHY et a

donné lieu à paiement d'un droit fixe de 75 € .

Par proposition de rectification du 20 octobre 2005, l'administration fiscale a considéré que cette cession devait s'analyser comme une cession de clientèle et soumise au droit d'enregistrement proportionnel en application des dispositions de l'article 719 du code général des impôts en relevant qu'elle est régie par la loi française aux termes de son article 7 et que la cession par acte passé à l'étranger d'une marque de fabrique exploitée donne lieu à imposition de la clientèle qui y est attachée si la marque est elle-même soumise au droit français.

Le rappel de droits mis à la charge du contribuable s'est élevé, déduction faite du droit fixe acquitté, à la somme de 94 821 € .

Après observations de la société COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE du 14 novembre 2005, l'administration fiscale a maintenu sa position par courrier du 23 février 2006, estimant que la marque BULTEX est une marque française à laquelle les licences d'exploitation à l'étranger ne confèrent pas le statut de marque étrangère.

Un avis de recouvrement portant sur la somme de 94 821 € a été adressé à la société COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE le 24 avril 2006 qui, après s' en être acquittée, a sollicité le 5 juin 2006, la décharge de cette imposition.

Sa demande a été rejetée par l'administration fiscale le 1er décembre 2006 et suivant acte d'huissier du 19 janvier 2007, la société COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE a saisi le tribunal de grande instance de NANTERRE.

Par jugement du 25 octobre 2007, ce tribunal a :

- dit la société COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE recevable et bien fondée en sa réclamation,

- annulé l'avis de mise en recouvrement en date du 26 avril 2006 portant la référence 9210201 202278 10/04/2006 00053,

- ordonné, en conséquence, le remboursement à la société COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE de la somme de 94 821 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2006 par application de l'article L 208 du code de procédure fiscale,

- condamné la Direction générale des impôts à payer à la société COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE la somme de 1 500 € en application de larticle 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Appelant, le Directeur des services fiscaux des Hauts de Seine Nord demande à la cour, dans ses dernières conclusions du 5 février 2008 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, d'infirmer cette décision, de débouter la société COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE de toutes ses demandes et de la condamner aux dépens.

Il soutient, en substance, que si la Cour de Cassation estime que l'article 719 du code général des impôts n'autorise pas l'imposition d'une marque prise isolément, elle juge en revanche que dès lors que la marque fait l'objet d'une exploitation, sa cession supporte nécessairement le droit de mutation applicable aux cessions de clientèle, la clientèle attachée à une marque de fabrique ou de commerce exploitée constituant un droit mobilier cessible indépendamment de celle du fonds de commerce.

Il ajoute que la marque BULTEX est d'origine française, enregistrée en tant que telle auprès de l'INPI et qu'initialement exploitée en France, sa notoriété et la clientèle qui y est attachée ont justifié sa protection internationale par son immatriculation à l'OMPI

Il fait état de ce que la Cour de Cassation, dans un arrêt Boursault du 23 octobre 2007, a jugé que la cession d'une marque bénéficiant d'une renommée et d'une notoriété certaine et de ce fait, d'une clientèle propre qui lui est attachée, devait être soumise au droit de mutation de l'article 719 du code général des impôts.

La société COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE, dans ses dernières écritures du 18 avril 2008 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conclut au débouté, à la confirmation du jugement entrepris et à l'allocation de la somme de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle relève, en substance, que la cession a été conclue à l'étranger et qu'en conséquence, l'application des droits d'enregistrement proportionnels français fondée sur le critère de territorialité n'est pas applicable, que les marques cédées ne sont pas des marques françaises mais étrangères puisque la marque enregistrée auprès de l'INPI, office français, ne fait pas partie de la cession et que l'arrêt de la Cour de Cassation du 23 octobre 2007 n'a aucun rapport avec le présent lige, la cession en cause remplissant les deux conditions retenues pour l'application de l'article 719 du code général des impôts soit un acte conclu en France et portant sur une marque française, en l'espèce la marque Boursault.

