Cass. com., 26 mars 2002, n° 99-13.338
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Garnier
Avocat :
Me Choucroy
Avocat général :
M. Lafortune
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 20 janvier 1999), que M. Silberstein, créateur d'un modèle de montre déposé le 23 septembre 1985, puis redéposé le 16 juillet 1987 et enregistré sous le n° 874 792, a constitué avec M. Mareschal la société M et S en vue de la diffusion de ce modèle ; que, par arrêt du 13 septembre 1989, devenu irrévocable, la cour d'appel a déclaré nul le dépôt du modèle effectué par M. Mareschal en sa qualité de gérant de la société M et S ; qu'ayant constaté que la société Temps et passion (T et P), venant aux droits de la société M et S, avait commercialisé entre 1989 et 1991, sous la dénomination "Taboo-Taboo", des montres reproduisant les caractéristiques essentielles de son modèle, M. Silberstein a poursuivi judiciairement cette société, M. Barthélémy, associé gérant de la société, et M. Mareschal, associé, en réparation du préjudice subi ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que M. Silberstein fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son action en contrefaçon de modèle formée contre MM. Mareschal et Barthélémy, alors, selon le moyen :
1) qu'il y a participation personnelle d'un associé à la contrefaçon portant sur les produits fabriqués et commercialisés par la société lorsque cet associé a fait apport à la société d'un modèle déposé déjà contrefaisant, continuant néanmoins à être utilisé après coup malgré cette contrefaçon ; qu'en l'espèce, les décisions de justice de 1987 et 1989 qui ne se limitaient pas à sanctionner la contrefaçon de la marque Klok mais s'étendaient à celle du modèle Silberstein déposé le 13 juin 1985 et régularisé le 16 juillet 1987, faisaient déjà preuve d'une participation personnelle de M. Mareschal à la contrefaçon du modèle par l'apport qu'il avait fait à la société MS, devenue la société T et P, du modèle contrefaisant, par lui apporté à cette société ayant continué à l'utiliser malgré contrefaçon ; que l'arrêt a donc violé les articles L.. 111-1, L. 335-2, L. 335-3, L. 511-1, L. 521-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle et l'article 1351 du Code civil ;
2) que l'arrêt ne pouvait non plus écarter, au prétexte de complaisance, la procédure antérieure, objet d'une décision de référé du 29 janvier 1987, où le conseil de MM. Mareschal et Barthélémy les déclaraient titulaires de droits privatifs de propriété à l'égard du même modèle de montre, ce qui renforçait le grief de participation personnelle de ces personnes à la contrefaçon ; que l'arrêt a donc encore violé les mêmes textes ;
3) que l'arrêt ne pouvait non plus écarter les articles de presse retenus par les premiers juges, dans la mesure où il ressortait clairement que MM. Mareschal et Barthélémy continuaient à s'approprier personnellement la création de "la fameuse montre ronde au remontoir au look décalé" et dont "le look décalé" constituait la promotion publicitaire à laquelle ils avaient directement participé au point que la publicité portait expressément "design : JC Mareschal" ; que l'arrêt ne pouvait écarter ces documents sous peine de violer les mêmes textes légaux ;
4) qu'en tout état de cause, en leurs qualités de seuls associés de la société T et P gérée par l'un des deux associés, MM. Mareschal et Barthélémy engageaient personnellement leur responsabilité dans le cadre de la contrefaçon du modèle en litige, cette société n'ayant pu fonctionner sans leur participation active à la divulgation des articles contrefaisants qu'ils prétendaient couverts par de soi-disant droits privatifs ; que l'arrêt a donc encore violé les mêmes textes du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que les montres litigieuses avaient été fabriquées et commercialisées par la société T et P, société ayant une personnalité juridique distincte de celle de ses associés et dirigeant, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que ceux-ci ne pouvaient être poursuivis à titre personnel que s'il était démontré qu'ils avaient commis des actes de contrefaçon détachables de leurs fonctions ou à titre personnel, et que la faute personnelle qui leur était imputée ne pouvait résulter d'une condamnation antérieure pour contrefaçon de marque et de modèle ;
Attendu, en second lieu, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a écarté comme inopérants des documents produits au cours d'une instance antérieure à la décision de la cour d'appel ayant statué sur la propriété du modèle ainsi que des articles de presse ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Silberstein reproche encore à l'arrêt d'avoir déclaré non fondée son action en contrefaçon de modèle dirigée contre MM. Mareschal et Barthélémy, alors, selon le moyen :
1) qu'outre que la caractéristique essentielle d'un modèle de montre bracelet réside dans son boîtier et le fait que l'arrêt définitif de la cour de Besançon rendu en 1989 avait précisé que le modèle qu'il avait créé et déposé en 1985 portait essentiellement sur un boîtier de forme ronde avec remontoir en boule et décalé, l'arrêt actuel ne pouvait certainement pas limiter l'originalité du modèle redéposé le 16 juillet 1987 à la seule combinaison du boîtier et du bracelet sans prendre en compte que cette originalité et nouveauté portait également sur la caractéristique essentielle d'un boîtier rond avec remontoir en boule décalé ; que l'arrêt a donc violé les articles L. 111-1 et L. 511-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ;
2) qu'eu égard à la publicité des montres Taboo-Taboo axée sur la boule décalée d'une montre ronde au remontoir en boule décalé, l'arrêt aurait dû caractériser la contrefaçon du modèle redéposé en 1987, eu égard au fait constant que les produits argués de contrefaçon reproduisaient une caractéristique essentielle de ce modèle ; que l'arrêt a donc violé les articles L. 521-2 , L. 351-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, dès lors que le premier moyen est rejeté, le second moyen, qui critique des motifs surabondants de l'arrêt, est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Silberstein aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Silberstein à payer à M. Mareschal la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille deux.