La clôture de la procédure a été prononcée le 18 septembre 2008.

MOTIFS

L'article 719 du code général des impôts énonce que Les mutations de propriété à titre onéreux de fonds de commerce ou de clientèles sont soumises à un droit d'enregistrement dont les taux sont fixés à ....'.

Aucun texte ne prévoit la taxation des cessions de marques mais les cessions de clientèles attachées à une marque entrent, en tant que telles, dans les prévisions de l'article 719 du code général des impôts.

Toutefois, en vertu du principe de la territorialité de l'impôt, la cession, par acte passé à l'étranger, d'une marque exploitée ne donne lieu à imposition de la clientèle qui y est attachée que si la marque est elle-même soumise au droit français.

L'administration fiscale soutient que la convention de cession en cause atteste , dans son article 7, que la marque BULTEX est soumise au droit français et que les licences d'exploitation à l'étranger ne sauraient lui conférer un statut étranger.

Cependant, l'article 7 de cette convention stipule exclusivement que la présente convention est régie par la loi française' et il s'agit donc du droit du contrat, sans incidence sur la nationalité des marques cédées.

Outre le fait que la cession de marques a été opérée à SARAGOSSE, l'imposition litigieuse porte sur la mutation de clientèles attachées :

- à la partie espagnole et portugaise de la marque internationale BULTEX n° 619 034 déposée le 15 avril 1994 sous priorité de la marque Bénelux n° 538 804 du 15 octobre 1993, pour les produits de la classe internationale 20 précisément déterminés,

- à la partie espagnole et portugaise de la marque internationale BULTEX n° 2R181 519 déposée la première fois au Bénélux le 8 mai 1954 , renouvelée en dernier lieu le 18 décembre 1994 pour les produits de la classe internationale 20 précisément déterminés,

- à la partie espagnole, portugaise et marocaine de la marque internationale logotype n° 637 530 déposée le 17 mai 1995 sous priorité de la marque Bénélux n° 562.762 du 29 décembre pour les produits de la classe internationale 20 précisément déterminés,

- à la partie espagnole de la marque internationale LITERIE BULTEX n° 623 847 déposée le 9 septembre 1994 sous priorité de la marque France n° 94/515 755 du 15 avril 1994 pour les produits de la classe internationale 20 précisément déterminés,

- à la marque marocaine LITERIE BULTEX n° 54737 déposée le 14 septembre 1994 sous priorité de la marque France n° 94/515755 du 15 septembre 1994 pour les produits de la classe internationale 20 précisément déterminés.

Les trois premières marques internationales BULTEX ont été déposées sous priorité BENELUX et ne présentent donc aucun lien avec la France.

Quant à la marque internationale LITERIE BULTEX et à la marque marocaine LITERIE BULTEX, le fait qu'elles aient été inscrites sur le registre international des marques par le bureau international de l'OMPI sous priorité française n'implique pas, comme le soutient l'administration fiscale, que leur cession porte sur des droits français , leur numéro d'enregistrement distinct de celui de la marque nationale d'origine leur conférant bien au contraire une identité propre.

Il s'ensuit que le Directeur des services fiscaux des Hauts de Seine Nord doit être débouté de son appel et le jugement entrepris confirmé.

L'équité appelle d'allouer à la société COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE la somme complémentaire de 2 000 € afin de compenser les frais hors dépens qu'elle a été tenue d'exposer en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

DÉBOUTE le Directeur des services fiscaux des Hauts de Seine Nord de son appel,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE le Directeur des services fiscaux des Hauts de Seine Nord à payer à la société COMPAGNIE FINANCIERE EUROPEENNE DE LITERIE la somme complémentaire de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le Directeur des services fiscaux des Hauts de Seine Nord aux dépens d'appel, la SCP BOMMART MINAULT, avoué, pouvant les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.